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V’IVA les mobilités à l’heure de l’IA !

Le 24 avril 2019

Suite de nos échos à l’édition 2019 de DigiHall Day, qui s’est tenue le 28 mars de cette année, à travers le témoignage de Fabien Tschirhart, un ingénieur de recherche à l’IRT SystemX, qui y présentait IVA, une solution qui apprend de nos déplacements pour mieux nous accompagner dans nos choix, en temps réel.

– Si vous deviez pour commencer par pitcher IVA ?

IVA est un projet relatif à l’information voyageurs augmentée. Son premier objectif est de mieux comprendre le comportement de l’usager des moyens de transport au regard de l’information qui lui est dispensée, la manière dont il ajuste ses choix de modes de déplacement, en fonction des données dont il dispose sur l’état du trafic, que ce soit sous forme audio, visuelle ou encore sur son smartphone via les réseaux sociaux.

– Avec quel objectif en termes d’applications ?

Nous pouvons envisager deux catégories d’applications. Une première, en direction des opérateurs de mobilité consistant à leur permettre de mieux comprendre et anticiper l’état de leurs réseaux de transports. La seconde catégorie d’application s’adresse aux voyageurs. Elle inclut les informations ciblées, personnalisées, prédictives, à haute valeur ajoutée en fonction de la situation ou à ses habitudes.

Icono Fabien Tschirhart Screen– Allez-vous jusqu’à prendre en considération les situations de handicaps auxquelles ce voyageur peut se heurter, parce que handicapé moteur ou encore illettré ?

Nous n’avons pas choisi à ce stade d’adresser les cas de l’illettré ou de l’étranger ne parvenant pas à déchiffrer les informations audio ou écrites, mais parmi nos cas d’usage figure bien le passager à mobilité réduite, auquel on ne peut se borner à indiquer les horaires de passage (du train, du métro…). Il faut s’assurer que le trajet proposé ne soit pas une course d’obstacles pour lui : sans escalier, donc, ni de trop longues distances à parcourir à pied, etc. Un trajet qui lui assure aussi une place assise. Dans tous les cas de figure, il s’agit d’accompagner l’usager en l’aidant à faire face au moindre aléa.

– « Accompagner » dites-vous. Dans la présentation que vous avez faite de votre projet, vous êtes allé jusqu’à parler d’IVA comme d’un « compagnon » avec l’idée, donc, d’aller au-delà de la seule information, de procurer la sensation d’être accompagné par quelqu’un, qui connaitrait nos habitudes tout en apprenant de nos pratiques…

Oui, et vous pointez l’une des spécificités du projet IVA, qui est de proposer des solutions apprenantes : au fur et à mesure des interactions avec son utilisateur, IVA apprend ses habitudes, relève les choix qu’il a tendance à faire dans certaines circonstances, à suivre ses recommandations ou pas… Le compagnon sera capable d’identifier les patterns récurrents de l’utilisateur et de les croiser avec des données en temps réel ou prédictives : un embouteillage, une manifestation, une station de métro fermée,…

– A vous entendre, IVA est une façon de prendre acte du fait que le voyageur est lui même susceptible d’introduire des modifications dans son parcours, sans chercher forcément le trajet le plus court ou optimal en termes de durée ou de coût. Que bien d’autres variables, y compris son humeur, interviennent dans ses choix…

Oui. De là l’intérêt de lui proposer plusieurs alternatives. Quand bien même l’usager ferait un choix moins prévisible au regard de ses habitudes ou de l’optimisation du trajet en termes de temps ou de coût, IVA n’en apprendra pas moins, en intégrant d’autres variables comme, par exemple, la préférence accordée au confort plutôt qu’à la rapidité.

– Somme toute, évitez-vous l’écueil inhérent au traitement algorithmique de données, en l’occurrence proposer des trajets sur la base d’expériences ayant nécessairement eu lieu par le passé (parce que les seules pour lesquelles on dispose justement de données) ? Avec donc le risque de ne laisse aucune place à….

… l’innovation ?

– Je dirais plutôt la sérendipité…

Ah, oui, bien sûr, la sérendipité ! La question mérite d’être effectivement posée. Comment y répondre maintenant… [il réfléchit].

– … en rappelant la possibilité de se déconnecter d’IVA ?

Ce serait effectivement une solution. Disons que les alternatives ne sont que des suggestions, le voyageur restant libre de les suivre ou pas. Encore une fois, IVA n’en continuera pas moins à apprendre sur le profil de son utilisateur. J’ajoute qu’IVA apprend aussi des choses que le voyageur ignore, mais qu’il peut avoir intérêt à connaître : la mise en service de nouveaux moyens de mobilité, plus dynamiques, qui peuvent lui ouvrir de nouvelles possibilité au plan modal.

– Quelles ont été les compétences requises pour parvenir à concevoir IVA ?

Pour ma part, je suis spécialiste de modélisation comportementale. Je travaille avec un ingénieur spécialiste de l’IA, Edouard Emberger, en charge de mettre au point le moteur de règles à même de formuler des propositions de trajets, et un data scientist, Ahmed Amrani, car IVA suppose la mobilisation d’une masse de données, qu’ils faut savoir traiter, consolider, en identifiant les informations les plus utiles, sur l’état du trafic, l’affluence dans une station, la configuration du cheminement – avec ou sans escaliers, ou escalators… – etc.

– Est-ce à dire que les verrous à l’accès aux données ont été levés ? On connaît les réticences d’opérateurs de transport à céder les leurs…

Le contexte réglementaire et idéologique a évolué – je pense ici à l’open-data – et nous en bénéficions. Nous avons désormais accès à de nombreux jeux de données de qualité. IVA est un projet de R&D collaboratif et nous avons la chance de travailler en partenariat avec Ile-de-France Mobilités et la SNCF. Nous travaillons également avec Kisio Digital, fournisseur de services de mobilité, et SpirOps, société spécialisée dans l’IA. Pour être complet, précisons que, sur le volet recherche, le projet est porté conjointement par l’IRT SystemX et l’IFSTTAR.

– Et l’écosystème de Paris-Saclay, dans quelle mesure est-il particulièrement favorable à ce projet ? IVA aurait-il pu voir le jour ailleurs ?

L’écosystème de Paris-Saclay présente plusieurs avantages notamment à travers la richesse des compétences, qui y sont concentrées, et la grande proximité entre acteurs de la R&D. De nombreux chercheurs des écoles ou organismes de recherche ont d’ailleurs pris l’habitude de venir nous voir et de travailler avec nous. Nos échanges s’en trouvent d’autant plus facilités. Etre regroupés dans ce cluster constitue un véritable catalyseur à l’émergence de projets et à leur mise en application.

– Drôle de paradoxe quand on y songe : même à l’heure du numérique, la proximité géographique peut être un atout dans la poursuite de projets à haute valeur ajoutée technologique…

Rien que de plus naturel car, au final, le numérique n’en reste pas moins une affaire d’hommes et de femmes, qui ont besoin d’interagir, parfois à distance, parfois dans une plus grande proximité. L’effet cafétéria qu’on invoque si souvent pour rendre compte de la manière dont la recherche ou l’innovation se fait se vérifie encore : en croisant des collègues, en échangeant de manière informelle avec eux autour d’un café, on peut glaner de précieuses informations sur tel ou tel projet qui se monte, tel ou tel collègue qui poursuit des recherches dans un domaine qui concerne directement ses problématiques comme, par exemple, l’anonymisation des données. Un simple échange d’email ou de portable et le contact est établi pour reprendre la discussion plus tard.

– Paris-Saclay, ce sont aussi des événements au cours desquels on peut interagir de manière tout aussi informelle, à l’image de DigiHall Day durant lequel se déroule l’entretien. En quoi était-ce important pour vous d’y participer ?

DigiHall Day est l’occasion d’échanger avec d’autres spécialistes de l’IA et du numérique qui rencontrent des problématiques pas forcément identiques, mais similaires aux vôtres ou renvoyant à des enjeux communs – le traitement de données massives, le choix de la sémantique, du langage, le fonctionnement d’un modèle comportemental dans un système multi-agents… Il est alors intéressant de voir quelles options ces interlocuteurs ont retenues ou testées et avec quel résultat. Voilà pour l’intérêt d’un événement comme DigiHall Day au plan de la recherche. Mais une journée comme celle-ci offre aussi l’opportunité d’identifier de nouveaux partenaires industriels, pour de futurs projets collaboratifs sur la base de leurs verrous et cas d’usage.

– Le millésime 2019 a-t-il été bon à cet égard ?

Oui, plutôt : j’ai déjà échangé pas mal de cartes de visite ! Et la journée est pourtant loin d’être terminée ! Pour avoir participé à la précédente édition, et, avant elle, aux journées « Future » [qui ont depuis fusionné avec les Tech Days du CEA List pour donner DigiHall Day], je peux témoigner que le succès ne se dément pas.

A lire aussi les entretiens avec :

Gregorio Ameyugo, Directeur Europe du CEA List et Manager DIH DigiHall, qui nous en dit plus sur sa vision d’un écosystème connecté au reste du monde et… le drone qu’il avait alors dans les bras… (pour y accéder, cliquer ici) ;

Eric Lecolinet, maître de Conférences HDR à Télécom ParisTech, qui présentait MobiLimb… un robot en forme de doigt, qui permet d’ « augmenter » les capacités sensorielles de votre smartphone (mise en ligne à venir).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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