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Un Mexicain à Paris-Saclay.

Le 27 février 2014

Arrivé en France en août dernier, Alonso Lenin fait partie de la nouvelle promotion du Master 1 de Mathématiques de l’École polytechnique. Il a bien voulu témoigner de sa vie sur le campus et de sa vision du projet de Paris-Saclay.

« Je viens de Mexico où j’ai entamé des études en mathématiques à l’Université Nationale Autonome du Mexique. Pour moi, il était clair que c’est en France qu’il fallait que je les poursuive : votre pays a une très bonne réputation dans ce domaine. De là à imaginer que je serais admis à l’École polytechnique pour un Master 1 ! » Quand il y arrive en août dernier, ce n’est pas la première fois qu’Alonso foule le sol du territoire français. « En fait, j’y avais voyagé un an et demi plus tôt.

A propos des bourses Internationales du Campus Paris Saclay

Alonso fait partie des 69 étudiants étrangers ayant reçu une bourse de l’Université Paris-Saclay (10 000€ plus les indemnités de transport) lors d’un appel à bourses de mobilité entrante en 2013.
Venant des 4 coins du monde (Roumanie, Mexique, Algérie, Moldavie, Espagne, Russie, Maroc, Argentine, Liban, Bolivie, Equateur, Vietnam, Madagascar, Italie, Portugal, Guinée, Chine, Bénin, Kazakhstan) ces étudiants de master 1 et 2 sont répartis au sein des établissements partenaires.
En 2014, un appel est lancé pour financer 160 bourses. Pour plus d’information, aller sur le site du Campus Paris-Saclay (www.campus-paris-saclay.fr) en cliquant sur « Actualités » puis sur « Appels-a-candidatures-pour-les-bourses-internationales ».

Après un bref séjour à Paris, je me suis rendu au Centre International de Rencontres Mathématiques (CIRM), à Luminy, près de Marseille, pour assister à un séminaire. Puis, avant de regagner Mexico, j’en ai profité pour faire un saut à Orsay où j’avais un ami qui était en Master 2 de mathématiques [un master conjoint de l’Université Paris-Sud et de l’École polytechnique ]. D’emblée, j’ai aimé ce campus où règne une vraie atmosphère de recherche. Cela correspondait bien à l’idée que je m’en faisais depuis Mexico, à savoir : l’un des plus importants foyers de la recherche mondiale en théorie mathématique. Tout près du campus d’Orsay, se trouve le prestigieux Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES) : il compte, parmi ses membres, plusieurs médaillés Fields [ l’équivalent du Prix Nobel pour les mathématiques ]. Sans oublier l’École polytechnique, une école réputée s’il en est. » Il se renseigne sur l’histoire de ces différentes institutions. Histoire dont il n’ignore manifestement plus rien. « L’X était à Paris jusque dans les années 70, n’est-ce pas ? »

Un des foyers de la recherche mondiale

Un an et demi plus tard, il se retrouve donc sur son campus. En attendant de disposer de sa propre chambre, il passe sa première semaine à la résidence Fleming en colocation chez un autre étudiant mexicain. Puis vint le temps des trois semaines d’intégration. Une période dont il garde à l’évidence un bon souvenir : « Le programme comportait toutes sortes d’activités : sportives, culturelles, ainsi que des cours à l’IHES. Je me suis retrouvé aux milieux d’étudiants de Paris Sud, de l’Ecole normale. Un vrai bonheur ! » Et puis ce fut l’occasion pour lui de se familiariser avec les moyens de transports, le pass Navigo, etc. et de répérer les lieux où faire ses courses. « A aucun moment, je ne me suis senti abandonné à moi-même. Il y a eu une réelle prise en charge des élèves étrangers par l’administration. » Pour parachever son intégration, il y eut encore le Welcome Day, organisé comme chaque année, au tout début janvier en leur honneur. « Un autre très bon souvenir. » Il découvre à cette occasion le Château de Versailles. « Magnifique ! »

Il projette de rester au moins jusqu’au Master 2 (co-délivré lui, par l’École polytechnique et Paris-Sud), sa bourse d’études portant sur les deux années de formation. Mais, naturellement, il imagine déjà de prolonger son séjour par une thèse. Compte-t-il cependant revenir de temps à autres à Mexico ? « Oui bien sûr, et pas seulement pour revoir mes proches, mais pour partager, dit-il encore, mon expérience d’une formation de mathématiques à la française. « Dans votre pays, l’enseignement est d’un haut niveau et ce, dès le secondaire. Une des choses qui m’a le plus surpris en arrivant ici, c’est le niveau de connaissance des élèves. Vous autres Français, vous êtes baignés dans les mathématiques très tôt et bénéficiez d’une formation très solide. » « Vous devriez en être fiers ! », ajoute-t-il sans ignorer manifestement l’inclination des Français aux pessimisme. Le même convient qu’il ne saurait en dire autant de toutes les disciplines. « Peut-être que si j’avais opté pour une formation en biologie, j’aurais choisi une autre destination. Mais en mathématiques, il est clair que c’est en France qu’il faut aller, et plus précisément à Paris-Saclay ! »

Alonso est aussi dithyrambique à l’égard du campus de l’X. « A Mexico, nous n’avons rien de comparable. Il y a bien un Institut Polytechnique National, mais il met l’accent sur l’enseignement technique. Cet institut a eu de surcroît vocation à s’inspirer de MIT ou d’autres campus américain ; c’est donc quelque chose de très différent de l’X. » Tout au plus Alonso a-t-il été surpris d’apprendre que les Polytechniciens suivent plusieurs mois un stage d’intégration à caractère militaire. Il ne s’en offusque pas plus que cela. « Cette expérience doit très certainement amener les élèves à adopter un point de vue original sur l’existence. » Quant à la réputation qu’ils auraient d’être moins ouverts que les autres étudiants, comme il a pu, dit-il, le lire dans la presse, il entend apporter un démenti catégorique. « C’est faux ! Au contraire, ce sont des esprits très ouverts : en plus de leurs études, ils consacrent beaucoup de leur temps à faire du sport, de la musique, du théâtre… »

La littérature en partage

Et lui, que voudrait-il faire partager à l’occasion de son séjour sur ce campus ? De prime abord, la réponse paraît inattendue dans la bouche d’un mathématicien : « Une meilleure connaissance de la littérature mexicaine ! » Car, pour être mathématicien, Alonso n’en a pas moins un goût pour les lettres. « Je serais heureux de contribuer à faire partager la culture de mon pays, non pas tant la culture traditionnelle que ses productions contemporaines. La culture du Mexique ne s’arrête pas à celle des Mayas ! »

Et le projet d’Université Paris-Saclay, qu’en pense-t-il ? Alonso reconnaît ne pas en avoir entendu parler avant d’intégrer Polytechnique. « Au cours de recherches d’information, je m’étais directement renseigné sur le site de cette école. C’est une fois que j’ai reçu ma bourse d’études de la Fondation de Coopération Scientifique que j’ai pris appris que l’école participait à ce projet d’Université. J’ai été ensuite définitivement briefé à l’occasion du Welcome Day. » Et le même de confier : « Je suis impressionné par l’ampleur du projet. A mon sens, son premier mérite est de mettre l’accent sur l’effort de formation. C’est peu commun. En Amérique latine, il n’y a rien d’équivalent. Pourtant, cela aurait tout son sens. Trop de lieux dédiés à la recherche ne prêtent pas assez attention à la formation. Je le dis et le répète : vous devriez en être fiers. »

Maintenant qu’il en connaît l’existence, qu’en pense-t-il ? « Je suis très impressionné car il s’agit de créer une nouvelle université, mais également d’aménager un  territoire avec la construction d’une ligne de métro, de nouveaux bâtiments… C’est réjouissant pour un étudiant de pouvoir vivre cette aventure. »

Paris-Saclay au quotidien

Mais que pense-t-il de la vie au quotidien sur le plateau, de ses conditions de transport en particulier ? Ou encore du manque de lieux qui rendraient le campus plus urbain ? Cette fois l’enthousiasme d’Alonso baisse d’un ton… « C’est un vrai problème et pour tout dire surprenant pour quelqu’un comme moi qui vient de Mexico, une ville dense et peuplée s’il en est. La première fois que je suis arrivé ici, j’ai été surpris par l’absence de commerces. Au début, c’était un peu difficile. »

Que dire des transports ! « Ce n’est pas toujours simple de se rendre à Paris ou d’en revenir. Le RER B rencontre souvent des problèmes. Le plus difficile, c’est le week-end : il y a moins de bus pour se rendre au campus depuis la station de Massy-Palaiseau. Il faut attendre parfois jusqu’à une demi-heure. » « C’est un problème, mais j’imagine de ces problèmes qui peuvent trouver leur solution » estime-t-il encore. « Au fil du temps, on s’y habitue. Il faut dire que l’atmosphère qui règne ici n’est pas si désagréable. C’est quand même plus paisible qu’à Mexico ! » S’habitue-t-il aussi à l’environnement, avec le paysage à la fois rural et urbain de ce territoire qui tranche avec la densité de la capitale de son pays ? « Cela fait partie de l’attrait du lieu. Les chercheurs ont besoin d’être au contact d’un environnement riche et diversifié. »

Mais au-delà des aménité rural-urbaines, on sent bien que ce qui lui plaît au premier chef est cette coexistence des élèves et des étudiants de plusieurs disciplines. « C’est une chance que de pouvoir rencontrer des personnes relevant d’autres sciences que la mienne. » Et s’il n’évoque pas de lui-même la notion de sérendipité, il en a entendu parler – « Elle a été forgée en référence à un conte*, n’est-ce pas ? – elle éclaire parfaitement le contexte de Paris-Saclay à ses yeux. « On y trouve des gens d’horizons et de cultures très variés. Tout cela concourt à une ambiance propice à l’échange et à l’émulation. Avec des chercheurs et des étudiants, mais pas seulement. « Ici, on est en contact avec des habitants, des agriculteurs… Je pense que le projet de cluster réussira d’autant plus qu’il prendra en compte cette diversité. »

Post-scriptum : une heure à peine nous avoir quitté pour regagner le campus de Polytechnique, Alonso nous adresse un e-mail pour partager l’expérience « extraordinaire » qu’il vient de vivre sur le chemin de retour : sa rencontre avec… Cédric Villani, Médaille Fields 2010, qui empruntait tout comme lui le RER. « Nous avons discuté ensemble, le temps qui sépare la station d’Orsay et celle de Lozère ! » Comme quoi, malgré ses défaillances répétées, ce mode de locomotion a du bon !

* Le conte des Trois princes de Serendip.

Publié dans :

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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