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Science & Culture

Musique sur un Plateau.

Le 14 mars 2016

Manager en R&D au sein de Danone Nutricia Research, Isabelle Seksek vient de lancer Musique sur un Plateau : un réseau permettant aux salariés des entreprises et des grandes écoles du Plateau de Saclay de faire de la musique ensemble. Toute ressemblance avec le projet de « cluster » Paris-Saclay ne serait pas tout à fait fortuite…

– Si vous deviez présenter votre initiative…

Musique sur un Plateau a vocation à créer et fédérer une communauté musicale rassemblant les salariés des différentes entreprises et grandes écoles du Plateau de Saclay, dans l’objectif de faire de la musique ensemble. Elle s’adresse aussi bien à ceux qui jouent d’un instrument que les non-musiciens, ceux-ci pouvant rejoindre aussi le réseau, notamment en se joignant à la chorale qui va bientôt voir le jour entre Danone et EDF.

– Comment en êtes-vous venue à cette idée ?

Voici quelques années, j’ai repris, en parallèle à mon parcours professionnel, des études de musique. Loin de se traduire en contraintes supplémentaire, ce retour à la pratique musicale a été source d’un réel épanouissement. Au sein de Danone Nutricia Research, quelques salariés ont commencé à se réunir pour jouer de la musique ensemble, encouragés en cela par l’entreprise qui met à la disposition un petit local pour nos répétitions quotidiennes. On y trouve un piano droit, une batterie électronique, un pupitre et deux armoires où nous pouvons stocker ce qui nous appartient en propre (des guitares, des amplis et des micros).
L’idée d’élargir la pratique à d’autres salariés s’est précisée en réfléchissant à son impact sur l’efficacité au travail, le parcours professionnel et le développement personnel. Rien de tel que la musique pour améliorer le bien-être au travail, la capacité de chacun à créer, à innover, et, dès lors qu’on joue dans un ensemble, à aborder de nouvelles façons de travailler et d’étendre son réseau !

– Les salariés n’ont-ils pas déjà la possibilité de pratiquer la musique à l’extérieur de l’entreprise ?

En tant qu’élève du Conservatoire de la Vallée de Chevreuse, situé à Orsay, j’ai pu constater que, de manière générale, ce genre d’institution a d’abord vocation à former de futurs professionnels. Or, en réalité, la majorité de leurs effectifs sont des élèves qui voient la musique comme un plaisir et non un futur métier. Se pose alors la question de savoir si l’enseignement est adapté à cette pratique « amateur », tant dans les méthodes d’enseignement que dans l’organisation des cours. Que dire des personnes qui, comme moi, ne demandent qu’à reprendre un cursus d’études musicales en marge de leur activité professionnelle. Il faut être particulièrement motivé pour parvenir à tout concilier. Moi-même, il me faut jongler avec mon agenda. Tout le monde n’a pas la possibilité de le faire. Pourtant, il y a beaucoup d’amateurs qui ont une envie profonde de pratiquer régulièrement et d’avoir la chance de se produire à des occasions privilégiées devant un public.

– Comment traduisez-vous donc cette aspiration à concilier musique et entreprise ?

En donnant déjà des occasions de faire de la musique ensemble. Cette pratique commune régulière peut ensuite donner lieu à des « délivrables », sous forme de concerts, mais ce n’est pas obligatoire. Tout le monde n’a pas forcément envie de se produire sur scène. La pratique quotidienne peut être déjà un but en soi, sans forcément être jalonnée de concerts. Les bénéfices de la pratique musicale individuelle et en groupe, ne passent pas forcément par ces derniers, mais plutôt le travail quotidien.
Toujours est-il, qu’en janvier dernier, le groupe de musique de Danone Nutricia Research participait au concert du nouvel an de l’ENSTA ParisTech. Ce fut la première démonstration publique de notre rapprochement avec les salariés de cette école. Déjà, depuis l’automne, Danone a ouvert les portes de son centre de R&D, une fois par mois et entre midi et 14 h, aux musiciens amateurs des établissements des alentours pour qu’ils puissent venir jouer à l’occasion de « cafés musicaux ». L’occasion pour eux de faire connaître leur établissement et les études qui y sont proposées dans le cas où il s’agit de grandes écoles. En retour, Danone organise une visite du centre et une présentation des thématiques de recherche qui y sont développées.

– Il y a donc un intérêt pour l’entreprise elle-même ?

Oui, bien sûr. Les grandes écoles représentent des viviers de recrutement pour une entreprise comme Danone. Nous avons donc tout intérêt à nous faire mieux connaître. Bien plus, Musique sur un Plateau est aussi une manière de prendre part à cette aventure que représente le cluster de Paris-Saclay, déjà le premier pôle de recherche publique et privée en France, et qui doit dès maintenant assurer sa place au niveau européen et même mondial. Il me semble que si son rayonnement passe par tous ces cerveaux qu’il parvient à accueillir, la qualité de la recherche qui y est menée, la renommée des entreprises qui s’y trouvent, il le devra aussi à tous les à-côtés comme, par exemple, une activité culturelle qui anime et dynamise les collaborations et relations humaines entre les occupants du Plateau.

– Aviez-vous un exemple en tête en concevant Musique sur un Plateau ?

Pour paraître original au premier abord, ce genre de démarche est en réalité courante dans d’autres pays, à commencer par les Etats-Unis où il est fréquent de voir des initiatives croisant des univers très différents.

– Le territoire de Paris-Saclay a vocation à être un « cluster », une notion déjà présente dans le champ musical. Cette analogie a-t-elle contribué à nourrir votre initiative ?

(Sourire) Oui, forcément, je n’ai pu m’empêcher de faire le lien. Au-delà de cette analogie, il y a ce formidable potentiel que je ressens personnellement : de nombreux amateurs ne demandent qu’à pouvoir pratiquer avec d’autres la musique. Je ne dirai pas qu’il y a une demande explicite. Mais assurément, il y a un besoin. C’est précisément le but de Musique sur un Plateau que de le révéler et d’y répondre.

– Au final, ce projet aurait-il pu voir le jour ailleurs ?

Je l’ignore. Une chose est sûre : Paris-Saclay et la musique partagent d’évidentes affinités. D’abord, la musique est par définition propice au mélange d’univers différents, à l’image de ce cluster. Elle se joue des frontières, y compris entre les différents registres musicaux. On est donc bien dans une forme d’interdisciplinarité, qui permet de faire des choses encore plus riches, toujours à l’image de ce cluster. Par ailleurs, Paris-Saclay est en cours de création. Or, il est toujours plus facile d’initier de nouveaux réseaux et nouvelles façons de travailler dans un tel contexte, plutôt que de le faire en venant après la bataille. Enfin, il y a ici, comme ailleurs au demeurant, un enjeu majeur autour de la problématique du bien-être au travail. Or, bien plus que d’adoucir les mœurs, la musique contribue, encore une fois, à l’épanouissement personnel. Je peux en témoigner, moi qui, comme je le rappelais, ai repris des cours, voici quelques années, en parallèle à mon activité professionnelle.
Enfin, je travaille ici, sur ce territoire et j’aime le milieu professionnel dans lequel j’évolue. J’avais donc naturellement envie de faire bénéficier de mes idées à mon entreprise et son écosystème. D’autant plus que j’habite sur le territoire.

– En quoi la musique concourt-elle précisément au bien-être au travail ?

Comme on le sait tous, dans une vie professionnelle, il y a des moments plus difficiles que d’autres. On est amené à assumer des responsabilités auxquelles on n’est pas encore tout à fait préparé. Le fait d’avoir une activité musicale en marge de sa vie professionnelle m’a personnellement aidée à supporter des périodes de stress, à surmonter des épreuves et par là-même à grandir en entreprise. De plus en plus d’articles scientifiques et expérimentations conduites notamment dans le monde médical, montrent en outre que la musique a beaucoup d’effets positifs sur la santé et les facultés intellectuelles. Sans compter le sens du partage qu’elle permet de cultiver en renforçant l’aptitude au travail d’équipe, à la communication, au sens de l’écoute. Déjà des groupes musicaux – je pense à un quatuor en particulier – interviennent en entreprise pour partager, justement, leur expérience du collectif et de l’écoute. Un musicien qui manque d’attention, et c’est tout le quatuor qui est dissonant.

– Et en quoi serait-elle également propice à l’innovation ?

Tout simplement parce qu’elle se place au cœur de la création. Aux Etats-Unis, des business men ont d’ailleurs développé des modèles d’innovation et de coaching directement inspirés des principes du jazz !

– Mais comment parvenir à faire jouer ensemble des salariés de différentes entreprises, sur un territoire où il n’est pas toujours simple de se déplacer ?

C’est une vraie problématique que je connais pour avoir intégré Danone Nutricia Research dès son ouverture, en 2002. Nous étions alors au milieu des champs, sur un site encore en chantier. Nous ne pouvions nous y rendre qu’en voiture. Aujourd’hui, les problématiques de transport sont encore telles que des candidats à l’embauche renoncent parfois à venir travailler sur le Plateau. Pour ma part, je débutais ma carrière et étais donc disposée à consentir à des efforts. Je ne cache pas que les choses sont devenues plus compliquées avec l’arrivée de mon premier enfant. Et encore, je n’avais pas à me plaindre comparé aux collègues qui habitaient Paris.

– Comment êtes-vous donc parvenue à convaincre de l’intérêt de cet autre projet, Musique sur un Plateau ?

D’abord la situation a changé ! Et puis, dans l’éventualité où il y aurait une demande de cours d’initiation à un instrument de musique ou de perfectionnement, le réseau Musique sur un Plateau permettra d’ « optimiser » la collaboration avec des professeurs et/ou musiciens professionnels, en mutualisant les demandes de cours entre les différents sites et en organisant des agendas communs pour faciliter leur venue.

– Une manière de transformer une contrainte initiale en opportunité…

Parfaitement. Il s’agit ni plus ni moins de s’accommoder de l’éloignement géographique, en révélant par la même occasion le vivier de professionnels de la musique qui existe et exerce tout autour du Plateau de Saclay. Dans la mesure où il y a des personnes motivées et compétentes à côté de chez soi, pourquoi aller en chercher ailleurs ? On réduit non seulement les problèmes de circulation, mais encore l’impact des transports sur l’environnement.

– Que diriez-vous cependant pour rassurer les salariés appelés à rejoindre ce Plateau de Saclay encore en chantier ?

Encore une fois, il me semble que la situation est différente : l’offre de transport s’est renforcée et de nouvelles infrastructures sont en cours d’aménagement. Certes, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, mais les choses n’iront qu’en s’améliorant. Il le faut absolument, compte tenu des exigences des nouvelles générations qui arrivent sur le marché de l’emploi : elles accordent beaucoup d’importance que les précédentes au cadre de vie et au bien-être au travail. Ce qui me convainc qu’un projet comme Musique sur un Plateau est un atout pour les entreprises du territoire.

– Au final, ce que vous proposez est bien plus que ces ensembles orchestraux dont peuvent se doter des entreprises pour asseoir leur identité corporate. Il s’agit d’avantage de quelque chose d’hybride et qui s’assumerait comme tel…

En effet. L’idée n’est pas de se substituer ou de fédérer les orchestres existant. Cela n’aurait tout simplement pas de sens. Il y a de la place pour tout le monde et de tout style musical. A fortiori, il ne s’agit pas de préfigurer ce que pourrait être l’orchestre du Campus Paris-Saclay. Plusieurs établissements d’enseignement supérieur comptent déjà un orchestre : je pense bien sûr à celui de la Faculté des sciences de Paris-Sud ou à celui de Polytechnique. Loin de moi, donc, l’intention de concurrencer cet existant de grande qualité. L’objectif est bien de créer une offre nouvelle dédiée aux salariés, qui ne pourraient intégrer un conservatoire de musique ou s’investir dans des activités musicales, faute de temps. Ce faisant, il s’agit bien aussi d’offrir à ces salariés la possibilité de mieux connaître les entreprises du Plateau de Saclay et de saisir ainsi les opportunités de recrutement qui se présenteraient. Un plus dès lors qu’une carrière professionnelle n’est plus, comme on le sait, appelée à se faire au sein d’une seule et même entreprise.

– Musique sur le Plateau a donc déjà donné un concert. Quel retour en avez-vous eu ?

Il y avait 300 personnes. Les commentaires qui m’ont été faits dès l’entracte ont été plus qu’encourageants. Beaucoup de personnes découvraient l’investissement de Danone Nutricia Research en faveur de ses salariés musiciens. Je précise que ce concert a été donné en janvier. Compte tenu de l’état d’urgence, l’accès en a été restreint. La prochaine fois, nous espérons jouer devant les habitants du territoire.

– Quels sont justement les prochains rendez-vous ?

Nous sommes en train de finaliser l’agenda de nos interventions musicales lors de la Fête de la Science, qui se déroulera sur toute une semaine en octobre prochain. Je ne peux pas encore vous dévoiler tous les détails, mais d’ores et déjà, sachez que nous avons été généreusement invités par l’ENSTA ParisTech à jouer dans l’enceinte de ses locaux !

– Ce faisant, l’enjeu n’est-il pas aussi de faire découvrir le potentiel du territoire en termes de salles ?

Si, étant entendu qu’il est devenu pour moi évident que le Plateau de Saclay gagnerait à disposer d’une grande salle dédiée aux manifestations artistiques et culturelles. A terme, mon ambition est d’ailleurs de constituer un orchestre qui, de par la diversité des salariés-musiciens amateurs qui le composeraient, serait représentatif du tissu économique du territoire et pourrait à ce titre être mobilisé à l’occasion de manifestations inter-entreprises.

– Mais, au fait, de quel instrument jouez-vous ?

Du violoncelle et des saxophones…

Pour plus d’information, contacter Isabelle Seksek : Isabelle.SEKSEK@danone.com

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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