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Mobilité : comment inciter au changement de comportement ?

Le 2 décembre 2015

En mai 2015, l’EPPS, la start-up OuiHop’, l’association Polvi et le RITM (laboratoire de recherche de Paris-Sud) répondaient conjointement à un appel à candidature lancé par l’Ademe Ile-de-France pour l’expérimentation de solutions innovantes incitant à des changements de comportement en matière de mobilité. Leur groupement figure parmi les trois lauréats. Philippe Gaudias, Chef de Projet Mobilité à l’EPPS, que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer à l’issue de la journée organisée en mai dernier sur le vélo, nous en dit plus.

– Vous venez, avec la start-up OuiHop’, un laboratoire de recherche de Paris-Sud et Polvi, de remporter un appel à candidature lancé par l’Ademe. De quoi s’agit-il exactement ?

Cet appel à candidature a été lancé en février dernier par l’Ademe Ile-de-France afin de soutenir des expérimentations d’incitations innovantes pour des changements de comportement en matière de mobilité. Il partait d’un constat simple : les mobilités contribuent fortement à la consommation d’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre. Leur réduction passe bien sûr par des investissements dans des équipements plus économes, mais aussi l’adoption de nouveaux usages. Dans le contexte du Grand Paris, en particulier, cet appel à candidature était une manière de sortir d’une approche des transports en termes exclusifs d’infrastructures (le grand métro) en valorisant des solutions plus « soft », déjà existantes ou opérationnelles à très court terme sur les territoires franciliens. Il s’agit aussi de privilégier l’incitation sur la contrainte. Certes, cette dernière se révèle souvent inévitable et même efficace. Voyez celles qui pèsent sur le stationnement automobile. Mais force est aussi de reconnaître combien il est illusoire de chercher à changer tous les comportements de cette manière, sans susciter des résistances, a fortiori si des alternatives ne sont pas proposées. L’appel à candidature ménageait donc la possibilité de faire des propositions aussi diverses que l’organisation des flux, le partage des véhicules, la promotion de modes doux voire des solutions qui, sans relever à proprement parler du transport, peuvent l’impacter positivement au plan environnemental : par exemple, d’autres modes de consommation ou de travail, à travers le télétravail ou la création d’espaces de coworking. Sur l’ensemble des dossiers déposés, seuls six ont fait l’objet d’une audition pour, au final, trois lauréats.

– Qu’avez-vous proposé et avec qui ?

Nous avions pris le parti de formuler une réponse commune avec trois partenaires différents : la start-up OuiHop’ (ex-SmartAutostop) ; Réseaux Innovation Territoires et Mondialisation (RITM), un laboratoire de l’Université Paris-Sud ; enfin, Polvi, une association d’entreprises de la frange sud du Plateau de Saclay, qui œuvre à l’attractivité de Paris-Saclay. La réponse reposait sur l’application développée par OuiHop’ pour un « autostop 2.0 » : du covoiturage en temps réel sur les distances domicile-travail ou des déplacements quotidiens non planifiés (ce qui en fait une offre différente des plateformes de covoiturage classique, dédiées aux parcours longues distances et planifiés). Si, techniquement, grâce à la diffusion des smartphones dans la population et à la puissance des algorithmes, on dispose désormais des moyens de mettre en relation des personnes aux moyens d’applications mobiles, reste à inciter les usagers (autostoppeurs mais aussi automobilistes) à recourir à ce genre d’offre dont les bénéfices pour l’environnement sont évidents. C’est dire si cet appel à candidature tombait à point nommé. Il nous permet de réfléchir aux mesures incitatives aussi bien monétaires que non monétaires, les plus efficaces, pour changer d’échelle et faire en sorte que le covoiturage devienne un réflexe au quotidien.

– En quoi va consister la suite ?

Elle va consister, sur une durée de douze mois, en plusieurs expérimentations, menées séquentiellement, de manière à pouvoir isoler les effets des différentes incitations. Une première série de tests portera notamment sur les représentations des comportements à l’échelle individuelle ou collective. Une deuxième sur l’impact de l’appartenance à une communauté « Plateau de Saclay ». Enfin, une dernière série de test visera à introduire des incitations financières sous la forme d’une loterie pour laquelle les chances de gain sont croissantes avec la durée d’utilisation de l’application. Pour les besoins de ces expérimentations, nous comptons nous appuyer sur une communauté de 350 bêta-testeurs actifs minimum, constituée à partir de celle dont dispose déjà OuiHop’ et d’un plan de communication multi-canal (mailings personnalisés dans les entreprises et les universités, relais dans les médias locaux, recrutement aux arrêts de bus, etc.).

– En quoi ce groupement constitué à l’occasion de cet appel à candidature est-il emblématique de Paris-Saclay ?

Ce groupement est tout sauf de circonstances : nous connaissions déjà les trois partenaires pour les avoir rencontrés et avoir travaillé avec certains d’entre eux, à plusieurs reprises. Quand l’Ademe a lancé son appel à candidature, nous nous sommes naturellement rapprochés en mettant de surcroît à profit la complémentarité de nos compétences. J’ignore si sur d’autres territoires il aurait été si facile d’associer un aménageur (l’EPPS), une start-up (OuiHop’), une association d’entreprises (Polvi) et un laboratoire de recherche (RITM). En tout cas, notre groupement a pu monter rapidement un dossier. Pour mémoire, celui-ci devait être remis à la fin mai de cette année, soit trois mois après le lancement de l’appel à candidature. Nul doute qu’il permettra de faire plus ample connaissance.

– Un aménageur est-il attendu sur ces problématiques d’incitation au covoiturage ?

Contrairement à une vision courante, un aménageur n’a pas pour seule vocation d’aménager un territoire en construisant des bâtiments et des infrastructures. Son rôle est aussi d’anticiper les impacts des développements urbains envisagés et d’accompagner leur intégration au territoire existant. A ce titre, la question de la mobilité est centrale. Comme on a déjà eu l’occasion de le montrer, lors de la journée organisée sur le thème du vélo en mai dernier, au PROTO204 [ voir l’entretien que Philippe Gaudias nous avait accorder à l’issue de cette journée ; pour y accéder, cliquer ici ], les mobilités, douces ou pas, ne sont pas qu’une question de transports, d’infrastructures et de voiries. C’est aussi de nouveaux services à imaginer et mettre en place.

– Quel peut être positionnement de l’aménageur face à ses solutions émergentes ?

La question peut en effet se poser. Après tout, des collectivités, comme la CAPS, se sont déjà investies dans la promotion du covoiturage à travers la mise en place de sites internet dédiés. Le rôle de l’EPPS n’est certainement pas de se substituer à elles, encore moins de proposer son propre service de covoiturage ! Autant nous avons légitimité pour contribuer au développement des infrastructures de transports, autant nous n’avons pas à nous imposer seul en maître d’ouvrage pas plus qu’en maître d’œuvre en matière de services à la mobilité. En revanche, nous pouvons accompagner, stimuler serais-je tenter de dire, les acteurs, y compris les collectivités, pour des projets à la mesure des défis du territoire de Paris-Saclay, convaincus que nous sommes que de nouveaux services sont nécessaires et une réponse utile aux problématiques de congestion et d’émissions de gaz à effet de serre : plus de covoiturage et donc plus de personnes par voiture, c’est a priori moins de véhicules sur les routes et donc moins d’émissions et d’embouteillages. Si une start-up a une solution à proposer, autant partir de cette solution, a fortiori si elle est née sur le territoire de Paris-Saclay, qui a vocation à être un cluster technologique.

– Quelles en sont les échéances ?

Nous disposons d’un an pour mener nos expérimentations. Lancées à la rentrée prochaine, elles nous conduiront jusqu’à la rentrée 2016. A suivre, donc.

Pour en savoir plus sur cet appel à candidature, nous vous renvoyons à la soirée organisée le 15 décembre prochain, au PROTO204 (voir rubrique Agenda du site).

 

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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