En 2022, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay créaient, avec d'autres partenaires, Paris-Saclay Cancer Cluster. Son directeur général, Benjamin Garel, nous en dit plus sur ses ambitions.
En juin 2021, le Président de la République en avait annoncé la création dans le cadre du Conseil des industries de confiance et de sécurité (CICS). En février 2022, Paris-Saclay Cancer Cluster voyait officiellement le jour sous la forme d’une association en présence des Ministres des Solidarités et de la Santé, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et des représentants des cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay. Son directeur général, Benjamin Garel, ancien directeur du CHU de Martinique, nous en dit plus sur ses ambitions et ses modalités de fonctionnement.
- Pouvez-vous, pour commencer, rappeler l’ambition de Paris-Saclay Cancer Cluster ?
BG : Elle est de contribuer à combattre le cancer qui, aujourd’hui encore, fait de très nombreuses victimes dans le monde, de l’ordre de 10 millions par an. Si d’importantes avancées ont été réalisées, des personnes sont encore, pour certains cancers, en attente de nouvelles thérapies. Pour le cancer du pancréas, par exemple, il n’existe toujours pas de traitements efficaces. Le but de Paris-Saclay Cancer Cluster (PSCC) est donc d’accélérer le processus d’innovation tout en réduisant le coût du développement de solutions thérapeutiques. Aujourd’hui encore, il faut un investissement de l’ordre du milliard d’euros, sur une vingtaine d’années, pour développer une nouvelle molécule. Paris-Saclay Cancer Cluster vise donc à accélérer la maturation des projets innovants portés par des industriels, des laboratoires de recherche, mais aussi des sociétés et start-up de la biotech, de la MedTech et de l’e-Tech, spécialisées dans la data. Au plan disciplinaire, PSCC a l’ambition de couvrir des expertises allant de la biologie à la médecine, en passant par la bio-informatique et l’utilisation de l’intelligence artificielle.
- Dans l’idée de favoriser une démarche collaborative ?
BG : Oui, collaborative, synergique et interdisciplinaire : qu’ils soient chercheurs, praticiens, entrepreneurs, académiques, industriels et investisseurs, nos membres sont appelés à évoluer principalement à proximité de l’hôpital Gustave Roussy.
Pour autant, nous ne partons pas d’une page blanche : un cluster existe déjà en réalité, au sens où des chercheurs et startuppers travaillent déjà en étroite collaboration, en disposant de locaux au sein même de l’hôpital Gustave Roussy. Avec PSCC, il s’agit de passer à une autre échelle. En rejoignant notre association, ces différents acteurs ont accès à des experts pluridisciplinaires, scientifiques et médicaux ; à des formations d’excellence ainsi qu’à une offre de mentoring pluri-compétences ; à un plateau technique spécialisé réunissant une combinaison unique d’équipements de recherche, des services d’accompagnement spécialisés pour accélérer les preuves des concepts et un accès facilité aux échantillons ; à des données spécialisées consolidées et enrichies, d’une part, des données profondes et longitudinales issues de plusieurs sources, d’autre part, et aux infrastructures nécessaires à leur stockage et analyse.
- Combien de membres compte votre association ?
BG : Nous nous sommes fixés pour objectif d’en accueillir rapidement 80 puis environ 200 d’ici à 2027.
- « Cluster » : une notion qui connote plus que jamais négativement dans le contexte de crise sanitaire. Et, pourtant, vous l’affichez dans votre acronyme…
BG : Oui, car c’est bien en son sens classique que nous l’entendons : un agrégat de différents acteurs concentrés dans un même endroit, pour favoriser les synergies dans le sens d’une innovation ouverte, collaborative. Cette crise a bien montré combien la capacité d’innovation était décisive pour faire face à la situation et préserver la souveraineté du pays dans le domaine thérapeutique et de la production de médicaments. Le président de l’association n’est autre qu’Éric Vivier : Professeur à l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, Aix-Marseille Université, spécialiste en immunologie des cancers. Il a lui aussi un profil d’entrepreneur : il est l’un des fondateurs d’Innate Pharma, une société de biotechnologies au stade clinique, spécialisée en immuno-oncologie.
- Pourquoi « Paris-Saclay » ? Parce que vous avez acquis la conviction que l’écosystème disposait des compétences nécessaires à l’innovation en cancérologie ?
BG : Effectivement, Paris-Saclay est un terreau plus que favorable au sein comme autour de l’hôpital Gustave Roussy. Certes, d’autres établissements de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP) ou l’Institut Curie sont aussi à la pointe de la recherche et de l’innovation. Mais ils ne disposent pas d’autant d’espace que nous et c’est pourquoi nous les invitons à nous rejoindre. Les 80 ha dont nous disposons permettront la construction de plusieurs centaines de milliers de m2 pour une livraison en 2024. Un bâtiment dédié qui sera au cœur du PSCC, « l’Oncology Prospective Center », est en projet pour favoriser les coopérations entre acteurs publics et privés dans le développement de nouvelles molécules.
- Avez-vous des références en tête à l’international ?
BG : Oui, bien sûr. Plusieurs références existent dans le monde dont nous nous sommes inspirés, à commencer par Kendall Square, à Boston, entre le MIT et Havard : avec ses 2 millions de m2 de laboratoires privés, répartis sur 6 km 2, il engendre à lui seul plusieurs milliards d’euros d’innovation dans tous les secteurs de la santé, et de nombreuses start-up de la biotech y voient le jour chaque année. Tous les grands noms de la pharma y sont d’ailleurs implantés. Notre ambition est de créer ni plus ni moins un équivalent de Kendall Square, dans le domaine spécifique de l’oncologie.
- Qu’est-ce qui vous a prédisposé à participer à cette aventure au titre de directeur général ?
BG : Avant de rejoindre Paris-Saclay Cancer Cluster, j’ai dirigé le CHU de Martinique. J’ai pu mesurer à quel point la capacité d’innover au plan thérapeutique était décisive pour redonner espoir aux patients. Avant de diriger ce CHU, j’ai participé à la mise en place des pôles de compétitivité. J’avais ainsi une double expertise, fort utile pour le poste que j’occupe désormais, en plus de me convaincre de la nécessité de renforcer les liens entre recherche académique et industrie pharmaceutique. C’est précisément la vocation de Paris-Saclay Cancer Cluster.
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