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Entrepreneuriat innovant

Sous le DATA’BANG, la révolution… de l’information.

Le 26 novembre 2018

Le 27 novembre 2018, se déroulera la 4e édition du TEDx Saclay. Assya Van Gysel nous en dit plus sur le choix du thème, des intervenants et du lieu – le théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines. Et sur sa propre vision de la révolution de l’information en cours.

– Comment procédez-vous pour identifier le thème d’un TEDx Saclay ?

Chaque fois, c’est à peu près le même processus : je laisse le thème venir à moi en me fiant à mon intuition, tout en restant ouverte à ce qu’il va provoquer en moi, au gré de rencontres fortuites…

– … et de synchronicités ?

(Sourire)… et de synchronicités ! Je parlerai aussi de sérendipité : au fil du temps, je découvre des pistes, des intervenants potentiels, auxquels je n’avais pas pensé au début. Naturellement, tout cela s’inscrit dans une démarche collective avec l’équipe TEDx Saclay et nos iConnecteurs de Paris-Saclay [pour en savoir plus sur ceux-ci, cliquer ici]. A l’origine, le thème de la précédente édition m’était venu à l’occasion de l’appel à idées autour de la signature de l’écosystème Paris-Saclay, lancé par l’EPA Paris-Saclay. J’avais candidaté en proposant « Innovons ensemble au service du vivant ». Une manière pour moi de croiser les enjeux de l’innovation technologique et les valeurs d’humanisme. Ma proposition avait été retenue parmi les quatre finalistes. Finalement, c’est, comme vous le savez, « Innovation Playground », qui a été sélectionné. Ma proposition est non seulement devenue le thème de l’édition 2017 de TEDxSaclay mais encore son mantra.

– Pourquoi ?

Parce que c’est à travers ce thème que j’ai éprouvé la joie de la co-création. J’en ai maintenant la conviction : on ne peut prétendre innover seul. C’est nécessairement avec d’autres qu’on le fait. Je ne crois plus, si tant est que j’y ai cru, à la figure de l’innovateur de génie, créant seul dans son coin, à la manière d’un Steeve Job ou d’autres figures charismatiques de ce genre. Je pense que l’avenir appartient davantage à des collectifs d’individus connectés les uns aux autres, dans lesquels l’égo n’a plus guère sa place.

– Qu’en est-il du thème de cette année ? Qu’est-ce qui vous a fait passer du vivant au « DATA’BANG » ?

Dans mon esprit, il n’y a pas de rupture, mais bien une continuité. Innover ensemble, cela passe aujourd’hui par une capacité à exploiter de manière pertinente les data, y compris dans le monde du vivant. Voyez ces applications qui, au moyen de capteurs, permettent d’optimiser, par exemple, la consommation d’eau dans la production agricole et d’accélérer la croissance des plantes. De manière générale, les data permettent d’apporter des solutions sur mesure et ce, dans n’importe quel domaine : l’alimentaire, la santé, l’éducation…

– Quel regard posez-vous de manière générale sur cette entrée dans l’ère du tout numérique ?

Force est de constater la place qu’occupe le numérique dans nos existences. Où qu’on aille, les gens sont rivés sur leur smartphone. L’autre jour, au restaurant, j’observais tout un groupe de jeunes, qui étaient à l’évidence de sortie et qui avaient manifestement plaisir à se revoir. Tout en échangeant entre eux, ils étaient tous les yeux fixés sur leur écran, à échanger avec d’autres personnes ! Ils étaient là, entre eux, tout en étant ailleurs, avec d’autres. Loin de moi de juger cette attitude. J’y vois le signe d’une évolution dans la manière de communiquer. Et cette évolution n’est pas propre aux jeunes. Quelques temps plus tôt, j’assistais à un mariage au Maroc. Tandis que nous étions plusieurs à danser sur la piste, une femme d’un certain âge était en train de nous prendre en photo et de communiquer à ses proches l’ambiance du mariage. Quelque chose d’inimaginable il y a quelques années et pas seulement parce que le smartphone n’existait pas, mais parce qu’alors on n’imaginait pas autre chose que de profiter à fond de la musique ! Loin de moi, là encore, de porter un jugement moral. Manifestement, cette dame avait du plaisir à partager la joie que lui procurait ce spectacle de personnes en train de danser. Je constate juste une évolution des usages, qui répond – c’est mon hypothèse – à un besoin quasi instinctif de rester connecté à des personnes qui nous sont chères, où qu’elles soient. C’est le bon côté du numérique que de permettre de le faire.
Maintenant, si on n’y prend garde, le numérique peut aussi exacerber une tendance à vivre par écrans interposés…

– Ce que vous dites-là me fait penser à la notion grecque mise en avant par le philosophe Bernard Stiegler, à savoir : pharmakon, qui désigne aussi bien le remède que le poison…

Cela me parle bien évidemment. Pour moi, le DATA’BANG présente les deux côtés d’une même pièce. Côté face (ou pile), c’est un moyen formidable de renforcer les connexions, côté pile (ou face), c’est un risque de contrôle et de repli sur soi. J’observe que la nature présente aussi ces deux faces : ne dit-on pas qu’à côté d’une plante qui provoque de l’urticaire, il y a en toujours une autre à proximité, qui en constituera l’antidote ?
En choisissant de traiter des data, nous souhaitons sensibiliser à cette ambivalence du numérique. Encore une fois, il ne s’agit pas d’être pour ou contre, de l’encenser ou de le diaboliser. Cela n’aurait aucun sens. Mieux vaut en percevoir à la fois les aspects positifs et les aspects plus négatifs. Le numérique présente en gros autant d’opportunités que de risques nouveaux. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Ce qui engage des choix aussi bien individuels que collectifs. Personnellement, je n’ignore pas qu’en utilisant le moteur de recherche Google, la moindre de mes recherches est tracée et utilisée pour orienter mes choix, mais au moins en suis-je consciente et c’est en connaissance de cause que je l’utilise.

– Vous qui voyagez régulièrement à l’étranger, percevez-vous la même évolution des comportements ?

Oui. Il me paraît clair que nous assistons à une évolution planétaire. Où que je sois allée ces derniers temps (en Afrique du Nord, en Inde, en Amérique du nord…), j’ai pu faire le même constat : la place grandissante des applications. Partout dans le monde, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de l’information.

– De l’information ou des data ?

Je dis bien de l’information, car au-delà des data et de l’intelligence artificielle, c’est une révolution de l’information à laquelle on assiste, qui concerne l’ensemble des sciences, y compris du vivant. Plutôt que de DATA’BANG, c’est donc d’ « INFO’Bang » dont nous aurions dû parler. Mais la notion de data est si bien ancrée dans l’esprit des gens, qu’elle s’est naturellement imposée à nous quand il a fallu trouver un titre.  Je profite cependant de cet entretien pour préciser que c’est bien davantage d’information qu’il sera question. De toute l’information, y compris celle qui se niche au cœur du vivant comme nous le montrera Jonathan Weitzman dans une conférence sur l’épigénétique, en rappelant que la première base de données, est au cœur de notre ADN.
Les data dont on nous parle tant ne représentent donc qu’une facette de la révolution que nous vivons. Par elle-même, une donnée n’a pas de valeur. Il faut la traiter pour pouvoir l’exploiter. C’est tout l’enjeu des data sciences. Ne dit-on pas d’ailleurs que le big data est à la société numérique ce que le pétrole a été dans la société industrielle ? Ce qui, si on file la métaphore, signifie que les data doivent être traitées sinon raffinées pour devenir un « carburant ». Et en l’occurrence, c’est par le pouvoir de l’imagination, qu’on peut identifier des applications pertinentes, apportant une réelle valeur ajoutée.

– Reste que votre titre suggère quelque chose de l’ordre du big bang…

Oui et pour cause. Je crois que les enjeux débordent largement la question du big data et du cloud, et que, fondamentalement, nous avons changé d’ère. Désormais, la ressource principale réside dans l’information. Les entreprises qui tireront leur épingle du jeu de la transformation numérique sont celles qui sauront non pas détenir l’information, mais la valoriser au mieux, pour affiner leur offre en fonction des besoins des gens. C’est dire si le numérique n’est plus l’affaire des seuls geeks. Il concerne tous les secteurs d’activité et tous les métiers : les commerçants (on le voit au travers du e-commerce), mais aussi les juristes, les médecins, les journalistes…

– Je confirme !

L’an passé, Cédric Villani a montré la manière dont l’intelligence artificielle impactait les sciences du vivant et la médecine, en soulignant les perspectives positives que cela pouvait ouvrir. Une vision dans laquelle je me retrouve [pour accéder à sa conférence, cliquer ici]. Personnellement, je considère que l’intelligence artificielle a un premier mérite : nous amener à réfléchir sur notre propre intelligence, l’intelligence humaine, dont on n’utilise en réalité qu’une infime partie des potentialités.

– Michel Morvan, président de l’IRT SystemX ne dit pas autre chose dans l’entretien qu’il nous a accordé, en allant jusqu’à parler d’ « intelligence augmentée »… [mise en ligne à venir]

Une expression que je trouve heureuse dès lors qu’on entend par là une intelligence qui permet de mieux exploiter nos capacités intellectuelles, et non de venir simplement en appui, au travers de prothèses en quelque sorte. Cela fait d’ailleurs longtemps que l’intelligence augmentée, comprise en ce sens-là, a déjà investi notre quotidien que ce soit à travers nos machines à laver, nos robots ménagers, la mémoire de nos ordinateurs, etc., sans oublier le smartphone, une sorte de prolongement de nous-mêmes. En revanche, sur le plan de l’information, je crois que nous aurions intérêt à mieux nous servir de notre intelligence humaine, plutôt que de nous en remettre qu’à de l’intelligence artificielle. Celle-ci n’est que la face visible d’une révolution de l’information, qui est à mon sens une magnifique opportunité de mieux solliciter nos capacités d’imaginer et de créer ensemble.

– On mesure à quel point le sujet est vaste…

Oui ! Et loin de nous de prétendre le couvrir de manière exhaustive à travers cette édition TEDx Saclay. Chacun à leur façon, les dix intervenants [pour en savoir plus, cliquer ici] de cette année aborderont une problématique. L’important est de susciter des questionnements en laissant ensuite le public le soin de poursuivre par lui-même sa réflexion.

– Comment s’est faite la sélection ?

Nous avons procédé comme l’an passé. Quatre intervenants issus du territoire, ont été sélectionnés sur la base d’un appel à idées, dont la finale a été organisée le 21 juin dernier, dans les locaux de la Banque Populaire Val de France de Montigny-le-Bretonneux. Il s’agit de Jules Zaccardi (dans la catégorie étudiant), Claude De Loupy (entrepreneur), Vincent Couronne (passionné) et Raphaël-David Lasseri (chercheur).
Les six autres intervenants ont été identifiés directement par nous, au gré de nos rencontres et des suggestions de nos iConnecteurs de Paris-Saclay. Je vous invite à les découvrir en vous rendant sur notre site [pour y accéder, cliquer ici].

– Revenons à la thématique. Jusqu’alors nous avons parlé du numérique au prisme des data. Qu’en est-il des algorithmes ?

Il en sera question au travers de la conférence de Nozha Boujemaa, de l’Institut Dataïa, qui attirera notre attention sur l’enjeu de leur transparence. Un enjeu sans doute encore plus majeur que celui des data, car ce sont les algorithmes, qui déterminent la manière dont celles-ci sont utilisées. On sait qu’ils peuvent comporter des biais dans leur conception. Dès lors qu’ils se généralisent, investissent le moindre secteur et notre quotidien, on comprend que cet enjeu concerne en réalité tout un chacun, et plus seulement les geeks.
Mais, là non plus, il ne s’agit pas d’être pour ou contre. Après tout, ces algorithmes permettent aussi des avancées – voyez leur apport dans le pilotage automatique des avions. Il convient juste de se prémunir contre des dérives possibles. C’est ce dont nous parlera Nozha, donc, en rendant compte de l’état des réflexions menées à l’échelle européenne.
Toujours dans cette idée de peser le pour et le contre, nous avons sollicité Jean-Philippe Lachaux, qui, lui, traitera de l’impact du numérique et des écrans sur notre degré d’attention – autre sujet qui me tient à cœur. D’après les avancées en neurosciences, des recherches sur le cerveau, nos capacités d’attention seraient en train d’évoluer. Le temps est révolu, où notre attention devait se fixer sur une activité. Mais il se pourrait que les applications numériques renforcent aussi notre capacité à nous concentrer sur plusieurs activités simultanément.

– Soit l’enjeu de l’écologie de l’attention, promue notamment par Yves Citton…

C’est tout à fait cela. Une illustration supplémentaire de l’ambivalence du numérique, qui, d’un côté, semble distraire notre attention, de l’autre, développe d’autres capacités attentionnelles. Des changements sont déjà notables, mais probablement qu’il faut s’attendre à d’autres impacts sur les modalités de l’apprentissage, la santé, etc.

– Au final, quelle est la proportion d’intervenants issus de l’écosystème Paris-Saclay ?

Hormis l’entrepreneur Rand Hindi, tous les autres en sont issus. Mais de vous à moi, il pourrait y en avoir plus venant d’ailleurs, sans que cela questionne le nom de TEDx Saclay. Pour être organisé dans l’écosystème, notre événement n’en a pas moins vocation à être ouvert et à évoluer au gré des rencontres, où qu’elles aient lieu. C’est d’ailleurs une manière de faire découvrir Paris-Saclay bien au-delà de son périmètre.

– Etant entendu que l’écosystème Paris-Saclay est bien positionné sur les enjeux des data…

Oui, entre l’institut Dataia, que j’ai cité, et Inria, Nokia, etc., l’écosystème compte de nombreux chercheurs et ingénieurs engagés dans la transformation numérique.

– Venons-en au choix du lieu, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines. Pourquoi ne pas avoir reprogrammé TEDx Saclay à CentraleSupélec ?

La question nous a été posée. L’école nous avait très bien accueillis. Le cadre est particulièrement splendide et adapté. Mais sans que nous l’ayons planifié, TEDx Saclay n’a eu de cesse de changer de lieu, d’une édition à l’autre. Souvenez-vous, les deux premières éditions ont eu lieu à l’IOGS puis à EDF lab. Rien n’interdit a priori de revenir à CentraleSupélec ou sur le Plateau de Saclay. D’autant qu’en l’état actuel, l’écosystème ne compte pas autant que cela de salles pouvant accueillir un millier de personnes !

– Comment s’est fait le choix du Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines ?

Là encore, c’est le fruit d’une intuition qui s’est renforcée au gré de quelques synchronicités. Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, la première de ces synchronicités, ce fut la présence du président de l’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, Jean-Michel Fourgous, à notre appel à idée de 2016, au PROTO204. Qu’un élu ait manifesté un tel intérêt au point de prendre le temps d’assister à notre sélection, en s’installant, en toute simplicité, au milieu du public, m’avait touchée. Mon mari, Christian, lui avait même demandé d’improviser un pitch de trois minutes sur le thème « Au-delà des limites ». Ce qu’il a fait de manière magistrale, en revenant sur son initiative d’équiper les élèves des classes élémentaires de la ville d’Elancourt, dont il est maire, de tablettes individuelles tactiles enrichies d’applications et de contenus pédagogiques. Autre synchronicité : le départ de Pierre Eyraud, du Novotel de Saclay, pour celui du Golf de Saint-Quentin – dans la perspective de la Ryder Cup 2018. L’opportunité de travailler de nouveau avec lui nous réjouissait. Enfin, l’équipe du Théâtre de Saint-Quentin (une Scène nationale, faut-il le rappeler) a particulièrement bien accueilli notre proposition, ce qui a achevé de nous convaincre d’y organiser l’édition 2018 de TEDx Saclay. Nous sommes d’autant plus heureux de ce choix que l’agglomération a pleinement joué le rôle, en ayant communiqué très en amont de l’événement.

– Etant entendu que Saint-Quentin fait partie de l’OIN Paris-Saclay…

Oui. Nous restons donc bien fidèle à cet écosystème. Bien plus, nous avons le sentiment de contribuer à son intégration.

– Comment appréhendez-vous néanmoins les problématiques d’accessibilité ?

Une station de la ligne C du RER dessert le Théâtre de Saint-Quentin. Ajoutons que ce dernier dispose d’un grand parking : ceux qui ne pourront s’y rendre qu’en voiture, n’auront donc pas de souci pour stationner. Bref, aussi excentré que puisse sembler le lieu, il sera en réalité aussi sinon plus accessible que les lieux antérieurs. Et puis un théâtre, quel cadre magnifique pour rêver autour d’idées innovantes !

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Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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