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Si Paris-Saclay m’était conté.

Le 6 septembre 2019

Cet été, nous avons passé quelques jours à New York. Sylvie Mombo, la conteuse palaisienne qu’on ne présente plus, y était aussi ! Nous n’avons pu nous empêcher de tendre notre enregistreur pour connaître les motivations de son séjour dans la Grosse Pomme, le temps d’une halte dans un jardin ombragé.

– Qu’est-ce qui vous a amenée jusqu’à New York ?

Depuis plusieurs années, j’ai pour projet de raconter en anglais. Avant de me rendre dans cette ville, j’avais à cette fin déjà fait deux premiers séjours en Angleterre, dans l’intention de me familiariser avec la langue. Car, dans mon esprit, il ne s’agirait pas de me borner à raconter des histoires en mémorisant des textes à la virgule près, mais d’interagir autant que possible avec le public et ses réactions comme j’aime faire. Ce qui suppose, donc, à défaut d’être parfaitement bilingue, de pratiquer la langue au quotidien. D’ici quelques jours, je vais commencer une session de cours pour me perfectionner.
J’étais déjà venue aux Etats-Unis, mais c’est la première fois que je me rends à New York (la fois précédente, c’était à San Francisco). L’anglais new-yorkais sonne décidément très différemment de l’anglais londonien, je l’apprécie beaucoup.

– Comptez-vous mettre à profit ce séjour pour rencontrer des professionnels du conte ?

Oui, c’est l’autre objectif de mon séjour : aller à la rencontre de conteurs et de conteuses en prenant le temps de les écouter, et de discuter avec eux pour qu’ils m’expliquent comment ils vivent leur travail, ici, en Amérique, quels sont les circuits professionnels à intégrer, etc. Pour l’heure, j’avoue ne rien connaître de tout cela.
Mais au cours de ma première semaine, j’ai d’ores et déjà constaté des différences de vocable. En français, le conte désigne a priori un récit, traditionnel ou pas, l’important étant la dimension narrative. Ici, on parle de storytelling ce qui peut recouvrir des dimensions différentes, notamment le fait de se raconter, de mettre en récit sa propre existence, quelque chose de finalement guère éloigné du talk.
Il y a bien tale qui se rapproche de notre mot conte, mais, pour ce que j’ai cru en comprendre, il s’en tiendrait au registre du conte traditionnel. C’est en tout cas en ce sens que le mot est utilisé dans les sessions organisées à Central Park, le samedi, au pied de la statut d’Andersen, ou encore dans les musées, comme, celui de l’histoire de la ville de New York, qui proposent aussi des tales à l’intention des « kids ».
Aussi, je me demande comment je vais devoir me positionner entre ces deux pratiques : raconter des épisodes de ma vie ou des histoires pour enfants. Loin de s’opposer, ces deux approches restent dans le registre du récit. Pour ma part, j’aimerais naviguer entre les deux, talks et contes. D’autant que dans ma pratique de ces derniers, j’aime intervenir auprès de tout public : sous couvert de contes traditionnels destinés aux enfants, je m’adresse aussi aux adultes, en improvisant sur les réactions des uns comme des autres.

– Ce dont je peux témoigner : votre répertoire compte (si je puis dire…) beaucoup de contes, qui s’adressent aux grands comme aux petits, en plus de relever parfois du talk… On dit de New York que c’est une ville propice à des rencontres fortuites, à même de booster un projet, une carrière. Avez-vous pu déjà en faire l’expérience ?

C’est vrai que New York est une ville bouillonnante. Mais la première rencontre que je mettrais en avant, c’est celle que j’ai pu faire avec… Central Park. Un des rares endroits de la ville où on peut retrouver un peu de tranquillité ! Même la High Line est trop fréquentée pour pouvoir s’y reposer. Toute citadine que je suis, je peux être facilement exaspérée par l’énergie dont une grande ville peut déborder. Cela peut rapidement m’épuiser, m’azimuter ! Or, New York, en termes d’énergie, c’est tout ce que je croyais connaître de Paris, mais en puissance 10 voire plus, je ne saurais dire combien ! J’ai d’autant plus besoin de me ressourcer, de me poser, sous un arbre, si possible. Or, c’est justement la possibilité qu’offre Central Park : non seulement le rythme y est moins trépident, mais on y est au milieu de la verdure. Sans compter que c’est aussi un lieu d’expression artistique : on y vient pour danser, jouer de la musique… Pour m’y être déjà baladée à plusieurs reprises, je sais qu’on peut même y faire des racontées au pied de cette statut d’Andersen que j’évoquais, ou comme ça sous un arbre, en laissant les gens venir à soi.

– Sans compter non plus ces jardins communautaires comme celui où nous sommes installés, dans un quartier de Harlem, pour réaliser cet entretien…

En effet. New York, c’est une ville dense, avec ses grandes tours, ses avenues et ses rues parallèles, mais ce sont aussi ces cadeaux en forme de jardins qu’on découvre un peu par hasard entre deux immeubles, aménagés dans d’anciennes friches et des dents creuses, et qui sont autant de havres de paix… Quand on sait le prix du foncier ici, leur existence tient du mystère. Comme dans celui où nous sommes, leur superficie pourrait suffire pour y construire un énième immeuble. Et bien non ! A New York, il y a aussi des jardins partagés, avec leurs arbres et leurs parterres de fleurs, des légumes, des herbes aromatiques et même des chaises pour s’installer. Celui-ci est particulièrement propret, avec ses fauteuils en bois confortables. Nous sommes au frais, ce qui est bien agréable en ces jours d’été où domine une chaleur moite, presque étouffante. C’est un endroit où j’imaginerais bien faire des séances de pauses-contées !

– Avez-vous fait d’autres rencontres fortuites ?

Oui, toujours avec un lieu, une librairie francophone qui propose des racontées pour les enfants ! Malheureusement, ce jour-là, elle était fermée. J’y retournerai un autre jour. Je ne doute pas qu’il y aura d’autres opportunités, mais pour cela il me faut encore prendre le temps de m’immerger dans la ville. Etant entendu que je garde à l’esprit que tout cela n’est qu’un jeu, certes très sérieux comme tous les jeux, mais auquel je m’adonne sans chercher à trop forcer le destin.

– Si vous deviez donner des conseils ou suggestions à d’autres visiteurs de New York, quels seraient-ils ?

Si j’en ai un à donner, ce serait de ne pas hésiter à pratiquer ces visites guidées à pied  [pour en savoir plus, cliquer ici]. Quelque chose que je prise beaucoup, car cela permet de découvrir des quartiers de la ville par le truchement de personnes qui y habitent. Les Américains savent décidément y faire : ces guides, des New Yorkais de souche ou d’adoption, sont des gens passionnés, qui aiment parler de leur ville sinon de leur quartier. Ils n’ont pas leur pareil pour vous transporter avec un sens de ce storytelling que j’évoquais : ils n’hésitent pas à parler de la ville à la première personne, en relatant des anecdotes personnelles, tout en fournissant une information documentée. Cela m’a inspiré des idées : pourquoi ne pas faire de même à Palaiseau ou même à Paris-Saclay ?

– Ah ! Très intéressant. Précisez s’il vous plaît…

Il s’agirait tout simplement de faire visiter le Plateau de Saclay, par des gens qui y vivent, y travaillent et/ou même y étudient. Cela permettrait peut-être d’atténuer ce sentiment de clivage sinon de manque de porosité qu’on peut parfois ressentir entre le campus et certains quartiers du territoire. A Palaiseau, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche sont sur le Plateau, tandis que la population vit dans la vallée. Tout le contraire de ce qu’on observe ici. Le campus de la Columbia University que j’ai visité est non seulement intégré dans la ville, mais encore ouvert : on peut y aller et venir à sa guise : on peut en visiter les jardins, accéder à certains bâtiments, y consulter internet, profiter de la cafétéria, etc. Bref, le campus est dans la ville et vit avec elle. Il y a même un petit marché de producteurs dans ses abords immédiats. Certes, ce campus n’est pas comparable à celui de Paris-Saclay, autrement plus vaste. Mais celui-ci n’en donne pas moins le sentiment d’être plus fermé. J’en reviens donc à cette idée de visites contées, qui pourraient contribuer à tisser des liens, pour commencer, entre le monde académique et le reste de la population, qui ne demande qu’à mieux comprendre les enjeux du projet de cluster.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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