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Aménagement & Architecture

Kadans ou le techtiaire qui connecte à d’autres campus

Le 10 février 2023

Suite de notre série sur l’immobilier techtiaire à travers cet entretien avec Elsa Ferrard, directrice de la filiale française de Kadans Science Partner, qui implante dans l’écosystème Paris-Saclay un bâtiment attendu pour 2026.

- Si vous deviez, pour commencer, pitcher Kadans Science Partner ?

Elsa Ferrard : Kadans Science Partner a été fondée à la fin des années 1990. C’est une société européenne, intégrée au groupe AXA-IM. Initialement, elle s’était positionnée dans l’investissement dans des activités et industries légères. À partir de la fin des années 2000, en se rapprochant du domaine des sciences de la vie, elle a identifié les besoins spécifiques des entreprises innovantes : disposer, à proximité de campus universitaires, de bureaux mais aussi de laboratoires et de plateaux techniques où pouvoir mener de la R&D à petite échelle. Depuis, Kadans s’est concentrée et spécialisée sur ce type d’actifs – des espaces de travail dans des environnements techniques contrôlés – non sans ajouter une nouvelle compétence à son métier, celle d’exploitant. N nous ne nous bornons pas à concevoir ce mobilier techtiaire, nous en assurons l’exploitation au quotidien, ce qui nous rend particulièrement attentifs à la qualité de la conception et de la construction.

- À l’image de bailleurs sociaux qui, en charge de l’exploitation de logements collectifs, sont d’autant plus attentifs aux coûts d’entretien et de maintenance…

Elsa Ferrard : Parfaitement. Nous ne cherchons pas un retour rapide sur investissement qui se ferait au prix d’un épuisement du potentiel d’un bâtiment.

« Jusqu’ici, les entreprises innovantes n’avaient accès qu’aux laboratoires d’universités ou d’instituts de recherche, sans disposer toujours de l’espace et des équipements nécessaires à leur déploiement. »

- Où en êtes-vous dans votre développement ?

Elsa Ferrard : Aujourd’hui, nous assurons la gestion d’une soixantaine d’immeubles, répartis dans vingt-sept campus, eux-mêmes implantés dans six pays européens : outre la France et les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et l’Espagne. Ces immeubles hébergent un demi millier d’entreprises : des start-up, des PMI ou encore des équipes R&D de grands groupes. La moitié des surfaces que nous opérons sont des laboratoires : L2, L3, salles blanches ou encore espaces techniques de pré-production industrielle comme des GMP [ Good Manufacturing Practices ]. Autant d’espaces qui manquaient le plus souvent dans les campus classiques, en France du moins. Jusqu’ici, les entreprises innovantes n’avaient accès qu’aux laboratoires d’universités ou d’instituts de recherche, sans disposer toujours de l’espace et des équipements nécessaires à leur déploiement.

- De même, les incubateurs mettent à disposition des bureaux et des salles de réunion, mais ne sont pas toujours dotés de plateaux techniques spécifiques dimensionnés pour leurs besoins…

Elsa Ferrard : En effet. Kadans se positionne entre les centres de R&D conçus pour les grands groupes et les incubateurs, en assumant tout à la fois les rôles d’investisseur, de développeur et d’opérateur d’immeubles et de campus dédiés à la R&D. Et ce dans des domaines qui vont des sciences de la vie à la transition énergétique en passant par l’agroalimentaire.
La France en général et l’écosystème de Paris-Saclay en particulier sont bien dotés en lieux d’incubation et en plateformes techniques au sein d’instituts de recherche universitaire. Les grands groupes (EDF, plus récemment Servier et Danone) se sont dotés de centres de R&D plus modernes, dotés d’un incubateur. Mais une fois sortie de la phase d’incubation, le chemin est encore long pour la start-up qui aspire à grandir ; elle ne dispose pas forcément des compétences en interne pour concevoir son propre espace de R&D.

- Quelles compétences, expertises, mobilisez-vous en interne pour répondre à ce type de besoin ? On imagine qu’elles touchent à la fois aux aspects techniques et architecturaux, bref, qu’il y a chez vous quelque chose du mouton à cinq pattes…

Elsa Ferrard [ Sourire ] : En effet, nous mobilisons plusieurs champs d’expertise, les nôtres ou celles de partenaires. Nous avons à cœur de faire travailler ensemble des gens de différents horizons professionnels et disciplinaires. Les bâtiments que nous concevons et exploitons ont en outre vocation à être multi-occupants, à héberger tout type de locataire – de la start-up à l’équipe d’un grand groupe en passant par la PMI – nous accordons beaucoup d’importance à cette diversité car elle contribue à la richesse des échanges entre ces occupants.
D’où le soin particulier apporté à l’infrastructure bâtimentaire, à son architecture et à l’animation du lieu, étant entendu que l’enjeu est aussi de favoriser des échanges avec l’extérieur : les autres acteurs présents sur le campus, mais aussi ceux présents sur nos autres campus. D’ailleurs, si je devais caractériser notre ADN, je dirais qu’il réside d’abord dans la volonté de favoriser toutes les interactions possibles, locales et internationales, pour favoriser le développement de nos locataires.

- Un mot sur votre modèle économique ?

Elsa Ferrard : Il repose non seulement sur la location des mètres carrés, mais encore sur des prestations de services. Pour autant, à la différence de certains incubateurs ou accélérateurs, nous n’investissons pas dans les entreprises que nous hébergeons. Nous tenons à préserver notre impartialité. En revanche, comme je le disais, nous faisons en sorte que nos locataires puissent trouver tous les partenaires dont ils ont besoin pour leur développement, dans les alentours immédiats ou en leur ouvrant les portes d’autres campus.

- Venons-en au bâtiment techtiaire que vous comptez ouvrir dans le quartier de Moulon…

Elsa Ferrard : D’une superficie de 15 000 m2, il sera constitué en grande majorité de laboratoires. Il sera suffisamment flexible pour accueillir tout type d’entreprises, petites, moyennes ou grandes. Toutes les fonctionnalités techniques ont été pensées pour accueillir des laboratoires à n’importe quel endroit, en prévoyant pour cela des surcharges au sol, des hauteurs sous plafond, la gestion des flux logistiques et l’alimentation en gaz spéciaux. Comme nos autres bâtiments, il a vocation à accueillir des entreprises et des organisations engagées dans de la recherche sur des thématiques de l’agroalimentaires, de la santé, des biotechs et de la transition énergétique. Et conformément au principe déjà éprouvé sur nos autres bâtiments, il s’organisera autour d’un atrium central conçu pour favoriser les interactions informelles dont on sait l’importance dans l’émergence d’idées, l’éclosion de projets partenariaux. Précisons que sa conception et construction ont été confiées, à la fin 2022, au groupement emmené par les architectes Chartier-Dalix, à l’issue du concours d’architecture organisé avec l’EPA Paris-Saclay.

- Quand ce bâtiment sera-t-il livré ?

Elsa Ferrard : En 2026, dans à peine trois ans !

- Soit l’année de la mise en service de la future ligne 18 du Grand Paris-Express...

Elsa Ferrard : En effet, et on ne pouvait pas rêver d’un meilleur alignement des étoiles ! Entretemps, nous lancerons en juin la construction d’un premier site, sur le campus de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, qui devrait être livré en 2025. Lui sera orienté sur la santé et plus spécifiquement l’oncologie. D’ores et déjà, nous réfléchissons à ses interactions avec celui de Paris-Saclay. Précisons encore qu’il sera localisé en face du Spartners, l’incubateur du nouvel Institut de R&D Paris-Saclay du groupe Servier. De sorte qu’on pourrait imaginer un parcours résidentiel de la start-up depuis cet incubateur jusqu’à notre bâtiment.

« Tous nos bâtiments sont conçus à partir d’une étude fine de l’environnement dans lequel ils s’insèrent. »

- Quelle est la part entre la reproduction d’un modèle ayant fait ses preuves et la conception d’un projet in situ, répondant au plus près aux particularités de l’écosystème de Paris-Saclay ?

Elsa Ferrard : Tous nos bâtiments sont conçus à partir d’une étude fine de l’environnement dans lequel ils s’insèrent. Nous n’avons pas procédé autrement pour celui-ci : nous avons pris le temps de bien analyser l’écosystème de Paris-Saclay, les secteurs de recherche et d’innovation parmi les plus prometteurs, d’évaluer les besoins de façon à dimensionner le bâtiment et les caractéristiques techniques des laboratoires. Voilà pour les aspects techniques. Ensuite, pour ce qui concerne les lieux de vie, nous nous appuyons tant sur notre savoir-faire que sur le recueil des besoins des acteurs déjà sur place, en les adaptant au contexte en fonction de l’offre de lieux de vie, de loisirs et de commerces, existant dans le voisinage. Par exemple, force est de constater qu’en France, on accorde plus d’importance à la pause déjeuner qu’aux Pays-Bas ou d’autres pays européens. Nous faisons donc du sur-mesure y compris dans la manière d’envisager les possibilités de restauration.

- Quelle est la particularité de Paris-Saclay par rapport aux autres écosystèmes dans lesquels vous êtes implantés ?

Elsa Ferrard : Paris-Saclay est une concentration sans équivalent en Europe d’acteurs de l’excellence académique et scientifique, mais aussi d’acteurs économiques – industriels, PMI, start-up… Bref, Paris-Saclay coche toutes les cases des critères qui déterminent la réussite d’un cluster d’innovation de classe mondiale. Au-delà de Paris-Saclay, il me semble qu’un bâtiment comme celui que nous allons faire construire répond au défi de la pré-industrialisation du pays et de la reconquête de notre souveraineté dans des secteurs clés – la santé, l’alimentaire, l’énergie… Il arrive à point nommé pour aider à concrétiser les investissements consentis par l’État dans le cadre de France 2030.

- Une question plus personnelle pour clore cet entretien : qu’est-ce qui vous a motivée à rejoindre Kadans Science Partner et, à travers cette société, à travailler sur cet immobilier novateur ?

Elsa Ferrard : Une partie de la réponse est dans la question ! La perspective de contribuer au développement d’entreprises dans un immobilier résolument novateur est forcément stimulante. De même que cette vision à long terme, au plus près des occupants, que privilégie Kadans. Cela donne plus de sens à l’acte de construire.

Publié dans :

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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