Entretien avec Delphine Le Piolet, bibliothécaire au Lumen
Suite et fin de nos échos à l’inauguration, le 18 janvier dernier du Lumen, le Learning Center de l’Université Paris-Saclay, avec, cette fois, le témoignage de Delphine Le Piolet, bibliothécaire au Lumen, qui nous en dit plus sur l’étrange véhicule autonome qui circulait dans les allées du nouveau bâtiment.
- Pouvez-vous pour commencer par me décrire cette machine que j’ai sous les yeux ?
Delphine Le Piolet : Il s’agit du droïde autonome de logistique urbaine conçu par la société TwinswHeel* fondée par deux pionniers de la robotique mobile, Vincent et Benjamin Talon, le premier étant un ancien de CentraleSupélec, école située à quelques distances de là et partie prenante du projet du Lumen. C’est dire si nous en sommes fiers ! Depuis un an, nos deux entrepreneurs ont l’autorisation de faire circuler leur véhicule à titre expérimental sur le campus, entre les résidences universitaires. Actuellement, il peut se déplacer le long du « Deck », l’avenue des sciences, jusqu’à l’ENS Paris-Saclay et un peu au-delà, grâce à des itinéraires préenregistrés, en pouvant transporter, dans cette version-ci, jusqu’à 150 kg de charges, disposées dans le coffre prévu à cet effet.
Plusieurs tests ont d’ores et déjà été menés avec une enseigne du quartier de Moulon, pour la livraison de repas ou de courses dans les résidences. Il pourrait transporter tout aussi bien des colis, des documents ou des livres. C’est pour cela qu’il nous intéresse : nous pourrions y recourir pour faire la navette entre nos différentes bibliothèques y compris celles de la vallée : la bibliothèque d’Orsay, proche à vol d’oiseau, mais séparée par un fort dénivelé à travers la forêt. Nous éviterions ainsi des allers retours en voiture ou, à des étudiants, de devoir se déplacer d’un site à l’autre.
- Ce faisant, il incarnerait bien cette mutualisation des ressources qui a présidé à la création du Lumen…
D. Le P. : Tout à fait. D’ailleurs, Nous l’avons déjà utilisé pour transporter des ouvrages de Gustave Eiffel qui sont conservés ici au Lumen, pour les besoins d’une exposition organisée à CentraleSupélec. Le coffrage a permis de le faire en toute sécurité.
Souhaitant aller à la rencontre de notre public, nous recueillons les avis et suggestions des étudiants, mais aussi des personnels des services généraux, quant aux autres usages que nous pourrions en faire.
- Quel accueil lui est-il réservé ?
D. Le P. : Son apparence extérieure, avec ses grands yeux ouverts, la musique qui prévient de son approche, suscite d’emblée la sympathie ! Beaucoup d’étudiants nous questionnent à son sujet.
- Qu’en est-il néanmoins de la sécurisation de ses déplacements dans des espaces occupés par des humains…
D. Le P. : Si ses itinéraires sont préenregistrés, il n’en est pas moins commandé à distance par un opérateur. Et puis, le bruit qu’il fait et ses clignotants lumineux incrustés dans ses « yeux » permettent d’alerter les passants. En cas de danger, on peut toujours le stopper en appuyant sur un bouton placé au niveau de son « museau ». Rappelons encore que nous sommes dans un contexte favorable, peuplé de « technophiles », d’étudiants en robotique, qui manifestent beaucoup de curiosité et d’intérêt à son égard, et donc d’attention. Ils ne demandent qu’à contribuer à son développement.
- Et vous, en tant que bibliothécaire, qu’est-ce qui vous a prédisposée à accueillir cette innovation dans votre environnement de travail ?
D. Le P. : Aujourd’hui, nos métiers de bibliothécaire s’ouvrent à de nouvelles missions, définies à l’occasion de l’ouverture du Lumen, en septembre dernier. Un pôle innovation en direction des publics a été constitué, qui mobilise une équipe ayant vocation a mené des tests, quitte à devoir échouer. Mais l’innovation, c’est précisément cela, un processus d’essais-erreurs. Selon le cas, nous testons des projets portés par une société privée, comme ici, avec le droïde, ou des projets internes au Lumen, en sollicitant nos publics, pour recueillir leurs avis, selon les principes du UX design [un design qui procède à partir de l’expérience utilisateur]. Dès lors qu’une idée émerge et qu’elle nous paraît prometteuse, susceptible d’apporter une amélioration à nos services, nous l’accompagnons.
- Preuve que le beau métier de bibliothécaire qu’on pouvait croire condamné à l’ère du numérique a encore un bel avenir…
D. Le P. : Si le catalogage et la gestion de fonds de patrimoine exigent encore des aptitudes précises, le métier tend à se diversifier, en nous incitant à tester et à oser. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement dans un contexte comme le Lumen et plus généralement l’écosystème Paris-Saclay ? Notre public très large et très curieux d’étudiants, chercheurs ou doctorants nous pousse à proposer des nouveaux services, on ne peut qu’avoir envie d’évoluer en ce sens.
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