Visite de la Fibre Entrepreneur – Drahi X-Novation Center.
Après la mise en place de formation en entrepreneuriat et la création d’un accélérateur (X-Up), l’Ecole polytechnique s’apprête à ouvrir à la rentrée prochaine La Fibre Entrepreneur – Drahi X-Novation Center. En charge du Pôle Entrepreneuriat et Innovation (PEI) de l’école, Matthieu Somekh nous en dit plus, au milieu des cartons et des travaux de finition.
– Nous sommes dans un tout nouveau bâtiment, à deux pas de la Cour d’honneur de l’École polytechnique. Pouvez-vous pour commencer par en préciser la finalité : est-ce un incubateur, un accélérateur, un FabLab, un lieu de formation à l’entrepreneuriat ?
Vous auriez pu ajouter « design center » dans votre liste ! Cela étant dit, c’est un peu tout cela à la fois. Notre volonté a été de réunir dans un même lieu l’ensemble des outils et des actions qui permettent d’aller de la sensibilisation à l’entrepreneuriat jusqu’à la réalisation de projets entrepreneuriaux, en passant par le prototypage de ses idées, des séances de formation et, bien sûr, le travail en équipe. Le lieu s’organise autour de plusieurs espaces et de salles sur une surface totale de 2 500 m2, répartis sur deux étages : outre le hall d’entrée qui permet aux personnes de se croiser, tout simplement, ou d’accueillir des événements, La Fibre Entrepreneur compte une salle de cours (ceux du master Entrepreneuriat), des bureaux pour les entrepreneurs, des salles de réunion, un FabLab, un e-Lab, etc.
La sensibilisation à l’entrepreneuriat se fera notamment à travers des témoignages d’entrepreneurs et de professionnels qui seront invités à raconter leur parcours, prodiguer leurs conseils, ou à travers des manifestations comme le Startup Weekend organisé par le Cabinet Start-Up. Avant même d’en venir à un projet entrepreneurial, les élèves auront la possibilité de prototyper leurs idées. A ce stade, nous ne sommes donc pas encore dans une logique de pré-incubation.
Mais, une fois que les élèves seront convaincus de pouvoir et de vouloir aller plus loin, ils pourront accéder à l’accélérateur X-Up, un programme de six mois renouvelable une fois. Lancé en avril 2015, il bénéficie déjà à quatre premières start-up. Les prochaines sont appelées à rejoindre La Fibre Entrepreneur dès le 1er octobre. A terme, on en prévoit douze à quinze par cycle d’accélération.
Enfin, au sortir de l’accélérateur, les start-up peuvent rejoindre un incubateur de l’écosystème de Paris-saclay (IncubAlliance ou ceux d’HEC, de Télécom Paristech, etc) ou une pépinière comme la nôtre, X-Technologies, hébergée dans le bâtiment 404, situé de l’autre côté de la Cour d’honneur. Deux ailes de la Fibre Entrepreneur leur sont également réservées. Ce qui, au passage, permettra de supprimer les Algeco que nous avions installés au fil du temps pour répondre aux besoins croissants des start-up.
– Quel est le coût de l’hébergement ?
L’hébergement dans la pépinière se fait classiquement selon l’équivalent d’un loyer mensuel [ Pour tout renseignement, consulter le site de l’École polytechnique, en cliquant ici ]. L’hébergement au sein de l’accélérateur (six mois, renouvelables une fois, donc) est lui, gratuit moyennant la cession d’une participation, modeste, dans le capital.
– Combien de start-up ou de projets comptez-vous accueillir et à quelle échéance ?
La Fibre Entrepreneur – Drahi X-Novation Center accueillera tout prochainement les start-up de la première promotion de X-Up (quatre au total). La deuxième promotion démarrera, comme indiqué, début octobre. Les candidatures sont ouvertes jusqu’à la fin du mois d’août. Huit à dix projets sont attendus. L’équipe du Pôle Entrepreneuriat et Innovation se tient naturellement à disposition pour répondre aux questions des candidats. Je tiens à préciser qu’il n’est nullement obligatoire d’être Polytechnicien. La Fibre Entrepreneur a l’ambition d’accueillir des projets innovants d’où qu’ils viennent, dès lors qu’ils sont susceptibles d’enrichir l’écosystème de Paris-Saclay, d’y créer des emplois.
– Pourquoi cette appellation » La Fibre entrepreneur – Drahi X-Novation Center ?
La Fibre Entrepreneur dit bien ce qu’elle veut dire. Drahi, c’est en référence au fondateur du groupe Altice, Patrick Drahi, polytechnicien, qui s’est de nouveau engagé, à hauteur de cinq millions d’euros, pour l’École polytechnique en faveur de l’entrepreneuriat et de ce projet en particulier.
– Depuis quand avez-vous travaillé sur ce projet ?
Nous y travaillons depuis deux ans. La réflexion a été engagée à l’été 2013, avec l’arrivée de Jacques Biot, notre Président, qui souhaitait promouvoir l’entrepreneuriat innovant parmi les Polytechniciens. Pendant six mois, nous avons pris le temps de voir ce qui se passait ailleurs, dans les milieux où les start-up se développent : à Lausanne, dans la Silicon Valley, au MIT, en Israël… Non pas pour recopier ce qui se faisait déjà, mais nous en inspirer en l’adaptant à nos besoins. A chaque contexte, son écosystème, ses spécificités. C’est pourquoi nous avons été aussi attentifs à ce qui se passait autour de nous, dans l’écosystème de Paris-Saclay. Nous avons la chance d’être sur un campus où il y a un nombre important d‘étudiants de très haut niveau, des chercheurs aussi bien académiques que d’entreprises, et de plus en plus de start-up. Nous sommes à l’évidence dans un écosystème extrêmement favorable. Autant s’y inscrire en donnant à voir l’engagement de l’École polytechnique en faveur de l’entrepreneuriat.
– Que dites-vous à ceux qui considéreraient que cela n’en reste pas moins un projet de l’École polytechnique, qui a créé son propre écosystème alors qu’il aurait été préférable de s’engager dans la mutualisation ?
Je rappellerai que ce projet a été conçu comme une contribution de l’École polytechnique à l’entrepreneuriat local. A ceux qui pouvaient s’interroger sur son implication dans cet enjeu, nous apportons une nouvelle démonstration, après la mise en place de formations à l’entrepreneuriat et de l’accélérateur X-Up, de notre volonté d’y prendre part. Et ce, j’insiste de nouveau sur ce point, dans la volonté de nous intégrer pleinement dans l’écosystème de Paris-Saclay.
– La Fibre Entrepreneur n’est donc pas destinée qu’aux seuls Polytechniciens ?
Non et c’est important de le souligner. La Fibre Entrepreneur a vocation à accueillir des entrepreneurs, étudiants et chercheurs, extérieurs au campus de l’X. Un élève de CentraleSupélec, d’HEC ou d’une tout autre école qui veut développer son projet ici, parce que cela fait sens, est le bienvenu. Déjà, notre accélérateur X-Up est ouvert à des startuppers issus d’autres écoles du campus de Paris-Saclay ou même d’un autre. Les deux personnes que nous avons croisées tout à l’heure dans la partie accélérateur, Antoine et Vincent, viennent de l’ESCP. Ils ont créé Auxivia, une start-up spécialisée dans le développement d’objets connectés pour le bien être des personnes âgées.
J’ajoute que La Fibre Entrepreneur a vocation à s’insérer dans le réseau des lieux innovants de Paris-Saclay (503, PROTO204, etc.). Ce qui signifie que nous nous garderons de proposer uniquement les mêmes machines, les mêmes équipements qui seraient disponibles ailleurs, sur le campus. Nous devons jouer la carte de la complémentarité. Il sera donc possible d’être ici dans La Fibre Entrepreneur, tout en fréquentant d’autres lieux en parallèle.
Rappelons aussi que nous avons un partenariat déjà ancien avec les incubateurs d’HEC et de Télécom ParisTech. Beaucoup d’X y développent leurs projets. Nous ne faisons que répondre aux attentes des entrepreneurs qui ne demandent qu’à bénéficier des meilleurs atouts, là où ils se trouvent. Nous n’avons donc pas d’autre ambition que de favoriser leur circulation et les échanges entre eux. Le Saclay Pitch Night que nous avons monté avec HEC n’avait pas d’autre finalité : favoriser les rencontres entre des étudiants de différents établissements. Chacun y est invité à pitcher son idée dans l’espoir d’identifier ses futurs associés et de recueillir des retours. Déjà, on constate un nombre croissant de projets portés par des étudiants issus d’établissements toujours plus variés.
– En remettant ce projet de La Fibre Entrepreneur en perspective, force est de constater la rapidité avec laquelle l’École polytechnique s’est engagée dans la promotion de l’entrepreneuriat innovant. Il y a quelques années, l’école paraissait en retard dans ce domaine. Comment expliquez-vous la rapidité avec laquelle la Fibre Entrepreneur a vu le jour ? Quelle est la part entre le savoir-faire de l’Ecole polytechnique à monter un projet de cette envergure et l’émulation de l’écosystème ?
Je ne vous surprendrai pas si je vous disais que c’est effectivement une nouvelle démonstration de la capacité d’une école comme l’X de mener des projets avec ambition, audace et célérité ! Non seulement je le pense, mais encore je suis fier de travailler pour cette école, disposant d’une telle force de frappe pour mener des projets en un laps de temps aussi court. Deux ans, pour passer de l’idée à la concrétisation d’un lieu comme celui-ci et de tout ce qui va avec, c’est peu ! Après, force est de reconnaître que nous avons été plus que stimulés par l’attente très forte des jeunes d’aujourd’hui et leur ambition à entreprendre. Ici-même, à Paris-Saclay, ils sont chaque année plus nombreux à se lancer. Le campus Paris-Saclay est d’ailleurs bien représenté dans les concours dédiés à l’entrepreneuriat innovant. A quoi s’ajoute, sur un plan plus national, un contexte politique et économique qui fait davantage la part belle à l’entrepreneuriat innovant. Tant et si bien qu’aujourd’hui, le fait de rejoindre une start-up est vécu comme une superbe opportunité en début de carrière ou même après une première expérience professionnelle.
– A force de côtoyer des startuppers, êtes-vous vous-même tenté de sauter le pas de l’entrepreneuriat ? Sauf à considérer que vous l’avez déjà fait en menant à bien ce projet…
(sourire) J’ai déjà une expérience de startupper ! Avant de rejoindre l’X, j’ai fondé une start-up suite à une thèse que j’avais débutée en convention Cifre dans une entreprise qui, malheureusement, a été liquidée avant que je ne la finisse. De là mon projet de start-up qui était l’occasion de valoriser mes travaux de recherche. Ce projet-ci s’apparente à l’évidence à un projet entrepreneurial et il donne la part belle à l’innovation technologique. Comme dans une start-up, nous avons dû avancer à un rythme soutenu tout en intégrant les contraintes propres à une grande institution comme l’X. A défaut d’entrepreneuriat proprement dit, il s’agit d’intrapreneuriat.
– Un mot sur l’architecte et la manière dont vous avez programmé le bâtiment de La Fibre Entrepreneur ?
Nous avons eu la chance de travailler avec Pascal Defiez, l’architecte attaché à l’X, dont il assure l’ensemble des spécifications et l’expression des besoins (ce qui représente beaucoup de chantiers et de projets en cours sur le campus de l’X !). C’est dire s’il nous a été d’autant plus facile d’être associé à la conception et d’imaginer un lieu aussi adapté que possible à l’univers des start-up. Je tiens aussi à saluer le travail de l’entreprise Cougnaud qui a su livrer un bâtiment correspondant à nos attentes : un bâtiment dans lequel on se sente bien et où on ait envie de venir et revenir. L’objectif étant aussi que les personnes se l’approprient. C’est à dessein d’ailleurs que nous avons évité de colorer les murs. Pour l’heure, ils sont tout blancs. On pourra mesurer la manière dont le lieu aura été approprié à la manière dont ils auront été repeints ou recouverts au fil du temps !
Journaliste
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