Visionairy, le contrôle qualité à l’heure de l’IA.
Le 17 septembre 2019, se déroulait à la Royale Factory (Versailles), la cérémonie de remise des trophées de la 4e édition du Challenge Paris-Saclay CES Las Vegas 2019, un événement de la CCI Versailles-Yvelines. En voici un écho avec le témoignage de Daniel Blengino, cofondateur et CEO de Visionairy, lauréate du prix du Public.
– Si vous deviez pitcher Visionairy, pour commencer ?
La création de Visionairy découle d’un constat : dans l’industrie, les contrôles qualité sont encore pour l’essentiel réalisés par des opérateurs, qui en sont réduits à détecter à l’œil nul les éventuels défauts sur les pièces, qui sortent des chaînes de production. Une activité coûteuse, source de pénibilité au travail, en plus d’être peu précise : l’attention des opérateurs diminue à mesure qu’on avance dans la journée, avec, donc, le risque de laisser passer des pièces défectueuses. On estime à 30% le taux d’erreur. Sans compter que le contrôle reste partiel : compte tenu des volumes produits, il ne porte que sur une partie de la production. On procède à ce qu’on appelle un contrôle statistique consistant à prélever des échantillons pour inférer sur la qualité générale de la production. Résultat : si un lot comporte une forte proportion de pièces défectueuses, il sera retiré intégralement, ce qui ajoute au surcoût.
– En quoi consiste votre solution ?
Visionairy se propose d’automatiser le contrôle qualité sur l’ensemble de la production. Nous faisons pour cela entrer l’intelligence artificielle au cœur de l’usine en combinant du hardware – un système de vision complet (éclairage, caméra et fixation) et un robot – et du software – un logiciel utilisant les dernières avancées dans le domaine de l’apprentissage profond (le deep learning autrement dit), à même d’apprendre à reconnaître les nouveaux défauts susceptibles d’intervenir dans la production. Ajoutons que notre solution permet d’intervenir à une cadence pouvant aller jusqu’à 7 000 pièces par heure et avec une précision de 0,1 mm.
– Où en êtes-vous dans votre développement ?
Notre start-up est toute jeune. Elle a été créée en avril 2018. A ce jour, nous avons vendu deux solutions à un même client : Erpro 3D Factory, une filiale de Chanel et d’Erpro Group. La première solution était encore semi-automatique : quand un défaut survient, l’information est remontée sur un écran, en étant encadrée en rouge, charge ensuite à un opérateur humain de retirer la pièce à la main. C’est la solution que nous avions conçue dans le cadre de notre projet de fin d’études. Depuis, nous avons vendu, à cette même entreprise, une autre solution intégralement autonome grâce à un système d’acheminement des pièces défectueuses. Solution que nous nous employons de vendre à d’autres industriels.
– Combien d’effectifs comptez-vous ?
Visionairy ne compte encore que deux personnes : mon associé cofondateur et moi. Notre objectif est de recruter d’ici début 2020 un ingénieur et un commercial, dans un premier temps.
– Qu’est-ce qui vous a prédisposés à concevoir cette solution et à être un entrepreneur innovant ?
Tous les deux sommes ingénieurs opticiens, diplômés de l’Institut d’Optique. Nous nous sommes spécialisés dans le traitement d’image et du signal, ainsi que le maching learning. Autant de compétences qui entrent dans la conception de notre solution. Avant de créer Visionairy, nous avons eu des expériences professionnelles dans des start-up spécialisées dans la vision. Pour ma part, j’ai travaillé chez Effilux, un spécialiste de l’éclairage pour la vision industrielle, puis chez SmartMeUp, qui fait de la vision par ordinateur dans le domaine de la smart city et de la smart home. Des expériences qui m’ont donné un avant goût de l’industrie et appris à travailler avec ce genre de partenaire.
– Sont-ce ces expériences qui vous ont décidé à créer votre propre start-up ?
J’y étais en fait prédisposé pour avoir suivi la FIE (Filière Innovation-Entrepreneurs) de l’Institut d’Optique. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai rencontré mon futur associé. Nous avions pu ainsi collaborer pendant deux ans sur un projet de fin d’études, avant de nous lancer dans la création de visionairy, non sans tester par la même occasion notre envie de travailler ensemble et notre capacité à le faire. En bref, la FIE nous a été très utile pour mâturer notre projet, acquérir les compétences nécessaires pour innover, mais aussi créer une entreprise. Aujourd’hui, nous disposons toujours de locaux dans le bâtiment 503 [qui abrite la FIE]**
– Au-delà de l’Institut d’Optique, en quoi l’écosystème de Paris-Saclay a-t-il été favorable à la naissance et au développement de votre projet ?
Visionairy est basée à Orsay et son CEO est issu de l’Université Paris Saclay. C’est dire si nous sommes bien inscrits dans cet écosystème. D’autant qu’avec mon associé, nous avons également suivi le D2E (diplôme d’établissement étudiant-entrepreneur), ce que nous renouvelons cette année, car il permet de développer un véritable réseau et d’avoir accès à tous les événements organisés à Paris-Saclay. C’est d’ailleurs à l’occasion d’un événement organisé à Centrale Supélec – une séance de pitches organisée par Partech Venture – que nous avons rencontré la directrice des partenariats stratégiques de Chanel, qui devait nous orienter vers notre premier client.
De par le nombre de chercheurs, d’entreprises innovantes, d’investisseurs et d’établissements d’enseignement supérieur qu’il concentre, l’écosystème est unique en son genre. Pour une start-up comme la nôtre, c’est le gage de pouvoir y trouver les compétences dont nous avons besoin.
– Est-ce à dire que vous comptez rester dans l’écosystème ?
Nous sommes actuellement incubés à Station F – dans le cadre du programme Pépite Starter Ile-de-France, dont nous avons été lauréats. Pour autant, nous ne rompons pas tout lien avec l’écosystème. Comme je l’indiquais nous disposons encore de locaux au sein du 503 pour les besoins de notre R&D. Il ne s’agit donc pas d’opposer les deux. Disons que Station F est plus adaptée à nos activités commerciales et marketing.
– Autre illustration de votre ancrage : le Challenge Paris-Saclay CES Las Vegas* dont vous avez reçu le prix du Public. On imagine la joie du jeune startupper…
Oui, bien sûr, d’autant que ce fut une vraie surprise. Participer au CES Las Vegas offre un triple intérêt. D’abord, c’est la possibilité de rencontrer au même endroit et au même moment des prospects, des partenaires et des clients potentiels – il nous faut juste préparer en amont nos rencontres, ce à quoi nous nous attelons. C’est ensuite le gage d’une plus grande visibilité à l’international et, donc, en France. Car participer à un tel événement, qui fait référence chez les professionnels, c’est la démonstration que notre techno est déjà suffisamment mature. C’est, enfin, la promesse de feedbacks sur notre solution, qui nous permettront de l’améliorer encore.
A lire aussi l’entretien avec Laurent Bernard, cofondateur d’Ecojoko, la start-up lauréate du prix du Jury, qui a mis au point un assistant d’économie d’énergie à la maison (pour y accéder, cliquer ici).
* Le Challenge Paris-Saclay CES Las Vegas : c’est un des événements de la Communauté Open’Ynnov, portée par la CCI de Versailles-Yvelines. La cérémonie des trophées invite six startup finalistes (parmi les trente candidats pour cette 4e édition) à pitcher devant un public de professionnels. Deux prix sont remis à cette occasion : le prix du jury et le prix du public avec, à la clé, une invitation à participer à la prochaine édition du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, qui se tient au mois de janvier de l’année suivante. Le lauréat du prix jury est Ecojoko, une start-up, qui propose aux particuliers une solution d’économie d’énergie. Les quatre autres finalistes sont : B-Cube.ai ; JeFile ; Kalima Systems et Odiho.
** Le hasard a d’ailleurs voulu que nous nous croisâmes au FabLab du 503; quelques jours après notre entretien.
Journaliste
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