Le 12 juillet 2018 avait lieu l’inauguration de la MISS, la Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences. Nous y étions. Voici nos premières impressions, avant les témoignages que nous avons recueillis auprès d’enseignants-chercheurs et doctorants qui y assurent l’animation d’ateliers.
Tout arrive à qui sait attendre. Nous avions assisté à une présentation du projet architectural de ce qui déjà s’appelait la MISS. C’était en juillet 2014 (pour accéder au compte rendu que nous en avions fait, cliquer ici). Il aura donc fallu attendre quatre années pour la voir en vraie, à l’occasion de son inauguration – en réalité, nous aurions pu la découvrir plus tôt, la MISS étant déjà opérationnelle depuis décembre 2017 (sans compter les animations hors-les-murs proposées jusqu’alors dans les salles d’enseignement de la Faculté des Sciences Orsay).
Des couleurs du nano-monde à la communication animale
Le résultat justifiait de patienter un peu ! C’est bien simple : vous avez un coup de déprime ? On ne saurait trop vous donner le conseil suivant : allez donc faire un tour à la MISS, vous en repartirez avec la « banane » (c’est la formule qui est venue le plus souvent dans la bouche des personnes croisées à l’occasion de cette inauguration et que nous ne démentirons pas : nous l’avions aussi !). Il vous faudra cependant vous faire tout petit ou presque : ce lieu est d’abord destiné aux 8-15 ans (soit des enfants en CE2 pour les plus jeunes, en 3e pour les plus âgés, emmenés par un ou une enseignante, à qui revient donc, précisons-le au passage, le soin de faire la démarche auprès de l’administration de la MISS). Sauf à être un des trois parents maximum qui auront le privilège d’accompagner une classe (sachant que la MISS peut en accueillir deux en parallèle).
Contrairement à ce que suggère son acronyme, la MISS (pour Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences) s’adresse aussi bien aux garçons qu’aux filles. Cet acronyme n’est cependant pas anodin : il dit bien l’intention de convaincre ces dernières que la recherche scientifique est aussi faite pour elles, que ce soit en sciences exactes, en sciences du vivant, en sciences de l’ingénieur,… Au total, pas moins d’une quinzaine d’ateliers sont proposés, qui vont des « couleurs du nano-monde » à la « programmation & instrumentation » en passant par « la production d’électricité », l’archéologie, « les sciences des bateaux », la communication animale,…
Comme dans des laboratoires
A grande ambition grands moyens : le bâtiment 204, déjà partiellement occupé dans sa partie nord par le PROTO204, a été transformé pour plonger les enfants dans l’ambiance de laboratoires (au demeurant lumineux, colorés et très design). Avec au rez-de-chaussée :
– un hall d’accueil équipé « d’un écran géant permettant des échanges interactifs ou la diffusion de vidéos, des trappes interactives qui font un lien avec des femmes et hommes de science, ainsi que deux manipulations scientifiques libres (miroirs d’invisibilité et mur de savon) » (ainsi qu’on peut le lire sur le site web de la MISS) ;
– une première salle d’expérimentation « sèche », accueillant plutôt des ateliers dédiés aux mathématiques, à l’archéologie…
– une seconde salle d’expérimentation « humide » évoquant, elle, l’univers d’un laboratoire de chimie ou de biologie (avec ses instruments et produits évocateurs).
– un petit auditorium permettant aux classes de faire des bilans de leurs activités, de visionner un reportage, d’assister à une conférence,…
Ce n’est pas tout : à l’étage, des couloirs tout sauf austères, desservant de petites salles aménagées de façon à y travailler sur des ordinateurs, le tout agrémenté d’un espace « pique-nique » (les ateliers se déroulant sur une journée, les enfants se restaurent sur place sinon aux abords du bâtiment les jours de beau temps comme en celui ensoleillé de l’inauguration).
Un cluster détonnant
Au fil de notre déambulation, un mot s’impose : bravo ! A l’architecte Jean-Michel Daubourg (agence Cleris et Daubourg), mais aussi à Marianne Klapisch – architecte scénographe (agence Klapish-Claisse), sans oublier Valérie Fortuna, coordinatrice scientifique (sur la photo, ci-dessus), qui a manifestement déjà su insuffler une belle énergie au lieu et à son équipe.
De l’extérieur, le bâtiment ne paie plus de mine non plus. Preuve s’il en était besoin qu’on peut rendre une seconde vie à des constructions à vocation technique de plus de 50 ans – rappelons que le 204 a été construit en 1967 pour abriter les ateliers techniques et logistiques du Laboratoire de l’Accélérateur Linéaire (LAL) et du Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique (LURE). Le contraste est d’autant plus fort avec la partie encore vacante, entre la MISS et le PROTO204. Mais pas pour longtemps, assure-t-on : elle doit accueillir les ateliers de « Molécules à cuisiner » proposés par la Chaire « Cuisine du Futur ». Bref, un cluster des plus détonants en perspective…
Si la MISS a, elle, été conçue pour évoquer l’univers laborantin, pas question pour autant d’enfermer les enfants dans une tour d’ivoire. Plusieurs ateliers qui leur sont proposés se nourrissent des ressources de l’écosystème, en trouvant des prolongements dans la serre du campus d’Orsay (pour y enregistrer des sons d’animaux ou se mettre dans la peau d’un archéologue… – un site archéologique y ayant été reconstitué tout exprès) ou son jardin botanique (pour y observer les structures de plantes).
Ici, on n’est pas noté
Bien que l’inauguration se soit déroulée en période de congés scolaires, des enfants y étaient présents. Le public pouvait ainsi se faire une idée de l’ambiance qui règne dans ce nouveau temple de la médiation scientifique : des questions, qui fusent, des éclats de rire, des moments de grande concentration pour trouver, avec les autres, des réponses aux questions posées, aux hypothèses formulées. Le tout sous la houlette d’épatants doctorants et enseignants de recherche qui se gardent de donner à leur atelier un caractère de cours. Tous insistent : ils ne sont pas là pour noter les enfants, mais pour les initier et sensibiliser au travail de chercheur. Ces élèves d’un jour sont donc invités à laisser libre cours à leur imagination, à poser toutes les questions, y compris les plus saugrenues en apparence. Et en s’amusant tant qu’à faire car la recherche scientifique, ce doit être aussi un jeu. Les enfants peuvent même exprimer leur enthousiasme, rire, pourvu qu’ils n’entravent pas la bonne marche des réflexions collectives et des expérimentations. A l’écoute de toutes ces précisions, nous ne pouvons nous empêcher de songer à Pierre Joliot, qui dans l’entretien qu’il nous a accordé (pour accéder à la première partie, cliquer ici), rappelait combien il était crucial pour le chercheur de ne pas perdre de vue la dimension ludique de son activité, toute auréolée qu’elle soit d’un statut hautement scientifique. Un état d’esprit qui à l’évidence stimule la créativité et manifestement la longévité (à 86 ans, Pierre Joliot poursuit toujours ses recherches).
Pour en revenir à nos doctorants, précisons qu’ils sont rémunérés*. Ce qu’on ne saurait trop applaudir : le bénévolat, c’est bien, mais quand on est doctorant… Manifestement, ce n’est pas ce qui a motivé en premier les intéressés. Pour ceux que nous avons interviewés sur le vif, animer des ateliers au sein de la MISS, c’est d’abord l’opportunité de se frotter à des situations de pédagogie auprès de jeunes enfants (les élèves auprès desquels ils interviennent d’ordinaire étant des post-bacheliers). Et d’apprendre (a priori, les doctorants animent des ateliers touchant à des sujets n’ayant pas directement à voir avec celui de leur thèse) tant et si bien qu’eux-mêmes se disent prédisposés à y accueillir plus d’adultes !
Témoignages d’animatrices
En attendant, nous vous en dirons plus prochainement au travers des témoignages d’animatrices, qui se sont prêtées à l’exercice de l’entretien sur le vif :
– Camille Baida, médiatrice de l’association ArkéoMédia (pour y accéder, cliquer ici) ;
– Coralie Caron, qui poursuit une thèse en biochimie à l’Institut Curie, de la Faculté des sciences d’Orsay (cliquer ici) ;
– Ludmilla Guduff, doctorante en chimie analytique, à l’Institut de chimie des substances naturelles, le pôle chimie du campus CNRS de Gif-sur-Yvette (cliquer ici) ;
– Mélanie Guenais, enseignante-chercheuse du département de mathématiques d’Orsay (cliquer ici) ;
– enfin, Raphaëlle Momal, doctorante en mathématiques appliquées, d’AgroParisTech/Inra (cliquer ici).
A bientôt, donc.
* Rémunération assurée par plusieurs établissements de l’Université Paris Saclay (l’Université Paris-Sud, Centrale Supélec et l’ENS Paris-Saclay) et La Diagonale Paris-Saclay. Merci à Valérie Fortuna pour ces précisions. La même nous signale deux vidéos : l’une à destination des enseignants des écoles et collèges (pour y accéder, cliquer ici), l’autre relative à la rénovation du bâtiment (cliquer ici).
Crédit photo : Université Paris-Sud / M. Lecompt.
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