Mise au point au milieu des années 1980, la technologie d’éclairage LED est promise à un nouvel avenir grâce aux possibilités de transmission de toutes sortes de données, développées par la société Oledcomm, installée dans le Pôle technologique de l’Université Versailles-Saint-Quentin. Rencontre avec son cofondateur et directeur-général, Cédric Mayer.
On connaissait le WiFi voici le LiFi. L’innovation fait encore peu parler d’elle, hormis quelques reportages et articles dans la presse spécialisée, alors qu’elle est susceptible de révolutionner le mode de transmission des données. Ni plus ni moins. Qu’on en juge : elle permet d’échanger des données, d’écouter de la musique, de visualiser des vidéos et bientôt de se connecter à Internet grâce à son éclairage LED. Vous avez bien lu.
Une utopie ? Non une réalité, grâce à la technologie développée par quelques sociétés dans le monde, dont une Française, Oledcomm, fondée il y a un an, en février 2012, et déjà leader européen dans ce domaine.
Deux professeurs entrepreneurs
A l’origine de cette société : deux professeurs de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en Yvelines : Suat Topsu, professeur de physique, qui a développé cette technologie au sein du Laboratoire d’ingénierie des systèmes de Versailles (LISV), et Cédric Mayer, professeur de chimie, qui l’a rejoint en 2011, pour accompagner son développement industriel.
En elle-même la technologie utilisée par les deux professeurs-entrepreneurs n’est pas nouvelle. Leur innovation réside dans son développement en direction des entreprises, pour répondre à leurs besoins spécifiques, mais aussi du grand public. Ce qui a valu à Oledcomm le Prix national de l’innovation 2012 au concours de création d’entreprises innovantes du ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur.
La société est actuellement hébergée au sein du Pôle technologique de Vélizy (de l’UVSQ). De prime abord, le bâtiment, situé juste derrière la zone commerciale, ne laisse pas imaginer que c’est ici qu’est en train de se jouer une révolution technologique de première importance ! L’impression change du tout au tout une fois qu’on pénètre dans l’espace coloré, aménagé par Oledcomm pour y exposer ses démonstrateurs. Parmi eux :
– une caméra connectée à une ampoule, qui permet une transmission en direct sur un écran de télévision ;
– une ampoule Led créant des ambiances lumineuses et musicales, réglables à distance via une tablette ou un smartphone (sa commercialisation est prévue cette année) ;
– une technologie de géolocalisation avec plusieurs applications possibles, notamment en grande surface : Oledcomm a imaginé des chariots connectés au réseau d’éclairage, capables de fournir toute une gamme de nouveaux services aux clients, mais aussi, pour la grande surface, de précieuses informations marketing sur les choix de ces consommateurs et la manière dont ils déambulent entre les linéaires…
A brève échéance, c’est-à-dire d’ici 2014, ce sont nos données internet qu’Oledcomm se propose de nous donner la possibilité de transmettre par éclairage Led.
Oledcomm mériterait bien un autre prix, cette fois du ministère du Redressement productif car les équipements qu’elle propose sont tous conçus et fabriqués en France, par des PME, l’une localisée à Dreux (pour les petites séries), l’autre à Rambouillet (pour les grandes séries). Les prototypes sont, eux, réalisés par le LISV, situé deux étages plus haut.
Une technologie qui présente plusieurs avantages
Le LiFi présente un indéniable avantage sur le WiFi : en transmettant par l’éclairage Led, il évite les ondes électromagnétiques… Ce n’est pas tout : chaque unité d’éclairage LiFi peut transmettre jusqu’à dix fois plus d’informations qu’un Hot-Spot WiFi. « La technologie permet de cibler les informations à transmettre de manière précise en fonction de l’unité d’éclairage, et d’échanger ses fichiers en toute sécurité. » La lumière ne traversant pas les murs, ce mode de transmission assure en outre une sécurité accrue de ses communications sans fil. Last but not least, le LiFI est adapté aux bâtiments ou infrastructures où le GSM et le WiFi sont interdits (crèches, hôpitaux…) ou ne passent pas.
De là à ce que les jours du WiFi soient comptés… Cédric Mayer tient à nuancer : « Dans notre esprit, le LiFi est une solution complémentaire qui est d’abord là pour soulager le réseau et diminuer la pollution électromagnétisme. » Pour autant, il ne devrait pas rester un simple marché de niche. Bien au contraire.
Comment d’enseignants-chercheurs devient-on entrepreneurs ? Ne dit-on pas qu’entreprendre en France relève du parcours du combattant ? Cédric Mayer nuance encore : « Certes, ce n’est pas simple, mais nous avons une technologie révolutionnaire. C’est motivant. La prise de risque en vaut la peine. Et puis nous proposons des produits prêts à être mis sur le marché. Le gap entre ce qui est conçu dans le notre laboratoire et ce qui est proposé à notre clientèle est particulièrement court. Ce n’est pas comme vendre des molécules, où il y un long chemin entre la recherche de laboratoire et la mise sur le marché. »
Oledcomm compte certes des concurrents étrangers, des start-up issues, comme elle, du monde académique : japonaises, donc, mais aussi américaines ou européennes (en Allemagne et en Angleterre). Cédric Mayer reste confiant : « Le marché de la LED est en pleine émergence, avec un taux de croissance à deux chiffres par an. Et cela va continuer pendant au moins cinq ans. Le time to market, c’est maintenant ! » Le prix de l’innovation qui lui a été décernée n’en est pas moins précieux. « Nous y voyons une marque de reconnaissance de notre ministère de tutelle. » Le montant est tout sauf négligeable (225 000 euros de subventions)
Naturellement, Cédric Mayer suit avec attention le projet de cluster développé sur le Plateau de Saclay. « Nous sommes encore des enseignants-chercheurs de l’Université de Versailles-Saint-Quentin et, à ce titre, nous coopérons avec plusieurs de ses acteurs dont l’Institut d’électronique de l’Université Paris-Sud, l’Ecole polytechnique, etc. » Tandis que LISV participe à Moveo et à l’IEED VeDeCom, Oledcomm est par ailleurs membre du Pôle Systematic. Elle compte un client de poids : Thales, qu’elle a équipée d’une plateforme de géolocalisation. En revanche, si Oledcomm a déjà été sollicitée par des collectivités locales, aucunes de celles du Plateau de Saclay n’a encore manifesté d’intérêt…
Quand on demande à Cédric Mayer s’il songe à quitter le Pôle technologique pour se rapprocher du Plateau, il répond par la négative. « Ici, nous avons encore de l’espace pour nous développer. » Quant à savoir jusqu’à quand il pourra continuer à mener sa double vie de professeur et de Directeur général de start-up, il reconnaît que l’heure du choix approche. Inutile d’être grand clerc pour savoir de quel côté penche la balance.
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