Retour sur la pause de la première pierre du futur campus parisien de CentraleSupélec
Le 4 novembre dernier, nous étions convié à la pause de la première pierre du futur campus de CentraleSupélec, qui ouvrira ses portes l’année prochaine aux confins de… Gentilly. Un projet qui répond au plan stratégique adopté par la prestigieuse école pour accompagner le développement de ses formations et son ouverture à l’international.
Quoique déjà engagée dans l’ambitieux projet de rénovation/restructuration des anciens bâtiments de Supélec, dans le quartier de Moulon (Gif-sur-Yvette), CentraleSupélec s’est lancée dans un autre projet immobilier tout aussi ambitieux : la construction d’un nouveau campus ! Nous sommes invités à assister à la pose de la première pierre, programmée le lundi 4 novembre.
Première surprise : rendez-vous est donné aux journalistes aux confins de Gentilly, à proximité de la Porte d’Italie, entre les boulevards des Maréchaux et le boulevard périphérique, 7 rue Sainte-Hélène, précisément. « Tiens, mais c’est dans la banlieue de Paris-Saclay ?! » nous sommes-nous surpris à nous dire…
Qu’à cela ne tienne, nous voilà le jour j dans le RER B, direction station Cité Universitaire. Nous avons encore quelques minutes de marche. Ce qui nous va bien : nous aimons déambuler, car c’est à notre sens la meilleure façon d’appréhender un environnement. Sur le point d’arriver un peu en avance, nous prenons le temps de faire escale au cimetière de Gentilly, que nous ne connaissions pas, dans l’espoir d’y trouver un peu de calme – en vain, car le périphérique tout proche laisse échapper un bruit de fond continu…
Arrivé au 7 rue Sainte-Hélène, seconde surprise : en lieu et place d’un terrain prêt à être investi par les pelleteuses, comme le suggère la perspective de la pose d’une première pierre, nous trouvons un bâtiment en cours de construction qui se dresse déjà sur plusieurs étages… C’est bien là ! Au moins a-t-on un aperçu de la surface occupée par le projet, son volume, une idée du panorama qu’il offre…
Entre immobilisme et mouvement…
Les invités arrivent par petites grappes. Il est 11 h bien passé. Le temps des discours est venu. À tout seigneur tout honneur, Eric Dutilleul, directeur de REALITES Île-de-France, un promoteur qui se définit comme « développeur territorial » (et qui est le premier maître d’ouvrage, notons-le au passage, à avoir adopté le statut d’ « entreprise à mission » en France) ouvre le bal. Il égrène quelques chiffres qui disent bien l’ambition du projet : le futur campus pourra accueillir 1 350 personnes, sur 5 710 m2 et 6 étages. Il profitera également de 1 300 m² d’espaces extérieurs végétalisés. Le même rappelle le chemin parcouru depuis le projet initial puisqu’il était d’abord destiné à accueillir des bureaux. Entretemps, le changement de contexte (la crise qui affecte l’immobilier tertiaire traditionnel) et l’intérêt manifesté par CentraleSupélec ont conduit à revoir la programmation dans le sens d’un bâtiment d’enseignement supérieur et… réversible. Outre le hall d’accueil, le rez-de-chaussée comprendra un espace de restauration et un amphithéâtre tandis que les étages accueilleront des salles de cours ainsi que des espaces dédiés aux projets menés avec les partenaires de l’école. Le niveau R+6 offrira un rooftop végétalisé pouvant recevoir des événements allant jusqu’à 100 personnes, avec… une vue imprenable sur Paris, Gentilly et le Val-de-Marne. Le tout sera livré en décembre 2025. À voir qu’à ce stade seule l’armature en béton est quasi achevée, on salue par avance l’exploit de tenir les délais…
Vient le tour de l’architecte Samantha Groh, Présidente du cabinet ORY.architecture, qui ne cache pas justement le chemin restant à parcourir tout en suggérant celui déjà accompli ne serait-ce que pour adapter la programmation initiale aux besoins d’une grande école d’ingénieur. Sans entrer dans les détails, elle souligne les performances environnementales : avec notamment des panneaux photovoltaïques, un système de pompes à chaleur réversibles et un soin particulier apporté à la luminosité (100% des espaces en premier jour), le futur campus répondra au niveau exigeant des labels BREEAM et HQE Bâtiment Durable. Malgré le caractère convenu de l’exercice, on se dit que ces performances devraient être effectivement au rendez-vous – on n’imagine pas les Centraliens ne pas y veiller en faisant profiter de leur expertise !
La même architecte sait faire montre d’un indéniable talent pour transformer des contraintes – ici une localisation improbable entre un cimetière et le périphérique – en un atout en faisant valoir le rôle intermédiaire de l’édifice, entre immobilité et mouvement incarnés respectivement par les sépultures et le flux automobile… Côté périphérique, la façade, d’après les esquisses exposées ou diffusées en boucle sur un grand écran installé pour les besoins de la cérémonie, jouera par ses ondulés sur les effets de cinétique ; à l’arrière, elle interagira avec un espace végétalisé dont la conception paysagère s’inscrira « dans une nouvelle écologie urbaine destinée à enrichir le quartier de biodiversité et à éviter l’effet de chaleur urbaine grâce à des espaces engazonnés et des massifs arbustifs, ainsi que des arbres de haute tige » (comme on peut le lire dans le communiqué de presse).
Comment un tel projet a-t-il pu être financé ? C‘est l’objet du troisième discours, celui de Bernard Gault, le président de la fondation CentraleSupélec, manifestement heureux d’avoir convaincu ses alumni d’investir une partie de ses fonds propres pour l’achat en VEFA (neuf sur plan) du bâtiment auprès de REALITES, lequel a pu financer le reste de l’opération auprès de banques.
Des attaches parisiennes
Lui succède le directeur de l’école, Romain Soubeyran, qui lève enfin le voile sur les motivations ayant conduit une des grandes écoles du plateau de Saclay à investir en dehors de celui-ci. D’abord en rappelant que c’est presque un retour aux sources : Centrale et Supélec ont été longtemps après leur création (respectivement en 1829 et 1894) des écoles parisiennes avant de s’installer dans la banlieue proche (en 1927 à Malakoff pour Supélec, en 1969 à Châtenay-Malabry pour Centrale) puis sur le plateau de Saclay (en 1975 pour Supélec, 2017 pour Centrale, les deux établissements ayant fusionné entretemps). Pour autant, CentraleSupélec n’avait pas rompu tous les amarres parisiennes : elle loue encore des locaux dans le XVe arrondissement et à Station F – le futur campus lui permettant ainsi de réaliser des économies en mettant fin au bail des premiers locaux. Rappelons également que l’école participe à un réseau qui compte d’autres campus, à Metz, Reims et Rennes.
La création du prochain, précise encore Romain Soubeyran, vise à accompagner le développement de ses formations et l’augmentation des effectifs étudiants étrangers prévus par son plan stratégique adopté en 2023. Ce campus abritera également des activités menées avec les partenaires académiques et industriels de l’école.
Soit, mais pourquoi une implantation en dehors de l’écosystème Paris-Saclay dont elle est une partie prenante majeure ? Parce que, constate Romain Soubeyran, si les étudiants étrangers ne demandent qu’à bénéficier de l’excellence des formations de l’école, différentes de celles du modèle de l’école d’ingénieur à la française (de types master et bachelor), ils aspirent aussi à tirer profit de l’offre culturelle de la capitale et, donc, y être au plus près. L’argument ne manque pas de nous faire tiquer. L’arrivée imminente (en 2026) de la ligne 18 du Grand Paris Express ne rendra-t-elle pas Paris plus accessible depuis le plateau de Saclay ? Le directeur préfère suivre le raisonnement inverse : les étudiants pourront accéder plus facilement à ce qui restera somme toute le « quartier général » (les bâtiments Eiffel et Bréguet du quartier de Moulon).
Pour être improbable, reconnaissons que la localisation du futur campus est aussi « stratégique » : outre la proximité des lignes 15 et 18 du Grand Paris Express, qui permettront de se projeter à l’échelle de l’Île-de-France, on est à 5 min à pied du tramway Poterne des Peupliers et du métro Porte d’Italie, et à 15 min du RER B (station Cité Universitaire). Seule une trentaine de km le séparent à vol d’oiseau du campus du plateau de Saclay.
L’important, reconnaissons-le également, est que les campus soient connectés et se projettent au-delà de leurs périmètres respectifs. CentraleSupélec ne fait en cela que suivre d’autres exemples, ceux de l’Institut d’Optique, d’AgroParisTech, etc.
Mais nous n’en avions pas fini avec les discours. Place au maire de Gentilly, Fatah Aggoune, qui a l’élégance de reconnaître que le projet a été initié par sa prédécesseure, mais qui n’en est pas moins heureux d’accueillir le campus d’une grande école aussi prestigieuse dans sa ville et de la double perspective qui en résulte : celle de maintenir les relations que cette commune de la première couronne a su entretenir, malgré le développement du tertiaire, avec le monde industriel (le site du futur campus étaient occupés par des locaux d’une entreprise du secteur pharmaceutique) et de faire bénéficier ses attraits à des étudiants venus des quatre coins du monde.
Signe qui ne trompe pas : après la visite des étages supérieurs, les invités étaient encore nombreux à s’attarder au rez-de-chaussée pour des échanges informels. Comme s’ils savouraient le plaisir de découvrir en avant-première un projet immobilier appelé à devenir… central.
Journaliste
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