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Paix’Pet, pour faire une place à nos animaux domestiques

Le 7 juin 2024

Entretien avec Hélène Mercier

Suite de nos échos à l’édition 2024 de Paris-Saclay Spring avec, cette fois, le témoignage d’Hélène Mercier, une assistante sociale, résidant en Normandie. Elle pose un regard curieux et amusé sur l’univers des startuppers qu’elle a découvert récemment en participant à un Startup Weekend, à Saint-Lô (La Manche), qui lui a permis d’imaginer une réponse originale à la problématique des personnes réticentes à se faire hospitaliser faute de pouvoir faire garder leur animal domestique…

- Vous avez imaginé la solution « Paix’Pet ». Qu’est-ce qui se cache exactement derrière ce drôle de nom ?

Hélène Mercier : Beaucoup de choses ! Un mélange de français et d’anglais, qui doit beaucoup au territoire normand dans lequel l’idée est née. Un territoire qui aspire à faire rayonner la Paix, aujourd’hui plus que jamais dans le contexte des commémorations du 80ème anniversaire du Débarquement.
Avec Paix’Pet, il s’agit d’étendre la paix aux rapports que nous entretenons avec les animaux en répondant aux trois problématiques suivantes : en premier lieu, le mal-être exprimé par des personnes de tous âges pour qui la connexion à l’animal, source d’apaisement, est mise à mal.
En deuxième lieu, la difficulté majeure pour des propriétaires d’animaux domestiques à recourir à des soins pour eux-mêmes en l’absence d’une prise en charge rassurante de leur animal de compagnie. Le nombre de personnes qui renoncent à se faire hospitaliser pour ce motif est impressionnant ! Nous avons beau disposer d’établissements de soins de qualité dans la Manche, il manque de toute évidence une structure adaptée.
Troisième problématique : l’absence de lieu où l’animal domestique peut reposer « en paix », tel un jardin du souvenir.

- Comment en êtes-vous venue à faire de Paix-Pet’ un projet entrepreneurial ?

H.M. : Paix’Pet est née d’un brainstorming avec une équipe de passionnés réunis au début du printemps, le temps d’un « Startup Weekend », à Saint-Lô – Saint-Love pour les intimes ! (Rires). Une ville qui est aussi la capitale de la Licorne et du cheval. Nous étions donc bien dans le thème !
Au début, j’ai phosphoré autour d’un projet de pompes funèbres alternatives, porté par mon amie Aurore – je salue au passage Arnaud et Mary, qui faisaient partie de l’équipe. Nous avons finalement « pivoté » – c’est comme cela qu’on dit, n’est-ce pas ? -, en valorisant davantage l’existant et en considérant plus subtilement l’étape de la mort. C’est ainsi qu’est né Paix’Pet, qui prend en compte les besoins du vivant en remettant l’animal au cœur des préoccupations ! Et ce dans une démarche entrepreneuriale. Le nom même de Paix’Pet dit bien l’ambition : gagner de l’argent, car pas plus que les autres, nous n’avons envie de mourir pauvres (sourires).
J’avais préalablement développé un système innovant consistant à convertir des actions en pétales virtuelles qui pouvaient rapporter des « pépettes » sonnantes et trébuchantes ! Il m’a suffit d’imaginer de convertir ces fleurs en croquettes ou tout autre bonus commercial, en faveur des animaux. C’était un angle du projet initial avec lequel j’étais venue au Startup Weekend : Avat’Art. Mais j’ai échoué à mon premier pitch faute d’avoir su respecter le temps imparti ! De là le fait de m’être retrouvé à phosphorer sur le projet d’Aurore.
Ce qu’il y a d’amusant, c’est que Paix’Pet était déjà comme annoncé dans mon projet initial : dans pétale, il y a déjà Pet … Cela illustre bien notre secret de fabrication made in Normandie que de savoir entendre autrement la mélodie des mots pour guider les envies !

- En quoi consiste concrètement vos solutions ?

H.M. : Nous proposons au moins trois solutions correspondant aux problématiques que j’évoquais.
La première consiste en une application à visée fédératrice autour de la Paix animale en égayant le quotidien des petits et grands à travers des contenus variés, vulgarisant la découverte de la nature. Appelée la Gazette de Paix’pet, cet outil donne accès à des défis grandeur nature, des contes et légendes, des informations multiples sur les lieux de balades et les terres où les animaux sont valorisés. Le but étant de faciliter la mise en réseau d’acteurs engagés dans la cause animale. On peut aussi le voir comme une source d’inspiration pour tous les « Pet’All » qui veulent redonner de la couleur à leur vie de maître !
Deuxième solution : l’ouverture d’un hôtel canin-félin sur mesure offrant une prise en charge optimale de l’animal de compagnie de façon à ce que son maître puisse vivre l’esprit tranquille durant son hospitalisation et même rester en contact direct avec son compagnon, l’hôtel canin-félin lui permettant de suivre l’actualité de son animal à travers des photos, des vidéos ou tout autre information. C’est aussi un lieu de référence travaillant avec des pet-sitters mieux identifiés et formés pour intervenir dans des relais au domicile ou dans des établissements de type EHPAD.
Enfin, solution numéro 3 : la création d’un espace dédié au recueillement, avec jardin du souvenir. Cela pour permettre un accueil en Paix du compagnon et un accompagnement du maître dans le décès de son animal. L’idée est aussi de se reconnecter aux cycles naturels, notamment par la transformation des cendres en terreau qui pourra servir à cultiver des fleurs avec… de jolies pétales, on y revient. Générer des fleurs virtuelles tout en permettant à de vraies fleurs d’éclore, moi, j’adore !

- Vous êtes assistante sociale de profession. J’imagine que cela n’est pas étranger à la genèse de votre projet…

H.M. : En effet, je suis assistante sociale depuis 14 ans. À ce titre, je côtoie des personnes confrontées à tellement de difficultés liées aux épreuves de la vie que j’ai acquis une expérience pour développer des solutions à des besoins concrets, avec les moyens du bord. J’ai notamment appris à travailler avec la Nature comme soutien, et avec les animaux comme alliés.
Paix’Pet est sans doute aussi inspirée de mes nombreuses visites à domicile où j’ai rencontré tant d’animaux de compagnie, les meilleurs atouts pour redonner la joie aux cœurs blessés. J’ai une pensée particulière pour « Junior », un caniche qui joue un rôle majeur dans une famille frappée par le handicap. Un parmi tellement d’animaux qui partagent notre quotidien.
Parce qu’elle est par définition de terrain, ma profession a été fortement impactée pendant la période liée au Covid-19. J’avais déjà, depuis, toujours, accompagné des personnes confrontées à la maladie. Mais là, j’ai vu tant de personnes souffrir de l’isolement et pour lesquelles les animaux étaient devenus le lien quasi unique avec le vivant. Entre leurs câlins malgré tout autorisés et le recours à la possibilité de sortir dehors pour prendre l’air, grâce à eux…
De cette triste période, de nouveaux projets ont émergé, qui m’ont amenée à remettre au cœur de mon métier la présence animale. Auparavant, j’ai animé des temps d’écriture et de paroles auprès de personnes victimes de violence.
Si, donc, Paix’Pet est inspiré de ma pratique d’assistante sociale, il s’est aussi nourri de mon diplôme en art-thérapie moderne obtenu il y a trois ans.

- On imagine que le territoire même – Saint-Lô et ses environs – a été une source d’inspiration…

H.M. : Oui, bien sûr. C’est en travaillant avec les humains sur un territoire traumatisé par les bombardements, que j’ai construit mon expérience et y ait trouvé ma source d’inspiration. Rappelons que cette ville, où je vis, est aussi appelée la Capitale des ruines… Autant vous dire que ça encourage à retrousser sa Manche ! (Rires).
Dans ce contexte, les animaux sont des alliés précieux autant que la reconnexion à la Nature, pour aider les humains à se reconstruire. J’ai animé de nombreuses activités et sorties pour des personnes isolées ou en fragilité familiale afin de leur permettre de vivre sur leur territoire autrement, en faisant avec les ressources disponibles. Cela a porté des fruits que les cases de l’administration statistique ne pouvaient même plus intégrer (rires). Parmi ces fruits, il y a donc le projet Paix’Pet.

- À vous entendre, vous avez aussi des talents pour communiquer dessus…

H.M. : Toute mon expérience de communication s’est forgée sur le terrain où j’ai appris beaucoup, notamment en observant… la biodiversité. La communication n’est pas que l’affaire des humains ! Mais vous n’imaginez pas comme le quotidien d’une assistante sociale est aussi rythmé de « pitchs » en devenir ; c’est aussi comme cela que j’ai appris à dire l’essentiel en un temps record. Face au péril qu’encourent les personnes en détresse que je rencontre, il me faut aussi pouvoir exposer à mes responsables, en parfois moins d’une minute, un enjeu majeur pour trouver une solution en moins de deux.
J’ai toujours travaillé en réseau avec des acteurs de différents champs d’intervention, avec des élus aussi bien qu’avec des associations caritatives, notamment pour lever des fonds et répondre aux besoins. J’ai désormais envie de travailler autrement auprès d’un plus large public. Toujours dans l’intérêt de valoriser et préserver autrement les ressources de notre territoire tels que les êtres vivants qui y cohabitent.

- Qu’est-ce qui a prédisposée l’assistante sociale à entreprendre ?

H.M. : L’envie d’entreprendre que j’ai depuis l’enfance !
Je suis l’aînée d’une famille recomposée de cinq enfants, mais rassemblée autour d’un même projet, celui de faire vivre les belles idées de chacun. Des plans sur la comète et des projets d’entreprise familiale, on en faisait à chaque fois que mon père jouait au loto, c’est-à-dire très souvent (rires). Je ne compte pas le nombre de trèfles à quatre feuilles que l’on collectionne dans la famille et qui nous encourage à croire aux portes de la chance !
Maintenant, on a grandi et on a les compétences requises pour impulser une vraie dynamique à même de défendre nos valeurs en répondant aux besoins du plus grand nombre. Ma sœur cadette est passée de secrétaire médico-sociale à médiatrice culturelle, la deuxième est infirmière-addictologue, la troisième assistante vétérinaire et éducateur animalier. Quant à notre petit frère, il se forme dans le domaine des assurances et de la banque. Pour nous, Paix’Pet, c’est presque une évidence.
Avec mon activité actuelle, je suis de plus en plus limitée dans la conduite de projets. Aussi, j’aspire à ce que le Département continue de me faire confiance tout en me permettant de vivre cette aventure entrepreneuriale.

- Le Week-end Startup semble avoir été une étape décisive…

H.M. : Je m’y étais inscrite sur un coup de tête. Je mesure maintenant la chance d’avoir pu vivre cette expérience. Le temps d’un week-end en ébullition, nous avons parlé de la vie, de la mort, de nos sources de joies, d’inspiration, de l’expression des dernières volontés, notamment quand il y a présence d’un animal. 48H d’un remue-méninges en profondeur sur un sujet tabou. On a pivoté jusqu’à tard, à la lumière de vraies bougies… puis le nom Paix’Pet est sortie comme un éclair pendant cette nuit de pleine lune. Finalement, nous avons emporté le 3e prix coup de cœur du jury. Cela a été le début de nouveaux contacts et de nouveaux soutiens. Depuis ça continue !

- Pour l’heure, où en êtes-vous dans votre projet ?

H.M. : J’ai juste envie de vous répondre que pour l’heure, je suis ici, sur le magnifique campus de HEC où je rencontre plein de gens à qui je parle de Paix’Pet, et je trouve cela génial. Il reste à formaliser encore les choses, à constituer une équipe pleinement engagée.
Et puis, il me faut apprendre les codes de l’entrepreneuriat innovant. Aujourd’hui encore, on me demande ma carte ou comment me trouver sur les réseaux sociaux. Or, moi, je n’ai pas de carte et ne suis encore sur aucun réseau social… Un comble pour une personne qui veut créer une start-up ! J’en ai conscience. Depuis que Facebook existe, on me demande pourquoi je n’y suis pas… Mais moi, je suis… en paix avec cela. Il faut dire que je préfère les échanges en direct. J’ai fait de très belles découvertes aujourd’hui. Je pense notamment à start-up qui a conçu la marque L’Officine du monde, en mettant la Nigelle à l’honneur – un produit utilisé depuis la nuit des temps en Égypte et le Maghreb, mais également réputée sur nos terres normandes.

- Avez-vous assisté à des pitchs ?

H.M. : Non. Il faut dire que je n’ai que quelques notions d’anglais. Or, ici, les pitchs se font dans cette langue. Voilà un autre défi qu’il me faut relever : me mettre à l’anglais ! Cela dit, depuis que j’ai découvert le principe du pitch, je ne demande qu’à renouveler l’exercice ! Si on m’avait dit que je me retrouverais à en faire un, un jour… Je n’avais pas l’habitude de prendre un micro et de m’adresser à un public nombreux, de surcroît en trois minutes top chrono. Heureusement, ma première tentative ne m’a pas dissuadée. Pour la seconde, je n’avais pas le choix. Comme c’est moi qui ait fait pivoter l’équipe sur le concept de Paix’Pet, j’ai été désignée d’office. Finalement, monter sur scène, prendre la parole en essayant d’embarquer le public, en allant droit à l’essentiel,… Je découvre que j’aime ça, quitte à devoir ensuite répondre à des questions précises, ici, de membres de jury, notamment sur le modèle économique,… Mais, après tout, startupper, c’est cela aussi : être à la fois passionné et réaliste, lucide, savoir se mettre en question,… Le jeu en vaut la chandelle : vous rencontrez des gens, qui ne demandent, si votre idée est pertinente, qu’à vous encourager, vous aider dans votre démarche, vous prodiguer des conseils, vous mettre en contact avec d’autres personnes, des partenaires potentiels… Faut juste que je pense à prendre leurs coordonnées et à me connecter sur un réseau social… Même si cette journée me conforte aussi dans l’idée que le réseau se fait d’abord à partir de contacts humains.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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