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Science & Culture

Une 5e bougie pour VoVf.

Le 27 septembre 2017

Du 29 septembre au 1er octobre 2017 se déroule la 5e édition de « VoVf, le monde en livres », un festival dédié aux traducteurs, organisé à l’initiative de la librairie Liragif. Hélène Pourquié, sa codirectrice, nous en dit plus.

– Pour commencer, si vous deviez vous livrer une nouvelle fois au pitch du festival VoVf à l’attention de nos lecteurs qui ne connaîtraient pas encore ce rendez-vous de Paris-Saclay ?

VoVf est un festival de littérature étrangère dont la particularité est de donner la parole aux traducteurs, soit les meilleurs connaisseurs des livres dont on parle, puisqu’ils ont travaillé durant des mois à leur traduction et, le plus souvent, en lien avec leurs auteurs. Cette idée est née de notre expérience de libraire et de nos échanges avec des lecteurs amateurs de littérature étrangère. Cinq ans après, elle nous paraît toujours plus justifiée et légitime. Il y a un vrai plaisir des traducteurs à parler des livres qu’ils ont traduits et, à travers eux, de la langue, mais aussi du pays qu’ils connaissent bien en règle générale. Et il y a une vraie rencontre avec le public, qui est venu chaque fois plus nombreux, autour de bien plus que la littérature.

– Envisagiez-vous au départ de vous adresser à un public de spécialistes ?

VoVf2017PaysageNon. Dès la première édition, nous voulions faire un festival littéraire ouvert à tous les publics. De là d’ailleurs le choix d’une programmation aussi éclectique que possible allant de la traduction de classiques – avec notamment, cette année, l’helléniste Pierre Judet de La Combe, qui a entrepris de retraduire Homère – à celle de chanteurs – avec la présence de Jacques Vassal, qui a notamment traduit Leonard Cohen – en passant par la littérature de science-fiction, la poésie etc. Nous tenons beaucoup à ce que tout un chacun puisse trouver son bonheur tout en lui offrant la possibilité de découvrir d’autres auteurs et univers. Nous tenons aussi beaucoup au caractère « festif » de notre manifestation. C’est pourquoi nous proposons, en plus des très nombreuses conférences, des moments de convivialité à travers des concerts, des repas, des moments de lecture, des spectacles, etc.

– C’est un festival qui n’en reste pas moins connecté au monde, y compris au travers de son actualité la plus brûlante. Je pense notamment à la présence de la poétesse syrienne Hala Mohammad [exilée à Paris depuis juin 2011 et secrétaire générale de l’association NORIAS, échanges culturels Syrie – Europe ]…

Oui, c’est un autre aspect du festival auquel nous sommes très attachés. Nous avons la conviction que la littérature reste le meilleur moyen de connaître le monde sous toutes ses latitudes. Outre un écho à la Syrie, l’Afrique sera également bien présente à travers les rencontres avec Alain Mabanckou (parrain de cette édition) et Wangui wa Goro. Une carte blanche « Bulac » présentera la littérature tamoule, une littérature encore méconnue, avec l’auteur Shobasakthi. On en revient à l’apport essentiel des traducteurs qui nous font profiter de leur connaissance de l’œuvre d’un auteur, en la resituant dans son contexte culturel ou encore politique. Ce faisant, ils nous informent sur l’actualité de bien des parties du monde.

– Cette année, VoVf franchit le cap de sa 5e année d’existence. Un cap décisif, dit-on, pour une entreprise. En est-il de même pour un festival ?

J’ignore si c’est un cap fatidique pour un festival. Toujours est-il que nous avons bel et bien l’impression d’en avoir franchi un, à en juger par l’affluence croissante, mais aussi l’intérêt manifesté par les éditeurs ou encore le nombre de partenariats que nous avons noués, notamment avec des instituts de langue : le Goethe Institut, le Centre de traduction littéraire de Lausanne ou encore la Bulac. A l’évidence, le festival est reconnu et bien au delà du cercle des spécialistes de la traduction.
Tout cela est bien sûr encourageant et gratifiant, mais a aussi sa contrepartie : un engagement toujours plus important, ce qui n’est pas sans poser la question de la pérennité d’une telle manifestation. Et ce d’autant plus que l’accès au festival est gratuit – hormis le repas du samedi soir – et que nous souhaitons qu’il en soit encore ainsi de façon à ce qu’il puisse continuer à s’adresser à un public aussi large que possible. L’équation n’est pas simple à tenir ! Heureusement, nous bénéficions de subventions de collectivités locales (Gif-sur-Yvette, Communauté Paris-Saclay, Conseil général de l’Essonne), du soutien de nombreux partenaires ou encore de donateurs via le financement participatif que nous avons mis en place en 2015. Mais, cette année, le festival, c’est plus de 120 invités (auteurs et traducteurs), des modérateurs de rencontres, des animateurs d’ateliers, des conteurs, des lecteurs et des musiciens, dont nous prenons en charge les transports, l’hébergement et les repas, en plus de les rétribuer.

– C’est peut-être l’occasion de rendre hommage à ces divers partenaires ainsi qu’aux nombreux bénévoles qui prennent part à l’organisation du festival ?

En effet. C’est d’ailleurs l’engagement de ces bénévoles, qui nous a convaincus de poursuivre l’aventure. Une quarantaine se sont mobilisés dès la première édition et nous sont pour la plupart restés fidèles. D’autres se sont ralliés à eux, tout aussi passionnés par le contenu même du festival : ils ne viennent pas seulement pour donner un coup de main – ce qui serait déjà beaucoup -, mais par intérêt pour le contenu même du programme. Au point d’ailleurs qu’ils s’organisent durant les trois jours pour se réserver des moments de pause afin d’assister aux conférences qui les intéressent le plus, sinon pour en accueillir le public.

– Pour ce que je peux en juger par ma fréquentation des trois premières éditions (malheureusement, le Festival International de Géographie, qui se tient au même moment, m’empêche désormais de le faire), le public lui-même est particulier… Les gens ne viennent pas en consommateurs mais pour apprendre, échanger, en ouvrant grand les yeux et les oreilles…

Oui, c’est important de le souligner. C’est le retour que nous avons aussi des traducteurs et des animateurs. Le public de VoVf est un public très curieux et très impliqué. Il est rare qu’au cours d’une conférence, il n’y ait pas de questions pertinentes et touchantes. La présence de lecteurs très érudits n’empêche pas les autres de partager leur plaisir de simple lecteur. Je suis très frappée par la qualité de l’écoute. On vient ici non pour se montrer, mais bien aller aux nouvelles du monde, par la littérature et le travail des traducteurs. Je me souviens en particulier de la conférence consacrée à la littérature kurde : les questions fusaient ; les gens ne voulaient plus quitter la salle ! Même chose avec la conférence sur le bilinguisme.

– Précisons encore que c’est un public de 7 à 77 ans. Manière de rappeler que les enfants ont droit de Cité et que plusieurs activités leur sont d’ailleurs proposées…

Oui, des activités plus créatives et innovantes les unes que les autres et qui rencontrent toujours un grand succès : un conte, qui sera proposé en langue des signes ; une chasse au trésor autour des mots, dans le parc de Gif-sur-Yvette ; un atelier d’écriture pour les plus grands, un autre d’origami. J’ajoute encore l’animation assurée par notre partenaire Baika, le magazine de voyage dédié aux enfants. Bref, un panel d’activités variées, assurées par des bénévoles et qui permettent aux adultes de venir le week-end l’esprit tranquille : ils n’ont pas à s’occuper en permanence de leurs progénitures tout en pouvant partager avec eux d’autres moments.

– Rappelons que pour être à Paris-Saclay, l’événement n’en est pas moins accessible aux Parisiens via la ligne B du RER…

Oui. D’ailleurs de plus en plus d’entre eux se rendent au festival. Il est vrai aussi qu’une campagne d’affichage est désormais programmée dans des stations desservies par cette ligne. J’ajoute que les partenariats avec les instituts de langue, que j’évoquais tout à l’heure, ont permis de drainer un public venant de toujours plus loin que le public initial.

– Le festival se déroule à Gif-sur-Yvette, au cœur du cluster de Paris-Saclay, peuplé de scientifiques et de chercheurs…

… et qui sont nombreux à assister au festival, non sans contribuer à sa réussite.

– Le festival aurait-il pu voir le jour ailleurs ?

Le fait d’être dans un environnement universitaire et scientifique est évidemment un atout essentiel. Il incline naturellement à s’ouvrir sur le monde de la connaissance et le monde tout court. Les universitaires et chercheurs qui travaillent ici ont pour la plupart des contacts à l’étranger et voyagent, voire ont vécu durablement dans un autre pays quand ils ne sont pas étrangers eux-mêmes. Ils sont donc a priori intéressés par la culture et, au-delà, concernés par les enjeux de la traduction. Bref, nous prônons au final les mêmes valeurs, celles de l’ouverture aux autres et certainement pas celles du repli sur soi. C’est dire si l’environnement nous porte et si nous nous y sentons bien. Comme Paris-Saclay, notre maître mot, c’est la connexion.

– Ecosystème qui est par ailleurs confronté à des problématiques de traduction, ne serait-ce qu’entre champs disciplinaires. Nombre de chercheurs qui pratiquent l’inter-, pluri- ou trans-disciplinarité disent souvent se heurter à des difficultés de compréhension avec des chercheurs d’autres disciplines quand bien même utilisent-ils les mêmes mots, mais c’est alors dans des sens très différents. D’ailleurs, le festival ne pourrait-il pas être l’occasion d’aborder ces difficultés, quitte à jouer peut-être un peu sur le sens du mot traduction ?

C’est une question que nous nous posons quitte, effectivement, à prendre le mot de traduction autrement qu’en son sens littéral. Les problèmes qui se posent aux scientifiques sont d’une autre nature que ceux des littéraires, mais ils n’en sont pas moins intéressants. Nous-mêmes le constatons au quotidien : des chercheurs peuvent être plus ouverts à la littérature qu’à d’autres disciplines, précisément pour les raisons que vous dites : sous couverts d’user des mêmes mots, des chercheurs manipulent en réalité de « faux amis ». Comment traduire des notions scientifiques et faciliter ainsi la communication entre disciplines ? C’est un sujet passionnant que le festival pourrait offrir l’occasion de traiter.
Pour autant, la dimension scientifique n’est pas absente de VoVf : l’an passé, par exemple, nous avions abordé la question du bilinguisme, une question, s’il en est, susceptible d’intéresser les chercheurs. Mais il y a bien d’autres domaines que nous aimerions explorer au regard de la traduction comme, par exemple, la danse. Dès cette année, il nous a paru intéressant de faire écho à cette littérature qui se propose de faire découvrir le corps de l’intérieur – nos intestins, notre cœur – et qui rencontre un grand succès. Une manière pour nous d’introduire des problématiques touchant, en l’occurrence, aux sciences du vivant.

Pour accéder au…

… programme du festival, cliquer ici ;
… financement participatif, cliquer ici.

Crédit des photos (édition 2016) : Juliette Berny.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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