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Un géologue à l’heure des satellites.

Le 26 juin 2017

Nous l’avions rencontré le 21 mars 2017, à l’occasion du colloque d’Ile de Science (dont il est le Directeur) sur les nouveaux espaces de la créativité à l’heure du Big Data. C’est alors que nous avions appris ses attaches anciennes avec Paris-Saclay : à la fin des années 1960, Philippe Masson rejoignait la Faculté des Sciences d’Orsay pour y poursuivre ses recherches en géologie, non sans enrichir cette discipline de l’apport de l’imagerie spatiale. De quoi aiguiser notre curiosité au point de solliciter une interview. Un exercice auquel il s’est plié de bonne grâce.

– Un mot d’abord sur le colloque Ile de Science de mars dernier : quel bilan en dresseriez-vous ?

Un bilan plutôt positif au vu du nombre d’intervenants et de la richesse de leurs interventions. Mais aussi du temps que nous a pris la préparation de cette édition : alors que nous avions pris l’habitude d’organiser nos colloques tous les deux ans, une année supplémentaire a été nécessaire pour celui-ci. Mais c’est aussi notre marque de fabrique que de prendre le temps de la réflexion à l’heure où tout semble s’accélérer, y compris sur le Plateau de Saclay.
Je précise que cette réflexion est menée au sein d’Ile de Science par un groupe dit de veille et d’intelligence économique (VIE). Un intitulé qui peut paraître bien présomptueux. Toujours est-il que ce groupe est constitué par un certain nombre de personnes qui exercent des fonctions équivalentes au sein de nos différents partenaires : Ecole Polytechnique, Danone Research, EDF Lab, CentraleSupélec,… sans oublier Air Liquide (notre vice-président n’est autre que Bruno Leprince-Ringuet, directeur du centre de recherche Air Liquide de Paris-Saclay !). Que les autres m’excusent de ne pas les citer, mais vos lecteurs pourront en retrouver la liste exhaustive sur notre site [pour y accéder, cliquer ici]. Ce groupe se réunit régulièrement pour débattre autour des sujets susceptibles d’intéresser les acteurs du Plateau de Saclay et ce, d’une manière aussi transversale que possible. Plusieurs allers-retours ont, donc, été nécessaires pour arrêter le thème de ce colloque-ci et ce n’est peut-être pas plus mal car ceci a permis de le faire mûrir.

– Ce besoin de maturation n’a-t-il pas tenu à la nature même du sujet – les nouveaux espaces de la créativité à l’heure du Big Data ?

Oui, sans doute. Et nous ne voulions pas faire un énième colloque sur le thème du Big Data, mais bien l’aborder sous un angle original, répondant aux préoccupations des acteurs du Plateau de Saclay. Nous avons donc pris le temps de réfléchir au contenu aussi bien qu’au profil des intervenants, sans nous interdire de faire appel à des personnes extérieures. On ne perd jamais à se confronter à ce qui se fait ailleurs.

– Mais comment en êtes-vous venus à réfléchir à des espaces de créativité à l’heure où le Big Data suggère davantage de virtualité ?

Je comprends votre étonnement face à ce paradoxe, mais il n’est en réalité qu’apparent. Croire que nous sommes appelés, du fait du numérique, à basculer dans un monde toujours plus virtuel, repose sur une vision réductrice de la manière dont se fait la recherche ou l’innovation. Les chercheurs comme les entrepreneurs innovants ont besoin d’échanger au sein de leur équipe ou avec d’autres chercheurs et innovateurs. Certes, ils peuvent le faire à distance, aujourd’hui plus que jamais, mais la proximité physique reste essentielle pour construire une relation de confiance et mieux se connaître. C’est d’ailleurs la vocation d’Ile de Science, présidée par Laure Reinhart, et de ses colloques en général, que de donner l’opportunité de se voir, de faire le point à travers les échanges formels autour des communications, et d’autres plus informels, au moment des pauses.
Les personnes qui participent à notre groupe VIE sont particulièrement sensibles à cet aspect des choses. Fortes de l’expérience des colloques précédents, elles ont bien noté combien il importe que les participants et intervenants puissent se retrouver de manière conviviale. Comme elles, j’ai eu l’occasion d’assister à des colloques où les intervenants se succèdent à un rythme soutenu et avec lesquels on a donc peu de temps d’échanger vraiment. Au sein d’Ile de Science, nous sommes attachés à ce que non seulement les intervenants aient le temps d’exposer leurs idées et d’échanger avec le public, mais encore celui de poursuivre l’échange de manière plus informelle au moment des pauses, dont le repas, auquel nous prêtons une attention particulière.

– Comment parvenez-vous à faire travailler des partenaires aussi divers – industriels, universitaires ? Et d’ailleurs, comment le scientifique que vous êtes était-il prédisposé à cet « alliage » entre académiques et non académiques ?

Au cours de ma carrière d’enseignant-chercheur, j’ai eu l’occasion d’expérimenter des relations partenariales entre l’Université et des grandes écoles ainsi que des industriels. Avant même qu’on ne porte l’Université Paris-Saclay sur les fonts baptismaux, la Faculté des Sciences d’Orsay et l’Université Paris-Sud avaient signé des accords avec de grandes écoles d’ingénieurs implantées sur le Plateau ou appelées à le rejoindre (Supélec, Polytechnique, Centrale,…) pour la création, notamment, de doubles diplômes. Comme d’autres, nous étions conscients qu’il y avait un besoin de rapprocher les formations proposées par ces établissements en procédant pas à pas pour ne pas brusquer les habitudes de nos chercheurs et enseignants. Tout naturellement, dans le cadre de mes activités scientifiques et bien qu’étant géologue – autrement dit, « un coureur de garennes armé de son marteau » comme aimaient à me qualifier des collègues d’autres disciplines -, j’ai été amené à introduire des techniques nouvelles et à me tourner vers d’autres disciplines au sein de la Faculté comme avec d’autres établissements de recherche. C’est ainsi que, pour les besoins de ma thèse d’Etat, j’ai été amené à travailler avec des chercheurs de l’Institut d’Optique. Je n’ai en réalité jamais cessé d’aller au-delà des frontières de ma discipline en considérant que nous avions la chance d’avoir sur le Plateau de Saclay une richesse de compétences dont il aurait été dommage de se priver.
C’est dire si je me réjouis de participer à Ile de Science, où nous avons la chance de retrouver, outre l’Université Paris-Sud, plusieurs grandes écoles et centres de recherches, et des industriels, ayant chacun des approches scientifiques et technologiques différentes, mais complémentaires. Nos membres ont d’ailleurs déjà l’habitude de travailler ensemble. Ne surestimons donc pas le fossé entre le monde académique et celui de l’entreprise.

– D’où vous est venue cette appétence pour les échanges avec d’autres disciplines et cette recherche partenariale avec des industriels ? Est-ce votre discipline elle-même – la géologie, donc – qui y incline ou vous, qui aviez une prédisposition particulière à cette ouverture sur d’autres domaines de recherche ?

Des prédispositions particulières ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il qu’en tant que doyen de la Faculté des Sciences, j’ai eu souvent à déplorer que des collègues restent confinés dans leur laboratoire. On avait la chance d’être sur un campus – celui d’Orsay – particulièrement riche en compétences, de premier plan de surcroît. Autant en profiter, donc.
De prime abord, en tant que géologue, j’avais vocation à étudier les différentes formations géologiques de notre planète et leur histoire, les roches qui les composent et la façon dont elles se sont formées, etc. Mais, à partir des années 70, j’ai été amené à me spécialiser dans l’utilisation de la photographie aérienne, un outil essentiel qui permet de suppléer l’absence de cartes précises dans certaines parties du monde. De fil en aiguille, j’en suis venu, parmi quelques autres géologues, à utiliser l’imagerie spatiale, autrement dit les images prises par satellites artificiels. C’est ainsi que je me suis rapproché de l’Institut Géographique National (IGN), avec le soutien du Centre national d’études spatiales (CNES), qui souhaitait développer, en France, l’observation de la terre depuis l’espace – nous ne disposions pas encore du premier satellite Spot. Le CNES m’a doté pour cela d’un matériel innovant en matière de traitement numérique d’image. Dès lors, il m’a paru naturel de m’appuyer sur les compétences existantes sur le campus d’Orsay, en l’occurrence celles de l’Institut d’Optique (IOTA à l’époque), du temps où il était au 503 et, donc, situé à deux pas de notre laboratoire. C’est ainsi que j’ai eu la chance de travailler avec un chercheur, Pierre Chavel, dans le laboratoire du Professeur Serge Lowenthal, qui m’avait accueilli avec beaucoup de bienveillance. Grâce à eux, j’ai pu investir un domaine qui n’était pas le mien, expérience qui m’a énormément enrichi. Avec mes collègues de l’Institut d’Optique, j’échangeais sur le traitement d’images relatives à des régions un peu exotiques si j’ose dire : notre équipe, dirigée par le Professeur Jacques Mercier, participait à un programme de recherche du CNRS sur la plaque arabique, pour en comprendre les mouvements géologiques et leurs conséquences tectoniques sur les régions environnantes – Levant, Turquie, Iran… Les données transmises par les images satellites permettaient d’étudier des réseaux de failles et de comprendre comment ils fonctionnaient.

– Une belle illustration au passage de l’importance de la proximité physique entre les chercheurs d’univers disciplinaires différents…

Oui. L’Institut d’Optique n’aurait pas été aussi proche de mon laboratoire, j’aurais sans doute quand même poursuivi mes recherches à travers l’imagerie satellitaire, mais cela aurait été autrement plus compliqué.
L’observation de la terre à partir d’un satellite artificiel situé à quelques centaines de kilomètres de distance devait m’entraîner beaucoup plus loin que ce que j’avais escompté. La Nasa, l’agence spatiale américaine, avait entrepris depuis déjà longtemps l’exploration du système solaire au moyen de sondes, à la suite du programme Apollo d’exploration lunaire. Du fait de mes travaux sur l’observation de la Terre depuis l’espace, je me suis vu proposer d’y participer. En 1976, je suis donc parti aux Etats-Unis, en Arizona dans un centre du U.S. Geological Survey, spécialisé dans l’interprétation de l’imagerie spatiale et la cartographie des surfaces planétaires. C’est également dans ce centre que furent entrainés les astronautes qui sont allés sur la Lune. J’ai eu ainsi la chance d’être parmi les premiers géologues français à étudier non pas les échantillons lunaires (leur étude avait été déjà lancée depuis quelques années, notamment à l’Institut de Physique du Globe de Paris), mais les images transmises par les sondes en orbite de Mars et d’autres planètes (Mercure, Vénus,…). Par la suite, j’ai continué d’être associé aux programmes d’exploration planétaires de la Nasa, ainsi qu’aux projets d’autres agences spatiales (CNES, ESA…), aux côtés de collègues d’autres disciplines du campus d’Orsay comme, par exemple, ceux de l’Institut d’Astrophysique Spatiale (IAS) – dont Jean-Pierre Bibring et Yves Langevin – spécialisés dans la caractérisation minéralogique ou la composition des surfaces. Nous disposions d’instruments tels que le spectromètre-imageur OMEGA qui se trouvait à bord de la mission européenne Mars Express. Une telle collaboration n’aurait pas été possible si j’étais resté dans mon laboratoire et si je n’avais bénéficié de l’environnement scientifique exceptionnel du campus d’Orsay.

– Auriez-vous pu cependant mener cette carrière ailleurs ?

Je l’ignore. Une chose est sûre, c’est que cette évolution coïncide avec mon arrivée sur le campus d’Orsay, suite à ma nomination en 1968 comme assistant du Professeur André Rivière. On peut donc parler d’un effet campus, même si l’IAS se trouvait dans la vallée et nous sur le Plateau. En tout cas, je n’avais en rien programmé cette orientation de mes recherches vers l’imagerie satellitaire.

– 1968, soit il y a près de 50 ans. On se dit, d’un côté, que vous avez dû vivre de nombreux changements sur le Plateau de Saclay. De l’autre, que, pour le géologue que vous êtes, c’est une échelle de temps peu significative pour correspondre à des changements majeurs…

(Rire). C’est bien évidemment tout le contraire : de très nombreux changements sont intervenus depuis la fin des années 60. Le Plateau de Saclay d’aujourd’hui ne ressemble plus guère à celui que j’ai connu à mon arrivée sur le campus. C’était alors morne plaine ! Mais dès la fin des années 60, plusieurs établissements d’enseignement supérieur – l’Ecole Polytechnique, Supélec,… –, de recherche (CNRS,…) ou industriels (Thomson-CSF, alors à Corbeville et devenu depuis Thalès), se sont ajoutés aux centres de recherche qui s’y étaient installés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dès les années 70, les responsables de ces différents établissements ont eu l’ambition de créer un pôle scientifique de dimension européenne. Ils ont pour cela poussé à la création d’une association qui a vu le jour en 1975 et qui ne s’appelait pas encore Ile de Science : l’Association des établissements scientifiques de la Vallée de Chevreuse, des Plateaux de Moulon, de Palaiseau et de Saclay – plus connue sous son acronyme AES. Elle se proposait d’être l’interlocutrice des élus du District et des institutions locales pour tout ce qui touchait à la science et à la recherche. Cette association a été présidée successivement par le directeur général de Supélec, le président de l’Université Paris-Sud, le directeur des études de Polytechnique… Tous ont eu soin d’échanger avec les élus des communes concernées. Au début, on était loin cependant d’une adhésion enthousiaste de ces derniers. Il n’y a avait pas encore de Communauté d’agglomération. Les lois de décentralisation n’avaient pas été encore adoptées. Et si les élus locaux ne manifestaient pas d’intérêt particulier, en revanche, le Plateau a suscité, bien avant la création de l’OIN, un intérêt grandissant de nos gouvernants, qui ont pris l’habitude d’y venir pour prendre la mesure de son potentiel, non sans encourager l’AES à poursuivre son action.

– A vous entendre, le projet de Paris-Saclay a donc bénéficié d’un travail de terrain, selon une logique autant bottom up que top down…

En effet, les acteurs du Plateau s’étaient impliqués et sont allés très loin si j’en juge par le contenu des minutes des diverses réunions du conseil d’administration de l’association, que j’ai pu consulter dans ses archives. Très tôt, les prédécesseurs se sont préoccupés de l’accessibilité du Plateau, de la manière dont il allait être desservi et, donc, des enjeux de transport. On parlait déjà de la fameuse RD128 et, plus tard, du haut débit. On ne parlait pas encore de start-up ni d’incubateur, mais il y avait déjà la volonté de favoriser l’émergence d’entreprises innovantes et d’en accueillir. L’association s’était même portée volontaire pour récupérer la Ferme du Moulon auprès du Ministère de l’Education nationale, qui en était propriétaire, pour en faire ce qu’on appellerait aujourd’hui un hôtel d’entreprises, un lieu d’animation et de formation.

– Comment en êtes-vous venu vous-même à rejoindre Ile de Science ?

J’ai connu Ile de Sciences du temps où j’étais doyen de la Faculté des Sciences d’Orsay – responsabilité que j’ai assumée de 2005 à 2011. A défaut de participer à ses manifestations, j’ai été convié à plusieurs de ses réunions. C’est alors que j’ai pu prendre la mesure de son dynamisme et des opportunités qu’elle offrait aux acteurs du Plateau de Saclay d’échanger entre eux. J’en suis devenu directeur en 2012.

– De quand date l’appellation Ile de Science ?

De 1991. Et nous la devons au Président de la République, François Mitterrand, qui, justement, l’avait utilisée lors d’une visite sur le Plateau, dans un discours prononcé cette même année, à l’Ecole polytechnique. Il avait parlé du Plateau avec ses différents établissements d’enseignement supérieur et recherche comme d’une « Ile de Science ». Une expression autrement plus séduisante qu’Association des Etablissements Scientifiques et qui a donc été aussitôt adoptée.

– Reste que, depuis, le projet de Paris-Saclay déborde très largement le Plateau de Saclay. Vous y retrouviez-vous néanmoins ?

Oui, bien sûr. Tout géologue que je sois, je ne crois pas qu’il aurait été pertinent de se limiter à la morphologie du plateau. En tant que directeur d’Ile de Science, j’ai donc tenu à participer à la création du cluster, mais en y associant les TPE et PME à nos actions. Je considérais, en effet, qu’un cluster ne pouvait se limiter aux grandes entreprises et aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, aussi prestigieux fussent-ils. Concrètement, nous nous sommes rapprochés de l’Adezac, une association des entreprises de la zone d’activité de Courtabœuf que j’ai connue du temps où j’étais doyen. Elle est depuis membre d’Ile de Science.

– Mais que dit le géologue que vous êtes à ceux qui considèrent que ce territoire, de par son relief, avec ses plateaux et ses vallées, n’est pas propice à une dynamique de cluster et d’intégration d’établissements ? De fait, la volonté de rapprochement ne risque-t-elle pas d’être contrariée par un déterminisme d’ordre géomorphologique ?

Je répondrais qu’il importe effectivement que les contraintes de la géomorphologie ne soient pas un obstacle à la circulation des personnes et au rapprochement entre les établissements. Mais je doute que nous en soyons-là, quoiqu’on dise. La géomorphologie du territoire ne pose pas de problème particulier, sauf peut-être en matière de drainage et, donc, de risque limité d’inondation – mais c’est un problème que les aménageurs du Plateau ont pris en compte. Certes, le Plateau de Saclay a l’avantage d’être un territoire continu et ramassé. Pour autant, il ne faut pas se laisser emprisonner dans une vision « tabulaire » des choses, en considérant que ce qui ne serait pas sur ce Plateau n’aurait pas vocation à être un partenaire. Ce serait une erreur, car un cluster comme un campus n’a de sens que s’il s’ouvre à d’autres clusters ou campus. La distance ne saurait être le seul critère. Sans quoi on se priverait de perspectives partenariales.

– Comment avez-vous suivi depuis l’évolution du double projet de cluster et de campus ?

Avant d’en dire un mot, il convient de revenir un peu en arrière, aux différentes étapes qui ont précédé la constitution de l’Université Paris-Saclay et de l’OIN, car cela illustre à quel point ces projets, loin de s’écrire depuis une page blanche, avaient été préparés en quelque sorte par des initiatives, les unes impulsées par les acteurs du territoire, les autres par l’Etat. Je pense en particulier aux RTRA (Digiteo et Triangle de la Physique), créés en 2006, ou encore à la création, en 1999, de Paris Pôle Sud, suite à une recommandation du rapport de Jean-Jacques Duby, alors membre d’Ile de Science. Sans oublier la constitution de Pôles de compétitivité, en 2005.
Reste que la volonté politique avait beau être présente, les moyens financiers n’ont pas toujours suivi. Si, donc, le double projet de Campus et de l’OIN Paris-Saclay tranche avec ce qui avait été entrepris jusqu’ici, c’est que l’Etat non seulement affichait des ambitions, mais encore se donnait les moyens de sa politique, en mobilisant des investissements importants, à travers l’Opération Campus et le Programme d’Investissement d’Avenir, sans oublier la création d’un établissement public d’aménagement, la constitution de la FCS Campus Paris-Saclay, qui devait préfigurer l’Université Paris-Saclay.

– Comment aviez-vous réagi à cette mobilisation de l’Etat ?

De manière plus que positive. Je n’ai d’ailleurs pas caché mon enthousiasme. J’avais eu connaissance des projets antérieurs dont la plupart n’ont finalement pas vu le jour. Cette fois, une vraie opportunité se présentait et qu’il nous fallait saisir, car elle risquait de ne pas se présenter de sitôt. Ce que je n’ai pas manqué de dire à mes collègues en en appelant à leur responsabilité. Tant que j’ai été doyen, je me suis donc employé à faire aboutir le projet de l’Université Paris-Saclay, en étant en cela parfaitement en phase avec la présidence de l’Université Paris-Sud.

– Avec le recul, quel commentaire feriez-vous ?

N’étant plus en responsabilité de la Faculté des Sciences, je me garderai d’interférer dans les débats internes à l’Université Paris-Saclay. Je dirai juste que je souhaite que les difficultés du moment soient surmontées, que les divergences s’aplanissent. Je peux comprendre les réticences de tel ou tel à un projet universitaire intégré. Mais, après tout, le Plateau de Saclay ne s’est pas fait en un jour. Sachons donc nous montrer patients. Rien ne sert de brusquer les choses. Il ne faut pas oublier d’où nous venons. L’Université Paris-Saclay est composée d’établissements ayant chacun une histoire en propre, des modes de fonctionnement, sans oublier des tutelles différentes (entre les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de la Défense ou encore de l’Agriculture). J’ai fait confiance au groupe dit « des sept », mis en place par le président de l’Université Paris-Saclay, Gilles Bloch, pour formuler des propositions. Groupe dont fait partie la Présidente de l’Université Paris-Sud, Sylvie Retailleau, que je connais bien pour avoir eu la chance de travailler avec elle du temps où j’étais doyen et elle, vice-doyenne, et dont j’ai pu apprécier les grandes qualités et la détermination.

– Dans quelle mesure le géologue que vous êtes fonde néanmoins ses espoirs sur la proximité physique pour renforcer les synergies entre les établissements membres de Paris-Saclay, en dépit des éventuelles divergences institutionnelles ?

Cette proximité va très probablement produire des effets positifs dans la durée. Quoi qu’il arrive, les établissements présents sur le Plateau seront amenés à travailler ensemble, d’une façon ou d’une autre.
En attendant, Ile de Science contribuera à sa façon à entretenir les liens entre eux avec le désir de refléter au mieux la richesse de l’écosystème, en y associant, j’insiste, les acteurs économiques, des industriels aussi bien que des PME et TPE.
Gardons à l’esprit que Paris-Saclay est aussi un projet d’aménagement, sous la houlette de l’EPA Paris-Saclay et des collectivités. Alors qu’à ses débuts, l’Ile de Science, et l’AES avant elle, se saisissait de questions touchant à divers aspects de l’aménagement, nous nous concentrons désormais sur l’animation du territoire au plan de la science à travers nos colloques, la Fête de la Science ou encore TEDx Saclay (dont nous gérons les aspects administratifs et financiers).
Mon souci, si j’en ai un, serait de veiller à ce que la N118, ne devienne pas une frontière artificielle sur le Plateau. Le comble serait que les hommes dressent des obstacles alors que rien dans la géomorphologie du territoire, n’entravait a priori la communication entre eux.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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