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Agriculture & Alimentation

Un engagement au long cours

Créé le 24/09/2025

Mis à jour le 24/09/2025

Entretien avec Renée Delattre, présidente d'ADER

Suite de notre série sur les quinze ans de « Terres protégées » (ex-ZPNAF) avec Renée Delattre, qui œuvre notamment, depuis plusieurs années, à la préservation des Rigoles et des Étangs, en plus du retour de la vigne sur des coteaux de Vauhallan.

- Quelle importance a revêtu la ZNPAF dans vos différents engagements, à commencer par celui en faveur de la préservation des Rigoles et des Étangs du plateau de Saclay ?

Renée Delattre : La ZPNAF a indéniablement eu un rôle majeur. Ce que nous ne manquons pas de rappeler quand nous faisons les visites guidées de l’observatoire ornithologique des étangs de Saclay – des visites assurées par les associations ABON (Association Bures Orsay Nature), LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) et ADER (Association des Étangs et Rigoles du Plateau de Saclay), les seules habilitées à y faire des observations ; pour mémoire, nous sommes sur un terrain militaire et devons à ce titre respecter des procédures strictes. Au cours de ces visites, je dispose toujours avec moi de la carte qui délimite le périmètre exact de la zone de protection. On peut voir clairement que le système des Rigoles et des Étangs du plateau de Saclay en relève.

- Pour commencer pourriez-vous rappeler l’histoire de la mobilisation associative autour des Rigoles et des Étangs du plateau ?

R.D.: Tout commence avec l’Association Vivre à Vauhallan et celle des Amis de la Vallée de la Bièvre (AVB) avant de se poursuivre à travers l’ADER, créée en 2004. En 1995, AVB éditait la première publication consacrée à ce patrimoine : elle est parue sous le titre « Les étangs et rigoles du plateau de Saclay, un patrimoine vivant » avec le label « Année Européenne de Conservation de la Nature 1995 ».
L’idée de cette publication en était venue à mon mari, Gérard [Delattre], qui présidait alors AVB, avec des étudiants de la Faculté d’Orsay, dont notre fille qui avait piloté un groupe avec le concours de François Ramade, alors Professeur d’Écologie à l’Université de Paris-Sud Orsay, et président de la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) ; il en a signé la préface.
En 2000, Gérard obtint le classement de la vallée suite à quoi, ayant considéré avoir fait son temps, il passa le relai – il présidait AVB depuis quinze ans. Il ne renonçait pas pour autant à tout engagement associatif. Au contraire ! En 2004, il s’est lancé dans la préservation des Rigoles et des Étangs, un enjeu qui concernait encore les AVB, mais qui nécessitait une association spécifique. Il réclama plusieurs années durant que les Rigoles et les Étangs bénéficient du statut administratif de cours d’eau, ce qu’il obtint officiellement en 2020 !
Une étape décisive s’il en est : désormais les Rigoles et les Étangs étaient soumis aux lois relatives à l’eau avec les dispositifs de protection qui vont avec. Concrètement, les rigoles ne pouvaient plus être busées – autrement dit comblées – comme cela avait été fait dans certaines communes – à Villiers-le-Bâcle, par exemple. Pour ma part, en tant que maire de Vauhallan, je me suis toujours refusée à ce que le Syndicat de l’Yvette et de la Bièvre (SYB) alors chargé des rigoles ne buse les deux rigoles qui entourent la commune – nous étions au milieu des années 1980, donc bien avant la création de la ZPNAF (depuis, en 2020, le SYB a été dissout pour donner la compétence « rigoles » aux syndicats de bassins versants, soit SIAVB et SIAVHY).

- Justement, dans quelle mesure la création de la ZPNAF a-t-elle donné une nouvelle impulsion à la démarche de préservation/restauration des rigoles ?

R.D.: Mon mari, Gérard, a travaillé étroitement avec Antoine du Souich, alors directeur du développement durable au sein de l’EPA Paris-Saclay qui avait été en charge de l’élaboration de la ZPNAF. Les deux se sont d’emblée bien entendus : polytechnicien de formation, Antoine avait été au ministère de l’Écologie, chef de bureau des agences et offices de l’eau. Gérard l’avait convaincu de la nécessité d’intégrer le système des Rigoles et les Étangs dans le périmètre de la ZPNAF, car si les terres agricoles du plateau sont parmi les plus riches de France voire d’Europe, c’est en grande partie grâce à lui. Jusqu’ici, seule une partie du système bénéficiait d’une protection administrative en relevant du site classé de la Vallée de la Bièvre. Depuis, le contexte a changé, qui a contribué à faire prendre conscience de l’intérêt du système considéré dans son ensemble.

- Pouvez-vous préciser ce point ?

R.D. : Il y a quarante ans, l’argument proprement hydraulique ne parvenait pas à convaincre – à l’époque, on ne manquait pas d’eau ! Aujourd’hui, le contexte est tout autre, avec l’accentuation des périodes de sécheresse et de canicule, mais aussi, en d’autres période de l’année, les risques d’inondation. Les étangs permettent de limiter ces derniers, dans la vallée de la Bièvre – c’est moins vrai du côté de la vallée de l’Yvette où les aménagements ont pris du retard. Tant et si bien que ce réseau qu’on ne considérait encore que comme un élément de patrimoine historique se relève remplir un rôle précieux dans les équilibres hydriques du territoire, en revêtant une valeur fonctionnelle particulière au regard des risques d’inondation.
Les problèmes de sécheresse se posent cependant avec moins d’acuité sur le plateau de Saclay : le caractère argileux du sol, ajouté au système de drainage, réduisent les besoins d’irrigation au point que les agriculteurs peuvent même, ici, se passer de bassines – y compris ceux qui cultivent du maïs, qui, en principe, exige beaucoup d’eau. Ce qui offre d’autres perspectives.

- Lesquelles ?

R.D. : Par exemple, alimenter les fontaines et bassins du parc du château de Versailles. Le 7 avril dernier, la sénatrice Laure Darcos, qui a toujours soutenu le projet de restauration du réseau hydraulique du plateau de Saclay a obtenu une réunion avec Christophe Leribault, le
le président du château de Versailles, et plusieurs acteurs du territoire : le SIAVB, ADER, Terre et Cité, entre autres. À l’ordre du jour : les problématiques d’approvisionnement en eau du château et de son parc, qui vont en s’accentuant avec le changement climatique. Déjà, les grandes eaux ont dû être restreintes. Une solution pourrait consister à réactiver le système des Rigoles et des Étangs pour bénéficier de l’eau du Plateau de Saclay !
En évoquant un tel scénario, nous ne quittons pas notre sujet, la ZPNAF, puisque celle-ci se prolonge jusqu’à zones naturelles, agricoles et forestières de Versailles.

- Vous avez d’ores et déjà cité plusieurs acteurs concernés par la ZPNAF. Il en est un qu’il faut de nouveau évoquer, c’est Terre et Cité, qui a participé à la concertation autour des programmes d’action.

R.D.: J’en parlerai d’autant plus volontiers que j’étais présente aux États généraux des étangs et rigoles du plateau de Saclay, qui s’étaient tenus en 2001 au Château de Versailles, et au cours desquels deux agriculteurs du Plateau de Saclay – Jean-Marie Dupré et Christian Vandamme – sont convenus, avec le haut-fonctionnaire et écologiste Serge Antoine, secrétaire général des AVB, de créer une association en s’inspirant de l’ancienne « Société de l’Agriculture et des Arts ». C’est comme cela qu’est née Terre et Cité qui a connu le développement que vous savez, sous la houlette de son président, le regretté Thomas Joly, que j’ai connu du temps où il était le tout jeune président de la MAO, la Mason des Arbres et des Oiseaux. Thomas connaissait bien l’histoire du réseau et était convaincu de son intérêt au plan environnemental, de sa contribution à la richesse agricole du plateau. Il a toujours soutenu les actions menées par AVB puis par ADER, notamment celle visant à leur faire bénéficier du statut de cours d’eau.

- Au-delà de la préservation des Rigoles et des Étangs, vous portez bien d’autres initiatives. J’aimerais revenir sur celle qui vous tiens aussi à cœur : la réintroduction de la vigne à Vauhallan…

R.D.: Là encore, nous ne nous éloignons pas de la ZPNAF puisque ce projet se situe à la fois dans son périmètre et en site classé de la vallée de la Bièvre. La présence de la vigne à Vauhallan est ancienne comme en témoigne un vitrail de l’église. L’histoire s’y est interrompue comme dans le reste de l’Île-de-France – alors première région de production de vin de France et même au monde ainsi que je l’ai appris de la bouche de Canadiens qu’on ne peut pas soupçonnés de chauvinisme – avec la crise du philloxéra et la concurrence des vins du midi, acheminés en train.
Dès la fin des années 1980, j’entrepris de rappeler l’histoire de la vigne dans ma commune. De 1985 à 1988, j’organisais une fête de la vigne avec chaque année un thème différent : le vin et le pain ; le vin et le fromage, etc. L’affiche était conçue par un Vauhallanais, styliste chez Renault, le bien nommé M. Vinet.
Le projet actuel est porté par deux vignerons, dont un est géologue. Ils ont su montrer que, si le sol du plateau de Saclay n’est pas adapté à la viticulture, en revanche celui des coteaux, ajouté à l’exposition de la parcelle, l’est. De fait, cette parcelle avait été de longue date dédiée à la vigne avant d’être une zone de production de fraises. Ce n’est donc pas une lubie d’écolos utopiques.
Le projet est cohérent au plan géologique et par rapport à l’histoire de la commune. Selon les propres mots de l’Architecte des Bâtiments de France, c’est le volet historique rappelé par mes soins dans le dossier administratif déposé par ces vignerons, qui l’a convaincu de soutenir le projet.
Du temps où j’étais maire, j’avais un projet de replanter la vigne au « Pré d’Algara », alors qu’un promoteur avait acquis le terrain pour le lotissement dans la ZAC La Prairie, en centre du village. J’avais négocié et obtenu qu’un morceau de terrain soit vendu à la commune pour le franc symbolique. Mes successeurs ne croyant pas au projet qui semblait farfelu à l’époque, ont transformé le projet vigne en zone arborée.
Quant aux cépages plantés à la vigne de Limon, le choix s’est porté sur du pinot d’Aunis, du pinot noir, du Gamay et du Romorantin.

- Quand nous donnez-vous rendez-vous pour déguster les premières bouteilles de vin composé de raisin de la parcelle ?

R.D.: Nous venons juste de terminer les vendanges [le 6 septembre]. La première cuvée sera donc disponible dès l’an prochain.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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