Le 13 décembre 2020 était inauguré en grande pompe selon la formule consacrée, mais qui se justifiait bien ici*, du H-Bar, le bâtiment de l’université Paris-Saclay, dédié à l’enseignement de la physique en licence et master.. En voici un écho à travers l’entretien que son architecte, Dominique Lyon, nous a accordé sur le vif, au milieu de la foule d’enseignants et d’étudiants venus assister à l’événement.
– Qu’éprouvez-vous en cet instant, celui de l’inauguration d’un bâtiment que vous avez conçu ?
J’en éprouve forcément de la joie : livrer officiellement un bâtiment, qui n’existait encore que sous une forme abstraite il y a plusieurs mois de cela, est toujours une expérience particulière. Je serai encore plus heureux si les personnes qui vont l’occuper – les enseignants et les étudiants de licence et de master de physique, sans oublier le personnel en charge d’en assurer le fonctionnement – en seront eux-mêmes contents. Et cela semble effectivement le cas si j’en juge par les premiers retours que je reçois, car, bien évidemment, le bâtiment est déjà entré en service plusieurs semaines avant l’inauguration, et manifestement, ceux auxquels il est destiné ont commencé à se l’approprier. Ce qui est le plus important car, pour ma part, en tant qu’architecte, je n’ai fait que proposer une coque vide. Si, maintenant, en plus de l’habiter, ses destinataires en révèlent toutes les potentialités, je ne peux qu’en être heureux.
– Comptez vous en suivre l’évolution ?
Non, pas spécialement. Je considère qu’il revient au bâtiment de vivre sa vie. Une inauguration est d’ailleurs faite vous cela : on coupe le ruban pour signifier métaphoriquement qu’on coupe le cordon ombilical ! Que le H-Bar vive donc sa vie ! C’est ce que je peux rêver de mieux.
– Tous les architectes ne raisonnent pas ainsi…
A chacun sa manière de voir. Pour ma part, je considère qu’un bâtiment n’appartient pas à son architecte. Je n’ai donc pas l’intention de revenir à intervalle régulier, pour en suivre les éventuelles transformations. On peut y apporter celles qu’on souhaite à condition, bien sûr, qu’elles n’aillent pas contre le bâtiment. Ce serait dommage.
– Comment se sont déroulés les échanges avec les physiciens ?
Me retrouver au milieu de chercheurs qui appréhendent le monde à travers des équations, dans une grande abstraction, c’est à la fois intimidant et passionnant. De formation, je ne suis pas physicien ni scientifique !
– Un mot encore sur le parti pris de concevoir un bâtiment aussi lumineux que possible…
Nous avons la chance d’être ici sur un plateau et, donc, de pouvoir bénéficier de la lumière naturelle. Le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest…
– Une autre constante s’il en est…
En effet. Autant composer avec, en mobilisant notre savoir-faire d’architecte pour éclairer une salle, un hall, avec le plus de lumière naturelle possible. Vous aurez remarqué qu’en dehors du hall, les couloirs sont éclairés aux deux extrémités par des baies vitrées. Ce caractère traversant est la solution la plus simple en plus de permettre une facilité d’usage. Les gens peuvent s’y repérer facilement. Ils peuvent aussi apercevoir l’environnement extérieur, la place du côté de l’entrée principale, la forêt située à l’arrière… En cela, le H-Bar est emblématique de l’architecture telle que je l’apprécie : une architecture tout sauf écrasante, mais à taille humaine. Je pars du principe qu’il n’est pas utile de compliquer les choses, qu’il faut aller au plus simple.
– Qu’est-ce que cela suppose-t-il de la part de l’architecte ? Qu’il sache être un peu anthropologue pour comprendre les « us et coutumes » de la population à laquelle il destine son bâtiment, en plus d’investir l’environnement alentour, pour s’en imprégner, y déceler les perspectives ?
Anthropologue ? Ce serait beaucoup dire ! En revanche, ce qui est sûr, c’est que, par définition, un architecte a la possibilité de se projeter dans le futur bâtiment qu’il envisage de construire, au travers de maquettes et de simulations informatiques. Il peut même se balader dedans, avant tout le monde et bien avant qu’il ne sorte de terre. C’est toute la magie du travail d’architecte, qui est lui-même habitué à une forme d’abstraction, qui s’exprime davantage au travers de plans, de coupes. Cela étant dit, l’architecte n’est jamais seul. Il travaille avec une équipe, emmenée par le chargé de projet. En l’occurrence, il s’est agi de Laura Bellamico, à laquelle je souhaite rendre un hommage particulier.
* Outre l’architecte, pas moins d’une dizaine de personnalités de l’écosystème Paris-Saclay ont répondu présent et fait un discours : Elias Khan (Président du Département de Physique) ; Julien Bobroff (Physicien, Professeur à l’Université Paris-Sud, qui s’est livré à un fort utile et humoristique exercice de définition pédagogique de la constante de Planck) ; Christine Paulin (Doyenne de la Faculté des Sciences) ; Alain Sarfati. (en tant que président de la future ex-Université Paris-Sud, qui doit intégrer celle de Paris-Saclay) ; Philippe Van de Maele (Directeur général de l’EPA Paris-Saclay, qui a assuré la maîtrise d’ouvrage du projet) ; Laurent Buisson (Directeur du programme Centres d’excellence, Secrétariat général pour l’investissement) ; des élus : David Ross (maire d’Orsay) et Michel Bournat (Président de la Communauté d’Agglomération Paris-Saclay, Maire de Gif-sur-Yvette) ; enfin, Jean-Benoît Albertini (Préfet de l’Essonne).
Journaliste
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