Elle nous avait accordé un entretien quelques mois avant son intervention à l’édition 2017 du TEDx Saclay. La conteuse palaisienne Sylvie Mombo a bien voulu nous livrer ses impressions à son issue. Où il est encore question de… sérendipité.
– Voilà, l’édition 2017 TEDx Saclay s’est achevée. Comment l’avez vous vécue ?
(Elle hésite)… Mon silence le dit bien : c’est un peu comme si j’accusais encore un peu le coup. Et, après tout, quoi de plus naturel ? L’écriture du texte et les répétitions ont convoqué une certaine énergie et ce, sur une durée de plusieurs mois. Le talk en lui-même avait tout d’un moment paroxystique ! A son issue, j’éprouve comme une dépression post-partum ! Je m’empresse de préciser que dans ce que je suis en train de ressentir, il y a aussi beaucoup de joie. A commencer par celle d’avoir pu rencontrer des personnes d’univers à la fois différents et convergents vers des préoccupations communes : tous, à nos manières, nous sommes mus par le même intérêt pour le vivant en général et l’humain en particulier.
– Vous parlez de votre talk comme quelque chose d’exceptionnel. Pourtant, vous avez l’expérience de la scène. En quoi est-ce différent d’intervenir devant le public de TEDx Saclay ? Est-ce dû à la longue gestation qu’a nécessitée votre intervention ?
Non, car les spectacles que je donne nécessitent aussi un temps de préparation. La différence tient plus à la forme de l’intervention. Dans le cadre de TEDx Saclay, nous disposons de douze minutes, ce qui est bien en deçà de ce dont dispose d’ordinaire un conteur ! Un conte a besoin de chair, c’est-à-dire de mots et d’images, de détails, parfois de digressions… Tout ce qui fait qu’il est porté par ce que j’appelle la langue contée. Or, une conférence TEDx, c’est tout le contraire. Il faut aller à l’essentiel et, donc, synthétiser, dégraisser. Il n’y a pas de temps pour y mettre un surplus de chair. On est plus dans le registre de l’allocution avec un message à livrer aussi rapidement que possible. C’est dire si l’exercice n’est pas a priori évident pour le conteur, qui a tendance à en rajouter, à se repaître dans la langue, à prendre plaisir à s’écouter parler ! (rire).
L’exercice n’en a pas moins été intéressant pour moi. Après tout, on reste dans le domaine de la langue, même si on se place dans un autre registre de langage. J’ai bien aimé explorer la possibilité de m’exprimer avec une économie de mots. Cela n’empêche pas de partager quelque chose ni de faire passer une émotion. Peut-être que la simple présence pourrait presque suffire à elle-même. Mais peut-être vais-je trop loin, là… Ce serait quand même priver le conteur de son matériau de prédilection : les mots ! Je suis donc prête à reconsidérer ce propos ! (rire).
– Pour vous être inscrite dans un autre registre de langage, c’en n’est pas moins dans un conte que vous nous avez embarqués…
J’ai davantage parlé du conte que dit un conte. J’en ai tout au plus livré des bribes, mais pour nourrir mon propos. Il s’agissait plus d’une conversation et encore, car, il faut bien l’admettre, j’étais la seule à parler (rire).
– Appréhendiez-vous de parler de conte au milieu d’autres intervenants qui parlaient de sciences et/ou d’innovations technologiques…
Oui, en effet, j’ai appréhendé cela au point même de m’être réinterrogée sur la pertinence de ma présence ! Mais, je vous rassure, ce doute n’a pas duré bien longtemps. J’ai fini par me convaincre qu’il était bien qu’une conférence TEDx fasse une place au conte. Restait cependant à savoir à qui je souhaitais m’adresser. C’est en tout cas la question que Marion Chapsal, la coach de chez Ideas on Stage, m’a invitée, (tout comme aux autres intervenants), à me poser en imaginant la personne qui pourrait être la plus récalcitrante au conte… Qu’elle en soit remerciée, car cela m’a bien été utile pour structurer mon propos.
– Et alors, quelle était cette personne a priori la plus récalcitrante que vous aviez en tête ?
J’avais répondu : un homme blanc, d’une cinquantaine d’années et qui serait chercheur ou startupper, justement ! Avec Marion, j’ai donc travaillé à faire en sorte de ne pas le perdre…
– Je peux témoigner du fait que le public était captif. Or, on peut faire l’hypothèse qu’il comptait de nombreuses de personnes ayant ce profil…
Plusieurs sont d’ailleurs venues me voir à l’issue de la conférence pour me dire à quel point mon propos les avait touchées, combien il leur avait parlé. Elles se sont même dites « touchée », « happée », « charmée »… C’est leurs mots. Bref, la cible a manifestement été atteinte…
– L’aviez-vous perçu au cours de votre intervention ?
Oui, même si je ne distinguais pas bien les visages du fait de la lumière des projecteurs. Mais j’ai senti beaucoup de présence et d’écoute. Au tout début, le public s’est comme remobilisé pour recevoir un nouveau talk (le 15e – et dernier – de la soirée en comptant les deux vidéos) puis j’ai senti qu’il glissait dans un apaisement progressif. A moins que ce ne soit quelque chose de l’ordre de l’ouverture. Je ne saurais dire précisément. Une chose est sûre : nous étions ensemble !
– Vous intervenez d’ordinaire dans des médiathèques, des écoles ou encore des salles de spectacle. Qu’est-ce que cela vous a-t-il fait d’intervenir dans l’auditorium du nouveau bâtiment de CentraleSupélec ?
Je m’y étais déjà rendue pour le besoin des répétitions, une semaine avant le TEDxSaclay. La première fois, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un film de science-fiction : Bienvenue à Gattaca !
– Un film qui nous projette dans un futur plutôt inquiétant… Est-ce à dire que c’est un lieu qui vous a fait mauvaise impression ?
Non, au contraire ! Même si ce film traite effectivement d’un sujet grave (l’eugénisme), il m’évoque aussi et surtout une esthétique particulière que j’aime assez, faite de grands volumes et surfaces. Ici, j’ai particulièrement apprécié cette possibilité de déambuler dans cette rue intérieure, d’y croiser toutes sortes de gens : des étudiants, des chercheurs, des enseignants,… Et puis, j’ai tout autant apprécié l’accueil que nous a réservé le moindre élève que nous y avons croisé, le soin qu’il a mis à nous guider (la première fois, j’ai eu du mal à me repérer…). J’ai perçu comme un honneur de faire ses études dans ce magnifique bâtiment.
– La rue dont vous parlez s’appelle la « rue de la sérendipité ». Un bel hommage à votre métier quand on sait que cette notion a été forgée en référence au conte des Princes de Serendip, ainsi que nous le rappelions dans le précédant entretien que vous nous avez accordé…
Je n’avais pas, autant le dire, prêter attention au nom qu’elle portait. Le sachant maintenant, cela me fait bien évidemment sourire. Preuve s’il en était besoin qu’un talk sur le conte avait toute sa place dans un TEDx Saclay organisé à CentraleSupélec.
Pour accéder au précédent entretien avec Sylvie Mombo, cliquer ici.
A lire aussi les entretiens avec Sylvain Gasdon, Claudia Marcelloni, Guillaume Monnain, et Christian Van Gysel (pour accéder aux liens, se reporter au compte rendu que nous avons fait de la soirée – cliquer ici).
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