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The Place To-Go

Le 19 juin 2025

Rencontre avec Lala

Suite de notre série sur le Plato, avec, cette fois, le témoignage de Lala qui revient sur le parcours qui l’a conduite jusqu’au nouveau lieu de restauration de La Table de Cana, situé au pied du Lumen.

- Avant de savoir ce qui vous a conduite au Plato, le nouveau lieu de restauration de La Table de Cana, je ne résiste pas à l’envie de vous interroger sur votre prénom…

Lala : Mon prénom complet est Laladom, mais on m’appelle le plus souvent par ce diminutif, Lala. Dans mon patois, cela désigne « les autres » tandis que « dom » désigne leurs histoires, leurs affaires !

- De quel patois s’agit-il ?

Lala : D’un patois du nord de mon pays, le Togo. Je suis Kabyé [un peuple d’Afrique de l’Ouest établi au nord du Togo et dans deux pays limitrophes, le Bénin et le Ghana]. Née à Lomé [la capitale], j’ai vécu mon enfance à Pya [un canton de la préfecture de la Kozah].

- Quand êtes-vous arrivée en France ?

Lala : J’y suis venue en 2017 et y suis restée depuis. Étant orpheline de père, décédé en décembre 1991, et de mère, décédée en décembre 2017, je n’y avais plus d’attaches familiales hormis deux de mes quatre sœurs qui y vivent encore : les deux autres vivent en Espagne et en France. Nous restons chacune en contact. Entretemps, j’ai eu des enfants. Venir en France a été une manière d’emprunter les pas de mon père qui y a vécu le temps de sa formation à Saint-Cyr !
Et puis, pour moi, la France était associée à la littérature, une autre de mes passions qui longtemps a entretenu chez moi le rêve de devenir écrivaine ! D’ailleurs, si un jour je disposais du temps d’écrire, ce serait probablement sur mon père que j’ai perdu à l’âge de huit ans mais qui n’en est pas moins encore resté une référence pour moi.

- Comment s’est faite la rencontre avec La Table de Cana ?

Lala : Mes enfants étant encore en bas âge, je me suis rapprochée de France Travail pour trouver un emploi qui soit en adéquation avec mon diplôme mais aussi propice à mon épanouissement : je ne conçois pas d’aller travailler sans réelle motivation. Je n’aime pas faire quelque chose qui ne me corresponde pas, sous contraintes.

- Soit, mais il reste que tout travail salarié implique un minimum de contraintes, ne serait-ce qu’en raison des horaires, des tâches à exécuter…

Lala : Oui, bien sûr ! Veillons cependant à ne pas perdre de vue l’essentiel, son épanouissement, et j’ajouterai, celui de ses enfants. Ma priorité d’ailleurs, c’est leur éducation, de leur inculquer des valeurs à commencer par celles du travail. C’est important qu’ils puissent me voir gagner ma vie en travaillant. Personnellement, je n’aime pas l’idée de paraître assistée. J’ai toujours travaillé, depuis que je suis jeune. Il n’y a donc aucune raison que je ne puisse pas continuer à le faire. Pas question pour autant de perdre trop de temps dans les transports. Un emploi, oui, mais à condition qu’il ne soit pas trop éloigné de mon domicile.
Avant d’arrivée à la Table de Cana, j’avais eu vent, par le truchement du CIDFF, à Evry, de la formation que le Chef Thierry Marx donne dans son école de cuisine de Grigny. Je m’y suis aussitôt inscrite…

- Quand même ! Thierry Marx bien connu sur le plateau de Saclay : il est intervenu deux fois au TEDxSaclay…

Lala : [Sourire]. J’en garde un très bon souvenir de cette expérience. J’ai appris énormément de choses, vous ne pouvez pas savoir à quel point ! Déjà passionnée de cuisine, je me suis familiarisée avec le savoir-faire culinaire français, de nouvelles techniques. Bref, j’ai adoré cette formation !

- Combien de temps a-t-elle duré ?

Lala : Trois mois. Cela peut paraître court, en réalité, cette formation permet d’apprendre vite et bien. Elle m’a permis de décrocher un diplôme de commis de cuisine. Suite à quoi on m’a proposé de faire un stage au Mandarin Oriental Paris [un palace 5 étoiles, dont Thierry Marx a dirigé les cuisines]. Mais c’était trop loin de chez moi. La structure m’a donc proposé un poste au restaurant du Crous, à Evry. Une autre expérience que j’ai beaucoup appréciée : il y a avait un vrai esprit d’équipe. J’ai aussi appris beaucoup sur les principes de la cuisine d’assemblage, qui consiste à préparer les plats (hors d’œuvre, plats garnis, dessert), à partir de produits dans un état déjà plus ou moins élaborés. Puis j’ai passé plusieurs mois en quête d’un autre emploi. Non pas que les offres manquaient, mais les propositions ne me convenaient pas du point de vue des horaires – je venais d’avoir un autre bébé. Je suis ainsi restée sept-huit mois sans travailler. En fait, pas tout à fait, car j’ai mis à profit cette période pour me livrer à une activité de traiteur à domicile.
J’ai cependant cherché à m’orienter vers d’autres métiers en faisant valoir mes différents diplômes : étudiante, j’avais notamment passé une licence en communication et relations publiques, dans une école française installée au Togo – un diplôme que j’ai fait reconnaître en France avec le concours de cette école. Ayant vu que j’étais polyvalente, mon conseiller emploi de l’Espace Emploi Insertion (EEI) m’a suggérée de travailler dans l’administration. Mais là encore, les horaires ne convenaient pas. Heureusement, c’est quelqu’un de compréhensif. Je tiens d’ailleurs à le remercier au passage pour son attention, le soin qu’il prenait à trouver un empli qui corresponde à ma situation de mère. Bref, Monsieur Bonillo c’est son nom, il est top !
C’est lui qui, à force de chercher sur les plateformes de d’offres d’emploi, a repéré La Table de Cana. C’était au cours du mois de février [2025]. Il a pris le temps de la contacter, de s’assurer que mon profil pouvait bien leur convenir, pour éviter de me faire déplacer inutilement. Au début, je devais postuler pour un poste de commis à Antony. Malheureusement, le jour de mon entretien, la personne censée m’accueillir avait été empêchée. Je n’ai pas perdu au change, puisque je me suis vu aussitôt proposer de postuler pour le point de restauration qui devait ouvrir dans le quartier de Moulon. Même si c’était pour un poste d’agent polyvalent, je ne le regrette pas. Les horaires conviennent parfaitement. Et puis, ce n’est pas loin de chez moi – à seulement 25-30 mn en voiture. Ce qui me laisse le temps de déposer mes enfants à l’école et de les récupérer l’après-midi. Au-delà de cela, ce que j’aime ici, c’est l’esprit d’équipe, le sens de l’entraide, du partage. J’aime aussi de pouvoir mettre en pratique ce que j’ai appris, de pouvoir prendre aussi des initiatives. J’ai pu notamment confectionner certains plats.

- J’en témoigne et, d’ailleurs, je les conseille ! Envisagez-vous à terme ouvrir votre propre restaurant ?

Lala : C’est en projet ! Ce qui me retient pour le moment, c’est le poids des responsabilités que cela implique, le fait que vous n’ayez plus personne au dessus de vous pour prendre les décisions. Je sais qu’il existe des dispositifs d’accompagnement pour mettre le porteur de projet en confiance, mais je ne me sens pas encore prête à franchir le pas. Je préfère prendre le temps de m’aguerrir encore un peu. Cela étant dit, je ne crains pas de commettre des erreurs. C’est aussi en en faisant qu’on apprend !

- Un ou une startuppeur.euse ne dirait pas mieux. En plus d’apprendre de ses erreurs, il/elle ajouterait que les critiques sont toujours les bienvenues, qu’il faut savoir se remettre en question, « pivoter », etc. C’est bien la preuve que vous avez déjà en vous une fibre entrepreneuriale !

Lala : Tout cela me parle. J’ai une tendance à l’autocritique, non pas pour me faire du mal, mais dans l’espoir de progresser. Je n’hésite pas à solliciter le retour des gens : leur regard m’est utile pour savoir si je fais bien ou mal. Le plus important, c’est d’apprendre. Donc, non, je renonce pas à mon projet d’ouvrir un jour mon propre restaurant. Il reste au coin de ma tête.

- En attendant, quel regard posez-vos sur l’environnement du Plato ?

Lala : D’abord, il y a le lieu même que je trouve particulièrement lumineux. Avec sa grande salle, il offre un vrai potentiel pour y développer d’autres activités. Quant au quartier, je ne le connaissais pas avant d’y venir. Très vite, j’ai compris que nous étions sur un campus, avec plein d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs. J’aime beaucoup l’ambiance qui y règne, cette possibilité qu’il offre d’être au contact des autres…

… et d’en découvrir les « affaires », les « histoires » ! En somme le côté caché de votre prénom…

L’entretien se clôt dans un éclat de rire.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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