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Tests sanguins de nouvelle génération, la solution Omini.

Le 30 juin 2020

Mettre au point des dispositifs de tests sanguins portables pour améliorer la prise de décision médicale, telle est l’ambition de la start-up Omini, lauréate de la bourse X-Grant Silicon Valley. Joanne Kanaan, sa cofondatrice, spécialiste de biochimie de l’École normale supérieure – PSL (à droite sur la photo), nous en dit plus sur les circonstances de sa création et ses perspectives de développement en lien avec… l’écosystème Paris-Saclay…

– Si vous deviez pour commencer par pitcher Omini…

La création d’Omini découle d’un double constat : on estime à 70%, la proportion des décisions médicales, qui s’appuient sur de la biologie médicale dont les tests sanguins. Or, ceux-ci sont en l’état actuel des méthodes, coûteux à réaliser, en temps et en argent : ils nécessitent un déplacement du patient ; ils ne sont pas adaptés aux services d’urgence ni aux personnes atteintes de maladies chroniques, qui exigent un suivi dans la durée. Notre idée a donc consisté à proposer une nouvelle génération de tests sanguins combinant précision, portabilité et connectivité, le tout via un dispositif abordable et facile à utiliser, adapté à une médecine décentralisée et personnalisée.

– Comment y êtes-vous parvenue ?

Notre solution repose sur des biocapteurs mis au point par la cofondatrice d’Omini, Anna Shirinskaya, chercheure au Laboratoire de Physique des Interfaces et des Couches Minces (CNRS/École polytechnique – Institut Polytechnique de Paris), à partir de ses travaux de thèse. Ils permettent de mesurer de manière quantitative et en un laps de temps très court (moins de cinq minutes) une grande variété de biomarqueurs à partir d’un volume d’échantillon minimal.
En parallèle, nous développons un lecteur électronique qui traite le signal provenant du capteur et qui permettrait ainsi d’afficher et de transmettre les résultats du test. Nous offrirons ainsi la possibilité de suivre des patients atteints de maladies chroniques, en commençant par les maladies cardiovasculaires.

– Qu’est-ce qui vous a prédisposées à vous lancer dans la création de cette start-up ?

Pour ce qui concerne Anna, elle a entamé ses études en chimie dans son pays d’origine, la Russie, avant de rejoindre la France dans le cadre du programme Erasmus. Ce qui l’a convaincue ensuite de poursuivre en thèse pour travailler sur des biocapteurs, leur fonctionnement et la manière d’en améliorer les performances. Son approche était encore théorique mais assez approfondie pour qu’elle en perçoive le potentiel au-delà des laboratoires de recherche académique où leur usage était jusqu’ici cantonné. Des travaux scientifiques en avaient bien démontré les applications possibles, mais ils étaient restés dans les tiroirs. Anna a donc entrepris d’explorer la manière de valoriser ses propres recherches en adoptant une démarche plus entrepreneuriale.

– Et vous-même ?

De mon côté, j’ai fait une licence et une première année de master en biochimie au Liban avant de venir en France pour la deuxième année, puis une thèse en biochimie et biophysique. Malgré mon intérêt pour la recherche fondamentale et expérimentale, je ne me voyais pas faire une carrière académique dans un laboratoire. D’autres centres d’intérêt m’attiraient, très éloignés du sujet de ma thèse, à commencer par la stratégie appliquée au monde de l’entreprise. Finalement, je suis parvenue à un juste milieu en découvrant le monde de l’innovation, qui permettait de concilier ma double appétence pour la recherche et l’entrepreneuriat. Au cours de ma thèse, j’ai suivi une formation pour acquérir les bases de la création et la gestion d’entreprise. A l’issue de ma thèse, j’ai intégré le programme Entrepreneur First.

– Comment s’est faite la rencontre avec votre future associée ?

A l’occasion de ce programme. Elle était en quête d’un cofondateur ou d’une cofondatrice qui pourrait l’aider à avancer sur le volet technologique de son projet entrepreneurial. Quant à moi, je souhaitais mettre en pratique mes réflexions en matière de stratégie d’entreprise, dans le secteur des biotechnologies.

– A l’évidence, alors que vous ne vous connaissiez pas avant de rejoindre ce programme, vous avez su faire équipe. Comment l’expliquez-vous ?

Avec Anna, nous avons eu un bon fit et perçu d’emblée ce que l’une pouvait apporter à l’autre : elle, l’expertise technologique, sa parfaite connaissance des biocapteurs et de leur potentiel, moi une expertise en biologie et une appétence pour la gestion et la direction de projets innovants. Nous étions donc très complémentaires. Enfin, nous avions toutes deux la même fibre entrepreneuriale. La suite a montré que nous faisions, en effet, une bonne équipe : les choses avançaient très vite. En cela, le programme Entrepreneur First s’est aussi révélé bénéfique : il nous a permis, durant les trois premiers mois, d’apprendre à nous connaître, de monter ensemble un projet (destiné à être soumis au comité d’investissement), puis de l’accélérer durant trois autres mois, en bénéficiant d’un premier financement.

– On dit qu’il est plus difficile pour les femmes de poursuivre des études scientifiques, mais encore de se lancer dans l’entrepreneuriat innovant. Vous apportez chacune deux fois la preuve du contraire… Qu’auriez-vous envie de dire à des filles qui hésiteraient encore ?

D’abord, de ne jamais se poser la question de savoir si on peut faire quelque chose, étant une femme. Pour ma part, je ne me la suis jamais posée. Certes, parmi mes collègues chercheurs, il y avait exclusivement des hommes. J’étais de surcroît la plus jeune. Pour autant, je ne me suis jamais demandée si j’étais à ma place !
Même chose concernant l’entrepreneuriat. Certes, les femmes sont encore minoritaires, mais les choses sont en train de changer. Beaucoup est fait pour les encourager à entreprendre et tout particulièrement dans le champ de l’innovation. Le fait d’être une étrangère n’est pas non plus un problème. Anna et moi peuvent en témoigner. Loin d’avoir été handicap, cela a été un facteur de créativité.

– Où en êtes-vous dans le développement d’Omini ?

Nous avons franchi l’étape de la preuve de concept en démontrant la capacité de mesurer des biomarqueurs via nos dispositifs. Reste à le faire sur la base d’échantillons humains. Nous visons pour commencer une solution adaptée au suivi des patients souffrant d’insuffisance cardiaque, avec pour objectif de mettre au point un produit fonctionnel d’ici la fin de l’année prochaine.

– Vous avez été lauréates de la bourse X-Grant Silicon Valley. En quoi cela va-t-il vous aider dans votre développement ?

* La bourse « X-Grant Silicon Valley »

Elle récompense chaque année, depuis 2013, des talents issus de l’écosystème entrepreneurial de l’X. Pour y prétendre, les candidats doivent présenter un projet innovant comportant un volet en lien avec la Silicon Valley. Chaque année, deux lauréats sont récompensés.

D’un strict point de vue financier, la bourse, d’un montant de 50 000 $ [financé à 50% par la Fondation de l’École polytechnique et à 50% par le Friends of Ecole Polytechnique, structure sœur de la Fondation basée aux États-Unis, grâce à la générosité des anciens élèves donateurs installés en Californie] nous permettra d’acquérir du matériel nécessaire à notre activité en laboratoire. Mais la bourse, c’est aussi un mentorat de haut niveau sur le marché des Etats-Unis, assuré par des entrepreneurs qui y sont installés et qui en ont donc une bonne connaissance. Pour la petite start-up française que nous sommes, c’est une belle opportunité d’apprendre les particularités de ce marché et d’y construire un réseau.

– Un mot sur l’écosystème de Paris-Saclay dont votre projet est en partie issue (votre associée est rattachée au Laboratoire de Physique des Interfaces et des Couches Minces – CNRS/École polytechnique – Institut Polytechnique de Paris). Fait-il sens pour vous, qui relevez d’un autre écosystème ?

Oui, bien sûr. C’est en son sein qu’Anna a mis au point la technologie. Avec elle, j’ai pu y rencontrer plusieurs entrepreneurs, qui nous ont aidées à avancer dans notre propre projet. Nous avons aussi pu bénéficier de l’expertise de laboratoires de l’écosystème. Je le perçois clairement plus tourné encore que le mien vers l’entrepreneuriat innovant – beaucoup de start-up y sont créées.
Nous avons d’ailleurs fait le choix d’y rester, d’autant plus que l’on perçoit la volonté de ses acteurs de continuer à y soutenir les projets innovants, y compris dans le domaine de la santé.

Pour en savoir plus sur Omini, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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