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Entrepreneuriat innovant

Silence, ça pousse… aussi sur le Plateau de Saclay.

Le 20 mars 2018

Olaf Maxant est Délégué adjoint à l’innovation à la R&D d’EDF. Nous l’avions interviewé sur le vif en septembre 2017, à l’occasion de l’inauguration de l’exposition itinérante Observeur du Design accueillie par EDF Lab Paris-Saclay. Nous souhaitions en savoir plus sur l’Innovation Hub créé en 2016. Il a accepté de se prêter de nouveau à l’exercice non sans témoigner par la même occasion de son propre rapport à l’écosystème Paris-Saclay.

– A quel besoin a répondu la création de l’Innovation Hub ?

A l’heure des transitions énergétique et numérique, les entreprises savent qu’elles doivent impérativement engager leur transformation tant au regard de leur organisation, de leurs métiers que de leur modèle économique. La question est de savoir comment procéder à cette transformation et à quel rythme. Nous considérons que l’innovation est justement un bon moyen, parmi d’autres, pour aider l’entreprise à se transformer tout en parvenant à un engagement plus fort de ses salariés et un degré de satisfaction plus grand de ses clients.
Innovation Hub a donc été créé il y a un an, en 2016, avec pour mission d’aider le Groupe EDF à gagner en agilité et en performance, au travers de ses différents métiers. Concrètement, il promeut une démarche d’open innovation (en détectant des start-up à fort potentiel) en vue d’identifier de nouvelles tendances (les évolutions des modes de vie aussi bien que les mutations technologiques et économiques à venir) et produire par le design (en travaillant avec un laboratoire dédié : Design Lab I²R). Il s’appuie pour cela sur des compétences variées : notre équipe compte aussi bien des designers, des innovation catalysts que des sociologues, etc. Soit à peu près une vingtaine de personnes basées pour la plupart à Paris, d’autres étant implantées dans différents écosystèmes innovants à travers le monde – San Francisco, Pékin,…

– Est-ce à dire que l’innovation est quelque chose de nouveau pour la R&D d’EDF ?

Non, bien sûr ! Et elle ne concerne pas que la R&D. L’ensemble des métiers du Groupe EDF est dans une logique d’innovation. Notre équipe n’a donc pas d’autre prétention que d’être facilitatrice, en ayant le souci d’être à la fois dans la réflexion et dans l’action, le « faire » autrement dit. Identifier les enjeux de demain, tester de nouveaux outils pour les traiter, c’est ce que nous faisons au quotidien en scrutant le monde et ses évolutions, telles qu’elles peuvent se manifester à travers des signaux faibles. Nous testons de nouvelles méthodes qui nous aideront à être plus innovants. En 2015, nous avions mis en place un Laboratoire des tendances pour, avec des acteurs de Paris-Saclay ou d’autres écosystèmes, français et étrangers, essayer de saisir les grandes évolutions du monde et les grandes questions que soulèvent ses évolutions.

– Quitte à investir d’autres secteurs que celui de l’énergie ?

Pourquoi pas. Comme vous l’avez compris, au sein de l’Innovation Hub, nous ne nous interdisons rien a priori. Peut-être que dans quelques années ou décennies, le « E » d’Edf signifiera-t-il autre chose qu’électricité…

– … le « e » du digital ?

(Sourire). Avec des spécialistes de l’énergie, des architectes, des designers et bien d’autres compétences externes, nous avons d’ores et déjà lancé une démarche portant sur le rôle d’EDF à l’horizon 2037. Les résultats en seront présentés en 2018. Carte blanche a été donnée à plusieurs équipes pour anticiper l’impact d’évolutions touchant à des domaines aussi variés que la robotique, l’intelligence artificielle, les blockchains… Encore une fois, nous ne nous interdisons aucun sujet. Y compris plus sociétaux comme l’accélération versus le ralentissement de nos modes de vie, les frontières entre sphères privée, publique et professionnelle…

– Dans quelle mesure parler d’innovation est-il allé de soi au sein de la R&D d’un groupe industriel comme le vôtre ?

C’est vrai que la notion d’innovation a longtemps été étrangère à l’univers de la R&D d’un groupe comme le nôtre. Et quand bien même a-t-il su au cours de sa longue histoire démontrer sa capacité à innover et à contribuer par ce moyen au développement économique du pays. Qu’on songe à l’effort consenti par ses ingénieurs et techniciens pour en assurer l’électrification. Personnellement, je ne manque pas d’être ému quand je revois des images de mes « aînés », qui ont installé les premiers pylônes en haut des montagnes, participé à la construction des premiers barrages et à bien d’autres choses aussi incroyables quand on y pense. Je me réjouis à l’idée de savoir que le Groupe EDF va devoir relever de nouveaux défis, comme il a su le faire par le passé et de pouvoir y contribuer à travers Innovation Hub.

– Mettre davantage en avant la notion d’innovation, n’est-ce pas cependant une manière pour un groupe industriel et sa R&D de prendre acte de la nécessité de prendre plus en considération les usages des clients eux-mêmes ?

Je crois qu’il s’agit de bien plus que cela. Innover au présent, nous savons le faire. Ce que nous souhaitons, c’est d’anticiper le futur en le coécrivant avec nos clients, que ce soit les particuliers ou les entreprises. Au demeurant, ce n’est pas une ambition si nouvelle que cela. Déjà, par le passé, le groupe a su décider de notre futur en électrifiant la France – on y revient, mais il me semble important de toujours garder à l’esprit d’où on vient, a fortiori si on veut se projeter dans le futur. En électrifiant le pays, donc, il a transformé en profondeur la vie des Français. Le Groupe EDF avait ainsi démontré sa capacité au changement, du sien comme celui du reste de la société.

– Parler d’innovation, n’est-ce pas aussi une manière d’afficher la volonté de démontrer cette capacité au changement, mais avec les autres, y compris les clients (les particuliers aussi bien que les industriels) ?

Exactement. Si le groupe a toujours su faire preuve d’innovation, il doit aujourd’hui se mettre à l’heure de ce qu’il est convenu d’appeler l’open innovation, et qui suppose plus d’engagement des salariés, de collaboratif entre eux et d’ouverture vers des partenaires extérieurs (académiques, industriels, start-up). Cette approche fait partie de l’ADN de l’Innovation Hub. Nous travaillons avec des start-up mais pas que. Nous le faisons aussi avec des personnes aux profils très variés, toujours dans ce souci de comprendre, tester des hypothèses, non pas de manière théorique, mais en étant dans le faire, on y revient là aussi. Ce faire dont Jean-Louis Frechin parle si bien dans l’entretien qu’il vous a accordé [pour y accéder, cliquer ici]. Au sein du Groupe EDF, nous travaillons avec des métiers où domine encore une culture ingénieur. Celle-ci a des vertus, mais nous nous devons de la « provoquer » par des propositions iconoclastes sinon des idées décalées. Car c’est aussi de cette confrontation que peuvent naître des idées originales.

– Quitte donc à créer des « étincelles », ainsi que vous le souligniez dans le précédent entretien… [pour y accéder, cliquer ici].

(Sourire). Sachant que pour être « provocantes » nos idées ne s’en inscrivent pas moins dans une logique collaborative. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’être nous-mêmes immergés dans le Groupe EDF, au contact de ses métiers. Nous pouvons d’autant plus facilement les convaincre de prendre du recul, que nous prenons le temps d’échanger avec eux, tout en partageant la même culture d’entreprise (pour ma part, j’ai rejoint EDF au sortir de mes études). Comme eux, nous sommes attachés à cette entreprise du secteur public et avons la même envie de nous battre pour elle, pour qu’elle reste un fleuron de notre industrie, à l’international. Nous leur faisons connaître d’autres savoir-faire, repérés à l’extérieur, qu’ils peuvent ensuite s’approprier sans avoir à réinventer la poudre, en somme.

– Vous avez évoqué l’open innovation. Saisissons l’occasion de rappeler qu’elle ne signifie pas une ouverture à tous les vents, qu’elle repose, passé un certain stade, sur des logiques de contractualisation et de clauses de confidentialité, pour ce qui concerne les partenaires externes…

Oui, c’est important de le rappeler. Et cela est d’ailleurs bien symbolisé par l’agencement des différents bâtiments du campus EDF Lab Paris-Saclay, l’un étant ouvert au public extérieur, moyennant un contrôle à l’entrée, les autres ayant un accès limité, requérant l’usage d’un badge. Sans compter nos laboratoires de recherche « hors les murs », comme celui intégré au sein de l’ITE IPVF.

– Qu’apporte votre présence dans un écosystème comme Paris-Saclay ?

La création même de l’Innovation Hub répond à notre souci de tirer au mieux profit de notre présence dans cet écosystème en nouant des liens avec les divers établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui s’y trouvent. Paris-Saclay est un environnement particulièrement favorable, en adéquation avec notre approche de l’innovation : c’est un territoire où on théorise (au travers de l’activité du monde académique), mais où on agit et entreprend aussi (au travers des acteurs du monde industriel et de l’entrepreneuriat innovant)…

– Pourrions-nous dire que l’Innovation Hub est un produit de Paris-Saclay ? Dit autrement, est-ce une fois le transfert du site de Clamart, réalisé il y a près de deux ans, que le concept a émergé ?

La création de l’Innovation Hub était en réalité en germe bien avant notre arrivée sur le Plateau de Saclay. Elle est une des traductions concrètes de cette vision « glocale » que nous avons de la R&D et de l’innovation dans un contexte mondialisé, c’est-à-dire à la fois ancrée dans des sites (ceux de Paris-Saclay, de la Renardière et de Chatou pour ne citer que les sites franciliens) et ouverte sur le monde à travers un réseaux de partenaires et de collaborateurs implantés dans d’autres écosystèmes. L’erreur serait de s’en tenir à Paris-Saclay, a fortiori aux seules ressources internes du Groupe EDF. Au contraire, nous cherchons à nous ouvrir au reste du monde, à dépasser les frontières pour aller aux sources de nouvelles idées et pratiques, utiles à nos métiers.

– Ouvert, le site a démontré qu’il l’était en accueillant plusieurs manifestations (Paris-Saclay Connexion, l’édition 2016 du TEDx Saclay,…) non sans rendre sensible l’existence d’une véritable communauté d’acteurs de Paris-Saclay…

Force est effectivement de reconnaître l’émergence d’une communauté Paris-Saclay mêlant industriels, entrepreneurs, startuppers, académiques et bien d’autres acteurs de différents horizons professionnels comme les designers qui ont été mis à l’honneur à l’occasion de l’exposition Observeur du Design, que nous avons accueillie en septembre dernier en l’ouvrant aux professionnels comme au grand public. Tant mieux si EDF Lab contribue à l’émergence de cette communauté. Après tout, si nous sommes sur le Plateau de Saclay, c’est bien pour profiter de la richesse de l’écosystème, mais aussi contribuer à la faire prospérer. L’ouverture n’est pas un vain mot. Plus on s’ouvre, plus on dé-silote et plus on innove. L’accueil d’événements extérieurs y contribue en faisant découvrir d’autres méthodes et modes de fonctionnement.

– Connaissiez-vous le territoire de Paris-Saclay avant l’ouverture de l’EDF Lab ?

Ce territoire m’était déjà familier car j’y ai débuté mes études d’enseignement supérieur. J’ai fait un Deug à l’Université Paris-Sud, sur le campus d’Orsay. C’était en 1994. Le transfert d’une partie de la R&D d’EDF sur le Plateau de Saclay, je l’ai donc vécu comme un retour aux sources, même si je n’en continue pas moins de travailler encore pour partie à Paris et sur le site de Chatou.

– Qu’est-ce qui vous a prédisposé à travailler dans l’innovation ?

En 1998-99, j’ai poursuivi des études à l’Ecole nationale supérieure des arts et métiers (Ensam). Un des professeurs qui intervenaient en amphi, nous avait invités à imaginer et à concevoir quelque chose d’innovant à partir des connaissances que nous avions acquises au cours de nos études. Du fait de mes années de Deug, je me suis intéressé à la manière dont on pouvait être innovant en appréhendant l’homme dans son environnement. Plus tard, au-début des années 2000, j’ai soutenu une thèse sur le management de l’innovation, sous la direction de Patrick Truchot. Je me suis intéressé spécifiquement à la manière de faire travailler ensemble des ingénieurs et des non ingénieurs – sociologues, designers… – en prenant acte de la présence de cultures professionnelles et de rationalités différentes…

– Soit une préfiguration de l’Innovation Hub…

Parfaitement. D’autant que ma thèse était en convention Cifre au sein de… la R&D d’EDF ! Déjà, j’étais soucieux de faire des allers-retours entre la recherche et le « faire » – j’ai formulé des propositions concrètes pour faciliter cette rencontre entre ingénieurs et non ingénieurs dans une démarche d’innovation incrémentale ou de rupture.

– Preniez-vous déjà en considération la dimension territoriale de l’innovation, la manière dont elle peut justement faciliter le rapprochement entre ingénieurs et non ingénieurs ?

Disons qu’au moment de ma thèse, le grand sujet de discussion portait sur les modalités de la rencontre entre le monde de la recherche académique et le monde de l’industrie ou, encore une fois, entre la théorie et l’action. C’est ce qui m’intéressait et qui m’a décidé à rester au sein de la R&D d’EDF car cela m’offrait la possibilité d’être justement à l’interface entre les deux. Aujourd’hui plus que jamais depuis le transfert sur le Plateau de Saclay. Quant à l’importance de la dimension territoriale, avec ce que cela suppose en termes de proximité dans le management de l’innovation, je n’en ai pris conscience que progressivement, chemin faisant.

– Au travers de la fréquentation de Paris-Saclay ?

De Paris-Saclay et des autres sites de la R&D d’EDF. Si leur fréquentation m’a fait prendre conscience d’autre chose encore, c’est l’importance, au-delà de la mixité industrie-recherche, de la mixité entre densité urbaine et proximité avec la nature sinon le végétal.

– Que dites-vous à ceux qui, tout en reconnaissant l’intérêt de cet environnement végétal, aspire aussi à disposer de plus de lieux de vie ?

L’un n’empêche pas l’autre. Je dis juste que nous ne sommes pas obligés de reproduire l’urbanité propre à un centre-ville aussi dense que celui de Paris. On peut aménager des lieux de vie sans dénaturer ce cadre de vie existant.

– A vous entendre, on devine que ce besoin de nature que vous exprimez n’est pas indifférent à votre conception de l’innovation…

De fait, nous avons commencé à réfléchir sur une thématique de recherche autour du biomimétisme et de la biophilie, compris en un sens large puisqu’il s’agirait de voir comment s’inspirer de la nature, aussi bien pour les besoins de management opérationnel que pour la performance de nos installations. Si cela ne tenait qu’à moi, je commencerais à laisser le végétal envahir encore un peu plus le site de l’EDF Lab. Malheureusement, la tendance est à l’élagage régulier au prétexte que cela obstruerait le passage de la lumière dans les bureaux.
Sans doute que cette sensibilité à l’environnement naturel doit aussi beaucoup à ma pratique du vélo. C’est par ce moyen de locomotion que je me rends sur le Plateau de Saclay.

– ?i

(Sourire). Découvrir le Plateau de Saclay au lever du jour ou à d’autres moments de la journée, est une source de plaisir toujours renouvelé. C’est la promesse d’un grand bol d’air et d’un autre rapport au temps. « Ô temps suspend ton vol », c’est un vers qui prend tout son sens quand j’arrive aux abords d’EDF Lab.

– Merci de prendre la peine de livrer ainsi votre expérience personnelle pour ne pas dire intime du territoire et de montrer combien le paysage et ses changements quotidiens font aussi partie des aménités de cet écosystème technologique… Cela étant dit, l’accessibilité du Plateau est aussi vécue par d’autres comme un problème…

Je n’ignore pas les difficultés que beaucoup rencontrent pour aller et venir entre le Plateau et Paris ou ailleurs. Mais sachons faire aussi des contraintes des opportunités. Nous avons cette double chance d’être ancrés dans un écosystème ayant vocation à viser l’excellence au plan de la recherche et de l’innovation et de disposer de ce sas que constitue le trajet pour y parvenir. Cela me conforte dans l’idée que le chemin est souvent plus important que la destination. Le temps qui s’écoule entre mon point de départ et mon point d’arrivée, je ne le vis pas comme un simple temps de transport, mais bien aussi comme un temps propice à la réflexion voire la méditation.

– Vous me faites penser au spécialiste des neurosciences Stanislas Dehaene, qui dans l’entretien qu’il nous a accordé [un des tout premiers du Média Paris-Saclay – pour y accéder, cliquer ici], évoquait l’importance pour lui de pouvoir se rendre à NeuroSpin en vélo à travers champs. Cela étant dit, vous-même, d’où venez-vous en vélo…

Du sud de Fontenay-aux-Roses…

– ?!!!

Je précise que je ne travaille pas à temps plein sur le site du Plateau de Saclay. Je me rends aussi chaque semaine à nos sièges de Paris et de La Défense et, selon les besoins, sur les sites de la R&D de Chatou et de la Renardière (près de Fontainebleau). Hormis pour ce dernier site, je me déplace toujours en vélo. Mais je n’ai pas autant de mérite que cela : le mien est à assistance électrique ! Cela étant dit, aucune autre destination que celle du Plateau de Saclay me procure ce moment paisible et, à l’approche de l’arrivée, de suspension du temps que j’évoquais. Sur les autres sites, au demeurant très agréables, je ne retrouve pas non plus cette présence si particulière de la nature. Ici vous pouvez croiser par un beau matin un camion chargé de pailles brillant sous l’effet des rayons de soleil ou surprendre un lièvre, un chevreuil et d’autres animaux de ce genre. D’aucuns ont cru me faire part de leur compassion en apprenant que je travaillerais aussi sur le Plateau de Saclay. J’estime au contraire avoir beaucoup de chance !

OlafMaxant2Paysage– Et par temps de pluie, comment faites-vous ?

Personnellement, je ne crains pas d’arriver à mon lieu de travail le visage un peu humide. Le vélo, c’est un art de vivre… [il hésite] Attention, nous dérivons vers un sujet qui me tient à cœur et dont je pourrais vous parler pendant des heures. Disons que l’intérêt de faire du vélo, c’est aussi d’être au contact avec les éléments de la nature. Avoir le visage cinglé d’eau de pluie peut être aussi quelque chose d’agréable. Pour le reste, il suffit de bien se couvrir. De toute façon, je constate qu’on regrette très rarement d’avoir pris son vélo, qu’il vente ou qu’il pleuve. Ceux qui ne pratiquent pas ne peuvent mesurer le plaisir que procure ce moyen de déplacement.

– On imagine que vous avez repéré des chemins de traverse qui vous évitent d’affronter le trafic automobile…

Oui, en l’occurrence, la Coulée verte qui permet de se rendre de Paris au Plateau, quasiment sans discontinuité. Sinon, je coupe par les bois de Verrières, de Jouy-en-Josas ou d’autres pour faire varier les plaisirs. Il y a bien d’autres chemins que la RN118 pour venir jusqu’ici ! Je ne renonce pas à en convaincre des collègues pour qui cela dépasse l’entendement !

– En pointant l’attrait paysager du territoire, ne voulez-vous pas suggérer que nous y inventons une forme originale d’urbanité, reposant sur un savant équilibre entre l’artifice et le naturel ?

OlafMaxant2018PaysageOui et c’est précisément une thématique qui nous est chère au sein de l’Innovation Hub et sur laquelle nous nous sommes engagés à travailler – nous parlons de « nature-ville ». J’ignore si cette dénomination est pertinente. Toujours est-il que nous voyons émerger de plus en plus de réflexions sur ce que le vivant peut nous apprendre, que ce soit, encore une fois, à travers la biophilie ou le biomimétisme. Personnellement, je ne demanderais qu’à ce que le végétal soit davantage présent dans nos espaces de vie et de travail, y compris à l’EDF Lab où j’espère bien que la végétation pourra progressivement phagocyter le béton minéral qui nous environne – beaucoup trop à mon goût. Sans militer pour un retour à un hypothétique état de nature, je trouverais bien que nous parvenions à un meilleur équilibre entre minéral et végétal dans les espaces de notre quotidien, personnels et professionnels. Je dois cependant reconnaître que les reflets des levers ou des couchers de soleil sur les grandes baies vitrées de nos bâtiments sont à couper le souffle !

– Ce que vous esquissez-là n’est pas sans m’évoquer les visions de villes végétalisées d’un Luc Schuiten…

Je ne connais pas cet auteur. Mais je me retrouve dans ce genre de vision. Pour moi, et au risque d’en avoir une vision datée, un vrai campus devrait se concevoir au milieu de la nature et non en centre-ville. A l’image d’ailleurs de celui où j’ai fait mes études, le campus d’Orsay, avec ses bords de l’Yvette, ses prairies, ses parcs boisés et botaniques. Sans oublier les champs que l’on peut voir sur le Plateau. Le campus de l’EDF Lab n’est pas à cet égard sans me l’évoquer. Je rêve que mes collègues et moi mettions davantage à profit cet environnement pour y faire des réunions en extérieur, comme nous nous autorisons à le faire sur le site de Chatou, situé, rappelons-le, sur l’Ile des peintres impressionnistes…

– Revenons au site même d’EDF Lab. Hormis la place qui y est faite au béton, en quoi vous satisfait-il au regard de vos exigences et besoins en matière d’innovation…

Il présente plusieurs avantages, à commencer par la forme cylindrique des bâtiments, la possibilité qu’ils offrent de rencontrer, croiser des personnes de différents métiers. Tout au plus aurais-je aimé un espace encore plus ouvert. Mais comparativement à d’autres grands centres de R&D, nous n’avons pas à rougir. Au contraire. J’aime particulièrement cette zone où nous sommes, le bâtiment Azur, auquel on peut avoir accès sans avoir à badger. J’apprécie aussi les salles de créativité, également situées dans cette zone ouverte, qui nous permettent de travailler facilement avec d’autres métiers et équipes, et d’être dans un vrai esprit de partage. Sans doute nous faut-il cependant nous l’approprier davantage. Les bâtiments ne sauraient changer les habitudes par eux-mêmes. Il nous faut porter plus d’attention aux pratiques et aux méthodes, pour parvenir à plus de dé-silotage encore, gagner en agilité et favoriser les démarches collaboratives. L’envie est là. Je n’ai donc pas de doute quant au fait que nous progressions encore en ce sens.

– D’autant que c’est un site encore très jeune…

Exactement.

– Quel regard posez-vous sur la dynamique de Paris-Saclay ?

De l’extérieur, on peut penser que la dynamique peine à prendre, du fait notamment de blocages institutionnels. En réalité, cela ne cesse de bouger. Pour filer la métaphore du végétal, et en référence à une émission de TV consacrée au jardinage, je serai tenté de dire : « Silence ça pousse » aussi à Paris-Saclay. Comme vous pouvez le constater, de nouveaux bâtiments sortent de terre, dédiés à la mutualisation, dans différents domaines. Comme le centre de design « The Design Spot », dont je me réjouis de l’inauguration [le 5 décembre dernier – pour en savoir plus, cliquer ici]. Bref, ici, ça foisonne.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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