Permettre à tout un chacun de participer au financement d’entreprises de l’écosystème de Paris-Saclay. C’est la promesse de Siinaps, une plateforme de financement participatif comme il en existe déjà, mais qui se veut territoriale : de proximité, partenariale, en plus d’être complémentaire avec les modalités de financement existantes. Nathalie Ricœur-Nicolaï, la directrice de Scientipôle Capital à l’origine du dispositif, nous en dit plus à quelques jours de son inauguration, le 18 septembre prochain. Avec déjà trois entreprises prêtes à recueillir vos prêts ou investissements en actions, et qui seront dévoilées ce jour-là.
– Si vous deviez pour commencer par pitcher Siinaps ?
Comme le déroulé de l’acronyme le dit bien (Soutenir l’Innovation, l’Industrie et les Nouvelles Activités de Paris-Saclay), Siinaps est une plateforme de financement territoriale, de proximité et partenariale : elle vise à permettre aux particuliers et à l’ensemble des acteurs du territoire de financer des entreprises de l’écosystème de Paris-Saclay, sous forme de prêts ou d’investissements en actions.
– Tous types d’entreprises ?
La plateforme est d’abord destinée aux entreprises tournées vers l’innovation de haute technologique, à la convergence du numérique et du monde industriel, et pour lesquelles manquent en l’état actuel des choses des possibilités de financement à l’amorçage de leurs projets. Mais Siinaps s’adresse aussi aux entreprises du secteur traditionnel, qui peuvent avoir besoin de financements pour se développer ou pour engager des transformations. Ces entreprises peuvent être aussi bien des start-up que des TPE ou des PME.
– Quel a été au juste le rôle de Scientipôle Capital dans la genèse de Siinaps ?
Nous en sommes à l’initiative. Pour sa mise en œuvre, nous nous sommes associés à la plateforme Les Entreprêteurs. Créée en 2016, cette dernière est, comme son nom l’indique, spécialisée dans l’octroi de prêts. Nous apportons, nous, notre compétence en matière d’investissement en actions. Nous aurions pu nous en tenir à ce partenariat. Mais au gré de nos échanges avec les acteurs du territoire, nous nous sommes rendus à l’évidence : notre plateforme n’aurait de pertinence que si elle pouvait être partenariale, c’est-à-dire proposer un outil répondant aux normes du métier, tout en étant adapté aux besoins spécifiques des différents intervenants. C’est une première différence avec les plateformes de financement participatif existantes.
– La liste de partenaires, qui figure sur votre site est impressionnante…
La plupart des acteurs qui comptent dans l’écosystème de Paris-Saclay nous ont apporté leur appui : les incubateurs, les réseaux de business angels, les collectivités et bien d’autres institutions dont la SATT Paris-Saclay, l’Université Paris-Saclay et l’EPA Paris-Saclay. Et la liste est tout sauf close. Seuls y figurent ceux que les membres de notre équipe ont eu le temps de démarcher personnellement. Bien sûr, d’autres seront amenés à la rejoindre
– En quoi consiste l’apport de ces nombreux partenaires ?
Certains (les business angels et, ultérieurement, les fonds d’investissement) sont appelés à participer au financement aux côtés des particuliers. A défaut d’un apport financier, les autres partenaires s’engagent à promouvoir la plateforme en y préparant les entreprises de leurs réseaux, et en participant au jury de pré-sélection.
– En combien de temps avez-vous monté ce projet ?
Nous y réfléchissions depuis un certain temps. Il y a trois ans, déjà, je discutais du principe avec nos partenaires bancaires. Entre nos premiers échanges avec Les Entreprêteurs et l’inauguration, le 18 septembre prochain, il se sera écoulé à peine un an. Une fois que le projet a été arrêté, trois mois de développement ont été nécessaires (nous sommes partis de leur plateforme, utilisée en marque blanche, ce qui explique cette rapidité) puis trois autres mois pour l’obtention de l’agrément. Autant le reconnaître, cette étape nous a causé quelques sueurs froides… La plateforme des Entreprêteurs, qui était jusqu’alors habilitée à n’accorder que des prêts, a dû faire un travail énorme pour obtenir le double agrément et avoir l’autorisation de faire des investissements en actions…
– Aviez vous procédé à du benchmarking ?
Disons que nous avons avancé en marchant, forts de notre connaissance de l’écosystème, de ses potentialités et des besoins de ses entreprises. Naturellement, nous avons examiné les plateformes dédiées au financement de l’économie réelle, et nous en sommes inspirés, mais en les adaptant aux spécificités de notre périmètre.
En lui-même, le financement participatif est une vieille idée. On connaît l’histoire du cinéaste Cassavetes qui, pour financer son premier film, avait fait passer un message à la radio, en proposant aux auditeurs d’adresser chacun un billet d’un dollar. Il en reçu ainsi quelques milliers. On dit aussi que Mozart aurait aussi fait un appel à ce type de financement pour créer une de ses œuvres ! Si changement il y a, il réside dans les plateformes numériques, qui décuplent les possibilités. Et si la nôtre se différencie des autres, c’est encore une fois dans sa vocation à privilégier un financement participatif partenarial et territorial.
Cette inscription territoriale est comme vous le savez la vocation première de Scientipôle Capital. Nous ne sommes pas un fond d’investissement hors-sol, mais bien ancré dans l’écosystème et reconnu comme tel. Ce qui d’ailleurs explique l’accueil très positif que nous ont réservé nos interlocuteurs. Une plateforme d’investissement participatif et territorial au service d’un développement local, portée par Scientipôle Capital, cela faisait sens a priori.
– Aviez-vous évalué les potentialités de l’épargne mobilisable par des particuliers ?
Oui, et nos évaluations confirment ce qu’on pressentait : non seulement une proportion non négligeable de ménages vivant sur le territoire de Paris-Saclay dispose d’une épargne importante, mais encore ils sont prêts à concourir au financement des entreprises qui s’y trouvent. Pour les investissements en actions, les dispositions fiscales actuelles restent favorables (ce type de financement est défiscalisé à hauteur de 18%, bientôt 25%). Restait à offrir à ces particuliers la possibilité de se fédérer dans le cadre de holdings pour atteindre une taille suffisamment critique, et à automatiser la gestion de leur épargne. C’est donc désormais chose faite avec Siinaps. Le ticket d’entrée est de 500 euros pour l’investissement en actions et de 20 euros pour le prêt.
– A quels risques s’exposent ces particuliers en recourant à votre plateforme ?
Un placement financier est par définition toujours risqué ! Ce que nous ne manquons pas d’ailleurs de rappeler en toutes circonstances sur notre site et le moindre de nos supports de communication, dans les termes suivants : « L’investissement au financement participatif présente un risque de perte partielle ou totale de capital ainsi qu’un risque d’illiquidité ». On ne peut donc être plus clair. Cela étant dit, les entreprises que nous proposons de financer ont été sélectionnées et sont classées selon le niveau de risque.
Ensuite, les risques sont variables selon qu’on finance sous forme de prêts ou d’investissements en actions. Les prêts, d’une durée de 2 à 7 ans, ont de fortes chances d’être remboursés. Les entreprises bénéficiaires ont déjà au moins trois ans d’existence, ont atteint le plus souvent un seuil de rentabilité et sont en phase de développement. Jusqu’à présent, Les Entreprêteurs ont d’ailleurs enregistré zéro défaut de paiement. Ce sont il est vrai d’excellents professionnels, qui disposent de capacités d’analyse à même de prévenir les risques de défaillance.
Quant à l’investissement en actions, reconnaissons-le en toute transparence : aussi viable que soit l’entreprise, le risque existe de perdre tout ou partie de sa mise, d’autant que celles que nous comptons soutenir sont en phase d’amorçage et partent, donc, souvent de zéro en termes de clients. Il est prudent de n’investir qu’une fraction limitée de son épargne disponible. Mais, bien sûr, le succès peut être au rendez-vous. Dans ce cas, l’investissement peut rapporter gros.
– Dans quelle mesure l’investisseur peut-il suivre voire s’impliquer dans le développement de l’entreprise qu’il finance ?
Il n’est pas possible pour une entreprise d’interagir avec tous ses prêteurs ou investisseurs. Les utilisateurs de Siinaps seront cependant tenus régulièrement informés de la situation des entreprises qu’ils financent, directement, via la plateforme elle-même, ou indirectement, via les partenaires qui accompagnent ces entreprises. Nous n’excluons pas d’aller plus loin en favorisant des rencontres, à l’occasion d’événements de type journées porte ouverte.
– Quels montants de collecte visez-vous ?
Tout compris, l’apport des particuliers, d’une part, et celui des fonds d’investissements, des business angels et/ou des banques, d’autre part, nous visons des tours de table d’entre 200 000 et 500 000 euros. Encore une fois, Siinaps n’a pas vocation à couvrir l’intégralité des besoins de financement, mais de venir en appui d’investisseurs et de prêteurs. Nos partenaires peuvent d’ailleurs eux-mêmes prendre l’initiative d’inciter des entreprises qu’ils financent à utiliser la plateforme. Pour ces dernières, Siinaps permet de diversifier leur source de financement en actions. Pour les prêts, c’est un moyen de trouver de quoi financer l’acquisition de matériel, du stock,… (autant de choses que les banques financent moins simplement). Et ce, sans avoir à fournir de caution personnelle.
Précisons encore que nos campagnes dureront jusqu’à deux mois, ce qui laisse du temps pour collecter les besoins de financement complémentaires. Les premières campagnes seront lancées à compter du 18 septembre, le jour de l’inauguration.
– Avez-vous déjà un portefeuille d’entreprises prêtes à recourir à votre plateforme ?
Oui. Nous en avons sélectionné trois, que nous présenterons ce même jour. Permettez donc moi de vous demander de patienter encore un peu avant de dévoiler leur identité. Ce que je peux vous en dire d’ores et déjà est que l’une est issue du Centre entrepreneurial l’IOGS (le 503), l’autre du Genopole, la troisième d’Incuballiance. Deux visent des financements en actions, leur financement étant en partie couvert par les réseaux de business angels.
Sachez que la réglementation fixée par l’AMF (Autorité des marchés financiers) en matière de financement participatif, nous fait l’obligation de ne pas faire de recommandations directes en faveur des entreprises qui utilisent notre plateforme. Notre communication doit juste promouvoir le site, inciter les particuliers à s’y rendre, mais sans orienter leurs choix.
– Pouvez-vous préciser comment vous financez Siinaps ?
Comme toutes les plateformes de financement participatif, Siinaps prélève une commission à la charge de l’entreprise. Pour Scientipôle Capital, elle sert dans un premier temps à couvrir une partie des frais de développement et de fonctionnement. C’est dire si nous prenons aussi notre part de risque. Mais, pour nous, Siinaps est aussi une manière de nous préparer aux transformations que notre métier est appelé à connaître avec le numérique. Force est de constater que le principe des market places se diffuse dans tous les secteurs. Une évolution à laquelle le nôtre n’échappe pas. Dans le monde, de plus en plus de fonds renoncent à l’investissement de gré à gré au profit de plateformes de financement numériques.
En attendant, Siinaps est d’ores et déjà un outil de communication pour Scientipôle Capital, en témoignant de sa capacité d’innovation, non sans contribuer aussi à renforcer son intégration dans l’écosystème de Paris-Saclay.
– Reste qu’on imagine mal Scientipôle Capital basculer intégralement dans le monde virtuel. C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler que l’entretien s’effectue dans vos bureaux installés dans le 3e étage du 503, ce qui vous place en prise direct avec le monde de l’entrepreneuriat innovant…
Oui, et c’est sans doute un autre de nos atouts. Je ne peux d’ailleurs m’empêcher de sourire en constatant à quel point les outils du numérique, très désincarnés ou virtuels en apparence, permettent au final de rendre possible des projets de proximité, au service d’un développement très local, en fédérant de surcroît une communauté de gens très divers.
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