Suite de nos échos au HEC Entrepreneur Fest X Station F, qui s’est tenu le 21 novembre 2017, à travers le témoignage de Lucile Hamon et Késia Vasconcelos, deux jeunes startuppeuses rencontrées dans l’espace showroom et dont la solution se propose de mettre les chantiers de construction à l’heure de l’économie circulaire.
– Si vous deviez vous présenter en quelques mots ?
Lucile Hamon : Je suis diplômée d’HEC. Avant de me lancer dans l’entrepreneuriat, j’ai fait une césure de deux ans pour travailler sur le thème des déchets dans différents pays, notamment en Afrique (Mozambique, Kenya, Tanzanie), en Inde, au Sri Lanka, enfin, en Malaisie…
– ?! Impressionnant… Et vous-même ?
Késia Vasconcelos : Je suis diplômée de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs des Travaux de la Construction (ESITC) de Cachan, puis j’ai travaillé comme conductrice de travaux sur des chantiers, notamment au sein du Groupe Vinci. C’est à cette occasion, que j’ai pris conscience qu’il y avait un poste de dépenses très important, mais auquel on ne prêtait pas assez attention : le traitement des déchets produits sur les chantiers de construction. Ensuite, j’ai rejoint le Bureau d’Etudes de Prix Fayat Bâtiment, avant de m’engager, l’an passé, dans la voie de l’entrepreneuriat en faisant le Master Entrepreneur d’HEC Paris. C’est là que j’ai rencontré Lucile et que nous avons imaginé Batiphoenix.
Lucile : En pitchant nos projets respectifs, comme nous sommes invités à le faire au début de la formation, nous nous sommes rendu compte que nous partagions les mêmes idées et les mêmes valeurs. Nous avons donc commencé à travailler ensemble en janvier, en nous consacrant à temps plein à un projet commun.
– Si vous deviez repitcher ce projet ?
Késia : Batiphoenix est la première market place BtoB dédiée au réemploi des matériaux de construction. Il faut savoir que le BTP est le plus gros producteur de déchets en France : 240 millions de tonnes par an, qui partent à la benne, alors qu’ils pourraient être utilisés comme matière première sur un autre chantier.
Lucile : Concrètement, nous mettons en lien, via une plateforme numérique, des professionnels qui produisent des déchets avec d’autres en quête de matériaux à recycler (maîtres d’œuvre, entreprises du bâtiment, artisans et démolisseurs). Aux premiers, il suffit de prendre en photo leurs matériaux, aux seconds, de consulter notre catalogue en ligne.
– C’est une idée ingénieuse, tellement qu’on se dit que d’autres ont déjà dû y penser… Qu’est-ce qui vous différencie de l’offre existante ?
Lucile : C’est vrai, on compte plusieurs initiatives à travers le monde, et qui ont de plus fait leurs preuves : en Belgique, en Australie, aux Etats-Unis ou encore au Canada. En France, force est de constater que nous sommes en retard. Pourtant, construire à partir de matériaux réemployés, cela s’est toujours fait aussi loin qu’on remonte dans l’histoire de la construction. Mais il est vrai aussi que l’industrialisation de la production, en abaissant le coût des matériaux neufs, n’a pas incité au réemploi. Le contexte est cependant favorable : on prend conscience que les déchets des uns peuvent être des ressources pour d’autres. Le réemploi de matériaux fait l’objet d’un regain d’intérêt.
– A vous entendre, vous avez fait vôtre le concept de l’économie circulaire…
Lucile : Tout à fait !
– Quelles réceptions connaît votre solution auprès des acteurs du BTP ?
Lucile : Nous avons emporté un concours dont plusieurs grands noms étaient partenaires. Certains d’entre eux commencent d’ailleurs à se mettre dans la valorisation de déchets issus de chantiers. Icade, par exemple, vient d’investir trois millions pour développer une solution.
– C’est donc un concurrent potentiel ?
Késia : Ce n’est pas ainsi que nous le percevons. Le marché est assez important pour qu’il y ait a priori de la place pour plusieurs acteurs. Et puis, notre approche est la première à intégrer les ressources du digital ; elle se veut aussi proche que possible du terrain. Un conducteur de chantier ne sait que faire de ses déchets ? Nous sommes en mesure de lui proposer une solution.
Lucile : Jusqu’ici, on parlait beaucoup du recyclage des déchets de chantier, mais en en restant à des considérations théoriques. Que de grands acteurs s’engagent concrètement aujourd’hui contribuent à créer un vrai marché. Mais leurs projets sont encore pour la plupart dans les cartons alors que le nôtre est déjà opérationnel, en France du moins. Nous sommes la première plateforme à réaliser des transactions. Et comme le dit Kézia, le marché est suffisamment prometteur pour ménager de la place à divers acteurs.
– A vous deux, vous apportez au passage un démenti à l’idée suivant laquelle le secteur du BTP ne serait pas encore ouvert aux femmes…
Lucie : Je confirme : il n’y a pas de problème à être une femme dans ce monde-là. Le vrai obstacle, ce serait plutôt notre jeunesse ! Nous avons respectivement 24 et 25 ans. Il nous faut donc asseoir notre crédibilité. Heureusement, nous avons pour nous une expérience du terrain.
– Portez-vous une attention particulière à l’écosystème de Paris-Saclay où se succèdent des chantiers ?
Lucile : Nous n’avons pas encore examiné le potentiel de ce territoire, que nous connaissons cependant. Pour tout dire, nous cherchons d’abord à répondre aux besoins une fois le chantier lancé. Nous sommes cependant à la recherche de partenariats pour intervenir plus en amont. C’est dire si, bien sûr, nous serions ravies d’intervenir sur de futurs chantiers de Paris-Saclay.
Kézia : A défaut d’y intervenir, nous y avons été reconnus en étant lauréates PÉPITE PEIPS du Prix PEPITE 2017, décerné par l’Université Paris-Saclay.
Pour en savoir plus sur Batiphoenix, cliquer ici.
A lire aussi les entretiens avec Jonathan Khlebnikoff, de Rue Rangoli (pour y accéder, cliquer ici) et Arnaud Peltier, cofondateur de WiN MS (cliquer ici).
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