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Retour sur les 100 bougies de l’Institut d’Optique.

Le 23 octobre 2017

Le 13 octobre 2017, il n’était pas question de manquer la soirée d’anniversaire des 100 ans de l’Institut d’Optique. Le temps de revenir de Lille via la gare TGV Massy et de sauter dans un taxi, nous y étions, mais en en ayant manqué les discours et témoignages. Qu’à cela ne tienne. En voici un premier écho à travers le nouvel entretien que François Balembois, directeur général adjoint à l’enseignement, a bien voulu nous accorder sur le vif.

– Le dernier entretien que vous m’aviez accordé avait été réalisé à l’occasion d’un précédent événement organisé en mai dernier [pour y accéder, cliquer ici], à l’attention des enseignants de classes préparatoires et, déjà, dans le cadre de la célébration du centenaire de l’Institut d’Optique. Quelle portée vouliez-vous donner à cette soirée-ci ?

IOGS100ansIIPortraitUn centenaire n’est pas un événement anodin. C’est pourquoi nous avons voulu le célébrer en plusieurs étapes. Cette soirée s’inscrit dans une semaine, qui constitue le moment fort de la célébration. Elle est l’occasion de rappeler tout l’apport de l’Institut d’Optique, à tous ceux qui gravitent autour : nos partenaires et acteurs de l’écosystème Paris-Saclay. Et manifestement, cette histoire intéresse bien au-delà de ceux qui font vivre l’Institut au quotidien, si j’en juge par l’émotion suscitée au sein de toute l’assistance, par la rétrospective qui a été proposée au cours de la soirée. Beaucoup des personnes extérieures, qui étaient venues un peu intriguées, sont reparties manifestement ravies de découvrir les parcours de vie des fondateurs et la contribution de l’Institut au développement de l’optique et, aujourd’hui, de la photonique.

– Comme vous le suggériez déjà dans le précédent entretien, cette semaine est l’aboutissement d’un long travail de préparation…

En effet. Cette « opération centenaire », comme nous avons pris l’habitude de l’appeler, a débuté il y a deux ans. Elle donné lieu à un important travail d’investigation des archives et à un recueil de témoignages d’anciens, conduit sous la houlette de Benjamin Vest. Personnellement, c’est à cette occasion que j’ai compris que l’atmosphère qui régnait dans notre établissement et qui fait que j’aime y travailler, n’était finalement pas si éloignée de celle qui avait dû régner au tout début de l’histoire de l’Institut d’Optique. C’est d’autant plus surprenant, que l’École a connu plusieurs transferts au cours de son histoire. Depuis 2006, elle occupe ce bâtiment construit sur le Plateau de Saclay. En 1965, elle avait quitté Paris pour occuper le 503, un bâtiment qu’elle a conservé pour y déployer la Filière Innovation-Entrepreneur-e-s (FIE). Malgré cela, elle a conservé son ADN. Dès ses origines, elle a été innovante dans sa conception en intégrant les trois composantes qui en font encore la particularité aujourd’hui, à avoir : l’industrie, l’innovation-recherche et l’enseignement.
Je trouve qu’il y a quelque chose d’émouvant à se dire qu’avant même de fonder cette école, ses fondateurs, Charles Fabry et Armand de Gramont, avaient traversé l’océan Atlantique pour rencontrer Thomas Edison en personne, et s’inspirer de ses méthodes, pour les transposer ensuite dans un établissement créé de toutes pièces. Cet esprit pionnier est toujours-là. De même que la créativité.

– A vous entendre, un établissement tout tourné qu’il soit vers les technologies de pointe et donc le futur, gagne à se replonger dans son histoire pour mieux se projeter vers l’avenir. Ce peut paraître une évidence, mais de celles qu’il est bon de rappeler parfois…

En effet ! D’ailleurs, Cédric Villani, intervenu ce soir, n’a pas suggéré autre chose : c’est dans l’histoire qu’on puise son énergie ! Le fait de savoir que ceux qui vous ont précédés avaient au fond les mêmes intentions que vous – ou, inversement, de découvrir que vos intentions ne sont pas éloignées de celles qu’avaient vos prédécesseurs – permet de vous inscrire dans une trajectoire, une lignée et, ainsi, de décupler vos forces. De là l’importance qu’a eu l’ « opération centenaire », au-delà de ce qu’on pouvait escompter.

– Encore un mot sur la présence de Cédric Villani…

Nous souhaitions l’avoir parmi nous, au titre de député, mais aussi parce que nous apprécions sa hauteur de vue et son goût pour l’innovation. Il a d’ailleurs été le parrain de la première édition de TEDx Saclay organisée, souvenez-vous, ici-même, dans les locaux de l’Institut d’Optique, en novembre 2015.

– Qu’en est-il de la dimension internationale ?

L’apport de l’Institut d’Optique a été très tôt reconnu comme un établissement de référence dans le monde de l’optique. La participation à notre soirée, pour une remise de distinctions, de pas moins de cinq des plus prestigieuses sociétés savantes – l’Optical Society (OSA) ; l’International Society for Optics and Photonics (SPIE) ; l’International Conference of Optics (ICO), créée par un ancien directeur général, Pierre Fleury, en 1946, et qui a d’ailleurs son siège à l’Institut ; l’European Optical Society (EOS) ; enfin, la Société Française d’Optique (SFO) – était là pour témoigner de cette reconnaissance internationale. Je précise que ce sont ces sociétés qui ont souhaité s’associer à notre événement. Trois d’entre elles sont hébergées par l’Institut : l’ICO, l’EOS et la SFO. Une autre illustration de la reconnaissance dont il jouit dans la communauté internationale. Au sein de notre établissement, plusieurs personnalités concourent à son prestige au-delà des frontières. Je pense notamment à Pierre Chavel, qui a animé l’intervention des cinq sociétés savantes et qui fait partie du board de l’OSA, la plus grande société savante en optique. Mais je pourrais en citer bien d’autres comme Alain Aspect, lauréat de prix internationaux prestigieux, et également présent.

– Outre Cédric Villani, d’autres élus avaient fait le déplacement…

Oui, deux autres élus ont fait un discours : Grégoire de Lasteyrie, au triple titre de maire de Palaiseau (ville d’implantation de l’Institut d’Optique), de vice-président de la Communauté de Paris-Saclay et de conseiller régional, et Patrick Imbert, dont la présence revêtait une signification particulière : en plus de présider la Communauté de communes Val d’Essonne et d’être Vice-Président du Conseil départemental [en charge du développement économique, de l’emploi, des nouvelles technologies, de l’enseignement supérieur et de la recherche], il est le fils d’un ancien directeur général de l’Institut d’Optique, dans les années 80-90, Christian Imbert.
La présence de ces élus nous importait : elle était une manière de reconnaître le rôle de l’Institut dans le développement territorial. Le fait de proposer aux élèves des axes de recherche originaux, des opportunités de tester des idées et de les traduire en projets entrepreneuriaux participe à la création de richesse sur le territoire. Tous les élus l’ont dit et reconnu, d’une façon ou d’une autre.

– Un large public a répondu présent…

Oui, pas moins de 300 personnes extérieures ont répondu à notre invitation. Il est intéressant de noter qu’elles venaient de 170 entités différentes, qui se répartissent équitablement entre le monde industriel et celui de l’enseignement supérieur. Une coïncidence, qui symbolise bien notre implantation à cheval sur ces deux mondes. On peut donc bien parler de rayonnement lequel, par définition, s’effectue en toutes directions.
Sans oublier le monde de l’art, vers lequel l’Institut se tourne de plus en plus au travers de sa nouvelle filière Art et Sciences, que nous avons d’ailleurs souhaité mettre à l’honneur. La lumière n’est pas qu’affaire de technique. C’est aussi un enjeu esthétique, auquel je suis particulièrement attaché, car cela aide à bousculer les frontières disciplinaires, à amorcer un dialogue entre artistes et scientifiques, voir à favoriser l’émergence d’être hybrides, à l’image du responsable de cette filière Art et Sciences, Eric Michel, tout à la fois mathématicien, ingénieur de formation et artiste.

– Deux autres sites de l’Institut d’Optique ont été par ailleurs créés en France. Dans quelle mesure ont-ils été associés à l’événement ?

En effet, l’Institut compte deux autres sites, l’un à Saint-Etienne, l’autre à Bordeaux. Au cours de cette semaine du mois d’octobre que nous avons consacrée au centenaire, nous les avons naturellement associés. Pour bien mettre en avant la dimension nationale de l’Institut, nous avons tenu à faire le tour de nos sites et à y organiser un événement avec, à chaque fois, le même objectif : faire du lien avec leur environnement extérieur, dans l’idée de mieux faire connaître l’Institut d’Optique. Outre des conférences et des forums, nous avons tenu à donner à voir ce que l’on fait, en concevant pour la circonstance de beaux éclairages, avec le concours d’Eric Michel, que j’évoquais à l’instant.
Ces événements décentralisés ont été l’occasion de rappeler la contribution des diplômés de l’Institut d’Optique. A Saint-Etienne, par exemple, un des orateurs a mis en avant leur rôle dans le développement de l’astronomie et de l’optique spatiale. Ces anciens en ont été des pionniers et nul doute que l’astronomie et l’optique spatiale n’en seraient pas là aujourd’hui, sans leur apport. Personnellement, j’avais une vague connaissance de cet héritage. Mais le fait de l’entendre évoqué par un tiers, reconnu au niveau international, m’a faire prendre conscience de son importance. Bien d’autres anciens ont joué des rôles clés dans d’autres secteurs et ce, au niveau mondial : les zooms, les verres progressifs, les communications par fibres optique, la microscopie, les endoscopes… C’est dire si notre slogan – « Nous transformons le monde par la lumière » – n’est pas usurpé.

– Un site nous tient particulièrement à cœur, c’est le 503. Dans quelle mesure a-t-il été associé aux célébrations du centenaire ?

A défaut d’avoir accueilli un événement, la FIE qu’il abrite a été bien évidemment mise en avant. Pas moins d’une quinzaine de projets entrepreneuriaux sont exposés ici même sur notre site de Palaiseau et plusieurs ont participé à la « tournée nationale » des sites.

– Si vous deviez en mettre un en exergue ?

C’est difficile à dire tant ils sont tous plus passionnants les uns que les autres. Mais s’il faut en choisir absolument un, je mettrais en avant celui de Minuit Une. On le doit à deux anciens élèves de la FIE, Aurélien Linz et Simon Blatrix, qui l’avait eux-mêmes proposé, à la différence des autres projets FIE qui sont généralement issus d’entreprises ou de laboratoires.
Il s’agit d’un procédé qui renouvelle la scénographie laser au travers de nappes de lumière. Vous pourrez apprécier par vous-même à l’occasion du Show Laser [en illustration], qui doit démarrer d’ici un quart d’heure. Je dois dire en toute franchise, que ce projet m’avait plutôt laissé sceptique au tout début. Mais les deux élèves qui le portaient se sont montrés tenaces : ils ont su mettre à profit notre FabLab pour réaliser leurs prototypes ; nous les avons vu se professionnaliser progressivement d’une façon qui force le respect. Notre seul mérite est de ne pas les avoir entravés et d’avoir hébergé leur brevet, le temps qu’ils créent leur société et aient de l’argent pour le racheter. Aujourd’hui, leur société emploie une douzaine de personnes et fait entre deux et trois millions de chiffre d’affaires. Ils sont sollicités à travers la France et même le monde, pour des spectacles et des festivals devant des milliers de personnes.

– Et dire que vous auriez pu tuer le projet dans l’œuf !

Ce n’est pas l’état d’esprit de la FIE ! A partir du moment où ces élèves franchissaient les différentes étapes et ce, de manière convaincante, il n’y avait aucune raison de les arrêter et quand bien même n’y croyions-nous guère au début. Des élèves ont une idée à défendre ? Qu’ils apportent la démonstration de sa viabilité technologique et économique, c’est tout ce que nous leur demandons. Le comble, si je puis dire, c’est que Minuit Une a aujourd’hui une croissance supérieure aux start-up « FIE » plus industrielles (leurs marchés, dont celui du showbiz, sont particulièrement lucratifs). Dans leur parcours, ils sont passés de notre 503 au 104 (!), dans le XIXe arrondissement de Paris. Ils sont maintenant installés à Montreuil. Leur succès a été tel qu’ils ont dû quitter le 503 pour Paris (ils ont été incubés au 104) puis pour Montreuil. Mais nous gardons des attaches avec eux. Nous les mettons même à l’honneur à travers le Show Laser, que j’évoquais.

– Dans le précédent entretien, vous souligniez combien le fait d’appartenir à une institution centenaire change le regard de vos interlocuteurs…

Oui et j’ajoute que cela n’est pas indifférent aux élèves eux-mêmes. Tous ceux que j’ai croisés au cours de cette soirée, ont dit avoir pris la mesure de la richesse de l’histoire de leur école et de retirer une vraie fierté d’appartenir à une aussi grande famille d’inventeurs et de découvreurs.

– Imaginons que les progrès réalisés en optique et photonique permettent de se projeter dans 100 ans. Comment voyez-vous l’Institut d’Optique en 2117 ?

(Rire) Un exercice de prospective à aussi long terme n’est pas simple ! Disons que j’ai le sentiment qu’on prend juste seulement conscience de l’importance de la photonique dans le monde d’aujourd’hui. Elle a pourtant introduit des bouleversements dès la fin du siècle précédent. Les Uber et autres AirBnB n’existeraient pas sans la fibre optique. A force de parler de numérisation, on oublie que celle-ci repose en réalité sur la photonique. Et nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Je pense que la photonique va entraîner l’émergence de nouveaux mondes, plus hybrides, à la fois réels et virtuels, et permettre des innovations qu’on peine à imaginer aujourd’hui comme, par exemple, la capacité à être simultanément sur plusieurs sites. La fibre optique a déjà permis de créer des liens. Cette tendance ira en s’amplifiant, non sans du même coup bousculer les frontières et décupler nos capacités créatrices.

– Et l’Institut d’Optique, sera-t-il toujours sur le Plateau de Saclay ?

Oui, assurément, d’autant que cette localisation n’empêche pas de constituer un réseau national. Ici, sur le Plateau de Saclay, on rencontre une concentration exceptionnelle de cerveaux et d’entreprises, qu’on nous envie. Certaines de ces entreprises rejoignent d’ailleurs le 503, parce que leurs clients se trouvent à proximité. Et ce n’est pas fini. Le Plateau de Saclay est appelé à attirer encore d’autres cerveaux, d’autres centres de R&D et établissements de recherche et d’enseignement supérieur. C’est the place to be, dont nous n’avons tout simplement pas envie de bouger !

– « Nous », c’est-à-dire ?

Outre moi-même, les chercheurs, les enseignants, sans oublier les étudiants eux-mêmes, qui font fi des querelles institutionnelles : monter des projets avec des élèves et étudiants d’autres établissements ne leur pose pas de problème.

A lire aussi : l’entretien avec Aurélien Linz, co-fondateur de la start-up Minuit Une (pour y accéder, cliquer ici).

* Pour ceux qui n’ont pu y assister, un condensé en un proposé sous la forme d’un film téléchargeable – pour y accéder, cliquer ici. A consulter aussi le site centenaire – pour y accéder, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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