Accompagner des personnes âgées et leurs aidants au quotidien à travers des objets connectés, c’est la vocation d’AuxiVia, une start-up qui a commencé par mettre au point un verre intelligent permettant d’anticiper les risques de déshydratation dans les structures médicalisées. Elle était présente, en janvier dernier, au célèbre Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas. Antoine Dupont, son cofondateur (en bas à gauche sur la photo) témoigne non sans se prêter préalablement à l’exercice du pitch.
– Si vous deviez pitcher AuxiVia…
AuxiVia développe un service de suivi et de traçabilité de l’hydratation des personnes âgées dans les structures médicales en général et les maisons de retraite médicalisées en particulier. Et ce, au moyen de verres « intelligents » qui accompagnent chacune de ces personnes de façon à prévenir les risques de déshydratation, tout particulièrement chez celles confrontées à une pathologie lourde. Cette solution offre plusieurs avantages. D’abord, viabiliser la remontée d’informations sur les prises hydriques : aujourd’hui encore, le personnel soignant en est réduit à faire celles-ci à partir de relevés manuscrits, une solution aléatoire et peu fiable, en plus d’être chronophage. Le suivi, et c’est un autre avantage, peut être effectué sur l’ensemble des populations présentes dans l’établissement. Troisième avantage : prévenir les risques d’hygiène, liés à la stagnation d’eau dans les verres. Les standards de qualité obligent bien les structures à les nettoyer régulièrement, mais sans apporter de garantie réelle ; notre solution permet de savoir précisément quand un verre a été lavé.
Enfin, grâce à une technologie d’analyse comportementale que nous avons brevetée, nos verres « intelligents » détectent si l’eau a réellement été ingérée ou, au contraire, jetée. Et ce n’est pas tout : nous voulons aller plus loin en mettant en évidence l’apparition de tremblements de la main ou les déglutitions, reconnaissables aux mouvements particuliers de la bouche au moment de la prise hydrique. Autant d’avantages, qui, en évidant la déshydratation, réduisent les risques d’aggravation de pathologies et donc d’hospitalisation.
– Comment en êtes-vous venu à cette problématique qui exige a priori des compétences diverses, notamment en matière de santé ?
Vincent Philippe [cofondateur, en bas à droite] et moi sommes en effet a priori éloignés de ce domaine : nous sommes ingénieurs de formation, lui de l’Isep, moi de l’Estaca. Nous nous sommes rencontrés dans le cadre du Mastère en entrepreneuriat de l’ESCP Europe. Vincent avait cependant déjà un intérêt pour les problématiques de santé : il avait fait un an de recherche dans le laboratoire de télémédecine de UCLA, en Californie. Quand l’idée nous est venue de créer une start-up, nous nous sommes donc très vite accordés sur l’idée d’un produit technologique, qui réponde à un enjeu de société, en l’occurrence le vieillissement de population. Restait à préciser la problématique de santé que nous traiterions. Nous avons pris le temps de rencontrer de nombreux acteurs du système de soin, une soixantaine de personnes au total. C’est ainsi que nous avons ciblé la prévention de la déshydratation chez des personnes âgées en structures médicalisées. Pour mémoire, celle-ci est, chaque année, responsable de la mort de centaines de personnes âgées, en France. Nous avions là un défi à relever.
– Quels sont les éventuels facteurs personnels qui ont pu vous conduire vous-même à vous saisir de cette problématique ?
Il se trouve que l’une de mes grand-mères vit dans une maison de retraite médicalisée. La seconde est décédée 4-5 mois avant que je ne lance mon projet de start-up. Nul doute que cela m’a conforté dans l’idée de traiter de la problématique du vieillissement.
– Comment AuxiVia a-t-elle vu le jour ?
A l’issue du Mastère de l’ESCP, nous avons intégré X-Up, le programme d’accélération que l’École polytechnique a lancé en avril 2015. La start-up a vu officiellement le jour en juin. Les contacts aidant, nous avons pu procéder à nos deux premiers recrutements : Brieuc du Maugouër, ingénieur, spécialisé dans l’électronique des objets connectés et Marine Royet, designer industriel.
– Quel est l’intérêt de ce programme ?
Il nous a été particulièrement utile pour développer la réponse concrète à cette problématique de la déshydratation des personnes âgées en structures médicalisées. Car, si nous avions avancé sur le modèle économique, nous n’avions pas encore développé de solution technologique. Les moyens mis à disposition dans le cadre du Fab Lab de l’accélérateur nous ont permis de mettre au point nos premiers prototypes, de manière rapide et au moindre coût.
X-Up nous permet également de bénéficier de l’accompagnement de gens compétents. C’est important pour de jeunes startuppers comme nous – nous n’avons que 25 ans – qui ont besoin d’être challengés au quotidien pour essayer d’avancer. En plus de mentors associés au projet, nous bénéficions d’un suivi hebdomadaire. Nous sommes au contact d’autres entrepreneurs à qui nous pouvons faire part de nos interrogations.
Enfin, à travers X-Up, nous bénéficions de la notoriété de l’École polytechnique, qui a désormais une bonne image dans le milieu de l’entrepreneuriat innovant. Ce qui est un élément non négligeable de réassurance pour les investisseurs potentiels ou même les personnes que nous sommes susceptibles de devoir recruter. Pour convaincre un ingénieur compétent dans le hardware, il ne suffit pas, en effet, d’avoir un projet intéressant, il faut encore lui garantir les moyens de travailler dans de bonnes conditions, de disposer de bons outils, qui lui permettront de s’éclater dans son travail. C’est le cas avec le Fab Lab que j’évoquais à l’instant.
– Et l’écosystème de Paris-Saclay ? Dans quelle mesure vous est-il profitable ?
C’est un écosystème dont on a pu mesurer l’indéniable richesse tant au plan technologique qu’humain. On y rencontre facilement tout un tas de gens compétents et très qualifiés. On y ressent beaucoup de synergie entre l’École polytechnique et d’autres écoles – HEC, l’IOGS, etc. – et acteurs de l’entrepreneuriat innovant – IncubAlliance, par exemple. J’ai déjà eu l’occasion d’assister à plusieurs événements stimulants : Paris-Saclay Invest ou Saclay Pitch Night, organisé par Start In Saclay. Bref, X-Up est une formidable porte d’entrée dans l’écosystème Paris-Saclay.
– Où en êtes-vous dans votre développement ?
Nous avons déjà signé des contrats avec le numéro 1 et le numéro 2 européens des maisons de retraite médicalisées et nous nous apprêtons à entrer en phase de test, courant mars 2016. Nous comptons procéder au recrutement de quatre autres personnes d’ici avril. Notre première levée de fonds, d’un million d’euros, est prévue pour l’été.
– Sans transition, venons en à Las Vegas. Comment vous êtes-vous retrouvé à participer au CES ?
Nous avons reçu le grand prix du jury du concours French IoT du Groupe La Poste. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au CES de Las Vegas.
– Comment expliquez-vous l’intérêt du Groupe La Poste pour votre technologie ?
Le Groupe La Poste a opté pour une stratégie d’innovation et de relais de croissance dans les services, notamment à domicile, en mettant à profit son fort ancrage territorial et la relation de confiance qui lie les postiers à la population. D’où son intérêt pour notre technologie. Quant à nous, si nous travaillons pour l’heure à destination des structures médicalisées, nous avons aussi pour objectif, à terme, de nous positionner sur le marché du maintien à domicile.
– Revenons-en au CES de Las Vegas. Quelles impressions cela fait-il de se retrouver dans ce temple de l’innovation technologique ? Est-ce la première fois que vous vous y rendiez ?
J’étais déjà allé à Las Vegas, mais c’était juste à l’occasion d’un road trip, pendant les vacances. C’est la première fois que j’y allais à l’occasion du CES. Il faut savoir que participer à un tel salon demande beaucoup de travail en amont, de l’ordre d’un mois de préparation, ne serait-ce que pour concevoir des supports, des discours sans oublier les prototypes qu’il nous a fallu fabriquer.
Ensuite, une fois sur place, on passe beaucoup de temps à répondre aux sollicitations et à nouer des contacts. C’est d’autant plus intéressant que ces contacts sont relativement qualifiés : les sociétés envoient des personnes au fait des avancées technologiques et des marchés porteurs. Une fois le CES terminé, il faut entretenir les contacts, reprendre rendez-vous. Bref, le CES, c’est du travail avant, pendant et après.
Cela dit, c’est aussi un formidable team building, une belle opportunité pour renforcer la cohésion en interne : nous avions fait le choix d’y aller tous les quatre. Certes, cela a un coût, qu’il faut provisionner, mais le résultat est là : à l’issue du CES, on se connaît mieux. C’est une chose de se côtoyer au quotidien sur le lieu de travail, c’en est une autre de le faire dans un tout autre contexte, a fortiori aussi éloigné. Nous avons vécu une expérience commune qui n’a fait que nous rebooster pour la suite. Bref, c’est un investissement qui en a valu la peine.
– Et les contacts, qu’ont-ils donné ?
Aussi curieux que cela puisse être, nous avons rencontré beaucoup de Français que nous aurions pu tout aussi bien rencontrer à Paris ! Mais nous avons aussi rencontré de nombreux étrangers qui nous ont ouvert des perspectives de développement intéressants à l’international : aux Etats-Unis et au Benelux, en particulier. Des marchés que nous n’avions pas envisagé d’investir si tôt, mais qui offrent l’intérêt d’être friands en matière d’innovation. Sans compter un niveau de revenu par habitant relativement élevé.
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Pour accéder à un autre témoignage, celui de Matthieu Coutière, de Air Serenity, cliquer ici.
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