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Retour de Boston.

Le 30 août 2012

Cambridge, son MIT et sa tout aussi célèbre Havard University : a priori, rien de commun avec le Plateau de Saclay. Et pourtant, les problématiques y sont les mêmes, au MIT tout particulièrement : faire d’un foyer mondial de l’innovation, un lieu de vie. C’est l’un des paradoxes qu’ont rapporté les représentants de l’EPPS, conviés à un voyage d’étude l’été 2012. L’occasion d’une approche comparative avec Harvard, situé à deux miles de là…

200 000, c’est approximativement le nombre d’étudiants que compte Boston (pour 600 000 habitants), répartis dans une soixantaine d’institutions dont la prestigieuse Harvard University (qui en compte 20 000) et le tout aussi prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT, qui en compte environ 10 000). Soit, notons-le au passage, pratiquement autant que le nombre d’étudiants attendus dans le cadre du Plan Campus et de l’université Paris-Saclay (38 000)…

Deux miles entre le MIT et Havard University

A peine deux miles séparent ces deux universités, soit la distance entre… l’Ecole Polytechnique et Supélec. On peut les franchir à pied, en traversant des quartiers résidentiels (compter alors une trentaine de minutes) ou… en métro. Car les deux universités américaines sont desservies par une ligne, la plus ancienne des Etats-Unis. Particulièrement commode, même si elle accuse le poids des années…

« Malgré leur proximité, Harvard et le MIT constituent deux ambiances très différentes » observe Guillaume Pasquier (Directeur Général de l’EPPS). Et pour cause. Fondée en XVIIe siècle, Harvard et ses bâtiments en briques rouges évoque l’université anglaise d’Oxford, son modèle d’origine. Tout le contraire du MIT, fondé en 1861, mais qui n’a pris son véritable envol qu’un siècle plus tard, sur les décombres d’un projet lancé par Kennedy pour re-dynamiser la friche industrielle située à proximité. Le projet consistait à y installer la Nasa pour répondre aux besoins du programme Apollo. Son successeur, Lyndon Johnson, en décidera autrement en la localisant à Houston, dans son Texas natal…

Comme la suite de l’histoire l’a montré, le MIT n’a pas perdu au change. Mythe ou réalité ? Toujours est-il qu’on dit que le cumul des entreprises créées par d’anciens du MIT en ferait la 12e économie au monde. Une chose est sûre : depuis les années 60, il été à la pointe des différentes révolutions technologiques. Actuellement, il est l’un des foyers de la R&D en biologie et en pharmacie. Et déjà s’y annonce une nouvelle révolution, celle des nano-technologies.

Le MIT a naturellement tiré profit de la célèbre route 128 (celle-là même qui, le sait-on, inspira la dénomination de la RD 128 du Plateau de Saclay, construite comme elle, en pleine campagne). Jusqu’à récemment dans les années 1980-90, les entreprises des secteurs innovants jouaient du coude pour s’y installer. « La tendance actuelle, explique Guillaume Pasquier, serait de profiter des capacités foncières de Cambridge, pour s’installer au plus près des campus.» Tous les grands noms de l’industrie pharmaceutique y sont présents (Novartis, Pfizer…). Sans compter les grands noms de l’informatique et de l’internet (Microsoft, Google,…)…

Sur le plan architectural (voir diaporama ci-après), le secteur du MIT dispose d’un riche patrimoine, comptant de beaux bâtiments historiques, réalisés par de grands noms de l’architecture, souvent professeurs invités. Citons parmi les plus connus : les logements étudiants édifiés en 1949 par le Finlandais Alvar Aalto ; la Baker House ; la chapelle de Eero Saarinen… Plus tard, il devait bénéficier du Master plan de I. Pei, pour l’accueil de plusieurs édifices scientifiques, dont le Wiesner Building. Plus récemment encore, le MIT s’est enrichi, en 2002, d’un bâtiment de Steven HOLL, le Simmons Hall dit « the Sponge », également résidence de 350 chambres pour les étudiants ; en 2004, du Stata Center conçu par Franck Gehry ; enfin, le MIT Media Lab dessiné par le grand architecte Japonais Fumihiko Maki.

Un manque d’urbanité

« De là l’impression d’un ensemble assez hétérogène et assez distendu » relève Lise Mesliand, directrice de l’aménagement à l’EPPS. Et peu animé, en dehors des heures et jours « ouvrables ». C’est que le MIT est un campus réservé aux seuls étudiants, enseignants et chercheurs ! Ainsi que Céline Tignol le rappelle, « le choix avait été fait de ne pas développer de logements pour les particuliers, dans le périmètre du MIT.» Et l’été, le départ des étudiants est à peine compensé par les flux générés par les « summer programs ». De là ce contraste avec le centre urbain de Cambridge et Havard, en particulier, où les bâtiments sont imbriqués dans la ville. Les esplanades boisées qu’ils enserrent – et si chères à Michel Desvigne – offrent aux étudiants comme aux habitants des raccourcis dans la ville et des lieux de pause particulièrement prisés à l’heure du déjeuner…

A la différence d’Harvard, le MIT dispose cependant encore d’importantes ressources foncières (friches industrielles, emplacements de parking,…). « Sa gouvernance, relève encore Guillaume Pasquier, le met de surcroît à l’abri d’une crise financière, à court terme du moins : une même fondation gère à la fois la collecte des fonds auprès de donateurs et le patrimoine immobilier de l’université.

A priori, rien de commun non plus entre le MIT et le Plateau de Saclay au regard en tout cas de la densité urbaine. Et pourtant, constate encore Céline Tignol, « tous nos interlocuteurs évoquent la nécessité d’améliorer les conditions d’échanges informels l’effet « machine à café ». Et tous disent la même chose que nous, quant à nécessité de renforcer l’animation du campus et d’en améliorer la qualité urbaine. »

D’où la réflexion engagée au sein du MIT sur la manière de rendre son campus plus attractif et ses espaces publics plus accueillants. « S’est posée la question, précise Céline Tignol, de savoir s’il ne faudrait pas remettre des logements et du commerce afin de renforcer l’attractivité auprès des étudiants et des investisseurs, en faisant du MIT un vrai lieu de vie ». Signe de cette prise de conscience : la ville de Cambridge, en partenariat avec le MIT, a lancé une réflexion pour redynamiser le secteur « work, livre, play ».

Déjà, plusieurs aménagements ont été effectués au cours de ces dernières années, pour améliorer la qualité urbaine et paysagère comme, par exemple, autour d’une ancienne darse. Les réalisations architecturales récentes, citées plus haut ont été conçues pour être propices au brassage et aux rencontre. C’est le cas en particulier des bâtiments de Ghery ou de Maki que l’on peut traverser. A l’intérieur des îlots, aucune clôture ne sépare les bâtiments, les espaces publics. D’agréables cheminements ont été aménagés. Dans les prairies, des tables et des bancs ont été installés pour que les gens puissent pique-niquer à l’heure de la pause. Lise Mesliand : « On est frappé par la qualité de ces réalisations architecturales, des bétons “ nickel ” chez Pei, par les mises en relation entre les constructions au fur et à mesure de leur construction, au moyen de passerelles. Partout des bâtiments très ouverts, avec des halls généreux, des espaces collectifs soignés et nombreux…» Favorisée par l’unicité de la commande pilotée par l’Université, cette architecture est manifestement aussi justifiée aussi par un climat rigoureux en hiver !

Si la résidence conçue par Steven Holl semble, elle, vouloir dominer son environnement, en donnant une impression de gigantisme, c’est en tirant profit d’un jeu d’échelle (trois niveaux de fenêtres représentent en réalité un seul et même étage). « Une fois à l’intérieur (contrôlé par un gardien toujours présent à l’accueil), on est surpris, témoigne Lise Mesliand, par la diversité des espaces communs, avec un grand hall, une grande salle de restauration, mais aussi des salons, avec cheminées, de grands écrans et canapés qui feraient saliver d’envie nos étudiants souvent confinés dans leurs résidences étudiantes à une salle commune. »

Des lieux innovants pour l’innovation

Le MIT a par ailleurs vu fleurir plusieurs lieux dédiés à l’innovation : des incubateurs bien sûr, mais aussi un hôtel d’entreprises, le Cambridge Innovation Center où les candidats se bousculent malgré des tarifs de location au prix du marché. Outre la flexibilité des contrats (la notice de préavis n’est que de 30 jours) et sa proximité, le lieu offre des services partagés efficaces.

Citons aussi ce Fab Lab installé dans un ancien hangar désaffecté de 3 000 mètres carrés, subdivisés en plusieurs dizaines d’espaces qui accueillent aussi bien le « gars du coin » qui y entretient sa tondeuse, que des artistes ou des entrepreneurs… On y trouve des équipements et des outils pour prototypage dont certains sophistiqués (comme cette imprimante 3D qui produit des éléments en résine, ou ces machines de traitement de l’acier, du bois ou du verre), en libre service pour les locataires, moyennant une réservation et des cours de certification pour apprendre à les utiliser (cours ouverts à des personnes extérieures). « Un bazar » géré également par une association privé. Quoique loués à des prix relativement élevés, les espaces trouvent preneurs.

Autre lieu innovant : le Média Lab, lié à l’Ecole d’architecture du MIT, qui met en scène, dans un bâtiment ouvert sur l’extérieur et traversé par une rue publique, une recherche autour de matériaux, d’instruments de musique, de Legos… le tout dans une ambiance « fun ». Pour se faire une idée du type de recherche, on peut visionner la recherche « Sixth Sense », présentée sur une vidéo disponible sur Ted.com.

Des bâtiments durables

Outre les lieux dédiés à l’innovation, d’autres se veulent innovants sur le plan environnemental. Par exemple, l’immeuble Genzyme de Stefan Behnisch (fils de Günter Behnisch, figure de l’architecture allemande), et un des pionniers de l’architecture climatique et environnementale, ou « sustainable design ». Une double peau sert de tampon thermique tout en filtrant la lumière directe pour garantir un confort optimal… « Au-delà de la recherche technique, précise Lise Mesliand, cet architecte s’intéresse beaucoup à ce que certains critiques ont qualifié d’ “ hospitalité contemporaine ”. Il travaille sur les facteurs d’ambiance : climat, lumière, air, sons couleurs et textures… Dans le bâtiment de Cambridge, il a mis au point des “ chandeliers ” capteurs de lumière, qui occupent un très vaste atrium. Sur chacun des sept niveaux se déploient des espaces ouverts, de rencontres et d’échanges. Une vraie “ ruche ”, mais où le son est travaillé pour que l’ambiance reste propice au travail ! »

La tentation est naturellement grande d’imaginer de tels lieux sur le Plateau de Saclay ou ailleurs en France. « Ces expériences urbaines, architecturales et constructives sont vraiment très intéressantes, considère encore Lise Mesland, quand bien même nos règlementations française, par exemple sur la sécurité d’accès aux bâtiments ou la sécurité incendie, rendent en l’état actuel des chose leur réalisation impossible… Mais il ne faut pas désespérer et Paris-Saclay doit être un territoire de l’innovation également sur le plan de l’urbanisme et de l’architecture ! »

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Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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