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Réseau de chaleur et de froid de Paris-Saclay : inauguré et déjà une référence.

Le 3 juillet 2019

Le 24 juin 2019, le réseau de chaleur et de froid de Paris-Saclay a été inauguré. Preuve de l’importance de l’événement – qui revêtait une actualité particulière en cette période de canicule… – le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, avait fait le déplacement avec d’autres personnalités. Un événement peut en cacher un autre : quelques mois plus tôt, la participation de l’EPA Paris-Saclay à « D2Grids », un projet financé par l’Union européenne en vue de développer des réseaux de chaleur et de froid de 5éme génération était officialisé. Respectivement Directeur de projet en charge du Réseau de chaleur et de froid de Paris-Saclay et Chef de projet Energies au sein de la Direction de la Stratégie et de l’Innovation de l’EPA Paris-Saclay, Nicolas Eyraud et Simon-Pierre Kuzar nous en disent plus sur l’enjeu de ces réseaux, mais aussi les circonstances qui ont permis la participation de l’établissement à ce projet.

– L’EPA Paris-Saclay a été retenu avec une douzaine de partenaires pour mener à bien « D2Grids ». De quoi s’agit-il ?

Nicolas Eyraud : L’enjeu de ce projet est d’accélérer le déploiement des réseaux de chaleur et de froid de 5ème génération, par la définition de standards et de technologies génériques de façon à faciliter l’industrialisation du concept. Nous procèderons pour cela à partir de démonstrateurs sur des sites pilotes. L’enjeu est aussi de garantir la commercialisation de ces réseaux de 5e génération. D2Grids prévoit donc de réfléchir à un business plan et de convaincre des investisseurs. En bref, il s’agira de constituer une véritable filière, en mettant également en place des programmes de formation. Naturellement, rien ne pourra se faire sans le soutien des pouvoirs publics. C’est pourquoi, nous travaillerons aussi à la formulations de recommandations pour les politiques nationales et européennes.

– « Accélérer » avez-vous dit ? Est-ce à dire qu’ils sont déjà bien avancés ? Est-ce d’ailleurs le cas de celui de Paris-Saclay ?

Nicolas Eyraud : De tels réseaux doivent réunir plusieurs caractéristiques ou fonctionnalités. Notre réseau en présente déjà quelques-unes, à savoir : une boucle tempérée, un couplage de production chaud et froid, une majorité d’énergies renouvelables et de récupération (ENR&R) et une gestion intelligente des réseaux. Grâce à D2Grids, nous pourrons en tester deux supplémentaires, qui nous permettront de gagner en flexibilité thermique. La première consiste en un système de gestion avancée de la demande, assurant un « dialogue » des systèmes de pilotage du réseau avec ceux des bâtiments pour une modulation de leurs besoins. Cette modulation vise à lisser la pointe sur le réseau, mais aussi à favoriser la consommation à des moments où les énergies renouvelables ou de récupération sont particulièrement disponibles.
La seconde fonctionnalité que nous pourrons tester concerne la capacité de stockage thermique. Des études devraient nous permettre de définir les solutions les plus pertinentes à mettre en œuvre sur le réseau afin de valoriser au mieux toutes les énergies disponibles sur le territoire au cours de la journée ou selon les saisons.
Cette flexibilité thermique permettra à court terme de maximiser le taux d’ENR&R et de diminuer encore davantage les émissions de CO2 du réseau. A moyen-long terme, elle permettra aussi de faciliter les interactions avec le réseau électrique et l’intégration d’énergies renouvelables complémentaires, comme la récupération de chaleur fatale ou l’autoconsommation d’électricité issue de panneaux photovoltaïques.

– A quelle échéance ces réseaux verront-ils le jour ?

Nicolas Eyraud : Le programme doit en principe durer trois ans. Une durée qui ne permettra pas de tester toutes les caractéristiques sur un même site. Mais le fait de travailler sur plusieurs sites nous permet de nous répartir en quelque sorte la tâche. Les retours d’expérience sur chaque démonstrateur donneront un aperçu global.

Simon-Pierre Kuzar : L’enjeu n’est pas de parvenir à une seule et même solution, mais d’en tester plusieurs, en les adaptant au contexte.

Nicolas Eyraud : Précisons encore que ce projet nous mènera bien plus loin. Au-delà des trois prochaines, nous devrons tester les autres caractéristiques durant les sept années suivantes, soit un engagement sur une dizaine d’années, qui requerra de trouver d’autres financements. Mais si nous parvenons à nous rapprocher des réseaux de 5e génération, cela devrait inciter des investisseurs à nous suivre pour tester d’autres de leurs caractéristiques.

Simon-Pierre Kuzar : Les solutions que nous souhaitons mettre en œuvre sont de premières briques appelées à préfigurer les développements futurs. Je pense par exemple à la récupération de chaleur fatale sur les différents bâtiments du campus urbain ou à la valorisation d’autres sources d’énergies renouvelables.

– Un mot sur les partenaires et les autres sites pilotes ?

Nicolas Eyraud : Le consortium est constitué d’une douzaine de partenaires dont deux autres français : le BRGM et le bureau d’études lGreenflex. Parmi les partenaires étrangers, citons : Mijnwater, le chef de file du projet ; l’institut flamand de technologie Vito (Belgique), qui travaillera à l’industrialisation du concept et à l’évaluation des résultats ; OpenUniversity, pour la mise en place des programmes de formations à travers la conception de moocs ; Asper-IM chargé, lui, d’imaginer le modèle économique et d’identifier des investisseurs potentiels), etc. Une diversité de partenaires, donc, qui permet de couvrir un large spectre des problématiques : des enjeux techniques à l’élaboration des standards, en passant par les modèles de commercialisation, de distribution, sans oublier la formation car il conviendra aussi de former les professionnels à même de concevoir les réseaux ou d’en assurer le fonctionnement.

– Et les autres sites pilotes, où sont-ils situés ?

Nicolas Eyraud : A Bochum (Allemagne), Brunssum (Pays Bas), Glasgow et Nottingham (Royaume-Uni). Soit cinq sites en comptant le nôtre.

– Comment en êtes-vous venus à vous inscrire dans ce programme ?

Simon-Pierre Kuzar : Nous avons été sollicités par le chef de file du projet, Mijnwater, une ancienne société d’exploitation minière des Pays-Bas, dont le siège est implantée à Heerlen, et qui a entrepris la reconversion de ses anciennes mines de charbon en lieux de production de chaleur par l’injonction d’eau (en tirant profit de la chaleur qui persiste dans les anciennes galeries). Un procédé qui permet aussi de stocker de l’eau chaude.

– Comment avez-vous été associés ?

Nicolas Eyraud : Les circonstances ont joué en notre faveur. Car, initialement, c’est un autre partenaire français, un aménageur privé, que le chef de file avait identifié. Mais avec le recul, il apparaît évident que notre projet était le plus pertinent car le plus ambitieux en plus d’être déjà opérationnel.

Simon-Pierre Kuzar : Cet aménageur souhaitait développer une boucle tempérée à base de géothermie, en basse profondeur (une centaine de mètres) aux portes de Paris. Mais son projet n’en était encore qu’au stade de la conception (à la différence du nôtre qui est déjà en phase opérationnelle). Finalement, il a jugé préférable de se retirer (le projet D2Grids requérant la possibilité de travailler sur la base de démonstrateurs). On ne peut pas dire pour autant que le choix se soit porté sur le nôtre par défaut.

Nicolas Eyraud : Mijnwater, qui s’était mis en quête d’un site de remplacement, a pris contact avec nous au début de cette année, en janvier. C’est dire si les échéances furent très courtes : nous devions remettre une lettre d’intention aux partenaires à la fin du même mois. Cela fait, nous avons participé le mois suivant à un kickoff meeting autour de D2Grids, pour un premier contact avec nos éventuels partenaires. Nous avons pu prendre la mesure de leur sérieux et de la solidité de leur projet.

– Merci pour ce témoignage qui illustre, au passage, combien ces appels à projet qui paraissent des procédures abstraites sont aussi affaire de relations humaines. Cependant, que pouviez-vous mettre en avant pour prétendre travailler sur un démonstrateur de 5e génération ?

Nicolas Eyraud : Nous travaillions déjà à faire évoluer notre réseau de chaud et de froid vers un système intelligent, à base d’un smart grid multi-énergie, de façon à adapter au mieux les capacités du réseaux aux besoins des usagers. Pour cela, nous nous étions rapprochés d’Accenta, une start-up incubée à Polytechnique, spécialisée dans la gestion intelligente de stockage thermique sur des sondes géothermiques. Or, il se trouve qu’Accenta avait eu connaissance de D2Grids par le truchement d’un de ses clients. C’est d’ailleurs elle qui a fait le lien entre le chef de file et nous.

Simon-Pierre Kuzar : Pour le chef de file, nous présentions l’intérêt de d’ajouter à sa typologie un démonstrateur, non seulement différent du leur, mais en mesure d’intégrer des technologiques du smart grid dans les trois ans qui viennent.

– Quel intérêt représente D2Grids au plan financier ?

Nicolas Eyraud : Nous percevrons 1,5 million d’euros d’Interreg North West Europe via le Feder, soit plus de la moitié du budget D2Grids (2,5 millions d’euros sur trois ans). Ce qui donnera un coup d’accélérateur à notre projet.

Simon-Pierre Kuzar : Ce financement nous permettra de financer de quoi réaliser un vrai saut technologique et ainsi positionner Paris-Saclay comme pionnier en France, en matière de gestion intelligente d’un réseau de chaud et de froid.

Nicolas Eyraud : Comme indiqué, nous avions bien l’intention de nous lancer dans le réseau de 5e génération, mais sans savoir comment le faire et le financer. D2Grids nous permet de le faire plus tôt que prévu. Nous bénéficierons en outre de l’appui des autres partenaires et de leur retour d’expérience ainsi de leurs avancées dans la définition des standards technologiques.

– Un mot sur l’appel à projet « Interreg North West Europ » dont D2Grids a été lauréat, et ses principes…

Nicolas Eyraud : Interreg North West Europ fait partie de ces programmes de coopération inter-régionale de la Commission européenne. Dans plusieurs domaines de coopération dont celui de l’énergie, plusieurs zones interreg ont été constituées. Le nôtre correspond au quart nord-ouest de l’Europe – soit la moitié nord de la France, l’Allemagne occidentale, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Grande-Bretagne. Il suffit que le projet innovant d’un consortium de partenaires issus de plusieurs de ces régions s’inscrive dans ses priorités pour qu’il puisse répondre aux appels à projets de l’Interreg et, s’il est retenu, bénéficier de subventions.

– Un mot également sur la visibilité qu’offre ce partenariat à Paris-Saclay, à commencer auprès des partenaires…

Nicolas Eyraud : Il est clair que le programme contribuera au rayonnement de l’écosystème, à le faire connaître dans plusieurs pays européens.

Simon-Pierre Kuzar : Plusieurs visites de notre réseau de chaleur et de froid, et du reste du territoire, sont prévues à l’intention de nos partenaires.

Nicolas Eyraud : La restitution finale du projet, prévue dans trois ans, donc, est d’ores et déjà prévue à Paris Saclay, en présence d’investisseurs qui souhaiteraient prendre part à l’industrialisation et à la commercialisation des réseaux de 5e génération.

Simon-Pierre Kuzar : D’ici là, des rencontres semestrielles seront organisées avec l’ensemble des partenaires pour échanger sur l’avancée des projets, l’idée n’étant pas d’appliquer les mêmes technologies sur les cinq sites pilotes, mais de confronter les retours d’expérience, de tester des solutions différentes et d’en apprécier l’impact au plan technologique et du modèle économique.

Nicolas Eyraud : Gageons que D2Grids permettra de gagner en visibilité également en France. Notre réseau de chaleur et de froid est le seul site démonstrateur français de cette envergure, à participer de surcroît à un projet européen. Cela devrait le crédibiliser encore davantage auprès d’acteurs locaux et les convaincre de s’associer à nos tests comme clients pilotes. Pourquoi ne pas le dire ? Nous n’avons pas à rougir de la comparaison. Le contexte dans lequel Mijnwater poursuit ses recherches a beau être différent du nôtre – ici, il n’y a pas de mines ! – j’ai pu constater lors de ma visite de son site-pilote que le système utilisé est similaire au nôtre – un réseau de chaleur et de froid, recourant à une boucle tempérée et à des sous-stations d’îlots. Il y a quelque chose de rassurant à se dire que nos options avaient été validées par d’autres.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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