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Aménagement & Architecture

Quelle seconde vie pour le « . F » ?

Le 28 avril 2015

Le 17 avril 2015, l’EPPS organisait une première visite du « . F », dans le cadre de son appel à projets innovant, pour redéfinir l’usage de ce qu’il reste du site initial. Nous nous sommes mêlés aux visiteurs. Impressions.

Le « . F » ? Un drôle de nom pour un lieu novateur au moment où il a été conçu au début des années 70. Ceux qui fréquentent le site Média Paris-Saclay ont pu le découvrir à travers l’entretien que son architecte, Alain Lemétais, nous avait accordé (pour y accéder, cliquer ici).

5 000 m2 à reconvertir

Au moment de notre première visite, au cours de l’année 2013, il était encore occupé par le Centre national d’études et de formation (Cnef) de la Police nationale. Nous y sommes retournés le 17 avril dernier, à l’occasion de la première visite organisée par la direction de l’aménagement de l’EPPS dans la perspective de l’appel à projets innovant qu’elle vient de lancer pour imaginer de nouveaux usages dans ce qui subsiste du site initial.
Car, entretemps, plusieurs éléments ont été démolis : les logements destinés aux personnels en formation, la salle de sport et les divers espaces de travail en forme d’alvéoles, disposés à l’arrière du bâtiment central. Lequel a, lui, survécu avec, au rez-de-chaussée, des bureaux cloisonnés, deux amphithéâtres (l’un de 200 places, l’autre de 400), la cuisine et la salle de restauration, la médiathèque organisée sur plusieurs étages, auxquels on accède par une rampe, sans oublier ni le vaste hall d’entrée avec sa majestueuse charpente en bois, ni les bureaux paysagers aménagés à l’étage supérieur conçu à la manière d’une mezzanine. Le tout réparti sur 5 000 m2.

Un emplacement stratégique

Si, de l’extérieur, l’ensemble, y compris la façade en forme de ruban bleu, semble, même en ce 17 avril après midi ensoleillé, accuser le poids des années, en revanche, l’espace intérieur ne manque pas d’impressionner encore, malgré des choix de matériaux et des équipements qui trahissent aussi leur appartenance à une autre époque (on pense en particulier à ces cabines téléphoniques disposées dans le hall d’entrée…).
Au-delà de ses composantes architecturales, le . F présente bien d’autres motifs d’intérêt. Son emplacement d’abord, pour le moins stratégique puisqu’au coeur de la zone d’aménagement concerté de Moulon (à Gif-sur-Yvette), appelé à accueillir d’ici 2017-2018 le futur bâtiment de CentraleSupélec (conçu par OMA et Gigon Guyer), l’ENS Cachan (imaginé par Renzo Piano) et, à quelques encablures, le Lieu de vie (en cours de construction). Sans compter un millier de logements familiaux, environ 1 500 lits étudiants, des commerces, des équipements publics (crèche, groupe scolaire, pôle associatif, gymnase…), le tout accessible par le futur métro automatique (la ligne 18) ou le bus circulant en site propre. En plus des quelques 25 000 étudiants (en comptant ceux de l’Université Paris-Sud situés dans la vallée), ce « quartier » sera ainsi fréquenté par des chercheurs, des salariés, sans oublier les habitants. De quoi assuré au futur . F un riche vivier d’usagers.

Un modèle pédagogique innovant

Sa programmation, ensuite : avant-gardiste, le . F a été conçu au service d’un modèle pédagogique qui n’est pas sans évoquer celui mis en valeur dans le cadre de Paris-Saclay. En plus d’intégrer les technologies audiovisuelles, il a été aménagé pour favoriser les interactions entre ses usagers, avec notamment ces rampes d’escalier dont on peut percevoir ou être perçu de quiconque ; ces espaces dans lesquels on peut se poser pour des échanges plus informels avec tel ou tel croisé sur son chemin ; ou encore ces salles de cours modulables en fonction des besoins. Si dans l’entretien qu’il nous a accordé, son architecte n’a pas évoqué la notion de sérendipité, celle-ci (que, notons-le au passage, CentraleSupélec a intégrée officiellement comme une valeur cardinale de son modèle pédagogique pour le XXIe siècle) a manifestement présidé à la conception de ce lieu (pour en savoir plus sur cette notion, nous nous renvoyons à la chronique de l’ouvrage que Sylvie Catellin, maître de conférences à l’Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines, lui a consacré ; pour y accéder, cliquer ici).
C’est dire la valeur patrimoniale qu’il revêt, même s’il ne connut pas le destin escompté à ses débuts  (il subit de plein fouet le premier choc pétrolier qui en surenchérira les coûts d’usage). Sa préservation, même partielle incarnerait l’inscription du cluster dans une généalogie ancienne. Et puis, après tout, le lieu n’en serait pas à sa première requalification ; il en a déjà connu une dans les années 80, sous la houlette de Guy Grimard, que nous avons également interviewé pour le site Média Paris-Saclay (pour accéder à l’entretien, cliquer ici), pour tenir compte de son changement d’affectation (à l’origine, le . F a été conçu pour Renault qui le destinait à la formation de ses cadres intermédiaires).

Première visite des lieux

Une reconversion, soit, mais pour quel usage ? C’est justement l’enjeu de l’appel à projets innovant qu’a donc lancé la direction de l’aménagement de l’EPPS (pour en connaître le règlement, se rendre sur la rubrique dédiée du site de l’Etablissement public, en cliquant ici) à l’intention des architectes, mais aussi des porteurs de projet, des maîtres d’ouvrage, des investisseurs, etc.
Autant de candidats possibles, auxquels une première visite du .F a été proposée le 17 avril dernier (d’autres sont programmées, au choix en mai ; voir plus bas pour en savoir plus) sous la houlette de Lise Mesliand, en personne (directrice de l’aménagement), accompagnée d’Antoine Bouillot (de la même direction) et d’Halima Mrabti (de la direction du développement économique de l’EPPS). Près d’une vingtaine de personnes ont répondu présent. Parmi elles : on aura notamment reconnu Christian Van Gysel, Business Angel, vice-président de Finance & Technologie.
La visite débutait au pied des palissades où figurent les plans de la zone d’aménagement concerté de Moulon. Pas de doute, le . F est bien situé à un emplacement stratégique, qui devrait bénéficier pleinement de l’arrivée du bus en site propre dont la voie est en cours de construction, et du futur métro automatique (à l’horizon 2023).
Puis direction le . F lui-même enceint d’une autre palissade qui délimite, elle, le camp de base du chantier de construction du futur bâtiment de CentraleSupélec. A lire les visages des visiteurs du jour, c’est le scepticisme qui semble dominer de prime abord. Une fois à l’intérieur, en revanche, l’effet waouh se produit : on sort qui son appareil photo, qui son smartphone pour immortaliser l’instant et, surtout, accumuler les points de vue. Les questions commencent à fuser sans attendre le temps d’échange prévu dans l’amphithéâtre du rez-de-chaussée : sur la programmation, le niveau de réhabilitation à envisager au plan énergétique (conçu avant le premier choc pétrolier, le .F est encore énergivore…), sur les risques de présence d’amiante (une présence avérée par des diagnostics dont on peut d’ailleurs voir les traces sur le plafond perforé de la salle de restauration…), etc.
Naturellement, Lise Mesliand s’est bien gardée de livrer sa propre vision ou ne serait-ce qu’une programmation. « Le bâtiment a tant de spécificités qu’on ne peut en imaginer une sans risquer de figer les choses. La programmation dépendra donc des conditions de transformation elles-mêmes. Le schéma classique (programmation, évaluation et proposition) n’est pas adapté. Le . F oblige à travailler autrement. »

Un modèle économique à inventer

Bref, les candidats ont quasi carte blanche : tout est envisageable (utiliser tout ou partie des bâtiments, le/les ouvrir vers les espaces publics des alentours, voire ajouter une extension) moyennant la prise en compte des exigences rappelées dans l’appel à projet. A savoir : proposer des usages au service des différents publics du quartier (les étudiants, les habitants, les chercheurs, les salariés) ; faire du futur . F un lieu représentatif de la démarche d’innovation de Paris-Saclay ; accompagner la transformation du quartier de Moulon ; valoriser son environnement végétal, particulièrement riche, il est vrai.
Pas de contraintes particulières, en revanche, au plan énergétique. « Compte tenu de l’existant, il ne s’agit pas de s’inscrire dans une démarche de rénovation répondant aux réglementations les plus exigeantes en la matière » précise Lise Mesliand. La transformation de l’ensemble n’en a pas moins l’allure d’un défi. Comme le résume un visiteur : « La programmation initiale a donné des choses de qualité, mais difficiles à transformer. »
Sauf justement à prendre en compte l’emplacement, comme le suggère Lise Mesliand, pour mieux privilégier une logique de mutualisation. Dès lors, et en réponse à la question d’un des architectes présents, chercher à en faire un équipement culturel n’est pas forcément une option pertinente. En plus de compter déjà de tels équipements, le plateau de Saclay et ses vallées recèlent d’acteurs rompus à l’organisation d’événements et de manifestations hors-les-murs qui, à défaut d’être « culturels » stricto-sensu sont tournés vers le dialogue arts et sciences (on pense à La Diagonale Paris-Saclay, à S[cube], à Sciences Essonne, etc.). Autant d’acteurs que le futur .F pourrait accueillir. A cet égard, rappelons que l’équipe OMA, qui s’était déjà penchée sur l’avenir du site, avait privilégié cette logique de mutualisation, mais principalement au service des étudiants. Aux candidats de dire si elle est envisageable au-delà des établissements d’enseignement supérieur en imaginant en conséquence le modèle économique qui va avec…
Histoire de rappeler que c’est en rapport à son environnement qu’il conviendra de réfléchir à la conversion du . F, Lise Mesliand a souligné que celle-ci se déroulera en parallèle aux études de conception du Parc de Moulon et du Carré des Sciences, qui font actuellement l’objet d’un dialogue compétitif réunissant trois équipes de paysagistes (West 8, In situ, et Atelier Jaqueline Osty et associés).

Un point final pour le .F ?

Mais au fait, qu’adviendra-t-il si aucune proposition ne sort du lot ? La question n’a pas manqué d’être posée. La réponse : eh bien, ce qui reste du .F. sera à son tour démoli, l’EPPS ne pouvant assumer indéfiniment le coût de gardiennage. Que pourrait-il donc bien y avoir en lieu et place ? Au mieux, un banal espace public de plein air, au pire, un parking… Ce qui serait, reconnaissons-le, un triste point final pour notre . F… C’est dire si nous suivrons avec intérêt cet appel à projets innovant, dont les dossiers de candidature, précisons-le, sont à déposer le 2 juin à 12 h au plus tard, pour une sélection qui se déroulera entre septembre et décembre. D’ici là, d’autres rendez-vous sont proposés :
– une rencontre le 27 avril, au PROTO204, pour une présentation du .F et des équipes constituées ou en cours de constitution (les personnes intéressées pourront identifier à cette occasion des partenaires éventuels et, sous réserve de confirmation, rencontrer les équipes paysagistes engagées dans le dialogue compétitif évoqué plus haut) ;
– deux autres visites au choix pour ceux qui n’auraient pu se rendre à la première, le mercredi 6 mai 2015 à 9h30 et le jeudi 21 mai (pour s’inscrire, contacter Antoine Bouillot, antoine.bouillot@oin-paris-saclay.fr).

A suivre, donc.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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