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Profession : « accueilleur ».

Le 23 août 2017

Faciliter les démarches administratives des scientifiques étrangers qui s’installent en Ile-de-France, leur accès à un logement, et leur faire découvrir le pays – son patrimoine, sa culture, sa gastronomie… Telle est la triple vocation de Science Accueil, une structure associative qui vient de fêter ses 20 ans d’existence. Jean Bertsch, son actuel président (élu et par ailleurs scientifique de formation et de profession), nous en dit plus, y compris sur ses ambitions et ses liens avec la dynamique Paris-Saclay.

– Science Accueil a fêté ses vingt ans. Pouvez-vous rappeler ce qui a présidé à sa création ?

Science Accueil a été créée à l’initiative de l’ancien maire de Gif-sur-Yvette, M. Trimbach. Un Polytechnicien qui avait un esprit entrepreneurial. Il considérait que pour accompagner le développement des institutions appelées à rejoindre le Plateau de Saclay, il fallait des structures à même de les accueillir et accompagner efficacement. Avec le soutien d’autres personnes, il a donc créé Science Accueil, une des toutes premières structures, en France, spécialisées dans l’accueil d’étrangers en lien avec le domaine scientifique : des chercheurs et enseignants-chercheurs ; des salariés – techniciens, ingénieurs – d’entreprises et, aujourd’hui, de start-up ; enfin, des étudiants de niveau doctoral ou postdoctoral. Autrement dit, des personnes du monde académique, des salariés du secteur privé et des entrepreneurs, que nous accueillons seuls ou avec leur famille.

– En quoi consiste aujourd’hui cet accueil ?

En premier lieu, nous nous proposons de faciliter leurs démarches administratives, à commencer par celles touchant à la régularisation de leur situation – la délivrance du visa, l’ouverture d’un compte bancaire, l’acquittement des cotisations à la Caisse primaire d’assurance maladie ou encore, le cas échéant, l’inscription de leurs enfants à l’école. L’idée étant de leur éviter les paperasseries administratives voire des situations kafkaïennes dont l’administration française a le secret. Sachez que pour ouvrir un compte bancaire en France, il faut être présent dans le pays, mais que pour pouvoir résider en France, il faut disposer d’un compte en banque… Nous surmontons ce genre de situation grâce à un partenariat avec une banque qui domicilie chez nous les étrangers auxquels elle ouvre un compte.
Nous sommes dans un constant effort d’amélioration. Le 3 mars dernier, nous avons signé une convention avec l’Université Paris-Saclay et la sous-préfecture de Palaiseau pour la création d’une plateforme multiservice qui fera office de guichet unique. Un étranger n’aura donc plus à se déplacer à des endroits différents avec tout ce qui peut lui en coûter en termes de tracasseries et de files d’attente.
En plus de l’accompagnement administratif, nous nous chargeons de lui trouver un logement. Nous disposons pour cela d’un portefeuille de plus de 4 000 surfaces meublées. En nous en confiant la location, leurs propriétaires ont l’assurance de voir leurs loyers versés (nous nous portons caution). Il leur en coûte une adhésion à l’association de 60 euros seulement et quel que soit le nombre de logements mis à disposition.
Ces différents services participent de l’ «accueil initial ». S’y ajoute ce que nous appelons l’accueil durable. Car, une fois les démarches administratives et de location effectuées, nous n’abandons pas les étrangers à leur sort. Nous nous employons à faciliter leur intégration en les acculturant au contexte dans lequel ils sont appelés à vivre durablement : nous leur faisons découvrir la culture française, le patrimoine du pays, sa gastronomie, à travers des soirées thématiques (une a été récemment consacrée au vin, de prochaines le seront à la mode et aux parfums) ou des sorties (à Giverny, la patrie des Impressionnistes, par exemple, ou encore à Etretat, Chambord, etc.). Certes, tout cela ne relève pas directement de notre champ de compétences. C’est pourquoi nous avons développé des partenariats avec divers professionnels : du transport, de la culture ou d’autres secteurs.
Nous en avons également noué dans le cadre de notre politique de rénovation de l’habitat avec deux organismes bancaires (la Société Générale et le Crédit Lyonnais). Pour faciliter la connexion Wifi, nous en avons conclu un avec Orange. Autant de partenariats qui nous permettent de rester dans notre cœur de métier, tout en complétant nos services.

– Qu’est-ce qu’il en coûte aux étrangers que vous accueillez ?

Rien ! Ce sont les entreprises ou les institutions qui les font venir, qui prennent en charge le coût à travers une adhésion proportionnée au nombre de personnes accompagnées. Pourquoi s’en cacher : notre offre est nettement moins chère que celle d’une structure privée. Pour vous donner un ordre de grandeur, l’accompagnement des quelque 450 étrangers que nous confie un important organisme de recherche est assuré pour une cotisation de quelque 14 000 euros contre dix fois plus s’il l’était par une structure privée…

– Bénéficiez-vous de subventions ?

Oui, de la Communauté Paris-Saclay et de la Région Ile-de-France . A quoi s’ajoutent les adhésions des propriétaires qui mettent leurs logements en location par notre intermédiaire (soit, je le rappelle, une cotisation de 60 euros par propriétaire : une somme modique, mais compensée par le nombre importants de propriétaires adhérents – plusieurs centaines, bon an mal an).

– Combien d’étrangers accueillez-vous ?

Cette année, nous en avons accueilli quelque 3 000, un chiffre en progression de 10-15% par an. En vingt ans d’existence, Science Accueil en aura accueilli de l’ordre de 30 000. Une cinquantaine d’entreprises ou d’institutions recourent à nos services.

– Combien de salariés comptez-vous ?

Une douzaine, équivalent à huit emplois à temps plein, auxquels s’ajoutent deux services civiques et trois stagiaires.

– Soit une petite entreprise…

Science Accueil est une association loi 1901. Un statut que je ne demanderais qu’à faire évoluer, mais ce n’est pas simple. Reconnaissons que l’actuel ne nous a pas empêchés d’être reconnus et de grandir tout en préservant notre indépendance, y compris par rapport aux collectivités qui nous subventionnent. Entre une Région Ile-de-France, qui a une politique de développement de son attractivité à l’international, et une Communauté d’agglomération, qui a des ambitions en matière de développement territorial, il importe de pouvoir pleinement assumer ce rôle d’accueil d’étrangers dans le domaine scientifique et technique. Les contrats d’objectifs que nous signons avec nos partenaires sont conçus dans le même esprit : il ne s’agit pas de nous positionner en simples prestataires, mais de faire au mieux et en toute indépendance, ce que nous estimons relever de notre champ de compétences.

– Qu’est-ce qui, dans votre parcours professionnel, vous a prédisposé à présider cette structure ?

Je suis un universitaire de formation et de profession. Professeur d’EPS, diplômé de l’INSEP (en 1983), je suis titulaire de deux DEA et d’une thèse en psychologie expérimentale, soutenue à la Sorbonne. Suite à ma thèse, j’ai été maître de conférences puis professeur à l’Université de Caen, ensuite à Paris-XI, université dont je suis devenu le doyen de l’UFR STAPS pendant deux mandats, de 1998 à 2008. Une vie universitaire qui s’est traduite par diverses publications dont l’ouvrage L’Estime de soi : une controverse éducative (Puf, 2009).

– UFR STAPS à l’origine duquel vous avez été…

Oui. A l’origine, il ne s’agissait que d’un département de la Faculté des Sciences d’Orsay, centré sur les activités sportives. Je crois pouvoir dire que je me suis « battu » pour en faire une UFR de plein droit, avalisée par le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, avec, donc, des maîtres de conférences et des professeurs qui y sont attachés.
Je souhaitais contribuer à une « universitarisation » de la recherche dans le domaine du mouvement. J’ai aussi « boosté » – si vous m’autorisez ce néologisme – ce domaine de recherche au plan national. Pour cela, j’ai présidé la Conférence nationale des doyens d’UFR STAPS, de 2003 à 2007.

– Dans quelle mesure le contexte de Paris-Sud – à dominante sciences exactes – vous a-t-il incité à constituer une UFR STAPS ?

Il est clair que le contexte de Paris-Sud m’a encouragé à tenter de donner des lettres de noblesse à mon propre champ disciplinaire et à le porter au plus haut, en le confrontant à l’apport de ces sciences exactes. C’est dans cet esprit qu’en 2004, j’ai créé la première école doctorale dédiée aux sciences du mouvement. Pour autant, mon engagement ne s’est pas limité à Paris-Sud. J’ai tenu à promouvoir la discipline au plan national et même international, à travers, outre la conférence déjà évoquée, le Réseau Européen des Instituts en Sciences du Sport (ENSEE) dont j’ai également pris la présidence, deux ans durant, de 2003 à 2005. Une expérience qui s’est révélée plus compliquée que prévu, mais qui manifestait mon intérêt pour l’international.
[A la rentrée 2008, il sera chargé par Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, de la mission interministérielle pour la réorganisation de l’offre publique de formation aux métiers de l’activité physique. L’année suivante, il est nommé responsable de la commission « formations » de la mission ministérielle « Sport, Prévention, Santé »].
Parallèlement à ces diverses responsabilités au sein du monde universitaire, j’ai eu, depuis longtemps, un engagement politique.

– Qu’est-ce qui vous y a conduit ?

J’ai toujours été quelqu’un de passionné par la chose publique. Il faut dire que suis né dans la même ville que Jules Ferry…

– Saint-Dié-des-Vosges ?! [au lecteur qui pourrait s’étonner de notre réaction enthousiaste, précisons que c’est une ville que nous connaissons particulièrement bien pour y suivre chaque année le Festival International de Géographie !]

Oui ! Mon père et ma sœur en sont aussi natifs. J’ai tout naturellement été bercé dans le respect pour cet homme dévoué à la République et auquel on doit l’instauration de l’instruction gratuite et obligatoire. Naturellement, à l’évocation de son souvenir, je ne pouvais que prendre goût à la chose publique, au point de m’engager politiquement. L’occasion m’en fut donnée par le maire de Triel-sur-Seine [Yvelines], qui m’a proposé de travailler à ses côtés. En 1995, j’en suis devenu maire-adjoint à la Jeunesse et le suis resté jusqu’à la fin de mon mandat, en 2001. Comme je continuais à enseigner sur le campus d’Orsay, nous avons décidé de déménager pour nous installer à Gif-sur-Yvette. En 2008, je faisais partie de l’équipe du maire actuel, Michel Bournat. J’en suis aujourd’hui à mon deuxième mandat.Je n’ai cessé de mener ma carrière universitaire en parallèle.

– Non sans exercer d’autres responsabilités académiques…

Oui. En 2009, à la fin de mon 2e mandat de doyen à l’Université Paris-Saclay, le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Valérie Pécresse, m’a proposé de prendre la responsabilité de l’agence Europe-Education-Formation France, 2E2F [aujourd’hui Agence Erasmus + France / Education Formation] dont le siège se trouvait à Bordeaux. Je l’ai d’autant plus volontiers accepté que j’avais été sensibilisé aux enjeux européens pour avoir présidé le réseau que j’évoquais tout à l’heure. C’est à cette occasion que j’ai pris la mesure de l’ampleur croissante de la mobilité internationale des étudiants. L’expérience a cependant duré à peine plus d’une quinzaine de mois, entre 2009 et 2010, la même Valérie Pécresse m’ayant nommé recteur, chancelier des universités, à Limoges.

– Ces responsabilités vous avaient-elles contraint à quitter Gif-sur-Yvette ?

Non, j’y retournais chaque semaine, les week-ends, ne serait-ce que pour assumer mes fonctions de maire-adjoint. Autant vous le dire, cela faisait des semaines plutôt chargées. Mais la passion de la chose publique vous incline à vous dépasser !

– Qui vous a le plus incité à maintenir des attaches avec la ville de Gif-sur-Yvette : l’habitant soucieux de son cadre de vie ? L’élu animé par la chose publique ? Ou l’universitaire motivé par l’environnement scientifique et la perspective offerte par le cluster d’innovation technologique ?

Sans doute les trois à la fois. J’ajoute qu’un recteur est nommé en Conseil des ministres par le Président de la République, en vertu de l’article 13 de la Constitution. Il ne s’agit donc pas d’un poste, mais d’une fonction, dont vous savez quand elle débute, mais pas quand elle s’achève, comme j’ai pu d’ailleurs en faire l’expérience : en 2012, j’ai été limogé (c’est le cas de le dire !) suite à l’arrivée du nouveau Président de la République. Bien m’eut pris de conserver mon poste de professeur des universités à Paris-Sud… Comme c’est la règle, j’ai pu disposer d’une année sabbatique. Suite à quoi j’ai repris un poste, mais en changeant d’UFR : ayant beaucoup travaillé sur l’utilité du mouvement fonctionnel dans la lutte contre les pathologies liées à la sédentarité, j’ai opté pour la Faculté de Médecine de Kremlin-Bicêtre, qui dépend de Paris-Sud. J’ai cependant prévu de mettre fin à mon activité d’enseignant à l’issue de cette année universitaire.

– Quel regard portez-vous sur le projet d’université et de cluster Paris-Saclay, lancé durant cette période que vous venez d’évoquer ?

En réalité, c’est un double projet qui s’inscrit dans une dynamique ancienne. Cela faisait une cinquantaine d’années qu’on évoquait l’idée de renforcer les synergies entre les établissements d’enseignement supérieur et de recherche présents sur le Plateau de Saclay et dans ses vallées. Les gouvernements successifs y sont allés de leur projet. Cela étant dit, c’est un fait qu’un coup d’accélérateur a été donné à travers la création du Campus et du cluster Paris-Saclay. Un double projet qui a d’autant plus de chance de réussir qu’il dépasse les clivages partisans et que l’Etat s’est donné les moyens de ses ambitions.

– En suiviez-vous l’actualité malgré les fonctions occupées à l’extérieur de l’écosystème ?

Oui, bien sûr. En tant qu’universitaire, mais aussi en tant qu’élu. Et aujourd’hui plus que jamais : depuis 2008, je suis maire-adjoint en charge des affaires citoyennes et scientifiques et universitaires – tel est l’intitulé de mon mandat. Je n’ai certes pas en charge les aspects aménagement de Paris-Saclay, mais je m’emploie à accompagner les établissements d’enseignement supérieur présents sur notre commune. J’ajoute qu’entre 2008 et 2014, j’ai été délégué communautaire au sein de l’agglomération Paris-Saclay et donc aussi concerné à ce titre par le double projet.

– Revenons à Science Accueil. Comment en êtes-vous venu à en exercer la présidence ?

N’étant plus élu communautaire, le président de la Communauté Paris-Saclay, qui se trouve être, comme vous le savez, le maire de Gif-sur-Yvette, m’a, en 2014, proposé de présider cette association (dont le règlement stipule que son président doit nécessairement être un élu du territoire). C’était, m’avait-il dit en substance, une petite structure, mais dont il ne doutait pas que je parviendrais à en faire quelque chose de plus ambitieux. J’ai d’autant plus volontiers accepté de la présider que j’y voyais l’occasion de renouer avec les problématiques de mobilité dont j’avais déjà traité au sein de 2E2F. La seule différence était qu’il s’agissait alors de mobilités sortantes (de Français partant à l’étranger) tandis qu’avec Science Accueil, il s’agissait de mobilités entrantes (d’étrangers venant à Paris-Saclay ou ses alentours).

– Quelles priorités vous-êtes vous fixées ?

La mise en place de ce modèle économique à trois pieds, que j’évoquais tout à l’heure. Jusqu’à présent, la structure s’appuyait principalement sur les subventions.
Par ailleurs, suite à un audit, j’ai entrepris de restructurer Science Accueil en quatre pôles : un pôle Accompagnement administratif et un pôle Habitat, en charge de l’ « accueil initial » ; un pôle Développement, en charge également de la communication ; enfin, un pôle des Affaires générales, en charge, lui, de la logistique et des finances. Des pôles dont j’ai confié l’animation à autant de personnes recrutées en interne ou en externe. Tandis que l’ancienne directrice, Madame Ollé, est en charge de ce pôle des Affaires générales, j’ai confié le pôle Développement à une spécialiste de communication scientifique, qui a fait une thèse au CEA ; le pôle Accompagnement administratif, à une spécialiste du droit ; enfin, le pôle Habitat à une personne ayant évolué dans ce domaine.

– Quel bilan pouvez-vous dresser de votre action à ce stade ?

L’activité a progressé de plus d’un quart en deux ans, au prix d’un important travail de démarchage auprès de partenaires potentiels. Le surplus que nous tirons de ces partenariats est aussitôt réinvesti dans de nouveaux programmes ou des recrutements. Si l’essentiel du budget reste encore absorbé par la masse salariale, la part de celle-ci est en nette diminution (elle n’en représente plus que 80% contre 90%).
Cette année, nous avons enregistré l’arrivée de nouveaux membres et non des moindres : EDF, Air Liquide, Léosphère, la Fondation contre le cancer… Autant de partenaires que nous avons démarchés à partir d’un travail de veille et de terrain. C’est là que je mesure l’avantage de combiner des casquettes de scientifique, d’élu et de développeur : elles me permettent de me faire entendre aussi bien des universitaires que des entreprises.

– Pour un président d’une structure associative, vous paraissez particulièrement impliqué dans son développement…

Science Accueil est une structure ancienne, qui a fait la preuve de son utilité, mais qui avait besoin d’être un peu dépoussiérée. Or, j’ai un tempérament de développeur. C’est déjà dans cet état d’esprit que j’avais constitué l’UFR STAPS et présidé la Conférence nationale des doyens.
Je me suis donc investi dans Science Accueil en y consacrant une grande partie de mon temps (le reste l’étant à mon mandat d’élu et à l’enseignement), en me comportant effectivement plus comme PDG que comme président. Pas plus tard qu’hier, je me suis rendu à Versailles pour défendre un dossier auprès de la Communauté d’agglomération Versailles Grand Parc. Cet engagement est indispensable si on veut obtenir celui du personnel : on ne peut en effet lui demander de s’impliquer si on ne donne pas soi-même l’exemple ni ne partage son propre engouement.

– Quel périmètre couvrez-vous ? Correspond-il à Paris-Saclay ?

Non. Nous sommes implantés dans le sud-ouest de l’Ile-de-France, mais rayonnons bien au-delà, jusqu’à Paris où nous disposons de logements en location. Parmi nos « clients », nous comptons aussi bien l’Institut Pasteur que l’Institut Curie, et bien d’autres institutions ou entreprises extérieures à la Communauté Paris-Saclay et même au périmètre de l’OIN. Notre siège est à Orsay, mais, en plus d’une antenne à Evry, nous sommes en train d’en créer une à Versailles (d’où le déplacement que j’évoquais), pour coller au plus près des problématiques de logement, qui sont différentes d’une ville à l’autre. Ici, nous avons affaire à de l’habitat pavillonnaire ; à Evry, à de grands ensembles ; à Versailles, à de l’habitat ancien.

– Vous intervenez donc au-delà de l’OIN Paris-Saclay. Reste que l’ensemble Evry-Orsay-Versailles d’inscrit bien dans celui-ci…

Oui, indéniablement, nous couvrons le périmètre de l’OIN sinon de la Comue mais, encore une fois, sans nous être jamais interdit d’aller au-delà. C’est que notre réputation dépasse les « frontières » de ces entités, tant et si bien que des entreprises et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont beau ne pas en relever directement, ils n’en préfèrent pas moins de s’adresser à nous.

– N’avez-vous pas néanmoins songé à faire évoluer votre nom en y accolant ne serait-ce que la mention « Paris-Saclay » ?

Non. Je n’ignore pas que nombre d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ou de centres de R&D ont franchi ce pas et ce, pour des motifs qui se conçoivent parfaitement : ajouter la mention « Paris-Saclay » est pour eux une manière de manifester leur ancrage dans la Comue sinon dans l’écosystème Paris-Saclay. Mais, dans notre cas, cela entretiendrait une ambiguïté à l’égard de nos autres interlocuteurs franciliens. Ils risqueraient de nous percevoir d’abord comme un instrument au service d’un projet qui ne les concerne pas directement. S’ils nous sollicitent, c’est d’abord pour assurer un accompagnement à leurs salariés scientifiques étrangers, dans leur installation en France. Nous-mêmes avons vocation à en accueillir, pourvu que ce soit en Ile-de-France. Ne pas faire une référence explicite à Paris-Saclay est aussi une manière de manifester notre indépendance. Ce qui ne nous empêche pas d’échanger étroitement avec ses acteurs – collectivités, établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et entreprises. Je participe d’ailleurs aux inaugurations et autres événements qui font l’actualité de l’OIN ou de la Comue. Nous avons d’ailleurs proposé à l’Université Paris-Saclay de faire partie de notre conseil d’administration. Notre champ d’action n’en déborde pas moins son périmètre.

– Quand bien même la dynamique Paris-Saclay impacte, de par son ampleur, l’évolution de votre association ?

Oui. Encore une fois, il importe que nous demeurions indépendants aux yeux de nos adhérents. Sans doute est-ce aussi dans l’intérêt de l’écosystème qui apparaîtra d’autant plus crédible et attractif qu’il saura montrer sa capacité d’ouverture à d’autres écosystèmes. Chacun doit pouvoir y apporter sa contribution selon son histoire, sa culture et ses ambitions. L’erreur serait aussi que les membres de la Comue se croient obligés de mutualiser leur force pour créer un service dédié à l’accueil des scientifiques sur le campus. Dès lors que Science Accueil existe, autant en profiter, quand bien même son rayon d’action serait plus large. Ce que nos partenaires de Paris-Saclay ont d’ailleurs parfaitement bien compris. Nous-mêmes, nous nous concentrons sur ce que nous savons faire le mieux, en n’hésitant pas, ainsi que je l’ai illustré, à nous entourer de partenaires pour enrichir notre offre, plutôt que de chercher à réinventer la poudre.

– Science Accueil continuera donc à s’appeler ainsi. Et après tout, n’est-ce pas une manière de mettre en valeur des notions clés : la science, mais aussi l’accueil, une qualité on ne peut plus précieuse dans le monde actuel ?

Je suis heureux que vous insistiez sur cette notion d’accueil, si ordinaire en apparence et en réalité si essentielle dans le monde que nous vivons. Vous aurez relevé d’ailleurs que j’ai parlé d’ « accueil initial » et d’ « accueil durable » pour décrire nos différents services. Cette notion d’accueil renvoie à bien d’autres vertus tout aussi précieuses – l’hospitalité, la bienveillance, l’empathie, etc. – mais insuffisamment reconnues dans une société comme la nôtre. A contrario, quand je vais à l’étranger, je suis toujours formidablement accueilli, que ce soit dans les pays anglo-saxons ou arabes, orientaux, africains,… Au moins vos interlocuteurs commencent-ils par vous accueillir par un sourire…
Par comparaison, nous autres Français avons en la matière encore beaucoup de progrès à faire. Nous sommes loin de savoir bien accueillir nos hôtes. Nous nous donnons toutes les mauvaises raisons du monde pour justifier notre indisponibilité. Cette réputation n’est malheureusement plus à faire et ne concerne pas que nos chauffeurs de taxi ou garçons de café. Elle est malheureusement très généralement répandue.
Je ne désespère pas de faire évoluer les comportements à travers Science Accueil. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire dans notre bulletin, notre structure « a pour ambition d’incarner une nouvelle hospitalité à la française, pour que l’Ile-de-France rayonne ». Une hospitalité aussi bienveillante que possible au sens où on veille à ce qu’elle soit bonne, qu’elle fasse du bien, sans exclure, donc, une forme d’empathie. Nul doute que des événements comme les JO ou l’Exposition universelle seraient de belles opportunités pour un apprentissage en accéléré et collectif. J’irai plus loin en songeant même à la reconnaissance d’un nouveau métier : celui d’ « accueilleur ». De même qu’on a formé des développeurs, formons des agents d’accueil, qui ne soient pas reconnaissables à leur seule casquette ou à leur teeshirt, mais bien à leur manière d’accueillir. Nous prenons notre part en nous employant, pour commencer, à assurer le meilleur accueil possible aux scientifiques qui viennent vivre dans notre pays.
Gardons à l’esprit que ces derniers continueront d’autant plus à venir chez nous que leurs parents y auront été bien accueillis. Je songe d’ailleurs créer à l’étranger un réseau d’ambassadeurs, recrutés parmi les personnes, qui ne demanderaient qu’à témoigner de la qualité de notre accueil. Parmi les autres programmes auxquels nous réfléchissons, l’un, que l’on pourrait appeler « Meet and Eat », consisterait à permettre aux Franciliens qui le souhaitent de convier à un repas des étrangers, pour leur faire découvrir notre art de la table et leur mode de vie.

– Que pensent justement les premiers intéressés de Science Accueil ?

Il y a quelques mois, nous leur avons soumis un questionnaire de satisfaction – une pratique nouvelle au sein de Science Accueil. De l’ordre de 600 personnes y ont répondu. Et bien, le total de « satisfait » et de « très satisfait » est de 94%. Il est vrai que nous nous mobilisons beaucoup pour démêler le moindre de leurs soucis. Comment ne pourraient-elles pas nous en être reconnaissantes. D’autant que nous leur proposons bien plus : découvrir notre pays, se rencontrer entre elles. Il y a des expressions qui ne trompent pas. L’autre jour, quelqu’un nous disait : « Je suis un poisson et Science Accueil, c’est l’eau !». Un autre encore : « Avant Science Accueil, la France était un cauchemar ».
Beaucoup en sont d’ailleurs venues à créer des pages Facebook Science Accueil par continents. Grâce à eux, nous sommes entrés définitivement dans l’ère des réseaux sociaux !

– Et dans les vingt prochaines années, comment voyez-vous Science Accueil ?

(Sourire). Je doute présider encore aux destinées de l’association à cette échéance. Mais je pense que Science Accueil aura continué à élargir son rayon d’action et même au-delà de l’Ile-de-France. Des villes comme Orléans ou Le Mans ne sont pas si éloignées, après tout. La proximité d’Orly ou de la Gare Massy TGV nous permet de nous connecter à de nombreux territoires, à travers un réseau d’antennes et de succursales. Peut-être que, d’un statut associatif, nous passerons à celui d’agence.
Bref, l’avenir de Science Accueil ne peut qu’être prometteur et sa diversification sans limites, dès lors que nous continuerons à rester calés sur nos compétences en nouant d’autres partenariats. Il y a tant de choses passionnantes à faire dès lors qu’on fait profession d’accueillir. Sans compter cet enrichissement permanent dont nous bénéficions rien qu’en étant au contact de personnes qui viennent des quatre coins du monde.

Légende de la photo illustrant l’article : une initiation à l’art du menuet, au Château de Versailles…

Sylvain Allemand
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