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Prédire la demande en mobilité : la solution Entropy

Le 11 octobre 2024

Rencontre avec Guilhem Sanmarty, cofondateur et chef de produit d’Entropy

Le 18 septembre dernier, l’ITE VEDECOM soufflait sa 10e bougie. Cela valait bien une demi journée de discours, de tables rondes, de démonstrations, une keynote et un moment de convivialité dans le majestueux Palais de Congrès de Versailles. Nous y étions. Voici un écho de l’événement à travers cet entretien avec Guilhem Sanmarty, cofondateur et chef de produit d’Entropy, une spin-off qui recourt à l’IA pour améliorer les capacités de connaissance et de prédiction de la demande en mobilité sur un territoire donné.

- Qu’est-ce qui explique votre présence à l’anniversaire des dix ans de VEDECOM ?

Guilhem Sanmarty : Entropy est une spin-off de l’Institut pour la Transition Énergétique (ITE) VEDECOM, qui en est, elle, à sa cinquième année d’existence. Nous vendons de la connaissance sur la mobilité pour optimiser les services de transport : nous avons pour cela développé un algorithme d’apprentissage profond, capable d’inférer les déplacements partout en France, à l’échelle du quartier, et d’estimer ainsi finement la demande en mobilité. L’estimation de cette demande permet ensuite à nos clients – des bureaux d’études, des cabinets de conseils spécialisés dans les transports et les déplacements, sans oublier bien sûr les collectivités territoriales – d’optimiser l’offre de transport sur un territoire, en jouant sur son placement et le dimensionnement des services.

- Une solution qui, comme on l’imagine, tire pleinement profit des ressources de l’IA…

G.S. : Notre solution repose en effet sur un modèle d’apprentissage profond, développé au sein de VEDECOM entre 2015-2019. Il apprend la relation qui existe entre les individus, la structure du territoire et la façon dont ils s’y déplacent. L’excellence scientifique de notre modèle a été validée par le concours d’innovation i-Lab dont nous avons été lauréat en 2020 – pour mémoire, ce concours organisé chaque année par l’État récompense les cinquante entreprises les plus innovantes en France. Nous avons été également labellisés DeepTech par la BPI. Enfin, l’année dernière, en 2023, nous avons remporté le challenge « IA pour la mobilité urbaine ». Créé par la Région Île-de-France, ce challenge nous a amenés à travailler sur les enjeux de prédiction pour des services de transport à la demande – il s’agira donc d’être en mesure d’indiquer pour chaque station de transport, à quel moment de la journée combien de gens vont vouloir prendre un bus, emprunter un vélo / une voiture en autopartage, etc.

- On connaît les limites sinon les risques du machine learning, à commencer par celui de faire du prédictif à partir de données relatives à des situations passées, des scénarios s’étant déjà produits, en limitant par conséquent la possibilité d’anticiper de scénarios totalement nouveaux comme, par exemple, les périodes de confinement que nous avons connues durant la crise sanitaire liée au Covid-19 et qui ont eu des impacts sans précédent sur nos mobilités. Comment composez-vous avec la survenue de ce genre d’aléa ?

G.S. : Notre modèle d’apprentissage fonctionne à la fois sur des données statiques – celles, notamment, provenant du recensement de la population ; des données qui décrivent la structure du territoire, ses ménages, ses infrastructures de transport, etc. –, mais également des données dynamiques – par exemple, les données de GPS d’automobiles, ou celles issues d’applications téléphoniques. C’est la combinaison de ces données multi-sources, à la fois statiques et dynamiques, qui permet à notre modèle de comprendre que la mobilité n’est pas seulement structurelle – elle ne se reproduit pas de manière identique d’une semaine à l’autre dans le temps et dans l’espace – , mais qu’elle peut être conjoncturelle – elle peut connaître des variations de plus ou moins grande intensité, comme cela a été le cas durant les périodes de confinement. Durant les années 2020-21, notre modèle a pu ainsi produire, pour nos clients, des matrices origines/destinations aussi fiables que lors des années précédentes.

- Le béotien que je suis ne peut cependant s’empêcher de relever que l’on utilise un même mot, « donnée », pour en désigner de sources et de natures différentes. Comment parvenez-vous à les exploiter indifféremment ? Les traitez-vous préalablement en amont et de manière différenciée pour les adapter à votre modèle et les combiner ?

G.S. : C’est précisément un savoir-faire d’Entropy que d’être en mesure d’exploiter en masse des données hétérogènes – des données non structurées : ce qu’en anglais, on appelle le Feature Engineering (en français : l’ingénierie des caractéristiques). Soit la capacité d’identifier dans des bases de données volumineuses, les variables, les caractéristiques qui seront les plus pertinentes pour optimiser la capacité prédictive du modèle d’apprentissage. Cela nécessite des compétences particulièrement élevées en mathématique et en informatique. C’est d’ailleurs pourquoi l’équipe d’Entropy a été à son origine constituée avec des docteurs en mathématique ou en informatique.

- Où en êtes-vous dans le développement de votre spin-off ?

G.S. : Entropy est déjà rentable et ce, depuis deux ans. Nous comptons parmi nos clients de nombreux bureaux d’études, de toute taille – petite, moyenne et grande -, des collectivités territoriales, de 50 à 150 000 mille habitants – un niveau de population qui confronte ces collectivités à de vraies problématiques de mobilité, qu’elles n’ont pas les moyens de traiter faute de savoir comment les gens se déplacent vraiment sur leur territoire ; notre modèle leur permet d’imaginer des solutions innovantes, à la hauteur de leurs ressources budgétaires. Ce mois-ci [ septembre 2024 ], nous avons signé nos premiers contrats à l’international, notamment avec des collectivités du continent africain. Après avoir concentré nos efforts sur la modélisation des flux mesurés au cours de l’année N-1, nous souhaitons, suite au Challenge IA que j’ai évoqué, nous consacrer davantage dans les années à venir à la prédiction de la demande pour un service de transport donné : combien de gens voudrons prendre un vélo en libre-service, monter dans une navette, à quelle station et à quelle heure, c’est ce que nous souhaitons pouvoir prédire avec le maximum de précision.

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L’équipe Entropy

L’équipe Entropy

- Dans quelle mesure votre inscription dans l’écosystème de Paris-Saclay a-t-elle contribué au développement de votre spin-off ?

G.S. : Cette inscription nous a été favorable de multiples manières. Elle nous a pour commencer permis de rejoindre la French Tech Paris-Saclay, une communauté qui nous a ouvert de nombreuses portes – notamment celles de capital riskeurs, à un moment où nous étions en pleine réflexion sur l’intérêt d’une levée de fonds. Elle nous a aussi permis d’identifier de jeunes alternants en prévision de nos premiers recrutements. C’est également notre inscription dans l’écosystème de Paris-Saclay qui nous a permis d’être identifié par l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui fait désormais, depuis l’an passé, partie de nos clients.

- À titre plus personnel, qu’est-ce qui vous a prédisposé à vous engager dans cette aventure entrepreneuriale tant du côté de votre cursus, que de vos éventuelles problématiques de mobilité ?

G.S. : Autant le reconnaître, je n’étais pas spécialement prédisposé à créer une entreprise. Je n’ai jamais eu cette intention. Ce qui m’a finalement décidé à le faire, ce sont les conditions particulièrement favorables au lancement de la société, réunies par l’Institut VEDECOM. Ce qui aurait été déraisonnable, c’aurait été de ne pas tenter l’aventure, de ne pas essayer à tout le moins. Sachant que ce qui a achevé de me convaincre, ce sont les collègues avec lesquels je l’ai cofondée : j’ai totalement confiance en eux, dans leur force de travail, dans leur résilience, sans compter bien sûr leurs compétences en design, en leadership, en mathématiques, en informatique et/ou en IA, et, donc, dans leur capacité à résoudre des problèmes complexes.

- Manière de dire que, quoique fondée sur l’IA, Entropy est d’abord une aventure humaine ?

G.S. : Absolument !

Publié dans :

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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