Suite de notre rencontre avec Sylvie Retailleau qui revient sur son engagement en faveur de l’Université de Paris-Saclay, mais aussi d’un rapprochement entre le monde académique et celui des entreprises, enfin, d’un dialogue entre sciences et société.
Pour accéder à la première partie de la rencontre avec Sylvie Retailleau, cliquer ici.
– Vous êtes doyenne de la faculté des sciences d’Orsay. En quoi cette fonction consiste-t-elle ?
En son sens universitaire, il s’agit d’une fonction élective consistant à diriger une des unités de formation et de recherche de l’université, sous l’égide du président de l’université. Pour ma part, je dirige l’unité de formation et de recherche des sciences d’Orsay, dite Faculté des Sciences d’Orsay.
– Dit-on d’ailleurs doyenne ou doyen ?
Dites comme vous voulez. Je rappellerai juste que la fonction n’est en rien due au cumul des années… Actuellement le titre de « doyen » reste en usage dans certaines facultés, en particulier sciences et médecine, par tradition. Historiquement, les doyens se recrutaient parmi les plus anciens. De-là cette confusion avec l’acception ordinaire du mot. Depuis, les choses ont changé ! Pour ma part, je suis encore loin de prétendre à la retraite !
– C’est une fonction à laquelle on postule…
C’est une fonction à laquelle il faut en effet postuler en se portant candidat. Pourquoi l’ai-je fait ? Je dirai que j’y ai vu un moyen de m’impliquer davantage dans le projet de Paris-Saclay, auquel je crois. L’idée de rapprocher université et grandes écoles fait sens pour moi. Je participe à ce rapprochement depuis que le principe en a été lancé en 2008, dans le cadre du Plan Campus.
Celui-ci n’aurait-il pas vu le jour, je ne serais pas doyenne au moment où je vous parle. Le fait de l’être me permet d’essayer de peser sur les discussions, autour d’enjeux qui me paraissent cruciaux comme, par exemple, récemment, la coordination des formations et leur adossement à la recherche.
– En quoi cette coordination des formations est-elle cruciale ?
A travers la coordination des formations, c’est le rapprochement entre les étudiants de l’université et les élèves des grandes écoles qui se joue. Dès que j’ai été maître de conférences, j’ai pu enseigner aussi bien à des élèves de l’ENS Cachan, à des élèves ingénieurs de Supélec qu’a des étudiants de l’Université Paris-Sud au sein de masters cohabilités. Une opportunité que ne m’auraient pas offerte beaucoup d’autres universités, du moins à l’époque. J’estime que c’est aussi une opportunité pour les élèves d’écoles d’ingénieurs, car ils ont pu profiter de cet adossement à la recherche, forte à l’université, au point, pour certains, de se découvrir une vocation de chercheur et de poursuivre en thèse.
Cela étant dit, sur un plan plus pédagogique, j’avais l’impression, d’être plus « utile » aux étudiants qu’aux élèves des écoles. En effet à l’université, vous pouvez d’avantage porter les étudiants, les accompagner dans leur projet, révéler leur potentiel. Quand des années plus tard, certains viennent témoigner de leur carrière en expliquant qu’elle vous doit un peu, cela n’a pas de prix.
Au-delà de ce genre de satisfaction personnelle, je trouve que c’est une chance pour les étudiants et les élèves d’écoles d’ingénieurs de pouvoir se côtoyer dans le cadre de formations cohabilitées. Je suis convaincue que cela va dans le sens de l’histoire.
– Pouvez-vous préciser en quoi ?
Comme vous le savez, le système d’enseignement supérieur français repose sur une distinction forte entre universités et grandes écoles. Moi qui ai eu la chance d’intégrer l’une d’entre elles (l’ENS Cachan), tout en faisant des études et de la recherche à l’université, je pense être bien placée pour dire qu’une telle distinction n’a plus lieu d’être. Un rapprochement entre universités et grandes écoles offre à tout un chacun l’opportunité de poursuivre des études adaptées et de se confronter à un autre univers que le sien. Aujourd’hui plus que jamais, il importe qu’au cours de ses études supérieures, un étudiant ait l’occasion de travailler avec des élèves-ingénieurs et, qu’en sens inverse, les élèves ingénieurs se frottent à la recherche. Il n’y a rien de plus appauvrissant que l’entre-soi, le fait de côtoyer des personnes coulées dans le même moule.
– Cette hybridation entre universités et grandes écoles est en passe d’être concrétisée par le projet de Paris-Saclay. Ce n’était pas gagné d’avance…
C’est le moins qu’on puisse dire ! Pour ma part, j’y ai pourtant toujours cru et je pense même que cela ira plus loin. A travers Paris-Saclay, l’enjeu n’est pas seulement de réunir des établissements sous une même bannière, mais d’inventer un nouvel établissement d’enseignement supérieur et de la recherche à la hauteur des défis du XXIe siècle. De fait, nous sommes en train de construire un nouveau modèle. Le but n’est certainement pas de substituer l’existant par un établissement universitaire conçu dans le format des universités françaises actuelles.
Naturellement, la future Université Paris-Saclay devra conserver les missions de service public d’un établissement universitaire. Pour autant, les grandes écoles ne sont pas appelées à se dissoudre. Il s’agit davantage de mieux se coordonner entre établissements. Les uns et les autres ont des compétences et des savoir-faire. Autant donc garder le meilleur de chacun, faire la part entre ce qui fonctionne et ce qui ne marche plus, tant du côté des universités que des écoles sans oublier les laboratoires associés.
Nous devons avant toute chose agir dans l’intérêt et pour le bien des étudiants, en leur assurant notamment un avenir professionnel
– Comment expliquez-vous la rapidité avec laquelle ce projet d’Université Paris-Saclay s’est concrétisé ?
Il y a eu un faisceau de facteurs et de circonstances favorables. Il faut reconnaître que nous y avons été aussi contraints par les dates d’accréditation des diplômes. Nous n’avions pas d’autres choix que de travailler ensemble pour parvenir à dessiner de nouvelles maquettes de formation. Mais au-delà de cet impératif, il y a eu des hommes et des femmes qui ont su aussi insuffler une vraie dynamique et une ambiance de travail collégiale. A cet égard, je veux rendre un hommage tout particulier à Elisabeth Dufour, la directrice des formations de la Fondation de Coopération Scientifique (FCS) du Campus Paris-Saclay, qui s’est révélée être un chef d’orchestre remarquable. La plupart des établissements membres de la FCS ont joué le jeu en faisant passer un message clair à leurs responsables pédagogiques, sur la nécessité de travailler ensemble, avec leurs homologues, pour mutualiser autant que possible.
Il faut aussi saluer la mobilisation des enseignants-chercheurs qui ont su s’approprier le projet en prenant en main la refonte des formations. Ils ont su faire remonter les éventuelles difficultés rencontrées, comme ils avaient été invités à le faire, dans une logique bottom-up. Ces enseignants-chercheurs se sont montrés proactifs et ont su bâtir une offre de formation commune.
Cette combinaison de facteurs et de bonne volonté explique le résultat auquel nous sommes parvenus, au plan des formations avec une offre à la fois lisible, visible et aussi pertinente que possible pour l’étudiant. Tout le monde avait à cœur de mettre ce dernier au centre des préoccupations.
– Sans compter un terreau propice, lié aux coopérations anciennes entre les établissements membres de la future université…
Oui, cela a aussi indéniablement aidé. L’Université Paris-Saclay va à cet égard dans le sens de l’histoire. Elle permet de formaliser beaucoup plus les liens étroits et anciens. Pour ne m’en tenir qu’à la Faculté des sciences de Paris-Sud, elle entretient de longue date des relations étroites avec plusieurs grandes écoles (l’ENS Cachan, l’IOGS, l’ECP, Supélec, Polytechnique, AgroParisTech…) à travers notamment des Masters cohabilités mais aussi de nombreuses collaborations de recherche voire des laboratoires communs.
Certes, nous représentons des établissements différents. Certes, il y a encore des difficultés à surmonter. Chaque établissement a des missions et une histoire qui lui sont propres. Mais, encore une fois, il ne s’agit pas, avec l’Université Paris-Saclay de renoncer à ces spécificités, encore moins de se fondre dans un même moule. L’ambition est de coordonner au mieux nos différences, dans l’intérêt des étudiants, comme des enseignants et des chercheurs. Ne l’oublions pas, la priorité, c’est eux.
– Est-ce à dire que les relations sont idylliques ?
Non, bien sûr. Loin de moi de vouloir enjoliver les choses : comme je l’ai dit, il y a eu des difficultés et il en existe encore. Mais au moins y a-t-il aujourd’hui une volonté commune de trouver à chaque fois une solution au problème qui se présente. Je rappelle que le projet Paris-Saclay est parti d’une volonté politique nationale mais il a pris vie et corps parce que parmi les acteurs des différents établissements, il y a la conviction partagée que les enjeux des métiers d’ingénieurs ou de chercheurs de demain nécessitent des formations poreuses et co-construites entre universités et grandes écoles, que les liens entre recherches fondamentales, applications et valorisation doivent être forts, simples et visibles et qu’à l’heure d’un monde hyperconnecté, les modèles et structures fragmentés doivent évoluer et Paris-Saclay est une réponse.
Au début, les réunions consacrées au projet d’Université Paris-Saclay pouvaient être houleuses, d’aucuns menaçant de claquer la porte ! Ce n’est plus le cas. L’habitude a été prise de s’écouter et d’essayer de parvenir à un consensus.
Chaque établissement prend soin d’indiquer ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas, ce sur quoi il peut déroger au regard de ses missions, et ce sur quoi il ne peut pas le faire. Dès lors qu’un établissement fait un effort sur un point, les autres s’efforcent d’en faire autant, histoire que personne ne se sente lésée. Espérons que le pli est pris pour la suite!
– Concrètement, vous prenez le temps de vous réunir autour d’une table ?
Nous ne faisons presque que cela ! C’est essentiel si on veut éviter les malentendus et être dans une vraie logique de co-construction sinon de mutualisation. Aussi bien en interne qu’en externe : en plus des réunions régulières avec les représentants des autres établissements membres de la FCS, la Faculté des sciences a mis en place une coordination interne, par ex au niveau formation avec ses responsables de filières, sous la houlette d’Isabelle Demachy, vice-doyenne, à laquelle je souhaite aussi rendre un hommage appuyé pour le travail fait à la faculté des sciences en formation.
En recherche, le travail est en cours autour de la création de « départements » et, là encore, le vice-doyen recherche de la faculté des sciences, Eric Simoni, joue un rôle important en lien avec les représentants de Paris Sud.
Au fil du temps, nous avons ainsi appris à bien nous connaître. Un vrai climat d’écoute s’est instauré.
– Vous avez jusqu’à présent évoqué l’Université Paris-Saclay, mais celle-ci s’inscrit dans un projet de cluster…
Oui, en effet ! C’est d’ailleurs cette inscription dans une dynamique de cluster qui va contribuer à faire de l’Université Paris-Saclay une tout autre université que celle que nous connaissions jusqu’alors. En tant que Communauté d’universités et d’établissements (Comue), elle a pour particularité de rapprocher des établissements d’enseignement supérieur (écoles et universités) et des organismes de recherche (CEA, Inra, CNRS,…). Elle contribue ainsi à bousculer la traditionnelle distinction entretenue en France entre formation et recherche. Entendons-nous bien : pas plus que l’Université Paris-Saclay n’a vocation à fusionner universités et grandes écoles, cette Comue n’a celle de dissoudre les organismes de recherche. Chacun a acquis une notoriété et des compétences dans son domaine, que l’on a plutôt intérêt à valoriser. L’enjeu est aussi de parvenir à constituer un écosystème propice à une recherche de pointe et à l’innovation. D’ailleurs, la Comue se décline explicitement autour du triptyque recherche/ formation/innovation.
– N’est-ce pas la vocation de toutes les Comue ?
En effet, ce triptyque figure toujours en bonne place dans les présentations qu’on nous donne à voir pour les Comue !
Toujours est-il que, sans vouloir paraître immodeste, je pense que nous avons ici, à Paris-Saclay, le potentiel pour donner vraiment corps à ce triptyque. Tous les grands organismes de recherche nationaux y sont présents. Sans compter les grandes entreprises qui possèdent ou sont sur le point d’installer sur le Plateau de Saclay leur centre R&D : Danone, Horiba, EDF…
Cela étant dit, un rapprochement géographique ne saurait suffire. Encore faut-il apprendre à coopérer entre entreprises et établissements d’enseignement supérieur et de recherche. A cet égard, nous devons tirer profit de l’expérience acquise par les grandes écoles en la matière. Mais elles comme les universitaires doivent encore progresser dans la coopération en matière de recherche, de valorisation et de transfert recherche/innovation, tout en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau, indispensable à l’innovation dans le futur.
– Vous n’appréhendez donc pas le dialogue avec les entreprises…
Non ! Le système d’enseignement supérieur se doit d’être ouvert sur le monde de l’entreprise. Je suis la première à le reconnaître, un parcours comme le mien déployé uniquement dans le champ académique fait question. Il importe de croiser le monde de l’enseignement avec le monde de l’entreprise. Et vice versa : que l’entreprise ait davantage conscience de la richesse d’une expérience académique, y compris menée dans le cadre d’une thèse.
C’est une autre particularité française : les entreprises ne considèrent pas encore assez l’expérience que confèrent trois années de thèse. Elles privilégient le recrutement d’ingénieurs. Pourtant, elles gagneraient à cultiver la mixité dans leur recrutement, d’autant plus qu’en aval, au cours de leur formation, élèves d’écoles d’ingénieurs et étudiants auront tendance à se côtoyer et à valoriser leurs différences.
Preuve de ma volonté de faire évoluer les choses, une de mes premières initiatives, en tant que doyenne, a consisté à nommer une chargée de mission entreprises, Sylviane Liotenberg, dont le remarquable travail porte déjà ses fruits. Son travail consiste à assurer l’interface avec les services de l’université, déjà existant (le Service d’Activités Industrielles et Commerciales – SAIC – et le Service Insertion Professionnelle – SIP), les formations, les laboratoires, et les entreprises. A cet égard, nous comptons sur l’expérience des grandes écoles dont l’Ecole Centrale Paris avec qui un projet est en cours.
– Que dites-vous à ceux qui craignent, à travers ce rapprochement entre le monde académique et celui de l’entreprise, un moindre investissement dans la recherche fondamentale ?
Que les choses soient claires : je suis une farouche militante de la recherche fondamentale. J’en suis d’ailleurs issue de par ma formation. J’ajoute cette conviction : on ne pourra pas faire de la recherche appliquée ni de l’innovation, si on renonce à cette recherche fondamentale. La recherche appliquée se nourrit de la recherche fondamentale, et la recherche fondamentale ne peut progresser sans s’appuyer sur les progrès de la recherche appliquée. Promouvoir aussi la valorisation et donc la recherche appliquée ne doit pas remettre en cause le soutien à la recherche fondamentale. C’est pourtant effectivement une inquiétude. En effet, si on regarde les financements européens, les « piliers » du programme Horizon 2020 font la part belle à la recherche appliquée, ce qui inquiète, à juste titre, les universités de recherche européennes comparables à Paris-Sud.
L’une et l’autre sont plus que complémentaires, même si ce sont deux formes d’activité différentes : l’une, la recherche fondamentale, est difficilement programmable, ce qui est d’ailleurs assez contradictoire avec le financement de la recherche dans le cadre de programmes de plus en plus contraignants, alors que l’autre, la recherche appliquée, est légitimement guidée par des choix de la société sur les thématiques qu’elle veut subventionner. D’autre part, notre mission, faut-il le rappeler, est aussi de trouver un débouché professionnel à nos étudiants. Or, je doute que nous puissions la remplir en nous consacrant exclusivement à la recherche fondamentale : question de culture ! Nous devons aussi la valoriser en assurant un continuum avec la recherche appliquée. Cette diversité pourra être la valeur ajoutée de Paris-Saclay par rapport à Paris-Sud, déjà largement reconnue pour la qualité de sa recherche fondamentale.
– Percevez-vous encore des malentendus ?
Oui. Les choses avancent, les mentalités évoluent. Reste que Paris-Sud s’est constituée historiquement autour de la recherche fondamentale. La crainte d’une relégation de celle-ci au profit de la recherche appliquée est donc plus forte qu’ailleurs. Il importe de dissiper les malentendus tout en restant vigilant, en particulier sur la distribution des moyens.
Mais il est important de préciser que la valorisation, en tant que transfert technologique et création d’entreprises, est toujours la combinaison et l’aboutissement de recherches fondamentales et appliquées. Elle peut consister à optimiser et commercialiser un produit technologique, mais, là, on parle de valorisation où il y aura toujours beaucoup de matière grise. Cette valorisation se fera plus particulièrement par les jeunes qui auront été formés dans ces nouveaux « clusters » du type Paris Saclay.
Pour cela on reboucle à la formation, la mixité des profils, des approches pédagogiques et l’appropriation par les étudiants d’un continuum d’objectifs professionnels.
– Et l’entrepreneuriat innovant, comment l’appréhendez-vous ?
C’est bien évidemment une voie à encourager. Les initiatives ne manquent pas à cet égard à Paris-Saclay, et c’est une très bonne chose. Pour prolonger la réflexion précédente, je constate que sur le Campus de Paris-Sud, beaucoup de technologies développées par des start-up sont issues de laboratoires de recherche fondamentale.
Reste souvent des contraintes administratives qui restreignent notre capacité de réactivité. Loin de moi de dénoncer le principe du contrôle auquel l’administration de nos universités est soumise : après tout, nous manipulons de l’argent public, il est donc normal que son usage soit contrôlé. Veillons cependant à ce que les procédures n’entravent pas notre capacité d’action et de créativité. Les lourdeurs administratives finissent par décourager les plus enthousiastes. A la différence d’une entreprise, nous sommes obligés, au-delà de certaines sommes, de passer par des marchés publics, qui, en plus de nous faire perdre en réactivité, nous empêchent de travailler avec des PME du territoire (celles-ci pouvant plus difficilement émarger aux marchés publics). C’est bien dommage, car, au-delà du développement d’un marché local, cela nous permettrait de cultiver des liens avec elles, et d’en faire autant de débouchés potentiels pour nos étudiants en quête de stages ou de job étudiants. Le problème n’est pas nouveau, mais se pose avec acuité dès lors qu’on veut construire une université tournée aussi vers l’innovation. Nous ne pourrons pas encourager des laboratoires à valoriser la recherche, par la création de start-up si, dans le même temps, on dissuade les investissements et les partenariats avec des entreprises du secteur privé.
– Comment fait-on vivre ce double projet d’université et de cluster dans ce territoire particulier, son plateau et ses vallées à la fois très étendu et confronté à des problèmes d’accessibilité ?
C’est le souci majeur ! Nous ne manquons pas une occasion de le dire à tous nos interlocuteurs concernés : EPPS, collectivités locales, ministère de tutelle.
– Entre autres investissements dans les transports, celui du métro automatique est pourtant acté et celui-ci desservira le plateau à l’horizon 2023…
Certes. Mais ce ne sera pas suffisant. Pas plus d’ailleurs que l’amélioration de la ligne du RER B. Il faut encore renforcer les liaisons internes au territoire de Paris-Saclay qui, rappelons-le, se déploie de Palaiseau jusqu’à Versailles-Saint-Quentin, sans oublier, plus à l’est, Evry. Rappelons encore que Paris-Sud, c’est aussi Kremlin-Bicêtre où se trouve la Faculté de médecine et Sceaux où se trouvent la Faculté de droit et de gestion ainsi que des IUT.
Commençons par améliorer au moins les liaisons entre les vallées (Orsay et Gif) et le Plateau où plusieurs de nos laboratoires et de nos formations vont être transférés non sans du même coup augmenter le trafic. De là notre sollicitation des élus locaux pour améliorer la qualité des routes et obtenir la mise en place de navettes supplémentaires. Au-delà des moyens de transport, l’accessibilité passe aussi par une amélioration des conditions de stationnement. Même si on doit favoriser les circulations douces au sein du campus, la voiture restera un mode de locomotion pratique, en tout cas pour les personnels ne venant pas de Paris, mais de la grande couronne et pour les visiteurs ponctuels.
A quoi s’ajoutent les besoins de logements. Si les écoles vont disposer de logements pour tous leurs étudiants, en revanche, l’Université Paris-Sud est encore loin du compte. Je lance donc un autre appel aux élus. Des bâtiments situés dans la partie vallée du campus vont être libérés. Pourquoi ne pas les aménager pour en faire des logements étudiants supplémentaires? Nous sommes bien sûr en discussion avec le Crous et plusieurs projets sont en cours. Mais il me semble que cela ne suffira pas à répondre aux nouveaux besoins.
Ce n’est pas tout : dès lors que l’on souhaite faire venir des partenaires extérieurs, des chercheurs invités prestigieux, il importe de pouvoir bien les recevoir et donc de disposer de locaux adaptés au coeur du campus. Actuellement ces conditions ne sont pas suffisamment présentes et là encore le potentiel du campus vallée Orsay-Bures pourrait être largement exploité.
– Un mot sur votre engagement au sein de La Diagonale ? A quoi tient-il ?
Ce dispositif me tient à cœur : j’ai participé à sa constitution et fais encore partie du comité de pilotage. D’abord, j’ai toujours aimé faire de la vulgarisation : je participe à des ateliers dans les écoles primaires et au lycée ainsi qu’à la Fête de la science, à la Nuit des chercheurs, etc.
Mais au-delà de mon intérêt pour la vulgarisation scientifique, ma contribution à La Diagonale répond à d’autres motifs. Comme vous le savez, l’université a une mission de diffusion de culture scientifique. Elle doit reconnaître cette mission et la valoriser. Elle se doit de former des citoyens à la science, quand bien même n’ont-ils pas vocation à devenir des scientifiques.
C’est d’autant plus indispensable que notre société est traversée par de nombreuses controverses scientifiques. Je pense bien sûr à la place du nucléaire, aux OGM, aux nanotechnologies, etc. Il importe que le citoyen puisse prendre part aux débats.
Voilà un deuxième motif qui m’a conduite à m’engager au sein de La Diagonale. Il en est un autre, qui tient plus spécifiquement au contexte dans lequel nous étions au moment de lancer le projet Paris-Saclay. A ses débuts, et comme je l’ai rappelé tout à l’heure, il a suscité des tensions entre les partenaires. Les discussions ont été parfois très dures. Or, il me semblait qu’il y avait un terrain d’entente possible entre leurs chercheurs et enseignants : le dialogue entre science et société justement. Tout un chacun pouvait y prendre part, indépendamment de son établissement de rattachement.
Enfin, il me semble qu’on ne pouvait pas s’engager dans un projet comme Paris-Saclay sans faire l’effort d’y impliquer la population, au risque sinon de donner l’impression de construire une nouvelle tour d’ivoire pour les chercheurs. Mes échanges avec ne serait-ce que mes propres voisins ont achevé de me convaincre du risque qu’on encourait. Dans mon esprit, une structure comme La Diagonale pouvait susciter l’adhésion des habitants, en se faisant le trait d’union entre eux et la communauté scientifique.
Journaliste
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