Il y a de nombreux motifs de se rendre dans l’agglomération de Paris-Saclay, qui participe au cluster du même nom : pour son travail, ses études, assister à un événement dédié à l’innovation ou à la recherche. Mais on peut aussi s’y rendre pour ses loisirs et même ses vacances. Car le territoire, riche en espaces naturels, lieux historiques, équipements sportifs et culturels offre de nombreuses opportunités de randonnées, de visites. La Directrice de Destination Paris-Saclay (1re à droite) nous en dit plus y compris sur la manière dont le contexte de Paris-Saclay a naturellement amené à réinventer l’office de tourisme. Quoique réalisé avant le confinement, l’entretien reste plus que jamais d’actualité.
– Si vous deviez pour commencer par rappeler ce que recouvre Destination Paris-Saclay ?
C’est une association créée en mars 2018 et financée par l’agglomération Paris-Saclay, à l’intention de quiconque souhaite en savoir plus sur ce territoire et les quelques 27 communes qui le composent. Sa création découle de la loi NOTRe, mise en application le 1er janvier 2016, et qui confère la compétence tourisme aux intercommunalités. Elle résulte de la fusion de deux offices de tourisme : celui de Massy et celui de la vallée de Chevreuse en Essonne, installé à Orsay.
– Pourquoi ne pas s’afficher comme un office de tourisme ?
Nous sommes toujours un Office de Tourisme (notre logo et les documents officiels l’attestent). Reconnaissons toutefois que ce genre de structure a une connotation un peu passéiste. Leur fréquentation est d’ailleurs en baisse et ce, depuis plusieurs années. Parler de « Destination » permet de moderniser un peu l’image, tout en valorisant le fait que Paris-Saclay en est une à part entière, quand bien même ses atouts touristiques ne sauteraient pas aux yeux, comparé à d’autres territoires. Pourtant, les motifs de s’y rendre ne manquent pas, y compris pour ses loisirs et même ses vacances. Le territoire offre notamment de nombreuses possibilités de parcours aux randonneurs, sans compter la richesse de son patrimoine, ses équipements culturels, sportifs… Cela étant dit, Destination Paris-Saclay est bien plus qu’un office de tourisme. C’est un outil au service du développement économique de Paris-Saclay, qui s’adresse à une grande diversité de profils.
– Lesquels, justement ?
Nous sommes régulièrement sollicités aussi bien par des particuliers, qui cherchent à s’installer, que par des professionnels, qui prospectent en vue d’installer ou de créer une entreprise. Nous sommes aussi sollicités par des étudiants, en quête d’un hébergement temporaire, le temps d’un stage ou de passer les épreuves d’un concours. Ou encore par des entreprises ou institutions en quête, elles, d’un lieu pour leur séminaire.
Naturellement, nous les mettons en contact avec les bons interlocuteurs au sein de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay (le service de développement économique, par exemple), sachant que nous sommes déjà en mesure de renseigner de nombreuses demandes (nous avons un recensement complet des lieux accueillant des séminaires, par exemple).
– Et les habitants eux-mêmes, sont-ils une cible ?
Oui, bien sûr. D’eux-mêmes, ils s’adressent à nous, là encore pour divers motifs : trouver un moyen d’occuper leurs enfants ou petits enfants durant les congés scolaires, par exemple. Bref, les demandes sont variées, ce qui requiert de notre part, une parfaite connaissance du territoire et de ses ressources.
– Combien êtes-vous pour répondre à toutes ces sollicitations ?
Destination Paris-Saclay, ce sont 3 personnes dont 2 à temps plein et une étudiante en alternance, sur l‘ensemble des eux sites, Massy et Orsay. C’est bien évidemment trop peu au regard du potentiel de ce territoire. Mais gardons à l’esprit que nous ne sommes pas seuls. Nous travaillons en étroite collaboration non seulement avec la communauté d’agglomération, mais encore avec plusieurs acteurs du territoire.
– Précisons que l’entretien se déroule dans vos locaux de Massy, situés en plein centre du vieux Massy, à moins d’une quinzaine de minutes à pied de la gare TGV…
Quinze minutes, ce n’est rien, a priori. C’est en réalité beaucoup pour des personnes qui viennent ici pour le travail, sans disposer de beaucoup de temps. S’ils prennent contact avec nous avant pour préparer leur déplacement sur le territoire, c’est par internet ou par téléphone. Ils ne feront pas l’effort de venir jusqu’ici à pied. L’idéal serait donc d’être situé dans la gare même ou ses abords immédiats. Le pôle multimodal de Massy est la porte d’entrée de Paris-Saclay et ainsi nous pourrions toucher plus largement les visiteurs dont les professionnels qui viennent en tourisme d’affaire. Dès sa création en 2003, l’ex-office de tourisme de Massy avait d’ailleurs manifesté son souhait de se rapprocher de la gare.
– Pourquoi n’y êtes-vous pas ?
Le quartier Atlantis, celui de la gare, est très recherché ! Les locaux disponibles sont rares et avec des loyers élevés. Nous essayons de trouver des solutions avec l’agglomération, la ville de Massy et Paris-Sud Aménagement. Avoir Destination Paris-Saclay au pied de la gare serait une belle vitrine pour le territoire, non ?
– Cela étant dit, qu’est-ce qui vous empêcherait de procéder au moyen de ce que l’Institut pour la ville en mouvement (une structure, rattachée à VEDECOM, qui a vocation à promouvoir de nouvelles mobilités urbaines), appelle des « hyperlieux mobiles », en désignant par là des activités de service assurées au moyen de véhicules connectés qui vont à l’encontre des usagers… ?
Je ne connaissais pas cette notion d’hyperlieux mobiles, mais nous intervenons déjà régulièrement hors-les-murs en participant à des événements de nos partenaires comme, par exemple, Les Rando’durables organisés par l’agglomération Paris-Saclay ; La fête des Plantes, au Château de Saint-Jean Beauregard ; des courses à l’Autodrôme de Linas-Monthléry, etc. Naturellement, nous participons chaque année au salon Tourism’Essonne, le rendez-vous incontournable pour faire connaître l’offre du département auprès des habitants du département, mais également des départements limitrophes.
– Un mot encore sur les étudiants, que le territoire draine par milliers, dont beaucoup à l’international. Comment valoriser leur présence voire les impliquer pour en faire des ambassadeurs ?
C’est pour nous une cible de choix. Quand bien même ne sont-ils présents que temporairement, ils le sont assez pour finir par bien connaître le territoire et s’en faire effectivement les ambassadeurs auprès de leurs proches et d’autres étudiants. Ce qui suppose que leur séjour ait été profitable et que nous, Destination Paris-Saclay et tous ceux qui œuvrent à l’attractivité du territoire, les ayons bien accueillis. Cette attractivité repose encore beaucoup sur le bouche-à-oreille, aujourd’hui plus que jamais à l’heure des réseaux sociaux…
– Je profite de cet échange avec la professionnelle que vous êtes pour tester une hypothèse qui me trotte dans l’esprit à mesure que je fréquente le territoire. Elle concerne ce qui motiverait les personnes à s’y rendre, à savoir : une quête de tranquillité. En tout cas, c’est ce que j’entends dans la bouche aussi bien de chercheurs et d’étudiants que d’entrepreneurs innovants. Comment réagissez-vous à cette hypothèse : recoupe-t-elle vos propres constats ?
Oui, dans une certaine mesure. En tout cas, Paris-Saclay est un territoire qui peut répondre à cette aspiration : même s’il compte des communes densément peuplées, il en compte encore beaucoup dont le cadre de vie est préservé. De sorte qu’on peut travailler en ville tout en résidant à la campagne. Le territoire permet de concilier les deux. Une réalité que les personnes qui ne viennent ici que pour les besoins de leur travail ne connaissent pas forcément, et qui gagnerait donc à être mieux connue. D’autant que nous ne sommes pas loin de Paris.
– Paris-Saclay, c’est aussi un cluster en construction. Comment envisagez-vous de le valoriser au plan touristique ? On parle de tourisme scientifique comme de tourisme industriel… Comptez-vous aller dans ces directions ?
La présence de laboratoires de recherche et de centres de R&D est indéniablement un atout pour le territoire. La demande de visites est là, de plus en plus forte, tant du côté des habitants que des personnes extérieures. Déjà, nous organisons des visites de mus’X, le musée de l’école Polytechnique, du synchrotron Soleil ou encore de la Plateforme industrielle du tri de courrier à Wissous. Nous cherchons aujourd’hui à mettre en place des visites du plateau pour faire connaître plus largement ce cluster et pas seulement à l’intention d’un public scientifique.
– Est-ce à dire que le cluster Paris-Saclay fait de plus en plus parler de lui, au point de susciter une curiosité croissante ?
Oui. Beaucoup de gens nous le disent explicitement : ils en entendent de plus en plus parler et souhaiteraient donc mieux le connaître…
– Quand bien même est-il encore en chantier ? Ce qui au demeurant peut être aussi un motif de visite…
C’est vrai. Naturellement, des personnes peuvent s’en plaindre. Nous nous employons donc à les rassurer, en rappelant l’ambition du projet de cluster.
– Ne faudrait-il pas dès lors vous rapprocher de l’Etablissement public d’Aménagement Paris-Saclay ?
J’allais y venir, justement ! Ayant assisté aux vœux de l’agglomération, j’ai eu l’occasion d’y rencontrer le nouveau directeur du développement économique et de l’innovation [Frédéric Huglo]. Déjà, nous valorisons sur notre site internet les visites que l’établissement organise. Gardez cependant à l’esprit que Destination Paris-Saclay a moins de deux ans d’existence. Il nous faut encore nous faire connaître de bien des acteurs locaux.
– Venons-en à vous. Qu’est-ce qui vous a prédisposée à prendre les rênes de Destination Paris-Saclay ? Veniez-vous du secteur du tourisme ?
Je connaissais en partie le territoire pour avoir grandi dans le département de l’Essonne. J’ai fait des études en tourisme, un peu par hasard – un BTS, à Paris, puis une licence professionnelle en aménagement du territoire appliqué au développement touristique local. Etant attachée au territoire de mon enfance, j’ai voulu y mettre en pratique mes connaissances dans ce domaine. Au cours de mes études, j’ai eu l’opportunité de faire des stages à l’Office de tourisme de Dourdan, à deux reprises. A l’issue de mon cursus, en 2009, j’ai appris qu’il y avait un poste vacant à celui de Massy, qui avait été créé six ans plus tôt. J’y ai débuté au mois de septembre de la même année.
– Soit au tout début de l’aventure de Paris-Saclay…
Au tout début, en effet. On parlait d’ailleurs à peine de « cluster ». Nous en étions encore à valoriser d’abord le potentiel touristique de la ville de Massy, une commune que je ne connaissais pas, avant de prendre mes fonctions. Je l’ai donc découverte à mesure que je la promouvais auprès des touristes ! Déjà, à l’époque, c’était une ville qui bougeait pas mal, avec beaucoup d’animations, assurées par un tissu associatif très dynamique. Je suis toujours aussi frappée par le degré d’implications des habitants. On y trouve tout ce qu’il faut pour s’y sentir bien. A l’Office, j’ai commencé comme conseillère en séjour (on disait autrefois « agent d’accueil »). Nous avions encore beaucoup à faire pour trouver notre place…
– … et convaincre que Massy pouvait être une destination touristique ?
Effectivement. D’ailleurs, beaucoup de gens me demandaient ce qu’on pouvait bien avoir à faire à Massy, pour justifier l’ouverture d’un Office de tourisme. En 2012, j’ai donc pris l’initiative d’organiser des séances « café-thé », pour engager une réflexion sur la finalité d’une telle structure dans une ville comme Massy. A l’évidence, il y avait bien une pratique de loisirs et de tourisme sur le territoire, a fortiori quand on regardait au-delà du périmètre de la ville. Les hôtels étaient pleins du lundi au jeudi, fréquentés par une clientèle d’affaire, que nous avions eu à cœur d’informer sur la manière dont elle pouvait occuper son temps libre.
– Quelles ont été les autres étapes marquantes de votre parcours ?
En 2012, un plan d’action a été lancé pour développer le tourisme dans la ville. Deux ans plus tard, je prenais la responsabilité de l’Office. Dès 2015, en anticipation de la loi NOTRe, nous avons travaillé avec l’Office de tourisme d’Orsay en vue de mutualiser nos moyens. La suite, vous la connaissez : en 2018, je prenais la direction de Destination Paris-Saclay, à sa création.
– Dix ans après votre arrivée à Massy, n’êtes-vous pas tentée de regarder vers d’autres horizons ?
Non, et ce d’autant moins que nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Et puis un territoire comme Paris-Saclay, c’est l’avenir. Il y a quelque chose de gratifiant à travailler pour lui, ses habitants et ses usagers. Comme je vous le disais, on peut en plus y travailler en ville, tout en vivant dans un village. Ce qui me convient, moi qui suis plutôt campagne !
– Quel avenir y a-t-il néanmoins pour une structure comme Destination Paris-Saclay, à l’heure du numérique ?
Nous avons déjà investi dans le numérique à travers un site internet, que nous avons voulu aussi riche et pratique que possible. Très consulté, il est la première vitrine de Destination Paris-Saclay. On y trouve notamment un agenda ouvert à tous les acteurs de Paris-Saclay, qui peuvent y annoncer leurs événements. Cependant, il ne faut pas perdre le côté humain. Les visiteurs aiment être rassurés et conseillés par une personne en chair et en os.
– Comment capitalisez-vous les diverses données numériques recueillies à travers votre site web ?
Déjà, nous analysons les données de fréquentation. De là à imaginer une plateforme sur laquelle tous les acteurs du territoire intéressés à le valoriser, mettraient leurs données en commun, nous en sommes encore loin. Et puis, encore une fois, des données numériques ne remplaceront pas la relation humaine. Avec chaque personne qui nous rend visite, nous prenons le temps de l’interroger sur ce qu’elle aime faire d’ordinaire, le temps dont elle dispose… C’est ce que, dans le métier, on appelle le « conseil éclairé ». Lequel sera toujours plus satisfaisant que les recommandations faites par une application…
– Un mot encore sur les produits du terroir que je perçois sur un présentoir. Je ne peux m’empêcher de penser à Terre et cité, un partenaire de choix pour les valoriser à grande échelle…
Nous sommes déjà partenaire de cette structure et je suis membre de son comité Leader. La valorisation des produits du terroir est encore en cours de développement. Actuellement, nous proposons un jus de pomme, des bières de trois brasseries différentes, du miel et du nougat. Nous avons eu par le passé des lentilles, produites à Nozay, une manière de rappeler l’existence d’exploitations agricoles. Nous comptons proposer d’autres produits sinon améliorer l’information sur où s’approvisionner. Car la demande est forte et va croissant. C’est celle qui revient le plus régulièrement, après les randonnées. Les gens veulent manger local ! Pour nous, ces produits sont l’occasion de valoriser une autre facette du cluster, a priori dédié aux sciences et aux technologies. : l’existence de savoir-faire artisanaux, dans le domaine agricole, alimentaire ou d’autres encore. Voyez ces billes en laine feutrée, provenant de moutons du territoire…
– Ceux d’Olivier Marcoyoux ? [pour en savoir plus sur celui qui se définit comme « jardinier-berger », cliquer ici].
Oui, les siens !
– On ne peut clore cet entretien sans évoquer la ligne 18 du Grand Paris express. Fondez-vous des espoirs en elle ?
Forcément ! Elle faciliterait l’accessibilité mais aussi les déplacements transversaux à l’intérieur du territoire.
Au moment de quitter le lieu, notre attention est attirée par une plaque apposée juste au niveau de l’entrée. Nous questionnons Ella Mauny sur sa signification. Sa réponse :
« Elle indique le passage du chemin de Saint Jacques de Compostelle. Le saviez-vous ? Massy se trouve être sur une des routes qui mènent au célèbre lieu de pèlerinage. Il s’agit de la première étape depuis Paris. Parmi les personnes qui nous sollicitent, nous comptons d’ailleurs régulièrement des pèlerins qui cherchent un hébergement chez l’habitant ! »
Pour accéder au second entretien qu’Ella Mauny nous a accordé, au lendemain de la réouverture de Destination Paris-Saclay, cliquer ici.
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