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Pour une musique inclusive…

Le 9 juillet 2021

Suite de nos échos de l’édition 2021 de TEDx Saclay à travers le témoignage de Delphine Girard, une musicothérapeute, référente Handicap au sein de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay.

Suite de nos échos de l’édition 2021 de TEDx Saclay à travers le témoignage de Delphine Girard (à gauche sur la photos), une musicothérapeute, référente Handicap au sein de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay. Elle est venue présenter un prototype d’instrument conçu avec le concours de Paris-Saclay Hardware Accelerator pour les besoins d’enfants en situation de handicap.

– Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Je suis professeur au Conservatoire à rayonnement départemental (CRD) Paris-Saclay et, par ailleurs, membre de l’équipe référente handicap de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay. Avec les trois autres personnes que compte cette équipe, nous sensibilisons les agents aux problématiques des personnes en situation de handicap, y compris au regard de l’accès à l’emploi. Pour ce qui me concerne, j’interviens plus spécifiquement sur les questions relatives à l’enseignement et à la pratique de la musique. En janvier 2020, une classe a été ouverte au sein du CRD dans le cadre d’une politique inclusive en direction des enfants en situation de handicap. L’objectif est double : il est de leur permettre à la fois de jouer d’un instrument et de le faire aussi avec les autres enfants. Ce qui suppose de disposer d’instruments adaptés.
De là la convention qui a été signée entre le pôle innovation de la Communauté d’agglomération Paris-Saclay et le Paris-Saclay Hardware Accelerator (PSHA). En ont résulté deux premiers prototypes, dont cette guitare adaptée exposée ici, à l’occasion du TEDx Saclay. Grâce à un système de poignées et d’encoches adaptées, elle peut être utilisée avec une certaine facilité sur le plan moteur tandis que la possibilité de pré-régler des accords et des notes permet de jouer avec d’autres enfants d’une manière aussi harmonieuse que possible.

TEDxSaclay21Delphine GirardPortrait– Le résultat est d’autant plus remarquable qu’à peine un an et demi s’est écoulé depuis la signature de la convention…

Oui, les choses sont allées vite et auraient même pu aller encore plus vite sans le retard pris du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19. Les instruments en sont encore au stade de prototypes : ils sont faits avec du bois en attendant de donner lieu à une version fabriquée en impression 3D à base d’autres matériaux. La prochaine étape consistera à les utiliser pour décider des éventuelles modifications à apporter. Ce n’est plus que l’affaire de quelques semaines. Les enfants pourront disposer d’instruments adaptés dès le mois de septembre prochain.

– Vous projetez-vous dans une fabrication industrielle ?

Il est encore trop tôt pour envisager une telle suite. Une chose est sûre : nous espérons bien pouvoir développer deux premiers instruments pour les besoins de notre classe du conservatoire pour mieux, ensuite, en imaginer d’autres.

– Aviez-vous des exemples en tête avant de vous lancer dans cette aventure ? D’autres conservatoires se sont-ils déjà investis dans la conception de tels instruments ou est-ce une première mondiale que vous êtes en passe de réaliser ?

(Sourire) Oui, je connaissais les deux personnes à l’origine de « BrutPop », une structure qui fabrique des instruments adaptés dans le même esprit que la guitare de PSHA. Par ailleurs, au sein du CRD, nous avions organisé en mars 2019 un colloque sur le thème pratiques artistiques et handicap. Y avait été présentée une initiative menée par le Conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Grenoble avec le concours d’ingénieurs. Tout cela m’a convaincue de me lancer à mon tour dès que notre propre classe a été créée. J’ai souhaité cependant privilégier des instruments aussi simples d’utilisation que possible et plus rapides à fabriquer de manière à en proposer une large palette aux enfants. Si, donc, différence il y a entre nos deux démarches, elle réside dans ce parti pris et dans le fait aussi de nous être associés à une structure particulière, PSHA. Sans compter non plus cette conviction que nous sommes dans l’endroit idéal pour mener un tel projet : Paris-Saclay, un lieu dédié à l’innovation aussi bien technologique que…

-… frugale ?

C’est exactement cela, frugale !

– Qu’est-ce qui, en dehors de votre souci d’inclusivité, vous a vous-même prédisposée à vivre cette aventure, qui implique a priori de travailler avec des personnes d’un tout autre univers que le vôtre ?

En dehors de mes responsabilités au sein du Conservatoire, je suis musicothérapeute à l’Hôpital Pédiatrique et de Rééducation (HPR) de Bullion. A ce titre, j’ai souvent fait le constat que je ne disposais pas d’instruments assez mélodiques, en dehors des percussions. Le projet, je l’ai donc perçu comme une opportunité de suppléer ce manque. Il n’aurait pas pu voir le jour, en tout cas aussi vite et aussi bien, sans la mobilisation du Pôle innovation, du PSHA et de son responsable, Alain Moinat.

– Ce que vous évoquez-là est l’occasion pour moi de souligner aussi l’importance pour vous comme pour vos interlocuteurs d’être inscrits dans un même écosystème ne serait-ce que pour pouvoir interagir, même si la crise sanitaire a réduit un temps les possibilités de le faire…

C’est vrai et de ce point de vue, nous avons la chance d’être sur un territoire très riche au plan de l’innovation comme de la recherche scientifique. Notre conservatoire est implanté au sein même du campus de la faculté d’Orsay. Certes, je ne connaissais pas Alain Moinat avant de travailler avec lui. Mais des structures sont là pour faire le lien, en l’occurrence le Pôle innovation que j’ai évoqué.

– Précisons à l’attention des lecteurs qui ne seraient pas de cet écosystème que si le Conservatoire est situé à Orsay, le PSHA l’est à Saulx-les-Chartreux. Que dites-vous à ceux qui pourraient trouver problématique la distance qui vous sépare ?

Je répondrai que cet éloignement est quand même relatif. Nous ne sommes pas si loin les uns des autres. Les deux communes font partie de l’Agglomération de Paris-Saclay, qui couvre un plus vaste territoire encore. Que dire de l’écosystème Paris-Saclay ou même de l’Université Paris-Saclay installée dans la vallée et sur le Plateau (sans compter les universités associées, celles de Versailles Saint-Quentin et d’Evry). Bref, la distance qui sépare le Conservatoire et PSHA est encore une fois toute relative. Et puis, dans PSHA, il y a « Accelarator ». Si on peut avoir l’impression de perdre du temps pour y accéder, on en gagne beaucoup grâce aux équipements qu’il mobilise et la capacité d’Alain à identifier les bons partenaires.

– Revenons-en au prototype de la guitare qui a donné lieu à une présentation au cours d’une visite de ce dernier : les personnes présentes ont été manifestement impressionnées, en tout cas au sein du groupe dont je faisais partie…

Impressionnées, en effet, mais aussi touchées. Ce qui montre bien qu’il y a des gens qui ont envie que les choses bougent. C’est réconfortant. Derrière chaque personne, il y a souvent une mère ou un père, qui mesure le bonheur procuré à un enfant (que le leur soit en situation de handicap ou pas). Quant aux parents des intéressés, je perçois déjà de la reconnaissance et un sentiment de fierté à pouvoir imaginer que leur propre enfant pourra pleinement jouer avec les autres, grâce à un instrument qu’on aura pris la peine de concevoir pour l’adaptation à sa situation.
S’agissant des enfants eux-mêmes, ils n’ont pas encore, comme je l’ai dit, eu l’occasion de tester les prototypes. Mais j’imagine là encore leur réaction quant ils les découvriront et plus encore quand ils pourront jouer avec les autres, la fierté et le bonheur qu’ils ressentiront. Car c’est une chose de jouer seul, c’en est une autre de jouer avec les autres, d’entrer en résonance avec eux. Cela procure, et c’est la musicothérapeute qui parle, des effets plus que positifs et avérés au plan physiologique. Déjà, il faut voir comment ils réagissent quand ils découvrent les instruments ordinaires mis à leur disposition – une guitare, une harpe celtique, un piano… Ils vous gratifient d’un grand sourire et se montrent très motivés : rien que la possibilité de manipuler un instrument décuple leur volonté d’apprendre.

– Vous ne semblez pas prendre la mesure des réactions enthousiastes que votre projet ne manquera pas de provoquer dans le monde entier, osons le dire ?!

(Sourire) Non, je l’avoue. Mais j’espère bien que le projet connaîtra des prolongements, qui pourront profiter aux enfants d’autres conservatoires de musique, pour commencer.

A lire aussi les entretiens avec Laurent Fullana (pour y accéder, cliquer ici) ; Patricia Pâme (cliquer ici) ; Carole Ping Yang (cliquer ici) et Christian Van Gysel (cliquer ici).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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