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Pour une économie… sphérique (suite).

Le 12 juillet 2021

Suite de nos échos au TEDx Saclay 2021 avec ce témoignage de Laurent Fullana, président de Horiba France, que nous avions déjà interviewé lors du Brainathon au cours duquel lui et son équipe ont imaginé une « économie sphérique ».

Suite de nos échos de l’édition 2021 du TEDx Saclay à travers le témoignage de Laurent Fullana, président de Horiba France, que nous avions déjà interviewé à l’issue du Brainathon au cours duquel lui et son équipe ont imaginé une « économie sphérique » : une économie qui irait plus loin que l’économie circulaire en combinant les principes du recyclage, du réemploi et d’une « consigne universelle »…

– Voilà, vous venez de faire votre talk TEDx Saclay. Comment vous sentez-vous ?

L’exercice n’est pas simple, car il oblige à condenser son propos tout en ayant suffisamment de points d’accroche pour capter l’attention du public. Mais il en vaut vraiment la peine. Le plus important pour moi était de parvenir à faire passer le message que je portais au nom de toute mon équipe. Car, comme vous le savez, j’ai été sélectionné dans le cadre du Brainathon et, depuis lors, nous nous sommes revus régulièrement pour affiner notre concept. L’équipe est restée dans une vraie dynamique d’échange, ce qui a permis d’approfondir et d’enrichir l‘idée originale.
Après, forcément, j’ai dû accommoder le résultat de nos cogitations à ma façon. Car, en tant que speaker, je ne pouvais me borner à réciter un texte appris par cœur. Il me fallait m’approprier l’idée. De ce point de vue, les semaines qui ont séparé le Brainathon du TEDx Saclay n’ont pas été de trop. Un talk demande un gros travail de préparation en amont. Mais encore une fois, cela en vaut la peine : non seulement je pense avoir bien fait passer le message qui tenait à cœur toute l’équipe, mais encore il a eu une certaine résonance à en juger par les discussions que j’ai eues après. Bon, je m’en étais quand même assuré avant en testant notre concept d’économie sphérique auprès de collègues. J’ai ainsi pu constater qu’il suscitait un réel intérêt. Tout cela m’a encouragé et m’encourage encore à aller plus loin.

– Comment avez vous vécu le fait d’être intervenu dans un format 100% digital hormis les quelques spectateurs présents au Paris-Saclay Hardware Accelerator ?

Comme je le disais dans le précédent entretien [pour y accéder, cliquer ici], je préfère intervenir devant un public. Même si l’intervention ne donne pas lieu à un échange avec lui, il est là et il manifeste sa présence à travers ne serait-ce que le body language des spectateurs. Vous pouvez ainsi ajuster votre discours, le débit de vos paroles, mettre plus d’emphase ou pas. Bref, vous n’êtes pas seul, vous interagissez avec d’autres humains en chair et en os et c’est ce qui me plaît. Et puis, on l’a vu, le 100% digital n’est pas encore tout à fait au point. J’ai cru comprendre que des personnes n’avaient pas pu avoir accès au talk et qu’il leur faudra attendre que la vidéo soit disponible sur YouTube. A quoi ce sont ajoutés des problèmes de micro, qui m’ont obligé à m’y reprendre à trois reprises. Mais, manifestement, j’ai su rester serein et c’est l’essentiel. Pour autant, je ne rejetterai pas le digital, qui offre quand même la possibilité d’une diffusion plus large en temps réel. Et puis, de toute façon, les organisateurs n’avaient pas le choix. Grâce au digital, l’édition 2021 de TEDx Saclay n’a pas été reportée une seconde fois.

– Je rappelle que vous présidez une société, Horiba, qui compte plusieurs centaines de salariés. On imagine un agenda bien chargé. Comment avez-vous donc fait pour vous investir autant dans la préparation de ce talk ? Cela tient-il à cette culture américaine que vous connaissez bien pour avoir séjourné Outre-atlantique, laquelle culture prend au sérieux cette manière de faire passer des idées, à travers des pitchs ou des talks

Votre remarque est tout à fait juste. J’ajoute que si j’ai consacré autant de temps à la préparation de TEDx Saclay, c’est pour au moins deux autres raisons. D’abord, le plaisir que j’ai eu à travailler avec l’équipe, de surcroît sur un thème qui ait autant de sens. Ensuite, je suis quelqu’un de curieux de nature. Tout ce que j’entreprends, dans ma vie personnelle ou professionnelle, répond à un désir d’apprendre encore et toujours. Dès le début, j’ai vu dans cet exercice de la conférence TEDx une superbe opportunité pour découvrir une autre manière d’intervenir. Car, même si je prends régulièrement la parole en public, c’est la première fois que je me suis retrouvé à faire un talk dans ce format particulier d’une douzaine de minutes. Au final, j’ai bien le sentiment d’avoir beaucoup appris et ce d’autant plus que j’ai bénéficié de l’accompagnement d’un coach qui m’a apporté de précieux conseils.
Avec le recul, je m’aperçois que faire un TEDx, cela peut aussi avoir du sens pour le business…

– En quel sens ? A priori vous n’intervenez pas au titre de votre entreprise…

C’est vrai et pourtant, après le talk, j’ai été convié à participer à un webinar pour échanger avec le public. Y est intervenu un étudiant qui rentre tout juste dans la vie active. Nous avons échangé puis il a repris contact avec moi un peu plus tard dans l’après-midi via LinkedIn. Intéressé par la société que je préside, il voulait poursuivre la discussion. Un exemple qui suggère que j’avais fait plus que projeter ma propre image ; j’avais aussi projeté celle de ma société et, manifestement, d’une manière assez attractive pour attirer des talents. Or, dans les métiers comme les nôtres, ceux de la high tech, ce sont les talents qui font la différence, avant même les équipements qu’on met au point. Encore faut-il convaincre ces talents de nous rejoindre, leur apporter la démonstration que nos activités ont du sens et correspondent à leurs valeurs.

– Un mot encore sur cette « économie sphérique », que vous avez entrepris de promouvoir. Comme l’avez-vous fait évoluer depuis le Brainathon ?

En effet, nous (l’équipe) avons creusé certaines des questions soulevées par notre concept. Si nous nous étions bien accordés sur ce qu’il fallait entendre par « économie sphérique », il nous restait à réfléchir à sa mise en œuvre concrète. Nous nous sommes alors retrouvés très vite devant moult détails qui en réalité n’en sont pas autant que cela – c’est plutôt le genre de détails où le diable se niche ! Par exemple : comment définir et faire accepter le surplus de coût de la consigne ? Vers quelles filières de réparation diriger les utilisateurs ? Aujourd’hui, nous sommes donc encore loin d’être arrivés au terme de notre exploration. De mon côté, j’ai continué à me documenter et à tester des hypothèses auprès d’interlocuteurs. Une chose est sûre : depuis que nous travaillons sur ce concept, nous ne percevons plus le monde comme avant. Tout nous ramène à cette économie sphérique. C’est Olivier, un membre de l’équipe, qui le faisait remarquer et c’est tout à fait juste. En réalité, il en est toujours ainsi quand on commence à s’intéresser à quelque chose de très novateur. On ne perçoit plus pareil son environnement ou même l’actualité.

– On comprend donc que l’aventure ne se termine pas ce soir avec le talk mais qu’elle se poursuit…

Oui, je compte continuer à échanger avec mon équipe. Un sondage que nous avons réalisé nous y encourage. A la question de savoir « Est-il exclu pour vous de recourir à une consigne universelle ? » – une des clés de notre économie sphérique – seuls 2% ont répondu par l’affirmative. La quasi totalité des sondés, 98% donc, disent adhérer spontanément à cette idée.

Bénévole de TEDx Saclay, que nous avons également interviewée, Carole Ping Yang (pour accéder à l’entretien, cliquer ici), assiste à l’entretien. Nous l’invitons à poser une question…

– Carole Ping Yang : Comment comptez-vous continuer ? En engageant votre propre société ?

Vous ne croyez pas si bien dire ! J’ai d’ores et déjà commencé à mettre en place un certain nombre de choses dans le sens de cette économie sphérique. Par exemple, j’ai lancé une étude en vue de changer nos téléphones portables au profit de fairphones – ces smartphones intégralement réparables (ils sont d’ailleurs livrés avec un tournevis de façon à pouvoir remplacer le moindre composant). On ne jette plus rien, tout est recyclé ou réparé. J’ai aussi demandé à ce que tout nouveau projet de développement lancé au sein de Horiba France intègre désormais les principes de l’éco-conception mais aussi de l’ingénierie de déconstruction (de façon à récupérer le moindre composant entrant dans la fabrication de nos équipements). Par ailleurs, nous avons mis en place un système de blackjack (des projets d’innovation participative) pour encourager de petits projets portés par des salariés. J’en sponsorise un qui s’inscrit pleinement dans la philosophie de l’économie sphérique : il se propose de créer l’équivalent de Leboncoin pour assurer une seconde vie à nos équipements, au sein du groupe Horiba. Concrètement, un équipement qui ne serait plus jugé utile pourrait être mis à disposition d’un autre projet, d’une autre filiale.

– Carole Ping Yang : Bravo ! Je vois que l’esprit du Brainathon est contagieux, et que c’est de la contagion positive !

L’entretien se termine dans un éclat de rire.

A lire aussi les entretiens avec Delphine Girard (pour y accéder, cliquer ici) ; Patricia Pâme (cliquer ici) ; Carole Ping Yang (cliquer ici) et Christian Van Gysel (cliquer ici).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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