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Entrepreneuriat innovant

Pour un monde sans bouteille d’eau en plastique

Le 19 juin 2024

Rencontre avec Ambre, Mathys et Charley, de la Filière Innovation Entrepreneur.e.s (FIE) du 503

Le 25 avril dernier, la Filière Innovation Entrepreneur.e.s (FIE) de l’Institut d’Optique organisait son jury final annuel de sélection des meilleurs projets des élèves en 2e année. Nous y étions et en tant que membre de ce jury ! En voici un écho avec le témoignage de Thom Charley, Mathys Lopez et Ambre Gohier, qui ont conçu WaterF4LL, un système d’assainissement d’eau du robinet.

- Si vous deviez pitcher votre projet WaterF4LL ?

Thom Charley : Nous sommes partis du constat suivant : dans le monde, parmi les 7 milliards de personnes ayant un accès à l’eau au robinet, seules 1,7 milliards disposent d’une eau potable. C’est principalement le cas dans les pays émergents. Résultat : ces personnes se tournent vers l’eau distribuée dans des bouteilles en plastique avec tout ce que cela signifie au plan écologique et sanitaire : l’eau contenue dans ces bouteilles contient des nano- et micro-plastiques invisibles, mais nocifs. Nous avons donc imaginé une solution permettant à ces populations de s’affranchir de l’achat de bouteilles en plastique en consommant de l’eau au robinet.

Mathys Lopez : Notre solution consiste en un assainisseur d’eau qui élimine les micro-organismes au moyen d’une technologie UV : l’eau du réseau passe par un cylindre que l’on place juste après le compteur de l’usager. Ce système a l’avantage de s’adapter selon les traitements à effectuer : l’ajout d’une pompe et d’un filtre en amont, par exemple, est envisageable s’il y a besoin de soustraire de macro-éléments contenus dans l’eau. Ce n’est pas tout : notre solution est économe en énergie électrique. La lampe UV de notre premier prototype ne consomme que 8 Watt. Pour mémoire, une bouilloire électrique en consomme 2 200. De plus, les UV ayant un effet instantané, ils permettent d’obtenir de l’eau potable sans avoir besoin de la faire bouillir.

- Comment en êtes-vous venus à cette solution ?

M. L. : Étant à l’Institut d’Optique, nous avons naturellement fait le choix du traitement par UV, un domaine que nous maîtrisons bien mieux que ceux des autres solutions existantes. Mais nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin. Nous avons l’ambition de perfectionner notre solution et solliciter pour cela les conseils d’un hydrobiologiste.

- Avec quels autres acteurs comptez-vous vous associer ?

T.C. : Nous souhaitons travailler avec des plombiers, mais aussi des promoteurs immobiliers dans le but d’implémenter notre système en amont, dans les nouveaux logements qu’ils construisent. Naturellement, nous avons aussi pensé à nous allier à des entreprises de distribution d’eau, l’équivalent de la Saur, de Suez ou de Veolia.

- En France ?

T.C. : Même si notre solution pourrait répondre aux problématiques rencontrées sur certains territoires, nous visons d’abord les pays émergents et un en particulier : le Mexique où nous comptons démarcher de petites entreprises de plomberie et les promoteurs immobiliers comme indiqué, mais aussi les réseaux de distribution d’eau publics, à travers une campagne publicitaire sur les réseaux sociaux.

- Pourquoi ce pays ?

T.C. : C’est, dans le monde, le pays qui consomme le plus d’eau en bouteille par personne : 336 litres par an contre 77 en France, par exemple.

- Puisque vous êtes des étudiants de la FIE, hébergée dans le 503, au cœur de l’écosystème de Paris-Saclay, je ne résiste pas à l’envie de citer Danone, dont le nouveau Centre de Recherche et Innovation se trouve à une vingtaine de minutes à pied (et où j’étais d’ailleurs ce matin pour assister à l’édition 2024 du Brainathon). N’auriez-vous pas intérêt à convaincre ce producteur d’eau en bouteille en plastique de changer de modèle de distribution ?

T.C. : Dans un premier mouvement, je serais plus que circonspect. Pour un tel industriel, la bouteille d’eau présente de nombreux avantages, à commencer par son apparente « plasticité ». Notre solution va à l’encontre de ses intérêts comme de tout autre producteur d’eau en bouteille en plastique, dont le lobbying est une réalité. Maintenant, si cette entreprise était disposée à bifurquer, nous ne demanderions qu’à engager des discussions. Je crains seulement qu’elle ne concentre ses efforts à réduire l’impact environnemental de la bouteille en plastique sans chercher à la faire totalement disparaître.

M.L. : Cependant, nous sommes lucides. Nous savons pertinemment que nous ne parviendrons pas à bannir totalement ce mode de distribution de l’eau. Si, donc, notre solution permettait déjà d’en limiter l’usage dans des pays qui ne disposent pas encore de système de recyclage, nous estimerions contribuer positivement à réduire la pollution plastique, non sans rendre aussi les consommateurs plus autonomes et leur permettre de faire des économies substantielles en électricité, mais aussi parce que de l’eau consommée au robinet est bien moins chère que celle consommée en bouteille en plastique.

- Reste cette proximité géographique entre votre école, l’Institut d’Optique et le Centre de Recherche et d’Innovation de Danone, dont on peut espérer qu’elle permet l’amorçage d’un dialogue…

C.T. : Pourquoi pas, en effet. Peut-être pourrions nous trouver un terrain d’entente autour d’une démarche écologique, et faire profiter de nos expertises respectives, dans les pays émergents et pourquoi pas aussi en France ou d’autres pays européens où la bouteille en plastique est de plus en plus montrée du doigt.

- Un mot sur la 3e personne qui compose votre équipe et qui est restée silencieuse ?

M.L. : C’est Ambre Gohier, notre chef d’équipe ! La CEO de WaterF4LL. C’est elle qui pilote l’organisation de notre travail, ses aspects administratifs, notre communication.

T.C. : Elle est timide de nature, mais particulièrement efficace au plan de l’organisation. Heureusement qu’elle est là pour ne pas nous laisser divaguer !

- Et c’est une jeune femme ! Preuve s’il en était encore besoin que l’entrepreneuriat innovant se conjugue aussi au féminin !

M.L. : Oui ! D’ailleurs, il y a de plus en plus d’initiatives pour inciter les jeunes femmes à entreprendre. C’est donc une force sur laquelle le monde de l’entrepreneuriat innovant pourra compter !

T.C. : D’ailleurs, comme vous avez pu le constater, la plupart des équipes qui ont pitché aujourd’hui compte une ou plusieurs femmes.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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