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Paris-Saclay vu de Bangalore – la suite…

Le 13 janvier 2025

Entretien avec Christian Van Gysel cofondateur de Paris-Saclay Hardware Accelerator

Une fois n’est pas coutume, c’est d’autres nouvelles que celles du TEDxSaclay que nous voulions prendre auprès de Christian Van Gysel (au premier plan sur la photo) : sur le voyage qu’il a effectué en Inde en novembre dernier dans le cadre du partenariat noué avec Posspole, l’écosystème de hautes technologies de Bangalore.

- Vous revenez d’un voyage effectué en Inde. Pouvez-vous pour commencer en rappeler l’objet, ce qui en a été à l’origine ?

Christian Van Gysel : Je me suis effectivement rendu en Inde, au cours du mois de novembre dernier, pour assister au Bengaluru Tech Summit 2024, l’équivalent de notre Paris-Saclay Spring, qui se déroulait trois jours plein. Pour mémoire, Bangalore fait partie, avec Paris-Saclay, des huit premiers clusters d’innovation technologique au monde, selon le classement établi par le MIT. Mon séjour fait suite à ma rencontre, il y a quelques mois, avec Kiran Rudrappa [au second plan sur la photo], le directeur de Posspole, un écosystème de hautes technologies de Bangalore. Une rencontre à laquelle vous n’êtes pas étranger puisque elle a pu se faire par le truchement d’Abhinav Agarwal* avec lequel vous m’aviez mis en contact. Je le remercie d’ailleurs tout comme vous au passage. Et comme vous le savez aussi, Kiran Rudrappa s’était rendu à l’édition 2024 de Paris-Saclay Spring où vous l’avez interviewé [Pour accéder à cet entretien, cliquer ici]. Lui et moi-même avons signé à cette occasion un accord de partenariat entre Posspole et Paris-Saclay Hardware Accelerator (PSHA). Entre autres choses, cet accord prévoyait que nous nous rendions à Bangalore avec des entreprises de Paris-Saclay accélérées par PSHA, pour découvrir l’écosystème de Bangalore.

- Précisons que vous n’êtes pas parti seul, mais avec toute une délégation composée d’autres acteurs de la French Tech…

C. V. G. : En effet ! Une fois le principe du voyage acté, j’ai réfléchi à qui, sur place, à Bangalore, pourrait nous aider à l’organiser. La sérendipité a fait le reste ! Il se trouve que le nouveau chef du pôle Industrie & Tech de Business France à Bangalore n’était autre que Marc Vial-Montpellier qui avait travaillé il y a quelques années en Amérique du Sud, et que j’avais eu l’occasion de rencontrer dans le cadre du TEDxSaclay. Trop top ! Cela nous a permis d’organiser le séjour en moins de temps pour le dire, Business France prenant en charge certains aspects de l’organisation sur place. Il se trouve par ailleurs que la Région Ile-de-France se préparait elle-même, en tant que région invitée d’honneur, à envoyer une délégation à l’événement de Bangalore avec, à sa tête, Alexandra Dublanche [vice-présidente chargée de la Relance, de l’Attractivité, du Développement économique et de l’Innovation, par ailleurs présidente de Choose Paris Région – au premier plan de la photo ci-dessous]. Nous avons pu nous joindre à elle.
Nous sommes arrivés quelques jours avant l’inauguration de l’événement, le temps de visiter des sociétés françaises implantées à Bangalore : Infosys et Schneider Electric. Nous avions également programmé des séances de travail avec Business France et le Consulat de France.

- Si vous deviez livrer de premières impressions ?

C.V.G. : Ce qui frappe, de prime abord, c’est la sensation de passer en l’espace d’une seconde d’un extrême à l’autre : des rues bondées, où il vous faut vous frayer un chemin au milieu de la foule, de tuk-tuks et d’animaux domestiques – des chiens et… des vaches -, et des lieux hypermodernes, à la pointe de la technologie… C’est que si l’Inde fait face à d’importants défis socio-économiques, c’est aussi un vivier incroyable d’ingénieurs de très haut niveau que les entreprises américaines de la Tech, à commencer par les GAFAM, s’arrachent. Beaucoup de leurs CEO ou CEX sont d’ailleurs d’origine indienne.

- Et le Bengalaru Tech Summit, à quoi ressemble-t-il ? Comment s’est-il déroulé pour vous ?

C.V.G. : C’est un événement comme il en existe dans d’autres écosystèmes : une sorte de Paris-Saclay Spring, comme je l’ai dit, mais en réalité de plus grande échelle, l’équivalent en somme de notre VivaTech. On y trouve beaucoup de stands et de pavillons, tous plus énormes les uns que les autres. Sur les trois jours, ce sont des dizaines de milliers de visiteurs qui se pressent dans un flot continu et qui vous assaillent de questions, a fortiori si vous venez d’Europe ou des États-Unis. Les Indiens sont curieux, avides d’innovation.

- Aviez-vous votre propre stand pour promouvoir Hardware Accelerator Paris-Saclay ?

C.V.G.: Non, mais notre partenaire Posspole avait mis en valeur notre partenariat sur le sien.

- Depuis Bangalore, comment perçoit-on l’écosystème Paris-Saclay ? Hormis PSHA, quelles autres de ses entreprises y étaient présentes ?

C.V.G.: Nous étions venus avec deux start-up hébergées à PSHA : Écomesure et Dolk Healthcare. En dehors d’elles, il y avait peu de sociétés françaises… C’est bien dommage. Car si on veut vraiment dénicher les pépites, le mieux est de se rendre dans des lieux où les autres ne vont pas ! De ce point de vue, pour moi, allez à Bangalore avait du sens. Certes, les États-Unis restent un marché incontournable pour les start-up ; certes, c’est important d’être présent au CES de Las Vegas, mais l’Inde est un pays en devenir plus que prometteur. Si la population disposant d’un fort pouvoir d’achat est faible en proportion, sur les quelques 1,4 milliard d’habitants, cela représente tout de même quelques centaines de millions de consommateurs solvables. C’est dire s’il y a des marchés à investir, sans compter les challenges à relever pour moderniser le pays. Et puis, tous les ingénieurs de très haut niveau que le pays forme ne s’expatrient pas. Beaucoup restent en Inde ou y reviennent pour y créer une start-up. Autant, donc, y être présent, dès maintenant. À force de regarder vers la Chine, il ne faudrait pas qu’on passe à côté du potentiel de l’Inde. Aussi je souscris pleinement à la stratégie de la France, consistant à renforcer les partenariats avec ce pays. Je salue aussi le soutien que la Région Île-de-France apporte à cette stratégie. La délégation emmenée par Alexandra a été précédée de la visite de Valérie Pécresse en fin d’année dernière [2023], dans le cadre du partenariat que la Région a noué directement avec Bangalore.

- Dans quel état d’esprit étiez-vous à votre retour ? Convaincu de poursuivre le partenariat avec Bangalore dans l’intérêt de PSHA et, au-delà, de l’écosystème Paris-Saclay ?

C.V.G.: Oui, complètement ! Dans l’intérêt de l’écosystème Paris-Saclay et, j’ose le dire, de la France. Nous autres, Français, avons une carte à jouer.

- Découvriez-vous ce pays à cette occasion ?

C.V.G.: Non, je le connaissais déjà un peu pour avoir, dans le cadre de mes activités à Nokia, animé pendant une dizaine d’années une équipe qui y était basée. À titre plus personnel, j’ai eu l’occasion de m’y rendre en 2017. Je suis plus que jamais convaincu de son potentiel humain et économique.

- Quelle suite envisagez-vous de donner à ce voyage tant pour PSHA que pour l’écosystème Paris-Saclay, dans lequel vous vous investissez à bien d’autres titres - comme Business Angel, cofondateur de TEDxSaclay,… ?

C.V.G.: Une première suite a été l’invitation qui m’a été faite de participer à une rencontre entre le ministère des Armées et une délégation interministérielle indienne, venue découvrir l’écosystème d’innovation français de la Défense. Ensuite, mon objectif est de mettre à profit le partenariat noué avec Posspole et les contacts avec l’Ambassade de l’Inde en France, pour renforcer la présence des acteurs indiens de la Tech à Paris-Saclay, de façon à permettre aux start-up de la French Tech Paris-Saclay, intéressées par les perspectives du marché et de l’écosystème d’innovation indiens, d’avoir de premiers interlocuteurs en amont de leur projet. En sens inverse, il est de permettre aux start-up indiennes d’avoir des contacts sur place à même de les accompagner dans leurs démarches : administratives, de recherche de locaux, etc. D’ores et déjà, nous prévoyons la venue d’une délégation indienne à la prochaine édition de Paris-Saclay Spring.

- À vous entendre, vous manifestez la volonté d’être une sorte d’ « iConnecteur » entre les deux écosystèmes…

C.V.G.: Tout à fait ! Certes, je n’ai aucun titre particulier pour cela – il y a déjà des institutions, des administrations, des acteurs publics en charge de renforcer les liens entre nos deux pays, mais je crois aussi aux initiatives qui viennent des acteurs eux-mêmes, dans une logique bottom up. C’est ensemble que nous réussirons à créer de réelles synergies entre nos écosystèmes.

- Vous avez d’autant plus de mérite que PSHA est installé à Saulx-les-Chartreux, en marge du périmètre de l’OIN Paris-Saclay…

C.V.G.: Tout dépend du point de vue où on se place ! Saulx-les-Chartreux fait partie de l’une des trois agglomérations engagées dans cette OIN, en l’occurrence celle de Paris-Saclay. Que dire de l’Université du même nom qui compte plusieurs campus en dehors de l’OIN – à Sceaux, À Évry-Courcouronnes, À Rambouillet, au Kremlin-Bicêtre, etc. Autant donc éviter de se lancer dans une délimitation précise du périmètre…

- Comment vous y êtes-vous pris d’ailleurs pour expliquer ce qu’était Paris-Saclay à vos interlocuteurs indiens si tant est qu’ils eussent besoin d’en connaître la délimitation précise, sur une carte ?

C.V.G.: Comme vous l’imaginez, c’est le cadet de leur souci ! Et pour ma part, je me garderai de leur dire qu’à tel endroit on serait à Paris-Saclay, à tel autre on n’y serait plus alors qu’un km à peine les sépare. Du point de vue d’un pays grand comme un continent, cela n’aurait tout simplement pas de sens. Selon mes interlocuteurs, je parlerai de l’écosystème dans son ensemble, de l’agglomération, de l’Université ou d’autres entités encore. Ce flou peut paraître une faiblesse, j’y vois au contraire la force de la marque Paris-Saclay : on gagnerait même à promouvoir celle-ci sans s’appesantir sur la définition précise de ses contours. Il n’en va d’ailleurs pas autrement de la Silicon Valley, que je défie quiconque de délimiter précisément. Autant, donc, quand on va à l’étranger défendre les couleurs de Paris-Saclay sans entrer dans les détails. C’est comme cela que nous finirons par imposer une marque à l’international et certainement pas en cherchant à en imposer une délimitation précise qui, de toute façon, ne ferait pas sens aux yeux de nos interlocuteurs étrangers. Plus d’acteurs se l’approprieront, plus elle se diffusera et s’imposera dans les esprits.
Certes, on peut craindre les risques d’abus. Je rappellerai alors ce que Coco Chanel disait de la contrefaçon dont elle était victime : cela lui coûterait encore plus cher si on arrêtait d’en faire, car alors cela signifierait que ses produits ne font plus autant rêver. Autrement dit, pour Coco Chanel, la contrefaçon est le prix à payer de la célébrité. Je ne serais pas loin de penser la même chose de la marque Paris-Saclay : l’usage abusif que certains peuvent en faire est la contrepartie positive de son attractivité.

* Abhinav Agarwal dont nous avons chroniqué le livre sur l’innovation frugale ; pour y accéder, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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