Démocratiser l’accès du Cloud en permettant aux PME de retrouver la maîtrise dans la gestion de leurs réseaux numériques et de leurs data, c’est en substance la promesse de BYO Networks. Olivier Tirat, son fondateur nous en dit plus sur les circonstances qui ont présidé à sa création et en quoi l’écosystème Paris-Saclay s’est révélé favorable. Non sans poser un regard critique sur le contexte plus général de la French Tech…
– Si vous deviez commencer par pichter votre société ?
BYO Networks a été créée en septembre 2010 en partant du double constat suivant : nous assistions à une révolution numérique, qui imposait d’être plus efficace dans la gestion des réseaux ; pourtant, face à la croissance exponentielle des débits et à la complexification des infrastructures de réseau, on en restait à des solutions encore « artisanales ». Or, il était clair que nous nous ne pouvions plus en rester aux procédures en cours. Nous avons donc développé des logiciels de gestion locale des réseaux pour les PME. Le succès a été au rendez-vous, à ceci près que, dans notre projet initial, nous n’avions pas anticipé l’arrivée de ce qui allait s’appeler le Cloud ni les nouvelles technologies de type Software Defined Networking (SDN), qui sont en train de changer en profondeur la manière de gérer les réseaux. Ces technologies SDN ont d’ores et déjà permis de remplacer la plupart des équipements de réseaux par des logiciels, qui effectuent exactement les mêmes fonctions. Elles ont l’avantage d’être automatisables, évolutives et de ne pas nécessiter de matériel spécialisé là où les équipements de réseaux ont des fonctionnalités très peu évolutives, nécessitant une configuration par des spécialistes. Elles constituent donc le Graal pour un réseau pas cher, performant et toujours en évolution !
– A quel moment est intervenu ce tournant ?
A un moment précis : en juillet 2012, au moment où la société WMware a entrepris de racheter Nicira (start-up spécialisée dans la virtualisation du réseau), pour pas moins de 1,4 milliard de dollars. Un montant qui en disait long sur l’intérêt pour cette technologie et la nouvelle approche qu’elle proposait. Et qui en disait aussi beaucoup sur la capacité d’entreprises américaines à investir dans des technologies et des métiers d’avenir et ce, très en amont. Ce rachat nous a d’emblée convaincus de changer notre fusil d’épaule, au risque sinon d’être tout simplement hors course dans un avenir proche.
Aujourd’hui, nous proposons aux PME un service de proximité pour la gestion de leur réseau et d’internet, ainsi que de leurs données numériques. Soit ce qu’il est convenu d’appeler des réseaux managés : nous ne leur vendons pas les équipements, mais assurons l’installation et la gestion du réseau, d’une manière aussi proactive que possible au travers de logiciels que nous développons.
– « Nous » dites-vous. C’est-à-dire… ?
BYO Networks compte trois associés : outre moi-même, Pascale Delmas – diplômée de Supélec, elle a en charge de la direction commerciale, de l’administration et des finances (j’ajoute qu’elle se trouve être ma sœur !) – et François Reptin – diplômé de l’Isep et spécialiste des télécommunications sur fibres optiques, il est membre du comité de surveillance. Des profils ingénieurs, donc, cinquantenaires (du moins à la fin de l’année en ce qui me concerne), avec une solide expérience professionnelle dans le monde industriel. Nous avons aussi recruté des salariés : Malik, qui entame sa 5e année avec nous (et que nous ne désespérons pas de convaincre à s’installer dans environs pour lui épargner les allers retours entre Paris et Orsay…), Alban, qui nous a quittés récemment pour créer sa propre société, mais avec lequel nous avons gardé des relations étroites (je vais être associé à sa future société). En septembre 2017, nous avons été rejoints par Claire Beninger, qui nous accompagne en nous faisant profiter de son dynamisme et de son expérience du monde de l’innovation et des PME – rappelons qu’elle a cofondée la start-up CoopAttitude. Elle intervient comme prestataire extérieure en charge du développement commercial et des relations avec les collectivités.
– Pour en revenir au changement intervenu en 2012, c’est un « pivot » dont il s’est agi, comme il peut s’en produire dans la trajectoire d’une start-up…
Oui, à ceci près que si nous nous étions bien dans une logique de startupper, dans les faits, je n’estime pas que les conditions étaient réunies pour faire de BYO Networks une véritable start-up…
– Expliquez-vous…
BYO Networks n’est pas née dans le bon pays pour espérer éclore et se développer en tant qu’entreprise technologique innovante. La France est encore très conservatrice, réticente à l’évolution des business models et des technologies…
– Mais les choses n’ont-elles pas changé depuis qu’elle s’est imposée comme un Start-up Nation ?
Non ! J’estime que BYO Networks n’est toujours pas dans le bon écosystème ! Les stratégies d’investissement en France n’ont pas évolué : elles restent fondées sur des business models classiques, à bout de souffle pour certains. Certes, la capacité des investisseurs à détecter des start-up « profitables » s’est améliorée, mais il reste encore du chemin à parcourir. Des investisseurs manquent encore des compétences technologiques qui leur permettraient d’identifier les secteurs dans lesquels investir en amont du succès économique.
– Qu’en est-il de la concurrence ? Quelle est votre valeur ajoutée par rapport aux opérateurs du Cloud ?
Dans le fait de proposer un service de proximité. Les grands opérateurs qui dominent le marché se bornent à héberger vos données, à partir de leur propre réseau, sans se préoccuper des besoins spécifiques de réseaux locaux. Ajoutons que les PME ne sont pas forcément en position de force pour négocier des contrats aussi équitables et transparents qu’elles le souhaiteraient… Notre proposition consiste donc à leur permettre d’y voir plus clair sur ce en quoi elles s’engagent, de reprendre la main tout en les responsabilisant dans la gestion de leurs données. On touche là à l’ADN de BYO Networks, qui dès sa création, a été orientée vers les besoins des clients. C’est d’ailleurs notre seule chance de pouvoir exister face aux grands opérateurs.
– On touche là aussi à une forme de paradoxe : même à l’heure du Cloud, il y a besoin d’une proximité physique. C’est contre-intuitif…
Pour répondre à cette remarque, je ne résiste pas à l’envie de vous raconter une anecdote liée à… ma grand-mère ! Quand j’ai créé ma première entreprise, elle, qui avait tenu un commerce durant quelques années, m’a aussi demandé où se trouvaient mes bureaux. Or, à l’époque, je n’en avais pas ! Plus que surprise, elle m’a alors rappelé combien il était important de pouvoir se raccrocher à un lieu, même et peut-être surtout pour son activité professionnelle. De fait, on a tous besoin d’être situé et de pouvoir associer ses interlocuteurs à un lieu localisable, identifiable. Sans s’en rendre compte, ma grand-mère avait pointé la limite du Cloud, du moins tel que cherchait à le promouvoir les grands opérateurs ayant investi ce nouveau domaine. Sa remarque de bon sens m’avait aussitôt convaincu à trouver des bureaux. Au-delà de la localisation, parler de proximité, c’est aussi une manière de rappeler les spécificités des problématiques qui se posent sur tel ou tel territoire, à telle ou telle entreprise. Et cela vaut aussi bien pour le numérique que pour les télécommunications.
– Expliquez-vous encore ?
Les problématiques qui se posent en matière de télécommunications sur le Plateau de Saclay, pour ne prendre que cet exemple, ne sont pas celles d’un arrondissement de Paris ou d’un département comme la Creuse. Pourtant, on continue à prétendre fournir un service identique partout, sans tenir compte de particularités locales. Pour en rester à Paris-Saclay, des problèmes se posent, qui ne sont pas inhérents aux systèmes de télécommunications, mais aux interruptions de courant occasionnées par les chantiers de construction en cours. Comme ceux-ci risquent de se succéder encore un certain temps, il serait bon de réfléchir à ce problème particulier et à son impact pour la gestion numérique des données…
– A vous entendre, vous permettez aux PME de sortir d’une dépendance à l’égard des opérateurs du Cloud. Mais n’introduisez-vous pas vous-même une nouvelle forme d’intermédiation ?
Le fait est, nous réintroduisions de l’intermédiation. Je ne peux le contester. Et cette intermédiation a même un prix. Il importe donc que le client soit convaincu de notre valeur ajoutée. Or, justement, les PME ont pleinement conscience de l’intérêt pour elles de réintroduire de la transparence et de la responsabilisation dans l’environnement du numérique, appelé à devenir leur quotidien, quand ce n’est pas déjà le cas.
J’ajoute que nous n’imposons aucune durée à nos contrats comme peuvent le faire les grands opérateurs du Cloud ou des télécommunications. Nos clients peuvent renoncer quand elles le souhaitent à l’usage de notre logiciel, avec juste un mois de préavis.
– Où en êtes-vous six ans après la création de BYO Networks ?
Nous en sommes encore au stade de développement de notre logiciel. Avec cependant assez de clients pour l’enrichir et définir des orientations stratégiques.
– Comme êtes-vous parvenus à financer le développement de votre société ?
Outre un important financement sur fonds propres, nous avons été aidés par IncubAlliance, qui nous a fait des avances remboursables. Nous avons en coutre déjà des clients et des contrats. Au travers de nos prestations, nous appréhendons mieux les usages tout en finançant notre R&D. Nous ne demanderons qu’à faire des levées de fonds. Reste à trouver des investisseurs qui accepteraient de nous suivre sur des sujets aussi techniques.
– Le contexte actuel est-il favorable ?
Si c’est de l’écosystème de l’innovation français dont vous parlez, permettez-moi d’en douter encore. Il est beaucoup trop normalisé à mon goût. Sous des apparences d’ouverture, j’observe une tendance à la standardisation des offres qui sont faites en termes de subvention, de financement ou d’incubation. On valorise toujours les mêmes modèles, les mêmes parcours et les mêmes profils d’entrepreneurs. Or, la réalité est différente, beaucoup plus diverse. On gagnerait à dresser une typologie plus fine, qui reconnaît l’intérêt d’offres singulières.
Seulement, à ce jour, je n’ai pas rencontré quelqu’un en mesure d’en proposer une, qui tienne compte de la diversité des modèles, des profils et des parcours. Même à IncubAlliance, qui a pourtant vu passer près de 250 start-up. Il serait temps d’en analyser les trajectoires, au-delà des indicateurs classiques (chiffre d’affaires, nombre de salariés, etc.). Nul doute qu’elles recouvrent une diversité beaucoup plus large qu’on ne le pense. Mais en l’absence d’une telle typologie, on continue à proposer la même stratégie de développement, à tous les projets d’entreprises.
– Pourtant, les parcours qu’il m’a été donné de découvrir au fil du temps et au travers de Paris-Saclay Le Média sont divers, de même que les profils que les entreprises innovantes parviennent à agréger… Bref, je n’ai pas l’impression d’un modèle standard, sous réserve que mon échantillon soit représentatif…
C’est vrai pour les projets entrepreneuriaux qui réussissent. Mais pour un projet qui réussit en cultivant ses spécificités, combien d’échecs compte-t-on ? Pour mémoire, moins de 50% des entreprises innovantes survivent au-delà de trois ans d’existence. Ce que je trouve dommage car c’est de l’énergie dépensée pour rien…
– Mais ne dit-on pas que l’échec fait partie du parcours de l’entrepreneur innovant ?
Soit. Mais cela ne devrait pas interdire de faire en sorte que l’échec intervienne le moins souvent possible. Ce qu’une analyse fine des parcours, j’y reviens, devrait justement permettre de faire en aidant à faire les bons choix, anticiper les risques propres à un projet donné.
– En vous exprimant ainsi, songez-vous tout particulièrement à l’écosystème de Paris-Saclay ?
Non, mes commentaires portent sur la « French Tech » en général. Malheureusement, les pouvoirs publics ont tendance à administrer la réalité en référence à des cas qui ne rendent pas compte de la diversité de situations. Pour le dire autrement, j’ai parfois le sentiment de devoir encore entrer dans des cases, mais qui ne correspondent pas aux particularités d’une entreprise comme BYO Networks. Cette logique de standardisation aux fins d’une administration rationnelle est en contradiction avec l’innovation, qui amène forcément à sortir du cadre !
– Si le contexte paraît encore peu favorable et vous rend si pessimiste, comment parvenez-vous à persévérer dans votre démarche entrepreneuriale ?
Je ne suis pas pessimiste, juste un peu dubitatif et concret en même temps ! Et puis à tout chose malheur est bon : ce contexte nous pousse à cultiver notre aptitude à déjouer les obstacles qui se dressent sur notre chemin. On apprend aussi de ce genre de challenges ! Nous comptons bien résister à cette grande entreprise de normalisation (rire) ! Quand bien même le taux d’échec est élevé, les réussites sont là pour nous rappeler que l’espoir est toujours permis. Je garde aussi à l’esprit notre chance de pouvoir mener un projet entrepreneurial. Si l’absence de supérieur nous donne parfois un sentiment de grande solitude, cela nous confère aussi une liberté à laquelle on a du mal à renoncer, une fois qu’on y a gouté. Loin de moi de me plaindre, donc. En revanche, je revendique de pouvoir poser un regard critique sur un contexte qu’on a peut-être trop tendance à enjoliver.
– En quoi l’écosystème de Paris-Saclay en particulier vous aide-t-il à développer votre entreprise, voire à résister à cette « entreprise de normalisation » ?
Cet écosystème est riche en chercheurs suffisamment rebelles même vis-à-vis de leur administration, pour ne pas se laisser enfermer dans des cases, mais au contraire assumer d’emprunter d’autres voies que celles attendues. Je n’ai juste pas compris que l’Etat n’ait pas mener jusqu’au bout le projet de l’Université Paris-Saclay. Je m’interroge aussi sur la démultiplication des lieux d’incubation. La richesse réside d’abord dans les projets incubés, que l’on gagnerait à faire évoluer dans une même structure.
– Qu’est-ce qui vous conforterait encore dans l’idée de rester dans l’écosystème ?
Le fait que l’on ne se contente pas de convaincre les entreprises d’y venir ou de s’y créer, mais d’y rester. Comment ? En sanctuarisant les investissements consacrés à l’innovation. A l’image de ce qu’a fait la ville de Paris pour développer, pérenniser son propre écosystème. J’attends qu’on en fasse autant ici. Le territoire gagnerait à ce qu’une politique soit clairement définie en direction des entreprises innovantes ; concrètement, à ce que les communautés intercommunales sanctuarisent un budget innovation.
Quand bien même l’écosystème arrive à attirer des start-up, je crains que ce ne soit pas toujours avec la capacité de les retenir. Car, très vite, le constat s’impose pour elles : elles sont certes à proximité de laboratoires, mais pas toujours en mesure de recruter les personnes qualifiées dont elles ont besoin, à commencer par les codeurs : beaucoup de candidat rechignent à emprunter les transports en commun pour venir jusqu’ici.
– A ce propos, comment avez-vous réagi au report de la ligne 18 du Grand Paris-Saclay ?
Très mal. Elle arrivera l’année où je pourrais prétendre à la retraite !
– Paris-Saclay n’a-t-il pas néanmoins une carte à jouer : disposer de laboratoires et d’équipements dont ont besoin des start-up les plus technos ?
Cet argument, souvent avancé, s’adresse aux grands groupes. Une start-up technologique n’a aucune chance de voir le jour seule, dès lors qu’elle a besoin de lourds investissements.
– Paris-Saclay, c’est aussi des événements et rendez-vous réguliers sur le thème de l’innovation (Spring Paris-Saclay pour ne citer que lui). Tout cela ne concoure-t-il pas à l’émergence d’une communauté propice à encourager les démarches entrepreneuriales innovantes ?
Nous avons participé à ce genre d’événements dont l’ex-Paris-Saclay Invest. Je suis surpris de la propension à être dans la démonstration, pour ne pas dire le démonstratif, mais sans reporting sur les retombées pour le territoire et les entreprises qui y participent. Sans doute devrait-on faire moins de communication et davantage de travail dans la durée.
– Quel regard critique ! Mais qu’est-ce donc qui vous motive à rester dans cet écosystème ?
Le propre de l’entrepreneur, c’est d’être têtu et de vouloir toujours s’améliorer. C’est pour cela que j’entretiens ce regard parfois critique. Mais je ne demande qu’à persévérer pour donner tort à ses contradicteurs, y compris ceux qui s’ingénient à vouloir me mettre dans une case. Personnellement, je crois à Paris-Saclay et ne veux qu’une chose : vous démontrer qu’on peut y faire de grandes choses, qu’il peut être effectivement un cluster de classe mondiale ! Nous, on y croit, malgré vous (je parle des autres, des sceptiques…). Tout Parisien d’origine que je sois (j’y suis né et ai vécu pendant quarante ans), j’ai fini par me décider à habiter à Orsay. Je ne le regrette pas. J’ai pris goût à cette ville et y compte plusieurs amis.
– L’entretien se réalise à IncubAlliance. Est-ce à dire que vous êtes encore en phase d’incubation ?
Incubés, nous l’avons été, pendant deux ans, à partir de 2013. Depuis, nous sommes en post-incubation. Pourquoi être restés ici, me direz-vous ? C’était pour nous une manière de rendre ce qu’on nous avait donné. Nous avons fait notamment profiter de notre expérience sur la manière de monter un dossier de Crédit Impôt Recherche, de FUI (Fonds Unique Interministériel) ou encore de GEI (Fonds transrégional indépendant). Un travail de transmission auquel nous tenons.
– En sens inverse, on devine que l’incubateur vous a permis de nouer des liens essentiels à la poursuite de votre projet…
Oui, IncubAlliance est un lieu où je me suis fait de vrais amis : Alban, que j’évoquais, Nicolas (Reynier), qui a accompagné notre projet – c’était d’ailleurs le premier qu’il ait accompagné, à son arrivée à IncubAlliance. Je lui suis reconnaissant d’avoir toujours cherché à répondre à nos problématiques, quitte à se former sur le tas. Sans compter Claire, que j’ai côtoyée du temps où elle développait CooPAttitude.
– Qu’est-ce qu’IncubAlliance continue-t-il à vous apporter ?
Par exemple, la possibilité de détecter des personnes susceptibles de nous aider. Gardez à l’esprit qu’on se sent souvent très seul quand on est chef d’entreprise – il n’y a personne au dessus de vous pour prendre les décisions, faire face aux questions touchant à la comptabilité, aux impôts, etc. Le fait d’être ici relativise ce sentiment : vous êtes au milieu d’autres chefs d’entreprises, confrontés aux mêmes problématiques et avec lesquels vous pouvez échanger et qui peuvent vous conseiller. Il n’y a pas d’enjeux de compétition, qui risqueraient de peser sur les relations au quotidien.
– De fait, les entreprises incubées sont sélectionnées de façon à ne pas se retrouver en situation de concurrence…
Ce n’est pas si vrai. Mais, même des entreprises qui pourraient se percevoir comme concurrentes ont un sens de l’entraide. Elles savent qu’elles ont plus à gagner à échanger l’information, qu’à la garder pour elles. Cela étant dit, puisque j’ai parlé du rôle essentiel que jouent les chefs d’entreprise qu’il nous est donné de côtoyer, au sein d’un incubateur, je souhaiterais aussi rappeler le rôle des conjoints, qui supportent aussi les aspects les moins positifs de la vie d’entrepreneur. Ils nous aident à avancer, nous soutiennent.
– Venons-en à vous. Qu’est-ce qui vous a prédisposé à vous engager dans une telle démarche entrepreneuriale…
Est-ce que cela m’a déterminé ? Toujours est-il que je suis fils et petit-fils de chefs d’entreprises. Mon père a eu un parcours particulier : il a d’abord été agrégé d’histoire et a enseigné avant de reprendre l’entreprise créée par mon grand-père. Moi-même suis ingénieur de formation (j’ai été diplômé de l’Institut d’Optique, à 21 ans). Puis j’ai travaillé dans de grands groupes pendant une quinzaine d’années : la Sagem (à Argenteuil), en particulier, où je suis resté dix ans, avant de revenir sur le Plateau de Saclay pour travailler chez Alcatel Electronicc, pendant quatre ans. Nous étions en plein dans les années Tchuruk…. J’ai fini par être dépité par l’absence de vision stratégique du monde industriel français comme par le mode de gouvernance de l’industrie dans un pays comme le nôtre. J’ai fini aussi par me dire que jamais plus je n’exécuterais des décisions que je considère comme dénuées de sens voire mortifères, et même que je ne serais plus salarié, du moins dans un grand groupe industriel. Nous étions au milieu des années 2000.
– Date à laquelle vous vous lancez dans l’entrepreneuriat…
Oui. En mars 2006, je créais une première société, I2C. Il ne s’agissait pas d’une start-up, mais d’une SARL, que j’avais constituée en vue de financer le lancement d’un vrai projet entrepreneurial : ce sera donc BYO Networks. En dehors des prédispositions familiales que j’évoquais, j’avais presque tout à apprendre. Du temps où j’y étais, l’Institut d’Optique ne formait pas encore à l’entrepreneuriat innovant. Je lui suis cependant reconnaissant de m’avoir assuré une formation solide, qui, au-delà des connaissances techniques, m’aura appris à apprendre. J’ai été suffisamment armé pour affronter toutes sortes de problématiques et ce, dans des contextes professionnels différents.
– En quoi consistera la prochaine étape ?
Nous commençons à être sollicité par de grands opérateurs du Cloud, manifestement intéressés par un brevet que nous avons déposé il y a plus de cinq ans, en février 2013. Nous envisageons d’en rencontrer aux Etats-Unis en vue de notre internationalisation. Preuve s’il en était besoin de la nécessité de s’inscrire dans la durée. Et pour les investisseurs, de disposer de compétences suffisantes pour anticiper le potentiel d’une technologie, d’un concept comme le nôtre. Le contexte est peut-être devenu plus favorable : il est désormais admis qu’il faut investir dans la Deep Tech. Cela fait huit ans que nous en faisons pour le contrôle de réseau sur le Cloud…
A lire aussi : l’entretien avec Claire Beninger, qui a rejoint l’aventure de BYO Networks au titre de chargée du développement commercial et des relations avec les collectivités, et que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer à propos de sa précédente aventure entrepreneuriale, CooPAttitude (mise en ligne à venir).
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