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Entrepreneuriat innovant

My Bubble Health : de l’IA aux petits soins

Le 1 août 2024

Rencontre avec Manel Chikh, CEO de My Bubble Health

Suite de nos échos à la 9e édition de TEDxSaclay, organisée le samedi 30 juin dernier avec, cette fois, le témoignage de Manel Chikh, CEO de My Bubble Health, qui a participé à la première table ronde du Village Innovation, sur l’impact de la digitalisation dans le domaine de la santé.

- Si vous deviez, pour commencer, pitcher My Bubble Health ?

Manel Chikh : My Bubble Health (« Ma bulle santé » en français) se fixe pour ambition d’améliorer la prise en charge des nouveaux-nés. La première solution que nous développons actuellement, BBSKOPE, est un dispositif médical permettant d’en mesurer toutes les constances vitales – ses fréquence cardiaque et respiratoire, son oxymétrie, etc. – sans recours au moindre contact. Une solution que nous sommes les premiers à proposer. Aujourd’hui encore, le personnel médical en est réduit à utiliser des capteurs physiques qu’il faut disposer sur le corps du bébé : des capteurs invasifs, qui ne garantissent pas des résultats fiables – un bébé gesticule, a fortiori si on entre de cette façon en contact avec lui -, et dont l’utilisation peut prendre un bon tiers du temps du personnel soignant – ne serait-ce que pour les manipuler, les remplacer et les disposer sur les bébés.
Notre dispositif consiste en une caméra et un écran avec les indicateurs relatifs aux constantes. En plus de fournir des données plus précises et simultanées, en continu ou à la demande, il ménage tout à la fois les bébés et le personnel soignant. Une mère demande à être rassurée ? Il suffit à un-e aide-soignant-e de checker les paramètres du sien sur un écran.

- Un dispositif simple dont on devine qu’il recourt à de l’IA…

M.C.: Absolument ! Nous avons construit des architectures de réseaux de neurones adaptés à la petite enfance, pour nous permettre de lire les signes vitaux des bébés dans toutes les circonstances.

- « Nous » dites-vous. Comme je l’imagine, ce n’est pas un nous de majesté, mais un collectif… Quelles compétences avez-vous réunies pour parvenir à ce type de solution ?

M.C. : En effet, My Bubble Health est une aventure collective. Je me suis associée à un pédiatre, qui n’est autre que celui de mes enfants, et qui avait déjà une expérience de l’entrepreneuriat innovant. Nous sommes accompagnés par notre directeur technique, neuroscientifique spécialisé en imagerie médicale et dans le développement de dispositifs médicaux. Pour ma part, je suis docteure en pharmacie, par ailleurs diplômée de HEC. J’ai travaillé dans l’industrie pharmaceutique pendant des années, en France et à l’International. En échangeant avec des médecins et des personnels soignants, j’ai perçu le besoin d’une approche plus ergonomique dans le recueil de données relatives aux nouveaux-nés. Or, justement, une de mes passions est le bien-être de ces derniers. Depuis toujours, j’ai voulu œuvrer en ce sens. Tandis que mes associés apportaient les compétences médicale et technologique, j’apportais la compétence business.

- My Buble Health est votre première aventure entrepreneuriale ?

M.C. : Non. J’ai démarré ma vie d’entrepreneure en 2013. Ma première entreprise était cependant déjà dans le secteur médical. Avec My Bubble Health, je m’engage pleinement dans la MedTech.

- Quid des mamans, après tout les meilleurs capteurs possibles de l’état de bien-être de leur bébé ?

M.C. : Notre nous inscrivons d’abord dans une logique B to B. Nos premiers interlocuteurs sont les pédiatres et les personnels soignants pour qui nous souhaitons produire des données fiables et faciles à interpréter, relatives à tous les bébés, qu’ils naissent en bonne santé ou qu’ils rencontrent des problèmes, et permettre ainsi au personnel soignant de se concentrer sur le soin, sans ne plus craindre de ne pas disposer de bons résultats, ni avoir à courir d’une salle à l’autre et de nettoyer le matériel. Cela étant dit, notre appareil pouvant mesurer les constantes du bébé à domicile, il permet au nouveau-né de rentrer plus vite chez lui.

- À quel stade de développement êtes-vous ?

M.C. : En 2022, nous avons emporté un concours qui nous a permis d’intégrer l’année suivante un incubateur – accélérateur et non des moindres, puisqu’il s’agit du X Novation Center, de l’École polytechnique. Nous y avons bénéficié d’un accompagnement par des experts qui nous ont challengé et ce faisant, permis d’affiner notre concept. Nous avons été en contact avec des mentors incroyables, bénéficié des ressources de l’écosystème Paris-Saclay. Aujourd’hui, nous y sommes reconnus comme un acteur de la MedTech. Une nouvelle illustration en a été fournie aujourd’hui avec le prix que nous avons reçu : le prix SGS du Village Innovation, qui récompense notre engagement dans l’excellence et l’innovation.

- Bravo ! Est-ce à dire que My Bubble Health n’aurait pu voir le jour si vous n’aviez intégré HEC puis le X Novation Center, des composantes de l’écosystème Paris-Saclay ?

M.C. : Si, probablement, mais pas aussi vite ! Nous avons pu contacter rapidement les bons interlocuteurs, travailler avec des experts reconnus dans la MedTech et dans la santé en général, prototyper notre premier MVP au sein du FabLab du Drahi – X Novation Center. En bref, notre inscription dans l’écosystème Paris-Saclay a permis indéniablement d’accélérer les étapes.
Pour en revenir au développement de notre start-up, la prochaine étape consistera à procéder aux validations cliniques puis à l’accréditation médicale par un marquage CE dans la classe 2A. Une condition indispensable pour rassurer le personnel soignant.
Ensuite, nous avons l’ambition d’améliorer le dispositif, en proposant une application à l’attention des parents, qui pourront disposer ainsi directement des mesures des constantes vitales de leur bébé, en les téléchargeant sur leur téléphone. Ils pourront l’utiliser en toute tranquillité car validée par l’agence de santé, utilisée à l’hôpital et recommandée par les pédiatres.

- Une belle illustration de ce que la digitalisation de la santé, thème de la table ronde à laquelle vous avez participé dans le cadre du Village Innovation, ne vise pas à se substituer à des emplois, mais à améliorer leurs conditions de travail.

M.C. : En effet. Comme vous l’avez compris, nous ne cherchons pas à nous substituer aux médecins, aux pédiatres ni au personnel soignant, qui ont pour eux de combiner le rationnel et l’émotionnel. Notre solution vise juste à les aider à être aussi focus que possible sur le soin, sans plus perdre du temps dans les mesures, les prises de température, etc. Notre solution leur fait gagner du temps en plus de fournir des données plus fiables, en temps réel et en continu.

- Nous faisons l’entretien à l’issue de la journée TEDxSaclay. Puis-je avoir votre feedback à chaud ?

M.C. : C’était exceptionnel ! Comment font-ils ?

- « Ils »… ?

M.C. : Les organisateurs, l’équipe de bénévoles… Quant aux talks, ils étaient tous plus différents les uns que les autres. Et puis encore un mot sur le Village Innovation : je n’ai jamais vu ça ailleurs, en dehors des grands rassemblements des acteurs de l’innovation. Quant aux tables rondes, d’un haut niveau, elles avaient l’intérêt de réunir des intervenants de différents profils. J’ai pu y témoigner comme startuppeuse dans un panel composé de chercheurs et d’autres experts du digital et de la santé. J’ai pu aussi mieux cerner l’écosystème médical, comment interagir avec les médecins et les hôpitaux, y intégrer l’IA… en bonne intelligence, pour améliorer le soin en connaissance de cause des nouvelles réglementations en vigueur. J’ai également pris la mesure des ambitions du Groupe Hospitalier Nord-Essonne, représenté par son Directeur de l’innovation, de la recherche et de la transformation numérique, Jérôme Kozlowski.

- Votre table ronde respectait la parité. Ce ne fut pas le cas de la seconde qui ne comptait que des hommes… Qu’est-ce que cela dit de l’IA ? Que voulez-vous dire aux jeunes femmes que cela dissuaderait de s’engager dans l’entrepreneuriat innovant ?

M.C. : C’est un sujet qui me tient à cœur. J’accompagne beaucoup de femmes entrepreneures. Je suis marraine de SheBoost, le pemier programme d’incubation réalisé par des étudiantes pour des étudiantes et jeunes actives – l’incubateur est 100% gratuit, 100% en ligne et 100% féminin. J’interviens aussi dans des incubateurs et accélérateurs pour femmes entrepreneures, comme Willa par exemple. Nous autres startuppeuses avons le devoir de partager nos expériences, pour les convaincre de se lancer, leur donner confiance en elles. Malheureusement, les femmes sont moins enclines à « oser ». On le voit d’ailleurs aussi dans leur trajectoire professionnelle : comme des études l’ont montré, une femme, comparée à un homme, hésitera à candidater à un poste si elle a le sentiment de ne pas cocher toutes les cases, satisfaire tous les critères. Heureusement, les mentalités changent. Je vois de plus en plus de femmes se lancer, des jeunes comme de moins jeunes. J’ai pu le constater au Drahi – X Novation Center. Cela me rend confiante pour l’avenir.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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