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Mobilité pour personnes en situation de handicap : du DRIM à la réalité. Entretien avec Bernard Monnier

Le 3 juin 2019

Entretien avec Bernard Monnier

Les 16 et 17 avril 2019, se déroulait la 5e édition de DRIM’in Saclay. En voici un premier écho à travers le témoignage de son co-organisateur (avec la CCI de l’Essonne). Il revient sur une des thématiques dédiées aux personnes en situation de handicap et qui lui tenait particulièrement à cœur d’intégrer parmi les douze proposées cette année.

– Si vous deviez pour commencer par pitcher DRIM’in Saclay ?

DRIM’in Saclay, co-organisé avec la CCI de l’Essonne, ce sont des défis proposés par de grands comptes partenaires, à des équipes constituées d’entrepreneurs qui se portent candidats pour les relever. Ils disposent pour cela de deux jours et d’un accompagnement par un coach, sans compter toutes les ressources mises à disposition par l’école CentraleSupélec et son Laboratoire Génie Industriel, en termes de salles, de moyens de prototypage et de présentation pour la restitution finale. La diversité des profils des participants se révèle propice à la formulation de solutions innovantes sinon prospectives.

– Pour cette édition 2019 de DRIM’in Saclay, pas moins d’une douzaine de défis ont été proposés. Un vous tient particulièrement à cœur. Il s’agit de « Trouver des solutions de mobilité électrique pour les personnes en situation de handicap » (défi proposé par EDF). Pourquoi ?

Parce que malgré tous les efforts consentis pour les personnes en situation de handicap, nous sommes encore loin du compte pour leur faciliter la vie au quotidien. Que faire pour améliorer leur sort ? Cette question, je l’avais déjà en tête au tout début de l’aventure de DRIM’in Saclay, que j’avais conçue justement comme un moyen de faire plancher des équipes sur les problématiques de mobilité de ces personnes en situation de handicap.

– Pourquoi avoir attendu cette 5e édition pour proposer un tel défi ?

En proposer un s’est révélé plus compliqué que je ne l’avais pensé. Au cours des deux premières éditions, il nous a d’abord fallu roder le dispositif, gérer les problématiques de logistique. Tant et si bien que cette thématique de la mobilité des personnes en situation de handicap est restée en suspens. Pour la 3e édition, nous étions sur le point de conclure avec un grand compte, qui avait manifesté un intérêt, mais sans aller au bout de la démarche en proposant une thématique dans les temps impartis. En vue de la 4e édition, j’avais concentré mes efforts sur l’insertion des étudiants et doctorants dans le dispositif – j’avais pour cela bénéficié du soutien de Cédric Villani, également très soucieux d’impliquer davantage les jeunes. Dans la perspective de cette édition 2019, j’ai décidé de me retrousser les manches, de façon à ce que soit enfin proposée une thématique relative au handicap, sans préjuger alors que ce serait au regard des enjeux de mobilité.

Icono DRIM 2019 EDF handicap 06– Encore fallait-il trouver un grand compte qui soit partant…

J’ai eu la chance de faire une heureuse rencontre lors de la finale de l’édition précédente, avec Maryline Hubert, la chargée de communication d’EDF Lab Paris-Saclay. Je lui avais fait part de mon souhait de proposer cette thématique sur le handicap pour l’édition 2019, sans rien savoir alors de sa propre implication dans les initiatives d’EDF dans ce domaine. Elle m’a aussitôt fait part de son intérêt en me faisant par la suite rencontrer des personnes directement impliquées, à commencer par Alain Schmid, ingénieur de recherche et chef du projet « Coordination Handicap » [ que nous avons eu l’occasion d’interviewer lors de la 3e édition d’Handiversité – pour accéder à l’entretien, cliquer ici ]. Avec lui et le soutien du directeur de l’innovation, Christophe Reinert, nous avons défini la thématique et pu la promouvoir (Christophe en a fait une présentation lors de l’édition 2019 de Techinnov). Aujourd’hui, au moment même où nous réalisons cet entretien, une équipe est en train de plancher avec Alain Schmid au titre de référent EDF. Encore merci à Maryline pour sa propre implication, sans qui ce défi n’aurait pu voir le jour.

– Encore fallait-il que la thématique suscite aussi l’intérêt de participants potentiels. Et c’est, donc, le cas – près d’une demi-douzaine de personnes se sont portées candidates. Pouvez-vous nous en dire plus sur leur profil ? Répondent-ils à l’exigence de diversité ?

Oui, c’est tout à fait le cas, puisque l’équipe est composée de deux inventeurs hors-pair, des génies de l’invention, Philippe Savidan et Jean-René Camara, qui nous font profiter de ce qu’ils ont déjà mis au point en d’autres circonstances. Elle compte aussi des étudiants de CentraleSupélec, un consultant et, enfin, Laure Gatin qui a un profil différent et néanmoins très intéressant, puisqu’elle est chirurgien-orthopédiste de Assistance publique des Hôpitaux de Paris (APHP) ; elle sait se montrer particulièrement attentive à la pertinence de la solution au regard des usages des personnes en situation de handicap.

– Cette composition heureuse est-elle le fruit du hasard ou intervenez-vous en amont ?

En règle générale, le grand compte, qui est à l’initiative de la thématique, a un droit de regard sur la composition finale de l’équipe. Si elle n’avait été composée que d’ingénieurs ou de non ingénieurs, il est peu probable qu’elle eût pu aboutir à une solution innovante et viable. Il se trouve qu’avec celle-ci, il n’a pas eu à procéder à des ajustements.

– L’équipe a encore une demi-journée à plancher. Est-elle déjà parvenue à des pistes probantes ?

Oui et ce, dès la journée d’hier. Rappelons qu’elle est coachée par une designer issue de Strate. Ecole de Design. L’équipe dispose encore d’une demi-journée pour affiner son projet avant que les membres ne repartent chacun de leur côté et se retrouvent pour la restitution finale du 15 mai prochain. Au vu de ce que j’ai entendu, je ne doute pas qu’il en sortira une solution très intéressante.

– Quelle est la valeur ajoutée de DRIM’in Saclay par rapport à d’autres dispositifs visant à relever des défis, en croisant des compétences diverses – on pense aux Hackathon… ?

Sans nier l’intérêt des Hackathons, DRIM’in Saclay s’en différencie, ne serait-ce que par la durée (l’événement se déroule sur deux jours), mais aussi le nombre de défis proposés, la diversité des profils des personnes composant les équipes et, enfin, le format du travail collaboratif qui alterne entre formation aux activités majeures de conduite de l’innovation et action concrète dans le cadre du groupe.

– Rappelons que DRIM’in Saclay se déroule dans un cadre de choix, puisqu’il s’agit de CentraleSupélec et de son bâtiment Bouygues, dont plusieurs espaces sont mis à disposition…

Oui. Chaque équipe dispose de sa propre salle, ce qui est un luxe qui mérite d’être souligné. Sans compter le reste du bâtiment, particulièrement inspirant, d’autant plus qu’on y croise des étudiants qui planchent sur leurs propres projets. Forcément, cela entretient une certaine émulation. Pour ne rien gâcher, il fait beau. Ce qui a permis à l’équipe de tester un premier prototype à l’extérieur, sous le soleil.
Votre question est l’occasion pour moi de remercier Bernard Yannou, le directeur du Laboratoire Génie Industriel, particulièrement impliqué dans l’organisation de l’événement. Il met à disposition jusqu’à son FabLab pour les besoins de prototypage des équipes. Ce matin même, vous avez pu l’entendre présenter l’ensemble des ressources mises à disposition pour scénographier la restitution du travail des équipes.

– Une intervention au cours de laquelle il fut question de techniques de communication et des diverses ressources mises à disposition pour permettre aux équipes de mettre en récit vidéo leur défi et la manière dont elles l’ont relevé. Ressources parmi lesquelles on trouvait notamment des Playmobil ou d’autres « outils » de ce genre. Est-ce à dire que l’innovation technologique requiert aussi d’avoir gardé une âme d’enfant, en plus d’un sens de l’équipe ?

(Rire) Le plus souvent, dans le milieu de l’innovation, on se borne à réaliser des solutions technologiques plus ou moins élaborées (un produit ou un service évolué), plus ou moins complexes, puis à faire en sorte que les usagers auxquels on les destine se les approprient, à travers du techno ou service push vers des attentes clients. Une stratégie rarement payante. Car si le produit ou service ne rencontre pas son marché, il faut revoir le processus, refaire des prototypes, avec tous les risques de surcoûts financiers qui en résultent. De même, un market push consistant, en sens inverse, à ne focaliser que sur les usages n’est pas pertinent. C’est pour dépasser cette alternative que j’ai proposé un modèle d’approche – l’objet de mon livre, qui était au centre de notre précédent entretien [pour y accéder, cliquer ici ]. Pour mémoire, il s’agit d’un modèle de management stratégique de l’innovation de rupture, qui sur la base d’une matrice – MIM – met bien en évidence la nécessité de mener de front les deux stratégies. La mise en récit ou le storytelling de l’innovation que l’on propose s’inscrit alors pleinement dans la marche à suivre. Car c’est en sachant présenter sa solution, avec des mots simples et en référence à des situations concrètes, que l’innovateur saura susciter l’adhésion de ses investisseurs tout autant que de ses clients potentiels.

– Venons-en à la suite de cette édition 2019 de DRIM’in Saclay. En quoi va-t-elle consister ?

La suite, c’est ce soir, une première restitution devant un comité d’experts, du déroulement des deux journées et des résultats les plus probants, auxquels les équipes sont parvenues. Puis RDV le 15 mai, à l’occasion de Paris-Saclay SPRING pour une présentation devant un jury, ici même à CentraleSupélec, de 10 h à 13 h. Concernant le défi d’EDF, j’ai réussi à fédérer des personnes qui comptent dans le monde du handicap, comme Dorine Bourneton, une femme pleine de courage et au destin incroyable – à 16 ans, elle est devenue paraplégique suite à un accident d’avion dont elle a été la seule rescapée ; à partir de cet accident, elle s’est donnée pour objectif de piloter un avion, ce qu’elle a réussi à faire : elle est aujourd’hui championne de voltige aérienne ! Elle devait participer à l’équipe. Malheureusement elle a eu un empêchement. Mais elle a confirmé sa présence pour le 15 mai. J’ai également obtenu un soutien de Philippe Pozzo di Borgo, celui-là même dont l’histoire a inspiré le film « Intouchables ». Pas plus tard qu’hier soir, il m’a adressé une vidéo à projeter le 15 mai, et que viens d’ores et déjà de mettre d’ores et sur YouTube [ pour y accéder, cliquer ici ]. C’est dire si cette édition 2019 de DRIM’in Saclay devrait rayonner bien au-delà de l’écosystème de Paris-Saclay !

A lire aussi l’entretien avec Laure Gatin, chirurgien orthopédiste de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP), qui a participé à ce défi (mise en ligne à venir).

Pour en savoir plus sur DRIM’in Saclay, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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