Les questions de mobilité sont l’affaire des pouvoirs publics, mais pas seulement : face aux problèmes de congestion et aux dysfonctionnements des réseaux de transport, usagers et automobilistes s’organisent, pratiquent l’intermodalité. Mais qu’en est-il sur le Plateau de Saclay ? Comment convaincre les salariés de ce territoire à adopter le covoiturage ? Y sont-ils prêts ? C’est ce que va permettre de savoir Mobidix : un programme de recherche mené conjointement par un laboratoire de Paris-Sud, Orange et Michelin. Précisions de deux de ses chercheurs : Jean-Marc Josset et Nicolas Soulié.
Le Plateau de Saclay s’impose décidément comme un laboratoire à ciel ouvert d’initiatives et d’expérimentations originales en matière de mobilité (il est vrai que les besoins y sont particulièrement importants…). En témoignent le projet de carte collaborative conçue par Terre & Cité avec le concours de Chronos (cliquer ici) ou encore le Challenge Etudiants 2013 – nouvelles mobilités – Paris-Saclay, qui vient de débuter (cliquer ici). Voici maintenant Mobidix, lancé il y a quelques mois. Derrière ce drôle d’acronyme, des chercheurs on ne peut plus sérieux du laboratoire RITM, de l’Université Paris-Sud (Alain Rallet, Nicolas Soulié et une économiste stagiaire, Nicole Emilion), associés pour la circonstance à Orange Labs et Michelin.
Une recherche partenariale
Un attelage improbable, mais en apparence seulement : on sait l’intérêt d’Orange Labs pour les applications permettant d’améliorer notamment nos mobilités quotidiennes. Quant à Michelin, leader mondial des pneumatiques, il revendique sa connaissance du réseau routier et des pratiques, pour se faire reconnaître aujourd’hui comme un « acteur des mobilités durables. »
Quant au programme
Une équipe de six personnes
Six personnes sont mobilisées autour de Mobidix :
– Alain Rallet, professeur d’économie à Paris-Sud au RITM et spécialiste des modèles économiques relatifs à la mobilité (on lui doit notamment des travaux sur les effets de l’e-commerce).
– Nicolas Soulié : chercheur du RITM, il poursuit ses travaux sur les problématiques d’adoption et d’appropriation des TIC et des applications par les usagers (entreprises, ménages, individus).
– Jean-Marc Josset, chercheur économiste au sein d’Orange Lab. Il travaille depuis plusieurs années sur les effets réseaux économiques, dans d’autres secteurs d’activités que celui des télécoms (domotique, transport, activités culturelles…).
– Erik Grab, directeur de la Prospective du Groupe Michelin.
– Nicole Emilion et Samah Hoteit, deux stagiaires économistes du Master IREN.
de recherche qui les associe, il peut paraître modeste au premier coup d’œil. Comme l’explique Jean-Marc Josset (chef de projet d’Orange Lab), il ne s’agit pas tant de proposer des solutions techniques que d’explorer l’état d’esprit des hommes et des femmes qui se déplacent sur le Plateau de Saclay ou s’y rendent au quotidien.
Nul n’ignore les problèmes qu’ils rencontrent, entre la cogestion automobile et les RER en retard. Dans ce contexte, qu’envisagent-ils ? Placent-ils tout leur espoir dans les pouvoirs publics ou sont-ils prêts à s’organiser, à participer à des initiatives du genre covoiturage ? Telles sont les questions traitées précisément dans le cadre de Mobidix.
Un programme en deux phases
Diverses initiatives montrent d’ores et déjà la capacité des gens à changer de comportement sous l’effet d’une incitation ou d’une émulation collective. Mais ces initiatives se déroulent pour la plupart dans des pays anglo-saxons. Qu’en est-il en France ? Et puis dans un territoire aussi particulier que peut l’être le Plateau de Saclay ? C’est ce que se propose donc d’examiner ce programme conçu en deux phases.
La première s’est déroulée en septembre-octobre. Elle a consisté à aller à la rencontre de salariés qui y travaillent. Comme le précise Nicolas Soulié (RITM– Université Paris Sud), l’ambition n’était pas de constituer un échantillon représentatif comme on le ferait pour un sondage. « Ce n’est pas le propos. En revanche, il s’agit d’identifier les personnes prêtes à changer leurs habitudes. »
L’équipe s’est donc rendue à divers endroits jugés stratégiques, à savoir : des restaurants d’entreprises ou universitaires, des halls d’établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les personnes se sont vu soumettre un questionnaire sur leur déplacements quotidiens. Elles ont été également invitées à visionner une des deux vidéos conçues spécialement : l’une mettant en avant les enjeux du point de vue des pouvoirs publics, l’autre mettant, au contraire, en avant les initiatives émergentes. Comme l’explique Jean-Marc Josset : « L’enjeu est de savoir l’impact du discours sur le comportement : les pratiques de co-organisation nécessitent un engagement individuel, souvent découragé par des enjeux difficiles à percevoir dans le quotidien et par un rapport tendu aux pratiques autoritaires (péages, radars…).»
Enfin, les personnes interrogées se sont vues proposer une géolocalisation de leurs déplacements effectués au cours des semaines suivantes. A la clé, une représentation en 3 D remise à la fin du mois de novembre. On en vient à l’autre enjeu de la recherche : voir dans quelle mesure la perception de sa mobilité et de ses effets peut aider à une prise de conscience et inciter à changer de pratique.
Si la première phase du programme vise d’abord à explorer des hypothèses, la seconde, qui va démarrer début 2014, se proposera de vérifier l’intérêt d’applications permettant d’évaluer ses déplacements (en termes de temps passé, d’humeur, de nombre de personnes covoiturées…). Et ce, dans la logique du Quantified Self qui rencontre un grand succès pour les pratiques sportives ou de santé. « Mais, relève Jean-Marc Josset, force est de constater que rares sont les applications comme d’ailleurs les initiatives individuelles et collectives, qui parviennent à passer à grande échelle ». La question se pose donc d’identifier les mécanismes sociaux qui permettent l’établissement de nouvelles conventions, à commencer par l‘engagement individuel. « En présence d’enjeux qui les dépassent, les personnes vont considérer que ce n’est pas à elles de trouver une solution aux problèmes de mobilité, mais aux pouvoirs publics. »
Au-delà des enjeux de mobilité, le programme concourt à évaluer les possibilités offertes par les technologies numériques sur les modèles économiques. Comme l’explique cette fois Nicolas Soulié : « Force est de constater déjà le passage de modèles de valeur directe, à des modèles où la valeur est produite de manière indirecte, du fait des effets réseaux. » Et le même de nuancer ses effets quant il s’agit de mobilité, pour l’heure, du moins. « Les populations ne vont pas toutes d’elles-mêmes vers les nouveaux usages que rendent possibles ces effets réseaux. » On aura ainsi deviné l’ambition du programme : mettre au jour les incitations à même de changer les comportements. Un enjeu qui concerne aussi bien les personnes que les entreprises et les collectivités.
Pour accéder à la suite de la découverte de Mobidix à travers l’entretien que Jean-Marc Josset et Nicolas Soulié nous ont accordé, cliquer ici.
 Légende photo : Jean-Marc Josset (à gauche) lors d’une intervention auprès du personnel du Synchrotron.
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