Sébastien Lasnier, cofondateur et président de Synaptys neuroscience
Pour sa 9e édition, TEDx-Saclay avait donné rendez-vous le samedi 29 juin, au Chateauform’, le Palais des Congrès Paris-Saclay, à Massy avec pour thème cette année « Entre visible et Invisible». Nous y étions dès le matin pour assister aux conférences programmées dans le cadre du Village Innovation, avant de suivre la dizaine de talks. Une réussite : pas moins de 600 personnes avaient pris place dans l’amphithéâtre pour assister à ces derniers, auxquelles il faut ajouter toutes celles qui ont pu les suivre à distance. Auparavant, plus d’une centaine avaient répondu présent à chacune des tables rondes. Voici un premier écho de cette riche journée avec le témoignage de Sébastien Lasnier, cofondateur et président de Synaptys neuroscience, rencontré au Village Innovation. Avec son équipe, il s’emploie à trouver un traitement innovant… à la maladie d’Alzheimer.
- Si vous deviez pitcher, pour commencer, Synaptys neuroscience ?
Sébastien Lasnier : Notre start-up développe un nouveau médicament innovant pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. D’après les premiers résultats que nous avons obtenus, à partir d’essais cliniques, nous pensons être capables de ralentir la progression voire stopper la maladie.
- Comme est-ce possible ? Nous sommes au Village Innovation et vous m’annoncez le plus tranquillement du monde que votre start-up a de bonnes raisons de penser qu’elle pourra faire reculer cette maladie qui frappe de plus en plus de personnes… La compétition doit être rude avec d’autres start-up ou les big pharma ? Quelle est votre valeur ajoutée ?
S.L : C’est d’abord des recherches menées depuis plus de treize ans, auxquelles ont contribué pas moins de dix-huit chercheurs spécialisés dans les différents domaines de la recherche et du développement d’un médicament (chimie computationnelle, chimie médicinale, études précliniques et cliniques professeurs…), de quatre nationalités (française, états-unienne, canadienne et espagnole). Aujourd’hui, Synaptys neuroscience, c’est neuf scientifiques, dont cinq professeurs de médecine. Pour ma part, je viens de l’industrie pharmaceutique. Je connaissais déjà la molécule pour laquelle nous travaillons. 90% des travaux de recherche qui sont menés dans ce domaine, depuis une trentaine d’années, se focalisent sur une seule et même cible. Notre particularité est de travailler à la combinaison de modes d’action, un peu comme on le fait en oncologie depuis une vingtaine d’années.
Il faut garder à l’esprit que le cerveau, avec ses boucles de contrôle et de rétro-contrôle est un organe très complexe. De plus, on le sait, la maladie d’Alzheimer est de nature multifactorielle. Nous ne pouvons donc pas faire autrement que d’agir selon différents axes pour adresser ce type de pathologie. Comme on le fait déjà pour d’autres traitements, on cherche à associer plusieurs modes d’action pour obtenir des résultats plus efficaces.
Concrètement, nous travaillons donc à combiner deux molécules assemblées dans un même médicament que le patient pourra prendre sous la forme de comprimés ou de gouttes. Malheureusement, ce sera un traitement à vie – il s’agit de lutter contre des processus neurodégénératifs, dès le moment où les risques de pathologie sont diagnostiqués, à partir de la cinquantaine en général. Nous travaillons cependant à rendre ce traitement aussi efficace que possible et sans effets secondaires majeurs. C’est une différence par rapport aux anticorps monoclonaux qui sont encore difficiles à administrer à cause de graves effets secondaires.
- Quels sont vos rapports avec l’écosystème Paris-Saclay ?
S.L. : Je fais partie de ces startuppeurs qui ont suivi le processus inverse, traversé l’Atlantique dans le sens ouest-est : j’ai développé une biotech aux Etats-Unis, pendant sept années, avant de revenir en France pour bénéficier de l’aide publique apportée à la recherche. En me rapprochant de l’écosystème Paris-Saclay, j’ai découvert IncubAlliance, où nous sommes incubés. Je tiens d’ailleurs à remercier l’équipe pour son aide bienveillante, la manière dont elle nous connecte avec cet extraordinaire écosystème, en nous ouvrant notamment les portes d’organismes de recherche aussi prestigieux que l’Inserm, par exemple, et d’autres établissements de recherche, qui pourront nous être utiles pour les besoins des études précliniques et cliniques à venir.
- Une inscription dans l’écosystème Paris-Saclay que vous poussez jusqu’à participer au Village Innovation de TEDxSaclay. En quoi était-ce important pour vous ?
S.L. : J’ai fait la démarche de créer la société sur le plateau de Saclay pour y trouver les multiples compétences dont nous avons besoin, et bénéficier pleinement des effets de réseau. Une manifestation comme celle-ci offre à cet égard de belles opportunités de rencontres avec des partenaires potentiels.
- Qu’est-ce qui vous a prédisposé à vous lancer dans cette lutte contre la maladie d’Alzheimer au travers d’un projet entrepreneurial ? Des proches atteints de cette maladie ?
S.L. : Malheureusement, comme beaucoup de monde, je compte une proche qui a été atteinte de cette maladie, en l’occurrence ma grand-mère. Je l’ai accompagnée jusqu’à son dernier souffle, comme j’ai pu. Avec d’autres proches, nous sommes parvenus à doubler son espérance de vie, à compter de l’année où la maladie s’est manifestée, mais dans des conditions compliquées pour tout l’entourage. Une expérience qui m’a conforté dans l’envie de creuser la question, de façon à trouver une solution dans l’intérêt du patient et de sa famille.
- Comme mes lecteurs ne pourront pas s’en rendre compte, je précise que vous parlez posément. On subodore cependant une force de caractère pour relever ce défi et faire montre d’autant de persévérance…
S.L. : (Sourire). Je ne sais pas s’il y a une recette miracle. Une chose est sûre : le chemin a été très difficile – treize ans sans encore pouvoir percevoir un salaire… Il m’a fallu trouver des solutions annexes pour continuer à développer le projet. Forcément, cela exige un minimum de résilience. Parfois, le doute vous prend. Faut-il continuer ? Heureusement, le simple fait de jeter un œil sur le chemin parcouru et, surtout, l’enjeu de nos recherches, l’espoir que nous pouvons redonner à tant de familles, cela, forcément, nous booste.
- Sans compter que le startupper que vous êtes n’est pas seul. Il a su s’entourer d’experts et de compétences…
S.L. : Vous faites bien de le rappeler. Entreprendre tout seul, dans son coin, ce n’est tout simplement pas possible. Et puis il y a tout cet écosystème, grâce auquel j’ai pu constituer un board à la fois scientifique et stratégique, particulièrement robuste et impliqué.
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