Vous n’avez pas pu vous rendre à l’édition 2019 de Paris-Saclay SPRING ? Nous vous en proposerons plusieurs échos à travers des entretiens et des comptes rendus de visites et de conférences. Et en commençant par la fin… la cérémonie de clôture, pour vous en rappeler sans tarder les noms des start-up lauréates du Pitch Contest, mais aussi les sept ingrédients à même d’assurer la réussite d’un cluster, selon le Cédric Villani, qui introduisait cette cérémonie par un discours digne d’une conférence TEDx !
Et les lauréats sont… Les 25 start-up qui avaient participé au Pitch Contest de cette édition 2019 de Paris-Saclay SPRING (Pitch Contest décliné en cinq thématiques : Cybersécurité ; Energie Climat Environnement ; Mobilité ; Santé ; Smart Manufacturing) attendaient, comme on s’en doute, avec impatience ce moment : la cérémonie de clôture, synonyme d’annonce des résultats ! Il leur fallait cependant patienter avant que les noms des lauréats soient révélés. Les personnes invitées à ouvrir les enveloppes prenaient un malin plaisir à faire durer le suspens… Le temps, il est vrai, de justifier leur choix et de rendre compte brièvement de la tonalité des échanges entre les membres du jury. Auparavant, il leur fallut entendre plusieurs discours. A commencer par celui de Cédric Villani.
7 ingrédients déclinés en mode TEDx…
Mieux qu’un discours ; une sorte de TEDx (dont il est un habitué), qui avait rien moins pour objectif que de démontrer combien il importe qu’un événement comme Paris-Saclay SPRING soit pérenne, pour parvenir à susciter une véritable communauté des acteurs de l’écosystème. C’est évident, mais reconnaissons que cela va mieux en le disant, surtout quand c’est un médaillé Fields, qui le dit, en plus de mettre du baume au cœur des organisateurs. Et le même de citer les exemples de Thecamp, des Napoleons (organisés par l’Académie éponyme) et d’autres manifestations ou institutions où « on prend l’habitude de se retrouver, de se rencontrer, entre personnes qui ont à cœur de changer le monde, en croisant les regards, sans a priori, et de voir l’avenir en grand ». Lui-même donne l’exemple en honorant pour la seconde fois Paris-Saclay SPRING de sa présence et en annonçant qu’il y sera de nouveau l’an prochain. « Quoi qu’il arrive »…
Mais inscrire un événement dans la durée, cela impose, prévient-il, de consentir des efforts, car sa réussite ne se décrète pas. Ce n’est pas les organisateurs qui le démentiront, eux qui y travaillent un an à l’avance. Et Cédric Villani de décliner les « ingrédients » à réunir pour, de manière générale, qu’un projet passe durablement de la simple idée à la réalité. Des ingrédients qui sont au nombre de sept :
– ingrédient 1 : la documentation, le savoir accumulé préalablement et sur lequel on s’appuiera pour développer son idée ;
– ingrédient 2 : la motivation, l’ingrédient « le plus insaisissable et le plus important aussi », selon Cédric Villani pour qui, encore, « le plus grand danger qu’encourt la science, c’est l’extinction de toute motivation chez les chercheurs » ;
– ingrédient 3 : un environnement adapté : un bureau, un laboratoire, une école,… bien équipé(s) ou tout simplement agréable à vivre, propice aux interactions avec d’autres personnes d’horizons différents.
– ingrédient 4 : les échanges, justement. On ne parvient à creuser son idée que si « on la fait résonner avec celles d’autres personnes ». Et différentes de la sienne, tant qu’à faire ;
– ingrédient 5 : les contraintes, oui, les contraintes car ce sont-elles qui poussent à la créativité, à être imaginatif, à sortir des sentiers battus ;
– ingrédient 6 : la persévérance car « c’est à force de persévérance, que l’idée imprègne mais aussi que peut subvenir ce moment décisif, dans tout processus de recherche, à savoir l’illumination. » La fameuse ampoule qui s’éclaire au-dessus de la tête. Soit un juste équilibre entre réflexion organisée et l’imprévu qu’il faut savoir saisir (ce à quoi nous acquiesçons en nous étonnant juste que Cédric Villani ne parle pas de sérendipité, car c’est un peu de cela qu’il s’agit).
– ingrédient 7 : la chance ; tout scientifique ou chercheur qu’on soit, il en faut bien aussi pour trouver le bon théorème, le bon modèle, la bonne solution à un problème…
… qui valent aussi pour un projet de cluster
Et ce qui vaut pour une idée vaut aussi pour un projet d’aménagement comme celui de Paris-Saclay ! Les mêmes ingrédients se révèlent de fait avoir été nécessaires – on a désormais assez de recul pour s’en rendre compte – pour que le cluster en soit au stade de maturation qu’il connaît. Démonstration, ingrédient par ingrédient, par le même Cédric Villani :
– ingrédient 1 : « C’est par un travail de documentation préalable que le cluster a pu prendre forme. » Manière de dire qu’on ne partait pas d’une page blanche. Et Cédric Villani de rappeller les projets antérieurs d’aménagement, qui prévoyaient une densification totale du Plateau de Saclay (comme on l’imagine, il songe au Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris – SDAURP – défini en 1965 par Paul Delouvrier, dans le prolongement de ce qui avait été fait du côté de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines). « On sait aujourd’hui combien cela aurait été une erreur. »
– 2e ingrédient : ce même projet de cluster n’aurait pu non plus voir le jour sans motivation. Et dieu sait s’il en a fallu et si les pouvoirs publics ont su en faire preuve. « Des projets de clusters innovants, reposant sur une volonté des pouvoir publics, sont rares de nos jours. »
– 3e ingrédient : des échanges entre individus mais aussi entre institutions, le cluster en est le théâtre quotidien. Des échanges locaux, qui se manifestent lors des inaugurations et événements qui s’y déroulent. Mais aussi des échanges de portée plus internationale : ceux que chacun (chercheur, enseignant, entrepreneur…) peut entretenir au travers de ses propres réseaux et qui ne peuvent qu’enrichir l’écosystème ;
– 4e ingrédients : les contraintes. C’est peu dire que le territoire n’en manque pas (du fait de sa morphologie – des plateaux et des vallées – de la multiplicité des acteurs, sans compter les réglementations, les contraintes financières, etc.). Mais au moins forcent-elles à innover. Cédric Villani cite « la question des transports, 100 fois remise au devant de la scène », mais qui ne peut que motiver les acteurs à mettre en place des systèmes innovants en matière de mobilité (sous entendu, sans attendre l’arrivée de la Ligne 18 du Grand Paris Express…) ;
– 5e ingrédient : des projets réfléchis combinés à des moments d’illumination. Le fameux « Mais bon sang, que c’est bien sûr », donc. Cédric Villani l’illustre en rapportant la réaction d’un élu pour qui tout a fini par s’éclairer au bout d’un certain temps après des années de réflexion sur le lieu d’implantation d’un nouvel établissement de recherche.
– 6e ingrédient : de la persévérance, il en a fallu aussi. « Le simple fait qu’on soit arrivé à un tel niveau d’échange montre que notre persévérance a été récompensée » ;
– 7e ingrédient : la chance, donc. Elle n’aura pas été de trop pour qu’on puisse avoir l’opportunité de se retrouver comme on le fait en ce mercredi 15 mai, à l’occasion de la 2e édition de Paris-Saclay SPRING : « un emblème de tout ce qui est recherché à travers le projet de Paris-Saclay, à savoir : la création d’un endroit où on est heureux de se retrouver et où on apprécie l’aspect accueillant du territoire. » C’est peu dire si ce sont des paroles, qui nous parlent : au fil des événements et autres rendez-vous du cluster, auxquels il nous a été donné d’assister, nous avons pu constater le plaisir que les gens ont effectivement à s’y rendre, a fortiori quand c’est la première fois (malgré les problématiques d’accessibilité, l’effet waouh est au rendez-vous) et même à s’y attarder (il est vrai que quand on y arrive, on y réfléchit à deux fois avant de repartir aussi peu vite qu’on y est arrivé).
Un cluster pas comme les autres
Naturellement, les sept ingrédients valent pour les autres clusters ou projets de ce genre. Mais Paris-Saclay n’en a pas moins son originalité propre, son caractère unique. Et pas seulement du fait de l’exceptionnelle concentration des moyens de recherche et d’innovation, technologiques et humains. Paris-Saclay, c’est aussi un environnement à la fois historique et agricole sans équivalent. « Les enjeux n’y sont pas que technologiques. Ils touchent à l’alimentation durable, à la manière dont on s’alimentera demain. » Des paroles qu’il joint à un engagement fort, en présidant, rappelle-t-il, le Comité consultatif mis en place auprès de l’EPA Paris-Saclay (pour en savoir plus, cliquer ici). Le même se veut optimiste, a fortiori quand chez lui l’élu (Cédric Villani est député de la 5e circonscription de l’Essonne) reprend manifestement le pas sur le chercheur, avec des propos dignes d’un candidat : « Rien ne nous arrêtera, les difficultés seront surmontées les unes après les autres ».
Un optimisme au demeurant pas démenti par les intervenants suivants : les représentants des deux CCI partenaires (CCI des Yvelines et CCI de l’Essonne), qui comme à leur habitude, interviennent en duo : Gérard Bachelier, président de la CCI des Yvelines, et Jérôme Brette, vice-président Services de la CCI Essonne (par ailleurs président du Réseau Entreprendre Essonne).
Last but not least, les mots de conclusion revinrent à Lionnel Groot, DG de Paris Région Entreprise, qui tint à parler en anglais pour rester dans la langue « officielle » choisie pour la table ronde sur les clusters, puis à Philippe Van de Maele, directeur général de l’EPA Paris-Saclay qui citera fort à propos l’économiste américain Edward Glaeser, selon lequel « les idées traversent les couloirs et les rues plus facilement que les continents et les océans ». Manière de souligner la nécessaire proximité entre les acteurs de l’innovation, fût-elle occasionnelle (ces acteurs n’ont pas besoin d’interagir en permanence entre eux), comme facteur de confiance. Ce qui suppose des lieux et des temps de rencontre. Ce dont l’écosystème est riche comme en témoigne, outre les 33 lieux d’innovation recensés, l’organisation d’un événement comme Paris-Saclay SPRING. Et Philippe Van de Maele de donner la réponse à la question qu’on avait tous en tête : il y en aura bien une 3e édition.
Au fait, les lauréats du Pitch Contest ! Merci aux lecteurs d’avoir patienter jusqu’ici. Il s’agit donc :
– dans la catégorie Cybersécurité : Scille, spécialisée dans la conception, le développement et l’exploitation de services métier web-standardisés et en mode Cloud ;
– …. Energie, Climat, Environnement : Spotlight, qui vise à optimiser l’exploitation des sous-sols pour préserver l’environnement ;
– … Mobilité : FMx, qui conçoit des moteurs de bateaux inspirés du biomimétisme (en remplaçant les hélices par des palmes avec des économies d’énergie à la clé) ;
– … Santé : Lumedix, qui utilise des nanoparticules luminescentes pour réaliser des tests médicaux, une technologie contribuant à démocratiser l’accès à des tests médicaux hyper-sensibles, notamment pour la détection de pathologies infectieuses comme la tuberculose.
– enfin, dans la catégorie Smart Manufacturing : Inbolt, qui se propose de digitaliser des processus de production manuels.
Un beau millésime comme on peut le voit, d’autant plus qu’à en croire les jurys, les lauréats ont été à chaque fois difficiles à départager. Et manifestement ce n’était pas une formule de style.
A lire aussi :
– les comptes rendus de notre test d’un véhicule autonome dans le cadre du projet Paris-Saclay Autonomous Lab (pour y accéder, cliquer ici) et de la table ronde « VC’s meet Clusters » (cliquer ici) ;
– les entretiens avec Barthélémy Bourdon Barón Muñoz, CEO et cofondateur de Hajime, une start-up qui s’est placée à l’interface de la psychologie sociale et de l’IA pour améliorer l’observance thérapeutique (pour y accéder, cliquer ici) ; Nadège Faul, responsable des projets de transport autonome au sein de VEDECOM (cliquer ici) ; Sylvain Franger et Arun Kumar Meena, chercheurs l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (Université Paris-Sud), qui participent au développement d’une nouvelle génération de batteries (cliquer ici) ; Laëtitia Pronzola, fondatrice de Lotaëmi, une start-up, qui a conçu un baume essentiel pour soin capillaire et peau sèche à base d’ingrédients 100% naturels (cliquer ici).
Journaliste
En savoir plus