Entretien avec Claire Lenz, directrice du développement et de la communication de l'IHES
Suite de nos échos à l’inauguration, le 18 janvier dernier, du Lumen (le Learning Center de l’Université Paris-Saclay), qui fut l’opportunité de croiser de nombreux acteurs de l’écosystème. Dont Claire Lenz, que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer. C’était en 2015, elle était alors responsable de la communication internationale de l’École Polytechnique. Elle est désormais directrice du développement et de la communication du tout aussi prestigieux Institut des Hautes Études Scientifiques (IHES). Forcément, nous n’avons pas résisté à l’envie d’en savoir plus.
- Je vous croise à l’occasion de l’inauguration du Lumen. La dernière fois que je vous ai interviewée, c’était à la fin 2015 et vous étiez alors en charge de la communication internationale de l’École polytechnique…
Claire Lenz : En effet. En août 2020, j’ai été nommée directrice du développement et de la communication de l’IHES, l’Institut des Hautes Études Scientifiques.
- Pouvez-vous rappeler la vocation de ce lieu prestigieux ?
C. L. : L’IHES est un institut de recherche en mathématiques et physique théorique, petit par la taille – rien à voir avec Polytechnique en termes d’effectifs, d’autant qu’il est entièrement dédié à la recherche ; on n’y dispense pas d’enseignement -, mais grand par la renommée. Depuis sa fondation, il a compté un peu plus d’une vingtaine de professeurs permanents – un titre honorifique au sens où ceux-ci sont déchargés de toutes contraintes d’enseignement et administratives. Parmi eux, pas moins de treize mathématiciens dont huit médaillés Fields, et trois lauréats du prix Abel, soit un concentré d’esprits brillants sans égal dans le monde.
Rappelons encore que l’IHES a été fondé en 1958 sur le modèle de l’Institute for Advanced Studies de Princeton, dirigé à l’époque par Robert Oppenheimer, lequel a d’ailleurs été membre du conseil scientifique de l’IHES à sa création.
En plus de professeurs permanents et de chercheurs CNRS, l’IHES accueille en résidence des scientifiques du monde entier, pour des séjours de quelques jours à six mois, un an – soit deux mois et demi en moyenne. Nous disposons d’une soixantaine de logements, à 5-10 mn à pied de l’Institut, dans la commune de Bures-sur-Yvette. Pour ces visiteurs, ce séjour constitue une parenthèse dorée : ils viennent le plus souvent dans le cadre d’un « sabbatical » (congé sabbatique), pour se consacrer uniquement à leurs travaux de recherche.
Si l’IHES n’a pas vocation à dispenser des enseignements, il n’en accueille pas moins des doctorants et postdocs, et, à l’occasion de ses Écoles d’été qui ont contribué à faire sa réputation à l’international, quelques étudiants en master.
- En quoi consiste votre travail au sein de cet institut ? Y communique-t-on comme on le ferait dans n’importe quel autre organisme de recherche ?
C. L. : Non, effectivement. En plus de la communication, j’ai d’ailleurs en charge son développement, c’est-à-dire le fundraising. C’est l’une des trois sources de financement du budget de l’institut avec les subventions du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et les fonds publics qui lui sont alloués – les bourses et les contributions de partenaires français (CNRS, Université Paris-Saclay) et étrangers (par exemple, la Max-Planck Gesellschaft d’Allemagne ou l’Académie Suisse des Sciences Naturelles). Mon travail consiste donc à convaincre de nouveaux donateurs privés aussi bien en France qu’à l’international.
- Dans quelle mesure son inscription dans l’écosystème Paris-Saclay sert-il ses projets ?
C. L. : Dès le départ, le choix de l’implantation de l’IHES à Bures-sur-Yvette avait été motivé par la présence d’organismes de recherche qui s’étaient installés dans les environs, dans le sillage du CEA, dont l’installation sur le plateau a précédé de quelques années sa propre création. Ce choix s’est trouvé conforté les décennies suivantes par l’installation de nouveaux établissements d’enseignement supérieur et de recherche (la Faculté d’Orsay, l’Université Paris-Sud, l’École Polytechnique…) jusqu’à la création de l’Université Paris-Saclay [officiellement en novembre 2019] dont l’IHES est d’ailleurs un des membres fondateurs. Cette inscription dans l’écosystème se traduit aujourd’hui par de nombreux échanges notamment à travers la Fondation Mathématique Jacques Hadamard (FMJH), qui a vocation à fédérer la communauté des chercheurs en mathématique à l’échelle de l’Université Paris-Saclay et de l’Institut Polytechnique de Paris. Outre un cycle de cours conçus à la manière de ceux du Collège de France, nous accueillerons des « Leçons Hadamard » organisées en partenariat avec la FMJH. Nous accueillons également la rentrée de doctorants, postdocs et masters en mathématiques de l’Université Paris-Saclay. Pas plus tard qu’hier, nous avons accueilli l’événement « Maths en herbe », organisé à l’initiative de la FMJH, à l’intention d’étudiants en 3e année de licence de l’Université Paris-Saclay, ou de niveau Bachelor de Polytechnique, ou encore de l’ENS Paris-Saclay. Ils ont eu ainsi le plaisir de pouvoir rencontrer des mathématiciens et mathématiciennes de l’Institut parmi lesquels Cédric Villani, qui ouvrait cette journée. En plus de conférences sur des travaux en mathématiques et physique théorique, cette journée est l’occasion de leur présenter des parcours de recherche qui s’ouvrent à eux de façon à leur permettre de se projeter dans une éventuelle carrière dans ces domaines.
- Un IHES pleinement inscrit, donc, dans l’écosystème Paris-Saclay. Ce dont témoigne d’ailleurs votre présence à l’inauguration du Lumen…
C. L. : Oui, en effet. L’écosystème Paris-Saclay se nourrit de lieux ouverts comme le Lumen que l’on ne peut ignorer. L’IHES dispose en son sein d’une bibliothèque qui n’a pas d’autre prétention que de mettre à disposition quelques ouvrages, sachant que nos résidents qui souhaitaient disposer d’ouvrages plus spécifiques peuvent les consulter à la bibliothèque d’Orsay, la bibliothèque nationale référence en mathématiques. Le Lumen est un plus : il élargit encore le fond dont ils peuvent disposer, a fortiori pour ceux appelés à se rendre qui à CentraleSupélec, qui à l’ENS Paris-Saclay, qui ailleurs, et disposant d’un peu de temps avant ou après un rendez-vous. Car nos chercheurs n’ont pas vocation à rester confinés sur le site de l’IHES. D’ailleurs, la plupart mettent à profit leur séjour pour découvrir l’écosystème, à l’occasion d’échanges et de balades avec des collègues.
- Quelle est votre prochaine actualité ?
C. L. : Avec la communauté mathématique de l’Université Paris-Saclay, nous participons à l’organisation d’une exposition qui se tiendra en mars au Lumen : « Just Do Maths ! ». Destinée à lutter contre les stéréotypes, elle présentera dix portraits de mathématiciennes. Le 5 mars, à 18 h, un atelier de parole portera sur la parité en mathématiques. Il sera animé par la mathématicienne Mélanie Guenais, vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du collectif « Maths & Sciences ». Tout le monde est le bienvenu. C’est une belle initiative que je promeus, à la fois en tant que directrice de la communication de l’IHES, mais aussi en tant que membre du Conseil de la Graduate School de mathématiques de l’Université Paris-Saclay. L’exposition se tiendra ensuite à l’IHES au mois d’avril et nous organiserons à notre tour un événement, le 4 avril. Pour plus d’informations, j’invite vos lecteurs à se rendre sur le site de l’Université Paris-Saclay [pour y accéder, cliquer ici]
Copyright (portrait de Claire Lenz) : Jérémy Barande / École Polytechnique.
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