– Pour commencer, pouvez-vous préciser l’objectif de votre atelier ?
Cet atelier se déroule sur une journée avec une première partie consistant à faire découvrir la nature exacte de ce phénomène qu’est le son. Les enfants sont invités à réaliser une première série d’expériences avec divers instruments – un diapason, un haut-parleur, une cuve à onde et un sonomètre. Ils en viennent ainsi à découvrir progressivement la dimension ondulatoire du son. Une autre expérience leur permet de comprendre que ce même son a besoin de l’air pour se propager. Elle repose sur une cloche sous laquelle est placé un métronome. A mesure que l’air disparaît, les élèves peuvent constater que le son s’amenuise avant de disparaître (quand la cloche est vide). Toujours au cours de cette séquence, nous nous intéressons aux conditions de sa production – l’occasion de découvrir le principe des cordes vocale – et à la manière dont on le perçoit – l’occasion, cette fois, de découvrir le fonctionnement de nos oreilles et des autres composantes de l’appareil auditif….
– Quid de la musique que vous affichez dans l’intitulé de votre atelier ?
J’allais y venir. C’est l’objet de la seconde séquence, qui se déroule l’après-midi. Une fois le son bien appréhendé, les enfants passent en quelque sorte aux applications pratiques, à travers l’exemple soit de la guitare, soit de la flûte. La classe est donc séparée en deux groupes, le but étant dans un cas comme dans l’autre de comprendre pourquoi le son a telle ou telle qualité, pourquoi il est plus ou moins aigu, plus ou moins grave, comment il se comporte avec l’un ou l’autre des instruments de musique. A l’issue de la journée, l’ensemble des élèves sont invités à échanger leurs expériences à l’occasion d’une séance de restitution – chaque partie de la classe explique à l’autre ce qu’elle a fait, de façon à pouvoir débattre, échanger. Car la science, c’est aussi cela : un travail collectif et des échanges, qui procèdent à base d’hypothèses.
On peut voir le chemin parcouru rien qu’en une journée. Au début, quand je demande aux élèves ce qu’est un son, ils répondent le plus souvent que c’est du bruit et puis c’est tout. Nous nous gardons de leur donner la réponse. L’atelier n’est pas un cours ! Nous laissons les élèves progresser par eux-mêmes et ensemble au travers d’expérimentations et, encore une fois, de la formulation d’hypothèses. Ce que suggère bien la manière dont a été aménagée la salle, comme l’ensemble de la MISS : de façon à évoquer l’univers du laboratoire.
– Comment réagissent les enfants ?
Ils se montrent très curieux et intéressants. Nous veillons à ce que chacun participe, mais en réalité, nous n’avons pas à les y pousser. Il n’y a pas un enfant, qui ne veut procéder à des manips. Je les encourage par ailleurs à poser toutes les questions qu’ils veulent – ils ne seront pas noter ! Et ils ne s’en privent pas. La plupart ont déjà de bonnes connaissances de base. Leurs questions sont souvent pertinentes. On s’efforce de rapporter les moindres observations qu’ils peuvent faire lors des manips à des cas concrets. Histoire de ne pas rester dans l’abstraction, qu’ils puissent percevoir l’utilité de la science pour éclairer des phénomènes de la vie quotidienne.
– Sont-ils pertinents au point d’inspirer des hypothèses à la doctorante que vous êtes ? D’ailleurs, quel est le sujet exact de votre thèse ?
Il n’a guère à voir avec celui de l’atelier. Ingénieur chimiste de formation, diplômée de l’ENSCR, je suis actuellement doctorante en chimie analytique à l’Institut de chimie des substances naturelles [le pôle chimie du campus CNRS de Gif-sur-Yvette] sous la direction de Carine van Heijenoort et de Jean-Nicolas Dumez. Mon sujet de thèse porte sur le développement de séquences RMN dite « ultrarapide » appliquées à l’analyse de mélange de petites molécules. Ce qui m’intéresse, c’est d’identifier celles qui entrent dans la composition d’un mélange et de les séparer, d’accélérer les méthodes d’analyse. J’utilise beaucoup la programmation pour traiter mes données de manière efficace. D’ailleurs j’ai pu utiliser cette compétence au cours d’un autre atelier que j’anime qui est programmation et instrumentation.
– Mais comment expliquer alors que vous animiez cet atelier ?
C’est le principe de la MISS, que de solliciter des doctorants pour des ateliers qui ne correspondent pas forcément à leurs travaux de recherche. L’enjeu étant de nous permettre aussi de parfaire des méthodes de pédagogie. En dehors de cet atelier, j’interviens dans les ateliers « communication animale », « programmation informatique », enfin, « histoire des nombres et mathématiques ». Et c’est aussi cette diversité des sujets traités, qui m’a motivée à poser ma candidature. Cela m’a d’ores et déjà permis d’apprendre beaucoup de choses, qui, à défaut de nourrir ma thèse, m’ouvrent l’esprit. L’atelier sur l’histoire des nombres, en particulier, est passionnant. Si on m’avait dit qu’un jour je me retrouverais à écrire en caractères cunéiformes sur de l’argile ! (Rire) Et puis les élèves sont si mignons ! Ils ont tout le temps la pêche. Rien de tel pour vous requinquer. Quand ils sont contents, ils laissent même de petits mots sur le tableau. D’autres vont jusqu’à donner des bonbons. Leur manière à eux de manifester leur reconnaissance. Et puis Valérie Fortuna [la directrice de la MISS] est extrêmement passionnée par ce projet et c’est une passion qu’elle nous communique tous les jours en se montrant particulièrement disponible. Participer à la MISS est une des meilleurs choses que j’ai faite au cours de ma vie !
– Quel enthousiasme ! Quelle est la part accordée à la dimension ludique ? Je pose d’autant plus la question que me revient en tête, en vous écoutant, le propos de Pierre Joliot que nous avons eu le plaisir d’interview, et qui dit en substance que la recherche ne vaut d’être menée que si elle est vécue comme un jeu… [pour accéder au premier volet de l’entretien avec Pierre Joliot, cliquer ici].
C’est exactement cela. Encore une fois, les ateliers sont menés fors du cadre scolaire : les élèves ne sont pas notés. Raison de plus pour poser les questions qu’ils n’oseraient pas poser à l’école. Et de le faire en s’amusant car on retient mieux les résultats de ses expériences quand on y prend du plaisir. A l’issue de l’atelier, les élèves peuvent donc se transformer en DJ ou créer leur propre composition musicale. Étant entendu que la science est aussi quelque chose de sérieux. Si donc les élèves peuvent s’amuser, rire, chanter, faire des blagues, c’est à la condition qu’on avance et ensemble. Et c’est ce qui se passe. Une relation de complicité s’instaure très vite. Au point qu’ils n’hésitent pas à poser des questions sur mon propre parcours et leur orientation. A cet égard, le fait que la MISS soit dans un environnement universitaire n’est pas anodin. Cela les incite à s’interroger sur leur avenir, les études supérieures qu’ils feront plus tard.
A lire aussi les entretiens avec Camille Baida, médiatrice de l’association ArkéoMédia (pour y accéder, cliquer ici) ; Coralie Caron, qui poursuit une thèse en biochimie à l’Institut Curie, de la Faculté des sciences d’Orsay (cliquer ici) ; Mélanie Guenais, enseignante-chercheuse du département de mathématiques d’Orsay (cliquer ici) et Raphaëlle Momal, doctorante en mathématiques appliquées, d’AgroParisTech/Inra (cliquer ici) ; enfin, le compte rendu que nous avions fait de l’inauguration (cliquer ici).
Suite de nos échos à l’inauguration de la MISS (Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences), intervenue le 12 juillet 2018, avec le témoignage de Ludmilla Guduff, doctorante en chimie analytique, qui anime notamment un atelier sur le thème de la musique dans son rapport aux maths…
Journaliste
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