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Science & Culture

Le design ou l’art d’apprendre tout au long de la vie.

Le 2 janvier 2018

Suite de nos échos à l’inauguration de The Design Spot, intervenue le 5 décembre 2017, à travers, cette fois, le témoignage d’Ellen Tongzhou Devigon-Zhao, une designer rencontrée par hasard et qui se trouve avoir participé à la conception du logo de l’Université Paris-Saclay !

– Si vous deviez commencer par vous présenter…

Je fais toutes sortes de choses, à la confluence de plusieurs disciplines. S’il faut un mot pour décrire ce que je fais au plan professionnel, le mot de designer conviendrait bien a priori.

– Vous illustrez donc bien ce qui a été dit au cours de la cérémonie d’inauguration de The Design Spot, à savoir le fait que le design est une discipline transversale…

Oui, et cette idée est d’ailleurs présente jusque dans mon nom : en chinois, Tongzhou désigne le fait de partager un but, un cap, avec d’autres, comme on le ferait en étant sur un même bateau.

– C’est dire si vous étiez prédestinée à faire du design !

(Rire). C’est dire aussi si cela suppose de savoir communiquer, car vos interlocuteurs sont des gens d’horizons professionnels et disciplinaires très différents.

– Comment en êtes-vous venue à travailler dans le design ?

J’ai toujours été attirée par le design, sa dimension tout à la fois fonctionnelle, démocratique et interdisciplinaire. Il contribue à la vie en société d’une façon très concrète.
Je suis née en Chine, mais ai grandi aux Etats-Unis, où j’ai poursuivi des études en maths et sciences, avant d’y étudier et pratiquer le design. En 1999, j’avais été admise à la Cooper Union for the Advancement of Science and Art (une institution tellement prestigieuse que le taux d’admission est équivalent à celui de Harvard !) Bien qu’admise dans l’école d’ingénieurs de la Cooper Union, j’ai décié, contre l’avis de mes parents, de suivre les enseignements en beaux-arts de la même école. J’ai eu Philippe Apeloig comme professeur : une grande figure dans le design français, qui avait été entre autres ancien directeur artistique du Louvre.

– Qu’est-ce qui vous a décidée à venir en France ?

Avant de m’y rendre, j’ai fait un séjour à Amsterdam à la Rietveld Akademie. C’est à cette occasion que j’ai eu envie de rester en Europe. J’ai fait part de cette intention à Philippe, qui m’a invitée à travailler dans son atelier. J’ai donc poursuivi mes études à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (EnsAD). Puis j’ai commencé à pratiquer professionnellement le design. Malheureusement, c’est aussi à ce moment-là que j’ai été « invitée » à quitter le territoire français… Du coup, j’ai créé ma propre société, BURO-GDS, aux Etats-Unis. Ce n’est qu’en 2009 que je suis revenue en France et m’y suis mariée. En 2015, j’ai fait l’ENSCI Les Ateliers puis, l’année suivante, un MBA de l’Ecole des Ponts et Chaussées [post-scriptum : le diplôme lui a été remis quelques jours après l’entretien]. Comme vous pouvez le constater, je suis une professionnelle des études !

– Mais comment avez-vous pu faire toutes ces études ? Vous paraissez si jeune !

Non, non, détrompez-vous, je suis moins jeune que j’en ai l’air (rire). Mes premières études supérieures, je les ai entamées en 2004… C’est la curiosité, l’amour d’apprendre et l’envie de partager des expériences avec les autres qui m’ont donné et donnent encore l’énergie de le faire.

– Etant entendu que vous n’avez cessé d’étudier tout en menant des activités professionnelles…

En effet, l’agence que j’ai créée aux Etats-Unis a été enregistrée en France, sous le même nom, avec un collègue. Donc, pour être précise, je dirai que ma profession consiste tout à la fois à designer et à étudier ! Je ne pense pas que ce soit quelque chose d’exceptionnel. On devrait apprendre tout au long de la vie.

– Connaissiez-vous le contexte de Paris-Saclay ?

Oui, bien sûr. C’est mon agence, BURO-GDS, qui a été retenue en 2014, par l’Université Paris-Saclay pour l’accompagner dans la conception de son identité visuelle.

– ?!

J’ai été tout aussi surprise que vous d’être retenue. Mon équipe et moi sommes arrivés sur le projet comme un petit oiseau tombé du nid. Par chance, nous avions repéré l’appel d’offre. Nous y avons répondu, mais sans nous faire trop d’illusions. A notre grande surprise, nous nous sommes retrouvés dans la short list. Tant et si bien que, quand je suis venue pour défendre notre proposition, je me souviens de m’être dit, « Mais qu’est-ce que je fais-là ? ». C’est tout de même l’Université Paris-Saclay dont il s’agissait ! Mais peut-être que notre approche trans-culturelle du design (nous avons conservé un bureau à New York), correspondait aux attentes d’une université qui a des ambitions mondiales. Une chose est sûre : Marie-Pauline Gacoin, la directrice de la communication, avait beaucoup aimé notre portfolio qui donnait nos réalisations pour l’Institut français, l’Institut du Monde Arabe, le Louvre [en illustration de cet article], etc.

– C’est donc vous qui avez conçu ce logo…

Avec d’autres, je tiens à le préciser. La conception a été le fruit d’un travail d’équipe, avec les responsables de communication de l’ensemble des établissements membres de l’Université Paris-Saclay. Il doit aussi beaucoup à l’implication de Marie-Pauline Gacoin. Notre rôle a juste consisté à traduire en un visuel les idées ayant émergé de nos échanges.

– Cela a-t-il supposé une imprégnation du territoire ?

Oui, bien sûr. Nous ne connaissions pas vraiment l’Université Paris-Saclay avant que de répondre à son appel d’offre. Il nous a fallu nous en approprier le projet et l’ambition. La première étape d’un travail de design ne consiste pas en autre chose. Il s’agit d’abord de comprendre le contexte, de s’y immerger pour s’imprégner des aspirations et traduire cela en un logo. Ce qui tient du défi. Car, par définition, un logo doit être facile à appréhender au premier coup d’œil, tout en racontant une histoire complexe combinant l’héritage du passé, la situation présente et l’avenir dans lequel on veut se projeter. C’est justement le rôle du designer que de rassembler plusieurs éléments et de les exprimer en quelque chose dont on peut se souvenir ou qu’on peut reconnaître instantanément, tout en étant accessible au plus grand nombre – a fortiori quand il s’agit d’une université internationale : le visuel doit pouvoir être compris dans toutes les langues. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous nous sommes gardés, même au dernier stade de l’appel d’offre, de proposer un logo clé en main, mais plutôt un processus d’accompagnement. C’était un pari et pour nous et pour l’Université, qui l’a finalement accepté.

– Vous assistez à l’inauguration de The Design Spot. Est-ce à dire que vous avez conservé des attaches avec l’écosystème de Paris-Saclay ?

Oui. Mon agence continue à travailler en étroite collaboration avec l’Université pour ses supports de communication, et notamment la carte annuelle de vœux. Pour les besoins de The Design Spot, nous avons conçu une publicité. Et, naturellement, j’espère bien continuer à travailler pour et avec ce dernier.

– En tant que designer, quel regard portez-vous sur ce nouveau lieu ?

Un lieu comme celui-là contribue à rendre encore un peu plus visible l’écosystème de Paris-Saclay, qui en a besoin. La proximité de Paris lui fait encore de l’ombre, malgré toute la richesse qu’il recèle. En contribuant aussi à renforcer le dialogue entre chercheurs et designers, The Design Spot est bien dans l’esprit du projet de Paris-Saclay.

– Précisons que c’est encore un lieu de « préfiguration » et que son histoire reste donc encore à écrire…

En cela, il est bien à l’image du design, qui procède toujours ainsi, par itérations, tests successifs. Pour le dire autrement, dans le design, la destination compte moins que le voyage. Il ne cherche pas à promettre des choses extraordinaires, mais à faire émerger des solutions en étant plus dans le faire que dans la théorie pure. C’est précisément en cela que c’est une démarche stimulante, susceptible d’intéresser les chercheurs, qui, par définition, cherchent aussi.

A lire aussi les entretiens avec Jean-Louis Frechin, de l’agence Nodesign.net (pour y accéder, cliquer ici) et Yo Kaminagai,  Délégué à la conception du Département « Maîtrise d’ouvrage des projets » au sein de la RATP (mise en ligne à venir).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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