Le 11 février 2016, le Groupe Thématique du Pôle de compétitivité Systematic Paris-Region organisait une plénière sur ce thème dans la perspective d’un nouvel appel à projets. L’occasion pour une dizaine d’acteurs – grands groupes, PME, start-up, laboratoires, cabinets de consultants… – d’exposer leurs compétences et, pour CentraleSupélec, de présenter l’ICO, appelé à faire de Paris-Saclay un lieu de démonstration de l’intégration des nouvelles technologies du numérique dans les lignes de production industrielle.
Elle a tout l’air du serpent de mer. On en parle souvent – elle figure en bonne place dans la « Nouvelle France Industrielle » (NFI) – mais on peine à voir à quoi elle pourrait ressembler. Elle, c’est l’Usine du futur. D’où l’intérêt de cette matinée organisée par le Groupe Thématique (GT) qui lui est dédié, au sein de Systematic Paris-Region. Pour mémoire, ce dernier est le Pôle de compétitivité francilien ayant vocation à fédérer en Ile-de-France les acteurs industriels, PME et scientifiques « à la croisée de plusieurs marchés technologiques à forte dimension sociétale (Transports, Energie, Télécoms, Sécurité, Santé, Ville intelligente, Systèmes d’informations et Usine du futur) et de deux domaines technologiques (Logiciel Libre et Systèmes complexes). » Et ce, à travers 9 Groupes Thématiques dont celui de l’Usine du futur, donc.
Faire sortir les robots de leur cage
Lequel est entré dans le vif du sujet en se dotant fin 2014 d’une feuille de route organisée autour de quatre axes prioritaires : les procédés de fabrication avancés ; le système de production adaptatif, décisionnel et cognitif ; le numérique au coeur des usines efficientes en ressources ; enfin, le Manufacturing centré sur l’humain. Une priorité sur laquelle Christian Balle, le président de ce Groupe Thématique, a insisté, considérant que « l’Usine du futur n’était pas qu’un problème d’ingénieurs, mais humain » et « qu’il nous fallait donc sortir de nos réflexes d’ingénieur. » Et le même de faire sienne une formule qui résume bien l’enjeu : « les robots sont encore dans des cages, l’enjeu est de les en faire sortir en dépassant l’opposition factice Homme / Machine ».
Des considérations qui n’ont pas manqué de retenir tout particulièrement notre attention. Pas plus tard que la veille de cette plénière, nous assistions au premier Beyond Lab organisé à Paris-Saclay, au WAI Massy-Saclay, en collaboration avec Start In Saclay (pour en savoir plus sur la vocation de ce Beyond Lab, nous renvoyons à l’entretien que nous a accordé son président, Xavier Blot – pour y accéder, cliquer ici). Lequel avait précisément pour thème « le défi des nouvelles interfaces hommes/machines ». Lors des échanges, nous n’avons pas manqué de faire remarquer combien ce genre de formule paraissait bien pauvre au regard des avancées réalisées au nom de cette problématique, en insinuant justement une opposition stricte entre l’Homme et la Machine (comme si celle-ci ne comportait pas une part d’humanité ne serait-ce que du fait des intentions humaines qui avaient présidé à sa conception).
Mais revenons à notre matinée du 11 février. Un succès à en juger par l’affluence et l’intérêt suscité par les intervenants (qui firent oublier les cafouillages du début, dus à des micros dont le fonctionnement n’avait pas été préalablement vérifié !). L’Usine du futur ? Un enjeu tout à la fois technologique et humain, donc mais aussi business, devait encore insister Christian Balle, en rappelant au passage que Systematic Paris-Region compte un collège d’investisseurs privés disposés à conseiller et à accompagner les entreprises innovantes, en quête de perfectionnement de leur modèle économique.
ICO, démonstrateur de l’Usine du futur
La matinée donnait surtout un aperçu de ce à quoi pouvait ressembler cette Usine du futur en offrant l’occasion à toutes sortes d’acteurs de l’innovation (grands groupes, PME, start-up, consultants, organismes de recherche ou d’accompagnement) d’exposer leurs compétences respectives*. Ils ne disposaient pour cela que de quelques minutes et d’à peine plus de diapositives. Comme pour un pitch. Si la plupart de ces acteurs sont implantés en dehors de Paris-Saclay et même d’Ile-de-France, ce sont des représentants de cet écosystème qui donnaient le mieux à voir une traduction concrète de cette Usine du futur, à travers le projet ICO (pour Innovation Center for Opérations), un « Lieu unique dédié à l’industrie 4.0 centré sur l’utilisation de technologies innovantes au service des problématiques industrielles ». Aménagé dans un ancien bâtiment implanté à Villebon, il est équipé de deux lignes réelles – l’une de processus (de fabrication de… bonbons, en l’occurrence), l’autre d’assemblage (de scooters), et une ligne virtuelle. Porté par une institution académique – l’Ecole CentraleSupélec (pour le développement des outils pédagogiques adaptés aux nouvelles technologies), donc – et le cabinet BCG (pour la gestion du centre et l’animation de l’écosystème associé), en lien avec des entreprises technologiques et des industriels, le projet se veut « ancré dans le réel » (une première version opérationnelle de la ligne d’assemblage est prévu fin mars) et devrait, d’ici les 6 premiers mois, mobiliser plus d’une trentaine de personnes – outre les consultants de BCG, des enseignants-chercheurs (4), un ingénieur d’études et une vingtaine d’étudiants, tout ce bon monde emmené par Jean-Claude Bocquet, Professeur sénior de CentraleSupélec, venu en personne, présenter l’ICO. « On n’est pas là, devait-il préciser, pour développer de nouvelles technologies, mais intégrer celles qui se présentent dans des lignes de production existantes. » En l’occurrence : les big data et leurs analyses, les robots autonomes et autres machines intelligentes, l’Additive Manufacturing, la Réalité augmentée, le Cloud et la Cyber-sécurité, l’Internet industriel. En bref, il s’agit de faire de l’ICO, « une sorte d’attracteur de nouvelles technologies à intégrer » selon les mots de ce même Jean-Claude Bocquet.
Des interrogations
Pour être originale, cette plateforme n’en n’a pas moins soulevé trois interrogations. D’abord, à force de viser l’intégration de technologies nouvelles et néanmoins existantes, les concepteurs de l’Usine du futur ne s’enferment-ils pas dans un paradigme classique de l’usine (comme site de production de masse, organisé autour de lignes plus ou moins automatisées), là où on pourrait imaginer un process davantage éclaté entre plusieurs sites interconnectés ? La deuxième interrogation découle de la précédente : elle concerne la place faite aux logisticiens (absents de cette matinée). Enfin, quid de l’apport des sciences sociales et humaines ? A l’évidence, l’Usine du futur est un sujet trop complexe pour en laisser la conception aux seuls ingénieurs : si elle rime avec robotique et numérique, elle devra encore composer avec l’humain. Or, aucun chercheur de l’une ou l’autre de ces sciences ne figurait parmi les intervenants.
Trois interrogations qui trouvent leur réponse dans l’entretien que Christian Balle, que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer (pour accéder à cette interview, cliquer ici), nous a accordé entre les multiples sollicitations dont il a fait inévitablement l’objet durant le cocktail network qui a suivi.
En attendant sa mise en ligne, précisons encore que cette matinée fut l’occasion de présenter le prochain appel à projets FUI (le 22e du nom) et le processus de sélection de ces projets par Systematic Paris-Region (pour en savoir plus, se reporter sur son site) ainsi que plusieurs événements majeurs à venir, qui attestent que l’Usine du futur est bien l’objet d’une mobilisation générale : le 22 mars, une Bourse aux technologies est organisée à Bercy, à l’initiative de l’Institut Mines Télécom ; du 6 au 9 décembre, se déroulera, à Paris Nord Villepinte, le Smart Industries, une manifestation née de la fusion de deux salons professionnels, avec une ambition en plus : présenter les projets en cours ou déjà réalisés. Histoire de bien faire comprendre que l’Usine du futur est déjà plus ou moins là. Précisons que l’Allemagne en sera le pays hôte. Un autre motif d’y aller et de bloquer les dates dans votre agenda.
Pour accéder à l’entretien avec Christian Balle, cliquer ici.
* Pour mémoire la dizaine de sociétés ou organismes de recherche intervenus pour présenter leurs compétences au regard de la problématique de l’Usine du futur était dans l’ordre d’apparition : Nexedi (un éditeur de logiciels libres) ; Theoris (spécialisée dans les technologies 3D Interactives et les Systèmes Embarqués) ; l’Inpi (l’Institut national de la propriété industrielle, venu rappeler un aspect méconnu de son activité : l’accompagnement des PME/ETI et autres porteurs de projets) ; Thales Research & Technology (acteur s’il en est de Paris-Saclay) ; Mip robotics (une jeune entreprise spécialisée dans la conception de robots collaboratifs) ; An-Theos (spécialisé dans le coaching conseil et formation managériale) ; le centre de robotique de Mines ParisTech ; Alma (cabinet de conseils spécialisé, lui, dans le montage de projets et la coordination de projets) ; l’Institut Mines Télécom ; le CEA,…
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