Le 30 novembre 2017 se déroulera la 3e édition de TEDx Saclay. Assya Van Gysel, sa fondatrice, nous en dit plus sur le choix du thème de cette année et quelques nouveautés qui témoignent de l’audience croissante de l’événement bien au-delà des frontières de l’écosystème de Paris-Saclay.
– Comment ce thème « Innovons au service du vivant » s’est-il imposé à vous ?
Autant le thème de la toute première édition [« Lumières ! »] avait été le fruit d’une parfaite synchronicité – en plus d’être proclamée « Année internationale de la lumière » par l’UNESCO, l’année 2015 correspondait au 300e anniversaire du début du Siècle des Lumières (1715) [pour en savoir plus, cliquer ici] – autant ceux des deux éditions suivantes, nous les avons laissé venir à nous, de manière intuitive. Nous ne saurions donc vous dire quelles circonstances ont présidé à leur choix.
Au-delà des limites Une chose est sûre : nous souhaitions aborder le vivant en l’entendant en un sens plus large que ce à quoi on le réduit d’ordinaire. Dans mon esprit, il recouvre aussi bien le végétal et l’animal que l’humain et même le minéral. Je crois pouvoir dire qu’il était déjà en germe dans les éditions précédentes : la première édition avait été l’occasion de rappeler combien les philosophes du Siècle des Lumières s’étaient déjà préoccupés de concevoir une société où l’Homme s’épanouirait en harmonie avec la Nature. Trois cents ans après, nous n’y sommes pas encore. Il est vrai qu’entre-temps, nous avons vécu une révolution industrielle avec les conséquences que nous savons en termes de dégradations de l’environnement. Que faire ? L’édition suivante, « Au-delà des limites », invitait à y réfléchir en bousculant nos certitudes et nos croyances. Au fond, cette 3e édition poursuit le cheminement en tâchant de voir comment on peut concilier l’innovation avec une forme d’humanisme.
L’intitulé final doit beaucoup au concours « Une signature pour Paris-Saclay », organisé en mai dernier par le cluster Paris-Saclay. Nous avions proposé «Innovons ensemble au service du vivant», étant entendu que l’innovation est prise en son sens globale : elle peut être technique et scientifique, mais aussi sociétale, s’exprimer dans les arts, le design, etc. Elle est en outre nécessairement le fruit d’une démarche collective (d’où le « ensemble » que nous avions mis en avant).
– A vous entendre, TEDx Saclay est à l’image du vivant : la thématique qu’il propose est le fruit d’une gestation, qui se nourrit d’aspirations personnelles et des circonstances…
Oui, c’est un processus vivant en soi, qui réserve des surprises, pour peu qu’on laisse venir aussi les choses à soi. C’est en tout cas ainsi que je souhaite le vivre. Une fois que le thème est esquissé, je le laisse travailler en moi, de déclic en déclic avec, bien sûr, le concours du reste de l’équipe. Si nous avions déjà l’intention de traiter du vivant, l’idée de réfléchir à la manière dont on peut le servir s’est, elle, imposée au fil des premières discussions préparatoires, au point de prendre même du relief par rapport à la question du vivant. On sait étudier ce dernier, ce qu’il recouvre, mais sait-on comment être à son service ? Telle est la question qui parcourra cette édition.
– Comment interpréter le fait que ce thème ait été inspiré dans le contexte de Paris-Saclay qui évoque a priori davantage un environnement scientifique et technologique ?
Justement, il importe de veiller à ce que les moyens de recherche et d’innovation dont on dispose sur le Plateau de Saclay soient bien orientés au service du vivant. J’ajoute que Paris-Saclay n’est pas qu’un concentré de laboratoires et d’organismes de recherche. C’est aussi un environnement naturel et agricole, qui contribue aussi à son attractivité. Raison de plus pour mettre la recherche et l’innovation au service du vivant, dans ses différentes dimensions, y compris végétale.
– « Au service du vivant », donc. Est-ce une manière de prendre le contrepied de cette tendance consistant à mettre le vivant à notre service ?
En réalité, nous nous intéressons aussi à la manière dont le vivant peut nous être utile, non pas en l’exploitant à proprement parler, mais en cherchant à voir comment on peut s’en inspirer. Plusieurs intervenants rendront compte de l’apport de ce qu’il est convenu d’appeler le biomimétisme. Je pense notamment à Maëlle Vilbert, élève-ingénieur à l’IOGS, qui traitera de ce que nous apprend la biophysique des papillons, ou à Julie Grolier, directrice de recherches à l’Unité Mixte de Physique CNRS/Thales, qui nous parlera, elle, d’ « ordinateurs bio-inspirés ». Chacune à leur manière, elles illustreront la manière dont on peut s’inspirer du vivant pour imaginer des solutions « smart » à nos divers besoins. Au-delà, il s’agira de nous convaincre de l’intérêt de poser un autre regard sur la nature, de montrer comment on peut s’en inspirer plutôt que de chercher systématiquement à l’adapter à nos besoins et exigences, sans remettre en cause nos modes de vie. Nous disposons d’assez de recul maintenant pour savoir ce qui n’est plus viable dans nos manières de produire et de consommer.
Le récent séjour que nous avons fait en Inde, Christian et moi, a achevé de nous convaincre de l’intérêt du thème. Dans ce pays, on perçoit clairement les effets de la pollution de l’eau et de l’air sur la santé des populations et leur environnement, autrement dit ce qui nous attend quand on n’envisage la nature que comme une richesse à exploiter et non comme une source d’inspiration. Et cela n’engage pas seulement la responsabilité des producteurs. C’est la manière dont on envisage les innovations techniques et scientifiques, qui doit être questionnée. Encore une fois, elles doivent chercher non plus tant à maîtriser et dominer la nature qu’à s’en inspirer…
– Faut-il entendre dans vos propos une critique de l’industrie elle-même ? N’a-t-elle pourtant pas sa place dans un monde où l’innovation serait au service du vivant ?
Si, bien sûr. A travers la manière dont elle innove, l’industrie peut être, elle aussi, au service du vivant. Je n’opposerai donc pas les deux. L’industrie, ce sont des hommes et des femmes, dont je m’aperçois qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir faire évoluer les choses au sein même de leurs entreprises.
De manière générale, mon propos n’est pas d’opposer un monde à un autre. Est-ce dû à ma pratique du yoga ? Toujours est-il que ce n’est pas dans ma nature de m’opposer à quoi que ce soit, y compris à ce que je ne veux pas. Je préfère plutôt mettre mon énergie « au service » de ce que je souhaite voir advenir. J’aime aller écouter ce qui se dit ici et là, dans des conférences et colloques, sans a priori. Je respecte les choix des uns et des autres. Je considère juste qu’il faut prendre conscience de notre responsabilité individuelle et collective. Nous avons le recul nécessaire pour savoir quels sont les choix que nous pouvons encore faire et ceux auxquels nous devons renoncer.
– Venons-en au panel d’intervenants de cette édition 2017 de TEDx Saclay. Comment l’avez-vous constitué ?
Cette année, il se compose de treize personnes, dont quatre qui ont été sélectionnées dans le cadre de l’appel à idées dont la finale a eu lieu en juin dernier. C’est le cas, par exemple, de Sylvie Mombo, une conteuse, dont l’approche du vivant nous a beaucoup touchés [pour en savoir plus, voir l’entretien qu’elle nous accordé – pour y accéder, cliquer ici]. Les neuf autres intervenants ont été identifiés avec le concours de l’ensemble des parties prenantes de TEDx Saclay – les membres de l’équipe, les iConnecteurs et nos partenaires – au fil du temps et au gré de rencontres et de suggestions. Hormis deux intervenants, tous – et c’est un changement notable par rapport aux éditions précédentes – sont issus de l’écosystème Paris-Saclay. Un signe qui montre que l’événement est désormais suffisamment connu pour que nous n’ayons plus besoin d’aller convaincre des personnes extérieures même si, bien sûr, nous restons ouverts à des propositions qui viendraient d’ailleurs.
– Treize intervenants dont une majorité de femmes…
(Rire). Il y en a effectivement sept. Et j’en suis très heureuse. Sans me définir a priori comme féministe, je suis convaincue que s’il y avait plus de femmes aux postes de décision, l’innovation serait plus au service du vivant !
– Un panel qui permet de couvrir de surcroît des thèmes variés…
Oui, et c’est une autre marque de fabrique de TEDx Saclay. Mais là encore, le choix s’est fait au fil de l’eau. Nous avions préalablement défini sept domaines qui nous semblaient devoir être traités. Pour autant, les choix sont loin d’avoir été faits à l’avance. Nous nous sommes ouverts à d’autres perspectives, preuve s’il en était encore besoin que TEDx Saclay est à l’image de son sujet : un organisme vivant, sachant s’adapter aux opportunités et aux suggestions extérieures. Au début, nous souhaitions, par exemple, solliciter un intervenant qui puisse parler du vivant en architecture. Les propositions ne correspondant pas à nos attentes, nous nous sommes orientés vers un designer et non des moindres puisqu’il s’agit de Laurens van den Acker, en charge du Design du Groupe Renault ; il témoignera de la façon dont lui et ses équipes s’inspirent du vivant pour concevoir des modèles de voitures, de façon à ce qu’ils s’adaptent aux besoins des individus et non l’inverse.
A défaut de pouvoir couvrir tous les sujets au cours de la soirée (ce qui, au demeurant, n’est pas notre ambition), nous proposons de faire découvrir d’autres pistes de recherche ou de réflexion à travers des « capsules » : des séquences vidéos de 2 à 3 minutes, réalisées sur la base d’un entretien par Naomi Roth (membre de notre équipe), avec un spécialiste, le tout illustré par Guillaume Monnain (idem) – ces séquences sont disponibles sur notre site.
– Quels autres changements sont-ils intervenus par rapport aux éditions précédentes ?
Une diffusion plus internationale du TEDx Saclay : la conférence sera en effet diffusée à l’étranger et en direct, par divers canaux. Les Bell Labs vont la retransmettre en Belgique et en Irlande et nous sommes en train de vérifier avec eux la possibilité de la retransmettre aux Etats-Unis. Plusieurs TEDx ont par ailleurs proposé d’en faire autant, à commencer par le prestigieux TEDx Cern (une première de sa part : jusqu’ici, il n’en retransmettait aucun). Bercy s’est également porté candidat. Des marques d’intérêt qui montrent que nous avons gagné en crédibilité. Enfin, Thomas Espel, en charge des appels à idées et de l’international au sein de l’équipe, poursuit actuellement ses études à Londres : il y organisera une retransmission.
L’an passé, avec l’iConnectrice Sylvie Guillaumond (en charge du Pôle Aménagement et Prospective Territoriale, au sein du Service du Développement économique à la ville d’Orsay) et le concours d’IncubAlliance, nous avions mené une expérience pilote. Cette année d’autres villes se sont engagées à retransmettre la conférence : Gif-sur-Yvette (à deux endroits différents), Palaiseau (idem), enfin, Bures, Igny et Marcoussis (qui la retransmettent chacune sur un site).
– Sans oublier les Ulis…
Oui, où nous expérimenterons une retransmission dans un lycée pilote, celui de l’Essouriau en l’occurrence, avec le concours des enseignants de sa Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles.Nous souhaitions nous rapprocher des lycéens. Comme avec les villes, nous espérons ensuite essaimer dans d’autres lycées l’année prochaine.
– Nos lecteurs connaissent bien le Lycée de l’Essouriau et sa Classe Préparatoire. Comment s’est fait le lien avec lui ?
Par l’intermédiaire de Marie Ros-Guezet, une autre de nos iConnectrices, qui y intervient au titre du dispositif « Ingénieurs pour l’école ». Nous avons été touchés par l’engagement de ses enseignants, Vincent Reynaud et Fabien Délen, qui s’emploient à faire en sorte que leurs élèves s’épanouissent au cours de leurs études. Une priorité qu’ils placent même avant l’intégration dans une école d’ingénieurs.
– Manifestement eux comme leurs élèves sont très heureux de participer à l’aventure TEDx Saclay comme nous avons pu le constater dans les entretiens qu’ils nous ont accordés [pour en savoir plus, cliquer ici]. Un mot sur les autres partenaires…
La liste ne cesse de s’allonger et se diversifier. Elle comprend aussi bien de grandes entreprises (dont Nokia, devenu partenaire « Diamant ») que des collectivités, des institutions (dont l’EPA Paris-Saclay), des associations ou encore des commerçants. Cette année, la libraire Liragif assurera la présence des ouvrages des intervenants, ce dont je me réjouis.
– Quelle est l’audience auprès des médias ?
TEDx Saclay a d’ores et déjà fait l’objet d’un article dans le numéro de décembre de la revue Pour la Science. Un autre devrait suivre en forme d’entretien avec un de nos intervenants.
– Cette année, vous proposez un village de l’innovation. De quoi s’agit-il ?
Nous l’avions expérimenté l’an passé (avec une dizaine de stands). Le principe : présenter des expériences utilisateurs en lien avec la thématique. Le résultat s’étant révélé concluant, nous l’avons reconduit. Cette fois, le village sera composé d’une quinzaine de lauréats d’un appel à candidatures que nous avons lancé (et suite auquel nous avons reçu pas moins d’une quarantaine de propositions). Le jury est présidé par Xavier Apolinarski, le président de la SATT Paris-Saclay. C’est dire le niveau d’exigence de la sélection !
A quoi s’ajoute un village de dégustation, animé par des artisans de différentes villes, dont la Maison Gasdon. Enfin, la soirée se terminera par un concert.
– Un mot sur le choix de CentraleSupélec…
Nous y avions pensé avant même la 2e édition ! Thomas, qui en est un élève, avait soumis l’idée à la directrice de la communication de l’école, Alexandrine Urbain. Celle-ci s’est montrée enthousiaste. Un accord de principe a été donné dix jours avant la tenue de la 2e, ce qui nous a permis de l’annoncer à cette occasion. Nous disposerons d’une salle de 1 000 places, soit deux fois plus qu’à EDF Lab.
– Et alors, quelles sont vos impressions ?
Très positives ! Je trouve l’intérieur du bâtiment particulièrement réussi. Il y a de l’espace et de la lumière, de sorte qu’on s’y sent bien dès qu’on y pénètre. Bien plus, c’est un catalyseur de rencontres : tout est fait pour que les gens se croisent, avec une diversité de lieux aménagés aux différents étages, pour travailler ou échanger. Dès son ouverture, les élèves se sont manifestement appropriés le lieu de manière naturelle.
– Le challenge d’organiser le TEDx Saclay dans un tout autre lieu et devant deux fois plus de personnes, a donc été relevé…
(Sourire). Rappelons en effet que le bâtiment n’était pas encore achevé lorsque nous avons annoncé que TEDx Saclay y serait organisée. Mais, après tout, un projet digne de ce nom comporte toujours une prise de risque, même quand il s’agit de TEDx Saclay !
Le choix s’est révélé plus qu’approprié : l’amphithéâtre où se déroulera la conférence se situe dans un lieu appelé L’Homme et le Monde. Il y abrite notamment les laboratoires dédiés aux sciences du vivant. Il était donc prédestiné pour accueillir notre 3e édition.
– Et puis le Président de la République a eu l’obligeance d’en essayer les plâtres…
(Rire) Nous avions pris le temps de visiter les lieux. Nous nous y réunissons chaque semaine pour faire le point.
– A travers TEDx Saclay, avez-vous le sentiment d’œuvrer au service de Paris-Saclay ?
Oui, avec le sentiment que TEDx Saclay constitue en lui-même un écosystème au sens où il agrège toutes sortes de parties prenantes sans lesquelles il ne pourrait voir le jour : les intervenants, les partenaires, les iConnecteurs, les participants, sans oublier les membres de l’équipe organisatrice. Et s’il fonctionne bien, c’est, j’en suis convaincue, parce que la communication est transparente entre eux. Chacun doit pouvoir donner son avis en toute confiance. De la transparence, donc, mais aussi de la bienveillance. Peu importe que certains contribuent plus que d’autres. L’important est que chacun ait le sentiment de pouvoir contribuer vraiment, selon ses moyens et sa disponibilité. Comme le dit bien l’adage, que je rappelle dans mon éditorial, « Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin ». A fortiori quand on agit dans la joie et non par simple devoir. C’est d’autant plus important lorsque les personnes sont bénévoles, ce qui est le cas de 90% des membres de l’équipe TEDx Saclay.
Tous ces ingrédients de la réussite, j’en avais conscience. J’en parlais d’ailleurs dans le cadre de mes ateliers de SoftSkills au PROTO2004 [pour en savoir plus, cliquer ici], mais TEDx Saclay m’a permis de vérifier à quel point ils étaient effectivement importants.
Bien sûr, cela ne se fait pas non plus sans un minimum d’organisation, a fortiori quand l’équipe grandit en taille. C’est pourquoi nous en sommes venus à nous organiser en huit pôles, du Pôle Intervenants au Pôle iConnecteurs en passant par le Pôle Appel à idées, le Pôle Communication, etc. Bref, nous avançons en n’hésitant pas à expérimenter des choses nouvelles : certaines marchent, d’autres pas. En cela, TEDx Saclay, c’est aussi un état d’esprit entrepreneurial.
– Et un engagement au long cours…
Oui. La préparation d’une édition démarre dès le mois de février !
– Nous ne pouvons conclure cet entretien sans faire état de synchronicités…
Et de sérendipité, une notion que je fais définitivement mienne, en ayant pu l’éprouver. A plusieurs reprises, nous avons trouvé des sujets auxquels nous n’avions pas pensé au début, mais qui correspondaient bien à la problématique générale. Je parle donc plus que jamais de sérendipité. Surtout depuis que j’ai appris que c’est le nom qui a été donné à la rue en forme de diagonale, qui traverse le nouveau bâtiment de CentraleSupélec : un espace ouvert, y compris au public extérieur.
Pour accéder au programme complet de TEDx Saclay, cliquer ici.
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