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Science & Culture

Il était une fois une conteuse…

Le 29 octobre 2017

Nous l’avons découverte en juin 2017, à l’occasion de la sélection du TEDx Saclay à laquelle elle a participé en nous faisant découvrir l’univers du conte. Quand bien même son pitch nous donnait déjà à voir l’étendue de son talent, nous allons en savoir plus, à commencer par la place du conte dans un cluster comme celui de Paris-Saclay, où priment science et innovation. Nous étions alors à mille lieues d’imaginer que la sérendipté serait encore un élément de la réponse…

– Ce n’est pas tous les jours qu’il nous est donné l’occasion de rencontrer une conteuse. Pour commencer, pouvez-vous donc nous préciser en quoi cela consiste-t-il ?

Comme j’aime à dire parfois, c’est un métier pour lequel je suis payée pour parler ! Il suppose cependant d’aimer le verbe, de le partager, en puisant dans son imagination, sans craindre de dévoiler son univers, son labyrinthe intérieur. Voilà pour une première approche de ce que représente le fait de conter pour moi. La partie immergée de l’iceberg, en somme. Après, c’est un métier qui nécessite beaucoup de rigueur, de travail personnel. Il ne faut pas craindre non plus la solitude, car même si je suis souvent en représentation devant d’autres personnes, dans un esprit de partage, il y a aussi toute une part de ce métier qui se fait seul, en particulier l’écriture ou la recherche de récits. Personnellement, je m’appuie beaucoup sur des recueils de contes, que je prends le temps de dénicher. En cela, le métier de conteur a partie liée avec celui de l’historien. D’ailleurs, avant de commencer une carrière de conteuse, j’ai poursuivi des études en histoire contemporaine, à l’Université Paris VII. Ce qui me déplaisait le plus, durant ces années-là, c’était de me retrouver aussi seule ! C’est qu’en histoire, et à la différence de la géographie, on fait peu de terrain : on passe des heures dans les bibliothèques ou aux archives. Ironie de l’histoire, si je puis dire, j’ai fini par quitter cet univers-là pour finalement le retrouver pour partie dans mon métier de conteuse, à travers notamment cette recherche de récits. Pour autant, je ne me limite pas qu’aux contes écrits. Beaucoup me sont donnés, par voie orale.

– Donnés ? Par qui ?

Soit par des spécialistes des contes traditionnels, soit par des gens ordinaires, qui vont me raconter leurs histoires personnelles ou familiales. Pour tout dire, je me nourris aussi beaucoup de ces histoires-là. Dès lors qu’elles entrent en résonance avec un motif de conte que je connais, elles peuvent finir par entrer dans la composition d’un spectacle…

– Elles constituent en somme un matériau de travail… 

Oui, complètement. D’autant plus qu’en réalité les histoires que peuvent raconter les gens ordinaires procèdent déjà à la manière d’un conte. Après, ce qui me plaît dans leurs histoires personnelles, c’est la manière dont ils vont les raconter, les détails sur lesquels ils vont s’attarder, l’éventuel flot d’émotions qui rendra le propos d’autant plus savoureux. Finalement, je me rends compte que les grandes séquences narratives sont à peu près toujours les mêmes. Et cela n’est pas propre au conte : on peut les retrouver en littérature ou même au cinéma. C’est sans doute aussi pour cela que le conte continue à toucher toutes les générations. A travers lui, il y a toujours la possibilité de retrouver une part de son histoire personnelle.

– Qu’est-ce qui incline les gens à se confier à vous ? Le font-ils en connaissance de cause de votre métier de conteuse ? Ou parce qu’ils ont une oreille attentive au point de vous faire assumer un rôle de psychologue ?

(Sourire) Je ne me présente pas systématiquement comme conteuse aux gens qu’il m’est donné de rencontrer. Avant de parler de moi, je ne peux pas m’empêcher de m’intéresser à ce qu’ils disent et quand bien même n’en suis-je pas la destinataire ! Ma curiosité n’a tout simplement pas de limite ! Je fais partie de ces personnes qui, dans les transports en commun, vont tendre l’oreille pour entendre ce qui se dit. Tant et si bien qu’il m’arrive souvent de différer mon arrêt pour connaître la fin d’une histoire ! La vie quotidienne est un spectacle permanent, une succession de saynètes, pour peu qu’on y prête attention. J’ai par ailleurs tendance à me souvenir de la moindre histoire qu’on veut bien me raconter. Il suffit qu’une personne m’en raconte une – sur elle-même, un proche ou qui que ce soit – pour qu’elle me revienne en mémoire dès l’instant où nous nous revoyons, fût-ce des années plus tard !

– Vous avez donc des prédispositions. Mais vous-êtes vous néanmoins formée à ce métier ? D’ailleurs, y-a-t-il des formations pour devenir conteuse ?

Au-début, j’ai entrepris d’apprendre seule, en mettant à profit l’expérience que j’avais acquise de la scène, à travers la danse. De là d’ailleurs une pratique du conte, qui engage beaucoup le corps. De là aussi le fait que, quand j’ai débuté comme conteuse, je n’appréhendais pas de parler devant un public. Par ailleurs, j’ai été bibliothécaire jeunesse pendant trois-quatre ans. Ce qui m’a amenée à raconter des histoires, d’abord sur des supports livres, puis de manière purement orale. Durant ces premières années de pratiques professionnelles du conte, entre 2000 et 2005, je me suis donc formée sur le tas. Jusqu’à ma rencontre avec Gilles Bizouerne, un conteur, qui anime un atelier au Conservatoire du XIIe arrondissement de Paris. Ce fut une révélation. Le passage par son atelier m’a aussi redonné un élan – mon intérêt commençait à s’émousser. Il faut dire aussi qu’en 2005, je venais de mettre au monde ma fille. L’atelier me permit de rencontrer d’autres conteurs, la plupart professionnels. Il m’a aussi amenée à élargir mon répertoire. Jusqu’alors je me dirigeais toujours vers un même type de conte. A partir de là, j’ai commencé à conter dans des crèches, pour de très petits, de 0 à 3 ans.

– La formation a-t-elle été sanctionnée par un diplôme ?

Votre question illustre bien la valeur particulière que revêt le diplôme dans une société comme la nôtre ! Mais pour les gens de la parole, ce n’est pas indispensable : la parole est déjà en soi un engagement et cet engagement fait office de diplôme ! J’ai cependant renouvelé à deux reprises la session proposée par Gilles Bizouerne. La première portait sur l’art du conte en général. Pour les deux suivantes, je suis venue avec un corpus d’histoires (le matériau du conteur !), dans l’intention de monter un projet de spectacle, avec le concours des autres personnes qui suivaient ces sessions. Une histoire me trottait tout particulièrement dans la tête depuis très longtemps, celle d’une petite fille, qui n’était pas sans évoquer Le Petit Chaperon Rouge : outrepassant elle aussi un interdit, elle devait se faire dévorer par une bête. Je voulais reprendre ce conte pour traiter en réalité de la question de l’esclavage, et d’une manière aussi onirique que possible. Ce travail, qui a donc débuté à partir de 2006, a donné lieu à un premier spectacle, «  La Source écarlate », qui n’a été donné qu’en 2008, au Théâtre des Trois Vallées à la MJC de Palaiseau, le temps d’obtenir des subventions du Conseil départemental de l’Essonne et de la ville de Palaiseau. Entretemps, je l’avais enrichi, nourri et retravaillé avec une metteuse en scène. Une illustration au passage du fait qu’un conte est une affaire de maturation. Il faut savoir laisser reposer la pâte, comme on le fait pour du bon pain, pour qu’elle prenne de la densité, pour que, en l’occurrence, l’histoire fasse assez sens pour le conteur lui-même.

– L’incorporer en somme…

Complètement ! C’est en tout cas ainsi que je fonctionne. Ce qui ne m’empêche pas de répondre à des commandes en des laps de temps plus courts. Je réfléchis alors à un sujet à partir d’un corpus de textes, mais sans avoir la même intimité qu’avec l’histoire qui m’aura habitée pendant des mois voire des années. Actuellement, un projet m’habite, que je mène avec le polyinstrumentiste Axel Lecourt. Il consiste à faire, cette fois en anglais, un récit initialement donné en français. Je découvre à cette occasion à quel point le simple fait de changer de langue fait résonner le récit autrement. Les sonorités ne sont tout simplement pas les mêmes. C’est comme si des fenêtres s’ouvraient sur de nouvelles perspectives.

– Revenons au projet précédant, où il était question de dévoration. C’est l’occasion de rappeler que l’univers du conte, ce sont aussi des histoires dont on peut se demander comment elles peuvent être destinées aux enfants…

(Rire). En réalité, la manière dont on entend un mot est variable selon l’âge qu’on a. Cela vaut aussi pour celui de dévoration. Et contrairement à ce qu’on pourrait craindre, pour un enfant de trois ans, la dévoration n’a rien d’extraordinaire ! A son âge, tout passe par la bouche : la nourriture, ses propres pieds, le corps de ses proches… Ce sont nous autres adultes qui la craignons a priori, comme j’ai pu le constater, pas plus tard que ce matin. J’intervenais dans une maternelle pour raconter l’histoire du petit bonhomme de Pain d’épice, qui, à la fin, se fait manger tout cru par un renard. Les assistantes maternelles en étaient désolées. Pas les enfants, particulièrement gourmands à cet âge. Après tout, le pain d’épice, c’est fait pour être mangé ! Il n’y a que nous, adultes, pour être choqués par son destin. Ce n’est que plus tard, à partir de l’âge de six ans, que la dévoration pourra susciter chez l’enfant davantage de crainte ou de réprobation.

Et puis la dévoration peut revêtir un sens plus métaphorique. Pour quelqu’un qui se coltine tous les jours les transports en commun, par exemple, elle évoquera le fait d’avoir à entrer dans la « bouche » du métro. A un autre, ce sera un collègue de travail, qui lui « bouffe » la tête. Vous aurez apprécié au passage à quel point la dévoration est présente dans de nombreuses expressions qu’on utilise sans plus y faire attention. Peut-être d’ailleurs que la vertu du conte est-elle de révéler des dimensions du quotidien, dont on n’a plus conscience…

– Autant de choses que vous avez pu saisir à travers la diversité des publics devant lesquels vous intervenez…

En réalité, je ne saisis rien. Hormis tel ou tel effet que je cherche à produire, je ne cherche pas non plus à faire passer un message. A chacun de faire du conte sa propre interprétation. A cet égard, les retours que les gens me font sont le plus souvent inattendus. A l’issue de la représentation de Sang écarlate, par exemple, une vieille dame est venue me remercier d’avoir parlé de la Shoa. Or, il n’en était pas explicitement question. Mais c’était sa manière à elle de recevoir le spectacle. Qu’à cela ne tienne. Un autre, rastaman, m’a dit combien il trouvait « cool » que je parle de Babylone… [ Sylvie ouvre grand les yeux pour marquer son étonnement]… Très bien, pourquoi pas !

– Après tout, si chacun y trouve son… compte…

(Rire) Le conte, ce n’est donc peut-être rien d’autre que cela : une même histoire, qui entre en résonance avec le vécu de chacun au point de donner lieu à des interprétations multiples…

– Cela étant dit, c’est bien la preuve que l’univers du conte, à rebours de la représentation ordinaire qu’on en a, n’est pas réservé qu’aux seuls enfants…

Non, en effet. Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que des psychanalystes en ont fait un support d’analyse. Je pense notamment à Bernadette Bricout, auteur de La Clé des contes (Seuil, 2005), ou à des universitaires de Paris VII. Pour ma part, je n’hésite pas à considérer le conte comme une sorte de médicament, d’autant plus précieux, qu’il n’est pas amer. La langue, le verbe, permettent d’enjoliver le récit, de donner du rythme – je pense tout particulièrement à ces ritournelles qui se prêtent si bien au chant avec leurs phrases en forme de leitmotiv. Sans compter cette proximité que le conteur instaure avec le public, proximité qui peut confiner à une certaine sensualité. Autant de choses qui aident à faire passer le conte, quitte, encore une fois, à ce que chacun l’interprète à sa façon ou ne l’entend pas encore tout à fait ainsi dans l’instant. Ce qui n’est pas grave en soi, car, tel un médicament, un conte peut produire son effet dans la durée. On peut y repenser bien après l’avoir entendu, au gré des circonstances de la vie.

– Médicament, dites-vous… On ne peut s’empêcher de penser à l’ambivalence que le philosophe Bernard Stiegler pointe en parlant du « Pharmakon » qui peut autant guérir qu’empoisonner au-delà d’une certaine dose. Ambivalence qu’on retrouve précisément dans le conte où, encore une fois, il peut être question de cruauté…

De fait, l’univers du conte n’est pas toujours enchanteur. Il peut être dérangeant et susciter des refus, comme chez cette bibliothécaire qui ne tolérait pas que l’on puisse raconter l’histoire d’une dame aux mamelles pendantes. Elle considérait que cela renvoyait une mauvaise image de la femme. Le conteur, Gilles Bizouerne a estimé, à juste titre, que c’était sa perception à elle, mais certainement pas celle des enfants. Autre exemple : ces contes, plus nombreux qu’on ne croit, qui mettent en scène des couples ne pouvant avoir d’enfant. Ils peuvent mettre mal à l’aise des personnes confrontées à la stérilité.

– Revenons à votre parcours. Vous avez évoqué vos études d’histoire. Mais y a-t-il eu des prédispositions familiales ? Des parents conteurs ou qui vous racontaient des contes au cours de votre enfance ?

Mes parents n’étaient pas conteurs ni ne me racontaient de contes spécialement. En revanche, j’ai eu un père qui parlait beaucoup et bien : natif d’un petit village du Gabon, il a suivi l’instruction primaire dans la ville la plus proche, Tchibanga, la préfecture. Instruction dont il a conservé une pratique soignée du français au point que cela lui faisait parfois mal aux oreilles d’entendre des Français… A défaut de m’avoir formée à l’art du conte, il m’aura transmis ce goût de la langue et de la prise de parole. En Afrique équatoriale et, donc, dans la société où mon père a grandi, le conte était aussi un moyen de régler… ses comptes.

– ?! Précisez s’il vous plaît…

Imaginez-vous dans un village. Vous vous apercevez qu’un de vos voisins vous vole des poules. Or, il n’y a pas de police ni juge de paix. En revanche, il y a des réunions sous l’arbre à palabres, où chacun, y compris les enfants, est libre de raconter des histoires, du moment où il assume d’aller jusqu’à son dénouement. C’est le moment pour vous de raconter la vôtre, où il sera question de poules et d’un voleur. Vous n’aurez pas besoin d’échanger avec la personne en cause ni de la désigner. Le récit de l’histoire suffira pour lui faire comprendre que vous savez qu’elle vous vole vos poules et qu’elle sait que vous le savez… Il n’y aura pas besoin d’en dire plus. Elle arrêtera aussitôt ses méfaits ! Naturellement, cette pratique s’est perdue avec l’introduction de la justice « moderne », dans le contexte de colonisation. Sans compter le déclin des dialectes locaux. Du moins au Gabon, où, dans le moindre petit village, les enfants parlent français. Ce qu’on n’observe pas au Mali ou au Sénégal, par exemple.

– De nouveau, on entend l’historienne de formation, à l’articulation d’histoires personnelles, dont celle de votre père, et la grande Histoire, celle de la colonisation et de ses effets, mais par le prisme du conte…

Oui, le conte est une autre manière d’appréhender le monde, en traitant de sujets qui peuvent toucher à l’histoire contemporaine. C’est pourquoi il est à prendre au sérieux. Le conte n’est pas qu’une distraction !

– Qui vous sollicite pour intervenir comme conteuse ?

Pour l’essentiel, des médiathèques. Je veux d’ailleurs leur rendre hommage, car ce sont de véritables compagnons de route pour nous autres conteurs. Elles sont très mobilisées en faveur du conte avec même parfois une démarche militante – malgré la baisse des budgets dont elles pâtissent, elles maintiennent vaille que vaille des activités autour du conte, en s’employant à faire venir du public. Elles sont conscientes des vertus éducatives du conte. De fait, qui en a écouté enfant va être outillé pour avoir une vision structurée du monde et de ses rapports aux autres. Car un conte est une construction quasi mathématique : il repose sur une structure. Tant et si bien que, dans de nombreux pays, il est considéré comme un outil pédagogique au point de faire partie intégrante du programme éducatif. Certes, un conte, ainsi que nous l’avons vu, cela peut faire peur, mais l’expérience de la peur est aussi essentielle au développement de l’enfant. Quelqu’un qui grandirait sans l’avoir jamais éprouvée se mettrait en danger. En même temps, un conte donne aussi de la confiance. Voyez Le Petit Poucet qui parvient à s’affranchir de la gêne que lui cause sa petite taille. De manière générale, un conte permet, à travers une diversité de personnages et de situations, d’éprouver toutes sortes de sentiments et de valeurs, qui aident à grandir.

– Intervenez-vous ailleurs ?

Oui, j’interviens également dans des écoles. Il m’arrive aussi d’être sollicitée par des bailleurs sociaux, qui sont confrontés à des problèmes de voisinage. Nous en revenons à la valeur quasi thérapeutique du conte, aux vertus de la parole, y compris pour traiter de problématiques qui touchent à la vie dans la cité, ce qui n’est pas pour me déplaire. A travers le conte, j’ai le sentiment d’être utile, en permettant à chacun de se réapproprier l’usage d’une parole pour ne serait-ce que se faire entendre autrement que par la force physique. C’est important pour une personne de pouvoir s’exprimer à la première personne du singulier et de mettre des mots sur ses attentes et ce, sans intermédiaire, qui risquerait de déformer son propos ou de passer à côté de ce qui touche la personne au plus profond d’elle-même. Quand chacun est en mesure de prendre la parole tout en sachant écouter ce que les autres souhaitent dire, on est au début de la possibilité de restaurer un dialogue. Je suis aussi parfois sollicitée par des entreprises, confrontées là encore à des difficultés de communication en leur sein. Cette vertu apaisante du conte, je la constate également dans les écoles. Des classes ont beau connaître des tensions ou avoir des éléments perturbateurs en leur sein, il parvient à y instaurer un tout autre climat par le simple fait de faire circuler la parole.

A ce propos, je ne peux m’empêcher d’évoquer une étude sur la durée moyenne de prise de parole d’un enfant au cours de sa scolarité – autrement dit, le temps qu’il peut passer à s’exprimer et à être écouté par le reste de la classe. Elle serait d’à peine une demi douzaine de minutes… Certes, ce n’est qu’une moyenne, mais elle traduit bien une situation dont on devrait davantage se préoccuper. Et, justement, quand j’interviens en primaire ou en collège, ce n’est pas que pour raconter des histoires, c’est aussi pour en faire raconter par les élèves eux-mêmes, qui ont ainsi un vrai temps de parole, dont ils disposent comme bon leur semble. Si tel ou tel veut faire durer un silence, il le peut ! Le maître du temps, c’est lui.

– Vous me faites penser à une scène à laquelle j’ai assisté dans la cour d’une école primaire de Yaoundé. Les enfants y étaient rassemblés par les enseignants, qui en désignaient un à tour de rôle, lequel se plaçait alors devant pour faire entonner un chant de son choix. Il fallait voir ces gamins hauts comme trois pommes, diriger l’ensemble…

C’est quelque chose que nous devrions faire plus souvent dans nos propres écoles ! Seulement, celui qu’on met au centre, c’est l’enseignant, jamais, sinon rarement, les enfants. C’est l’enseignant qui dispense son cours, en exigeant le calme absolu. C’est lui qui donne la parole. Une classe qui fonctionne bien, dit-on, est une classe où il n’y aurait pas un bruit. Au contraire, il faut que ça bruisse, que ça bouge, que les élèves puissent travailler par petits groupes et discuter ensemble. Si j’apprécie de faire des ateliers conte en milieu scolaire, c’est précisément parce qu’ils sont l’occasion de casser l’ordre habituellement instauré en classe. A ma façon, je redonne du pouvoir aux enfants !

– Désolé de vous poser aussi crûment la question, mais peut-on vivre aujourd’hui de ce métier de conteur ?

Au contraire, vous faites bien de la poser, car, souvent ceux qui assistent à mes spectacles, me demandent ce que je fais dans la vie, comme si, à leurs yeux, conteuse n’était pas un vrai métier…

– En somme : à part conteuse, que faites-vous de sérieux dans la vie ?

C’est tout à fait cela ! Si je m’adonne à d’autres activités, celle de conteuse est pourtant bien mon métier principal, dont j’arrive à vivre – pour répondre à votre question. Outre mes interventions dans les médiathèques, des écoles, des entreprises, je vis aussi de mes spectacles, des festivals auxquels je participe, des ateliers ou encore des formations que je donne – en l’occurrence à des amateurs ou des personnels de la petite enfance, qui souhaitent raconter des contes aux petits sans autre support que leur voix sinon des marionnettes, des tapis à histoires,…. J’interviens aussi à l’ISCPA une école qui forme aux métiers de la communication, du journalisme et de la production : j’apprends aux étudiants à bien présenter leur projet.

– Avez-vous le sentiment que le métier suscite encore des vocations ?

Oui et de nombreuses. De plus en plus de conteurs amateurs font de superbes parcours avant de devenir des professionnels. J’observe aussi que des associations se montent ici et là. Manifestement, le conte répond à un besoin. C’est précisément la conviction que j’étais venue défendre lors de l’épreuve de sélection de TEDx Saclay. Il n’y a pas de société où il n’y ait de conteurs ! [vidéo disponible en cliquant ici].

– Même dans des sociétés hypermodernes ?

Même dans des sociétés hypermodernes ! Tout au plus, c’est la nature des histoires qui change. Mais le conte demeure. L’historien israélien Yuval Noah Harari le dit très bien : les hommes ont besoin qu’on leur raconte des histoires, en montrant comment chaque chose peut en être un prétexte. Il prend l’exemple d’un billet d’un dollar qui n’existe, dit-il, que parce qu’on s’est accordé pour considérer que ce morceau de papier avait une valeur marchande. Il ne pourrait en être ainsi si tout le monde ne croyait pas en cette histoire pour le moins fabuleuse quand on y pense (tous les morceaux de papier ne permettent pas d’acquérir un bien !). Certes, c’est une histoire qui sert le modèle de développement capitaliste, mais qui n’en a pas moins l’allure d’un conte, en l’occurrence à dormir debout !

La force du conte tient au fait que le monde est fondamentalement humain, au sens où il est construit par la parole, l’imagination et cette faculté de donner du sens ou de la valeur aux choses. C’est ce qui nous différencie d’ailleurs des animaux, dont aucun n’a jusqu’à présent témoigner de sa capacité à projeter son imagination, à nous raconter des histoires (encore moins à prendre un billet d’un dollar pour autre chose qu’un bout de papier !). Quand bien même serait-ce des animaux de compagnie : la plupart se contentent de jouer avec nous, de manifester leur affection ou d’attendre nos caresses.

– En vous écoutant, me vient à l’esprit ce besoin de mise en récit ou de storytelling dont la nécessité s’impose quand il s’agit de mobiliser des acteurs d’un territoire autour d’un projet de développement. Cela participerait-il de ce besoin fondamental de conte sinon d’histoire ?

Cette mise en récit est à double tranchant. Tout dépend de l’histoire que l’on se raconte, à quoi elle veut nous raccrocher : à notre intériorité ? A une relation plus authentiques aux autres ? Ou à un projet incitant à produire et consommer toujours plus ? Tout l’enjeu du conte est là : faire en sorte que cet outil qu’est le verbe reste d’abord un moyen pour nous autres êtres humains de maintenir le vivre ensemble. Une mise en récit n’est pas ni mauvaise ni bonne en soi. Gardons juste à l’esprit que par le passé, des dictateurs en ont aussi raconté, des histoires, pour se maintenir au pouvoir, empêcher l’opposition de s’exprimer…

– Mais dans une société moderne, le conte a-t-il encore sa place ? Je pose la question en ayant en tête cet écrivain, Jean Lorrain, qui, à l’aube du XXe siècle déjà, déplorait « la disparition de ces contes de fée, qu’on a remplacés aujourd’hui par des livres de voyage et de découvertes scientifiques »*. Qu’est-ce que ces propos vous inspirent-ils ? Caractériseraient-ils aussi ce début du XXIe siècle ?

Ce constat pourrait s’appliquer encore quant à la place de la science. Mais on pourrait y ajouter le poids accru des discours médiatiques, des moyens de communication moderne dans nos existences. Pour autant, je n’en tire pas la même conclusion. Au contraire, je pense que le conte a d’autant plus sa place et un rôle à jouer. Ainsi que je le disais, il y a un vrai besoin de conte dans notre société.

Mais alors comment expliquer sa quasi absence dans les médias ?

Il y a effectivement un décalage étonnant entre la place du conte dans la société et l’écho qu’on en donne dans les médias. Je confirme. On n’a jamais vu autant de festivals de contes en France, en Europe et même aux Etats-Unis, mais cela reste très underground. Suite à mon intervention à la sélection du TEDx Saclay, une dame – responsable marketing, assurant des formations auprès d’ingénieurs – m’a dit combien elle trouvait bien ce que je faisais, mais pour mieux m’inviter à ne plus appeler cela du conte ! Cela ferait fuir les gens, toujours selon elle. Il est vrai que le terme a été utilisé à si mauvais escient. Les productions Walt Disney, en particulier, n’ont pas fait que du bien à cette tradition, en en donnant à voir une vision réductrice et pour tout dire infantilisante. Résultat : qui dit conte pense à histoires pour tout petits. Le théâtre, la poésie sont considérés a priori comme étant plus nobles. Heureusement, il suffit que les gens fassent un premier pas pour qu’ils prennent la mesure de la richesse de cet univers et comprennent que les contes s’adressent aussi et peut-être parfois d’abord à eux.

– Mais cette apparente discrétion du conte, ne tient-elle pas au fait qu’à force d’en parler, on oublie le conteur… D’ailleurs peut-il y avoir des contes sans conteurs ?

Bien sûr ! Et le plus beau cadeau qu’on puisse me faire, c’est de me parler d’abord du conte que j’ai raconté et non de moi. Même si je ne peux empêcher ma personnalité de s’exprimer, je veille toujours à ce que le récit garde toute sa force et soit toujours mis en avant, que l’ultime vedette, ce soit lui et personne d’autre. Le récit se doit d’être toujours plus grand que celui qui le conte ! C’est tout l’intérêt de ce métier. Autant faire sinon des claquettes, un one-woman-show, que sais-je encore.

– Comme vous l’avez rapidement évoqué, vous contez aussi beaucoup avec le corps…

Oui. Et sans doute est-ce dû à ma pratique de la danse. Mais aussi au fait que le corps participe à sa façon d’un langage. Il y a d’ailleurs des contes que je pourrais dire avec une économie de mots. Qui dit corps dit mouvement et, donc, rythme, musique…

– Vous allez d’ailleurs jusqu’à vous associez à des musiciens…

Oui, la musique faisant bien plus que m’accompagner : je considère qu’elle est aussi une forme d’expression. Pour un même récit, il pourra y avoir ainsi plusieurs niveaux de formulation, certaines choses ne nécessitant plus d’être dites par le verbe, mais par des notes musicales. Cela pourra même avoir plus de force. A moins que cela ne passe par un silence, parfois plus évocateur qu’un long discours.

– A vous entendre, si donc le conte reste aussi actuel, même dans des sociétés contemporaines comme la nôtre, c’est qu’il sait puiser dans des traditions anciennes tout en s’adaptant à d’autres formes. D’ailleurs, vous-même avez écrit plusieurs des contes de vos spectacles. Et on se doute que c’est aussi ce qui vous intéresse dans ce métier de conteuse…

En effet, le conte est un matériau qu’on peut distendre, réinventer, malaxer… Et c’est pour cela aussi que j’aimais me rendre aux ateliers du Conservatoire du 12e arrondissement : on pouvait y pratiquer toutes sortes de contes, sans tabous. Et dieu sait si ce n’est pas toujours admis : des conteurs sont très à cheval sur les canons du conte traditionnel au point de privilégier avant toute chose le récit, eux-mêmes restant assis sur une chaise. Pourtant, on ne perd rien à travailler son matériau, à sa façon. Encore moins à user de son corps. C’est après tout la meilleure façon de témoigner de la puissance du conte. Celui-ci est soluble sous bien plus de formes qu’on ne le pense.

– Iriez-vous jusqu’à dire que le conte, à travers l’écriture de ses propres textes, est une manière de rendre compte du réel, du quotidien, tel qu’on le vit, le perçoit ?

Je dirai même plus : c’est ma manière de marquer mon passage dans la vie sur cette terre. Etre conteur ne consiste pas à raconter des histoires pour fuir le réel. Au contraire ! En tout cas, ce n’est pas ainsi que je conçois ce métier. Je me sens au cœur du quotidien, de ce qui nous traverse. Malheureusement, ce n’est pas la représentation spontanée qu’on en a. Qui dit conte pense d’abord conte de fée. Et peut-être est-ce pour cela que le conte a si mauvaise presse. On se dit qu’il y a mieux à faire qu’à écouter des contes. Autant on reconnaîtra au théâtre ou au cinéma la capacité à entrer en résonance avec l’actualité, autant on considèrera le conte comme étant fait d’abord pour distraire les enfants. Pourtant, un conteur aurait beaucoup à dire sur l’actualité la plus brûlante ! Un conte peut autant interpeller qu’un Guernica ou un autre tableau de ce genre. Il peut aussi parler tout simplement du quotidien des gens, en même temps. Je pense en particulier à ce conte qui m’a été inspiré de mon expérience de la ligne B du RER…

– La ligne B du RER ? Est-ce que vous pouvez en dire plus car c’est un sujet sensible pour nos lecteurs, qui sont nombreux à l’emprunter chaque jour pour se rendre à Paris-Saclay…

Il est né de cette période où j’empruntais souvent cette ligne, qui au demeurant fait encore partie de mon quotidien, car j’habite à Palaiseau, à proximité d’une de ses stations. Ce conte s’est nourri d’un enchevêtrement de récits, restitués à travers le parcours de Monsieur Ba, qui a quitté son village du fin fond de l’Afrique équatoriale, pour arriver jusqu’ici, sur le quai d’une station de la ligne B du RER. Comme les autres usagers, il en subit les retards, mais ne se plaint pas, car il a déjà enduré le retard d’un train, de plus de 48 h. Une manière aussi de dire notre rapport singulier au temps, selon ses conditions de vie, les lieux où on est né et dont on vient…

– Une vision somme toute positive du RER B…

Oui. Même si j’ai des échos des déboires qu’on peut y rencontrer (je connais beaucoup de personnes qui l’empruntent), j’ai voulu lui rendre justice, malgré ses retards et accidents à répétition. Après tout, c’est un lieu où on peut rencontrer beaucoup de gens, qui finissent par se parler sur les quais ou dans le RER qui est à l’arrêt pour on ne sait quelle raison. Or, qui dit beaucoup de monde, dit beaucoup d’histoires à entendre ! C’est dire si c’est aussi un endroit précieux pour le conteur ! Il ne peut que le mettre en appétit... D’autant que le RER, c’est aussi des rails, qui suggèrent une ligne, une trajectoire narrative… Les gens qu’on y croise sont très différents : ce peut être des étudiants, des chercheurs, des employés anonymes ou des immigrés, comme ce monsieur qui vit en France depuis 25 ans et qui aura parfois des réminiscences du village de son enfance, qu’il a dû quitter pour fuir la guerre, la famine ou juste par curiosité – car, oui, il y a encore, même dans les pays pauvres, des gens qui entreprennent de longs voyages, juste pour assouvir leur curiosité, aller à la rencontre des autres !

– Le RER B est à vous entendre une société en miniature, en plus d’être un vivier d’histoires. Mais qu’en est-il à l’heure où les usagers sont de plus en plus rivés sur leurs écrans (de smartphone, d’ordinateur…) ? Comment en extraire des histoires, sauf à imaginer ce que disent leurs interlocuteurs virtuels ?

Effectivement. Mais où que je sois, je ne me contente pas d’entendre des histoires in extenso ! J’en imagine à partir de simples bribes ou de détails. C’est d’ailleurs un exercice que je fais faire en atelier. Je propose une image et, à partir d’un élément – une simple tache rouge sur le lacet d’une personne, par exemple – nous imaginons un conte. Mais pour en revenir à la multiplication des écrans, elle m’inspire deux sentiments contradictoires. D’un côté, je déplore leurs effets sur les relations interpersonnelles (en disant cela, je pense à ces personnes installées à une même table de restaurant et qui passent leur temps à échanger… avec leur smartphone). Pour quelqu’un comme moi qui aime aller à la rencontre des gens, cela m’interroge pour ne pas dire m’effraie. Car c’est cette aptitude à échanger avec autrui, ici et maintenant, qu’il nous soit familier ou étranger, qui fait que nous restons des humains et non des robots. C’est d’ailleurs aussi pour cela que je déplore, quitte à paraître appartenir à une autre génération, l’automatisation des guichets, que ce soit à La Poste ou dans les réseaux de transports en commun. Heureusement, qu’on peut encore y rencontrer des agents en chair et en os. Je ne manque pas alors de leur dire mon plaisir à pouvoir inter-agir avec eux plutôt qu’avec une machine. Pour autant, je ne condamnerai pas les nouveaux modes de communication, y compris les réseaux sociaux, qui peuvent offrir de nouvelles perspectives.

– Venons-en à la sélection du TEDx Saclay, organisé le 22 juin dernier. Qu’en retenez-vous ?

D’abord, de belles rencontres à commencer par Assya et Christian Van Gysel, sans oublier les autres candidats. Je ne vous cacherai pas combien, sur le moment, j’ai été déçue de ne pas avoir été sélectionnée [du moins était-ce ce que nous pensions au moment de l’entretien ; depuis, une bonne nouvelle – un conte de fée ? – est arrivée ; voir le post-scriptum]. Mais le soir-même, en rentrant chez moi, je me suis rendu compte qu’il y avait un but supérieur, à savoir : rencontrer des personnes que je n’aurais pas eu l’opportunité de côtoyer autrement, en tout cas aussi tôt.

– Dans quelle mesure l’exercice du pitch de trois minutes a-t-il été particulièrement contraignant pour la conteuse que vous êtes ?

Il ne l’a pas été autant que cela. Et puis, la contrainte est aussi source de créativité. J’en propose en atelier, en invitant, par exemple, à imaginer un conte à partir d’une dizaine de mots. On mesure à cette occasion la puissance qu’ils peuvent revêtir, par la concision même du récit. Lors d’un atelier, une personne avait ainsi proposé «  père », « disparition », « quête », « amour »… A travers ces quelques mots, non seulement, on entendait une histoire, mais encore, il y avait la possibilité d’en décliner d’autres.

Pour les besoins de la sélection TEDx Saclay, je n’ai pas procédé autrement : j’ai proposé une version réduite d’un conte, en m’appuyant sur les mots les plus significatifs, le challenge étant de toucher un parterre de scientifiques, qui étaient a priori venus pour tout, sauf pour entendre un conte. De ce point de vue, l’autre feedback de la responsable marketing m’a plutôt réjouie : «  Ce que vous avez dit est d’une grande simplicité, et je n’y avait pas pensé avant ». On ne pouvait pas mieux dire et ce faisant, me faire plaisir. Le conte n’est manifestement pas son univers et, pourtant, cela l’a intéressée et même touchée. Qui plus est, elle a bien saisi que c’est précisément la narration qui nous relie. Si j’éprouve encore un peu de frustration, c’est de n’avoir pu expliciter le rapport du conte au vivant [thématique de la prochaine édition de TEDx Saclay]. Mais si j’ai pu semer ne serait-ce que quelques graines…

– C’est dire aussi si une conteuse n’évolue pas dans un milieu hostile quand elle intervient dans un écosystème comme Paris-Saclay et même sur un campus comme celui de Data4 [où se déroulait la sélection], un lieu hautement numérique et technologique s’il en est…

Non, au contraire ! Je suis convaincu que le conte a sa place en toutes circonstances, qu’il faut en distiller partout. Si la fréquentation d’autres conteurs m’est précieuse, j’aspire aussi à sortir de ce milieu, pour introduire du décalage, inviter à un autre regard sur la vie, qui pourra passer par l’intellect, mais aussi par l’émotion. On dit de la musique qu’elle adoucit les mœurs, mais il en va de même du conte. Et même dans un monde numérique, à l’heure du Big Data. Un conte, ce n’est rien d’autre qu’un moyen de faire rejaillir des données personnelles ! Il n’est jamais aussi puissant qu’en arrivant de manière un peu impromptue, comme au cours de cette sélection. D’ailleurs, plusieurs chercheurs et scientifiques sont venus me voir à l’issue de mon intervention, pour me faire part de leur « émotion ». C’est le mot qu’ils ont utilisé. J’ai perçu aussi beaucoup de curiosité à l’égard du métier de conteur, car manifestement c’en est bien un à leurs yeux, au même titre que celui de chercheur.

– Pourrait-il d’ailleurs y avoir un conte scientifique ? Cela aurait-il du sens pour vous ?

Oui, car le conte n’est finalement pas aussi étranger que cela à la démarche scientifique. Il se trouve que ma sœur aînée est chercheuse. Selon elle, la première qualité quand on fait de la recherche, c’est d’avoir de l’imagination. Sans imagination, dit-elle, il est très difficile d’être chercheur. Il faut en avoir pour ne serait qu’avoir l’audace de formuler des hypothèses. De là aussi l’intérêt que les scientifiques ont souvent pour les romans de science-fiction. C’est du moins le cas de ma sœur.

– Chercheur et conteur ont un autre point commun : le sens de l’observation…

Oui, parfaitement.

Je comprends mieux pourquoi j’étais aussi curieux d’en savoir plus sur vous et votre métier. Car en réalité Média Paris-Saclay a déjà eu l’occasion de témoigner du lien entre l’univers scientifique et celui du conte, à travers cette notion de sérendipité, dont on constate qu’elle fait florès dans le champ de la recherche, mais en oubliant de rappeler qu’elle a été forgée en référence à… un conte persan, celui des Princes de Serendip [pour en savoir plus, voir la chronique de l’ouvrage sur la Sérendipité, de Sylvie Catellin ; pour y accéder, cliquer ici]…

Mais c’est proprement génial ce que vous m’apprenez-là ! Je connaissais ce mot de sérendipité, mais sans en connaître l’origine. La boucle est donc bouclée !

Post-scriptum : depuis la réalisation de cet entretien, Sylvie Mombo nous a fait part d’une très bonne nouvelle : finalement, elle participera bien à l’édition 2017 de TEDx Saclay ! Manifestement, son intervention a fait forte impression aux organisateurs comme à de nombreux spectateurs. Voici ce que lui inspire ce… « conte de fée » : « Me voilà comme un personnage qui voit son vœu se réaliser ! J’oscille entre incrédulité et bonheur sans limite… tout en sachant que la mission est de taille ! »

Pour en savoir plus sur Sylvie Mombo, cliquer ici

Crédit photo : Tchekchouka (pour la photo en illustration de cet article) ; Christelle Henry (pour la photo de la page d’accueil).

* In Princesse d’ivoire et d’ivresse (1902), cité par Sophie Basch, Les sublimes portes : d’Alexandrie à Venise, parcours littéraire dans l’Orient romanesque, éditions Honoré Champion, 2004. Merci à Belgheis Alavi de nous avoir fait découvrir ce livre.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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